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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'organisation municipale à Lévis: étude de sociologie politique” (1961)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Vincent Lemieux, “L'organisation municipale à Lévis: étude de sociologie politique”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 2, no 3-4, juillet-décembre 1961 pp. 437-472. Québec: Les Presses de l’Université Laval. [Autorisation de l'auteur accordée le 13 août 2004 de diffuser toutes ses publications.]

Introduction

Je voudrais d'abord décrire, à grands traits, le milieu démographique, économique, social et culturel dont il sera question dans cet article. Une étude sociologique de l'organisation. municipale doit commencer par là. 

Peuplement et population. - Le territoire aujourd'hui occupé par Lévis faisait partie, sous le régime français, de la seigneurie de Lauzon. À partir de 1818 Caldwell y fait surgir sa ville d'Aubigny, magnifique mais éphémère. C'est en 1851, année de fondation de la paroisse Notre-Dame, que s'amorce la reprise du peuplement. Dix ans plus tard, le village devient municipalité sous le nom de Lévis. 

Jusqu'à la fin du siècle, le développement est considérable, surtout grâce au réseau ferré branché sur Lévis plutôt que sur Québec. Un grand atelier de construction mécanique (Carrier et Lainé) emploie alors jusqu'à 600 personnes. Mais lorsque Québec est pourvue de voies ferrées, cette croissance s'arrête. La population qui était de 7,783, en 1901, n'est plus que de 7, 452, en 1911. Le pont de Québec, jeté en 1917, accentue encore cet arrêt. L'année précédente, soit en 1916, la municipalité de Notre-Dame-de-la-Victoire (Villemay) s'était annexée à celle de Lévis ; aussi en 1921, la population est-elle de 10,470. Les années trente sont des années d'émigration, d'où le faible accroissement démographique (11,724 en 1931 ; 11,991 en 1941). 

Depuis la guerre, l'accroissement est plus régulier, bien qu'inférieur à celui de la ville de Québec et à celui de l'ensemble des municipalités de la rive sud de Québec (Lauzon, Lévis, Saint-David, Saint-Télesphore, Saint-Romuald, Charny et Saint-Nicolas). En 1956, Lévis compte 13,644 habitants. Parmi eux, il y a à peu près neuf hommes pour dix femmes, ce qui s'explique surtout par l'économie et les occupations. En 1871, on comptait 469 non-catholiques et 516 Irlandais catholiques. Aujourd'hui, les individus des deux groupes ne sont plus qu'une centaine. 

Économie. - Les industries et établissements commerciaux de Lévis sont à peu près tous installés dans trois secteurs de la ville. 

Le premier de ces secteurs se situe dans la basse-ville, près du fleuve et du chemin de fer. Presque toutes les industries lévisiennes importantes se sont installées et développées là, et de nombreux établissements commerciaux y existent encore. C'est aussi le point d'arrivée et le point de départ de trains, de bateaux-passeurs, de taxis, d'autobus locaux et interurbains. 

Les alentours du Rond-Point, situé dans le haut de la ville, sur la route Trans-Canada, forment un autre foyer d'activité économique. Neuf grandes routes s'y rejoignent et de nombreux vendeurs d'automobiles, de camions, de pièces et accessoires se sont établis dans ce secteur depuis la fin de la guerre. 

Enfin, la Côte du Passage, au cœur de la ville, et quelques rues qui y mènent constituent le centre du commerce de détail. Des banques, les Caisses Populaires, des petites industries artisanales sont installées dans ce secteur. 

Quelques établissements industriels, dont celui de Baribeau et Fils qui employait, en 1957, une centaine de personnes, se trouvent à l'écart de ces trois zones économiques. Baribeau et Fils est l'entreprise la plus importante de la ville, ce qui indique bien que Lévis n'est pas un milieu industriel. Depuis la fermeture de la fonderie Carrier et Lainé, il n'y a plus d'industrie majeure, de pôle économique dominant à l'intérieur de ses frontières. 

La situation économique de Lévis se traduit, en termes d'occupations, par quelques faits remarquables. Les "primaires" (agriculteurs, abatteurs, forestiers et pêcheurs) ne sont qu'une cinquantaine. Le nombre de "secondaires" (dans l'industrie, les manufactures, sur les chantiers de construction et d'entretien, dans les garages, etc.) travaillant à Lévis même est relativement peu élevé. Ensemble, les "primaires" et ces "secondaires" forment environ 30% de la main-d’œuvre. Si on leur ajoute les "secondaires" travaillant à Lauzon, à Québec et ailleurs, on atteint à peu près 40%. 

Tous les autres sont des "tertiaires" : des professionnels, des religieux et religieuses nombreux, mais aussi plusieurs fonctionnaires provinciaux, des employés des transports et communications, des représentants, des commerçants, des commis, etc. Lévis est de toute évidence le centre commercial le plus important de la rive sud de Québec. En 1956, il y avait 1,656 propriétaires et 1,466 locataires : la proportion des premiers était donc relativement forte. 

Organisation sociale. - En 1957, l'intérêt de la population envers la Commission scolaire de Lévis était à peu près nul : depuis nombre d'années toutes les élections se faisaient par acclamation. Remarquons que deux autres Commissions scolaires, celle de Bienville et celle de Saint-David, couvrent une partie du territoire de la municipalité de Lévis. 

Même situation au niveau paroissial : si la paroisse Notre-Dame couvre le centre de Lévis, les paroisses de Bienville à l'est de ce centre, de Christ-Roi au sud, de Sainte-Jeanne d'Arc et de Saint-David à l'ouest, envahissent le territoire de la municipalité. Dans la paroisse centrale (Notre-Dame), les associations paroissiales étaient, au moment de notre étude, dans une période creuse. Les mouvements d'Action catholique, par exemple, étaient tous disparus depuis une dizaine d'années. Le départ, vers 1940, d'un curé qui était un maître organisateur a semblé marquer le début de ce déclin. 

Parmi les associations civiques, on remarquait surtout les Chambres de Commerce Senior et Junior. Les deux Chambres, notons-le, étaient composées d'individus de Lévis et de Lauzon, tout comme la plupart des autres associations qui existaient alors (les "Lions" et le "Richelieu", les Chevaliers de Colomb, le Cercle des voyageurs de commerce, le Cercle dramatique et musical, etc.). 

On tentait, en 1957, de faire revivre une section de la Société Saint-Jean-Baptiste. C'est aussi cette année-là que fut fondée une Ligue d'action civique, en vue des élections de septembre. 

Culture. - Le maire de Lévis me disait, en 1957 : "La population de Lévis est une des plus instruites de la province, à cause du collège surtout... Aux Caisses Populaires, par exemple, on emploie 200 personnes et tous ces gens sont instruits". Quelques jours plus tard, c'était le curé que j'entendais dire : "Ici à Lévis, c'est intéressant, les gens sont instruits, ils sont capables de raisonner leur affaire : ce n'est pas comme dans les milieux ouvriers où il faut prendre les gens par le sentiment". 

Mais cette bonne instruction chez un grand nombre de Lévisiens les éloigne d'autant plus des couches inférieures de la population. La distance sociale a même un caractère écologique assez précis, car la basse-ville et la côte Labadie qui y mène sont souvent considérées comme des secteurs marginaux. On parlera des "gars d'Hadlow" (quartier Saint- Laurent), des "gars du canton à Batoche" (alentours de la côte Labadie) comme des durs-à-cuire, etc. 

Un vicaire de la paroisse Notre-Dame est conscient de cette distance : “Les gens de la basse-ville et de la côte Labadie, me dit-il, on ne les voit pas, on ne les connaît pas... ils fuient l'église. Les logements de ces secteurs (souvent des taudis) sont loués à des gens pas trop bien, pas trop 'fins'”. Il y a, selon lui, un mur entre le gros de la paroisse et ces secteurs, ainsi qu'entre la paroisse Notre-Dame et la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc (le quartier Saint-Laurent). 

L'ensemble de Lévis est de plus en plus pris dans le champ de forces de Québec, d'autant plus que la paroisse, qui autrefois constituait un centre de regroupement, remplit de moins en moins cette fonction depuis dix ou quinze ans. 

On dit parfois de Lévis que c'est une ville morte, que les filles ne trouvent pas à s'y marier. On insiste sur le fait que plusieurs familles, lorsque deux ou trois de leurs membres doivent traverser régulièrement à Québec, déménagent de l'autre côté du fleuve... 

Les anciens curés de la paroisse Notre-Dame demeurent pour les vieux paroissiens le symbole d'une organisation jadis bien vivante, d'un passé glorieux qu'on évoque avec mélancolie, sans qu'on voie très bien quel nouveau centre de rassemblement pourrait redonner à Lévis une "culture" bien à elle... 

 

Position du problème

 

C'est dans ce milieu que j'ai étudié certains aspects de la vie politique municipale, de 1954 à 1957. Les élections de 1957 ont apporté un changement quasi-total dans la composition du Conseil municipal, et l'administration de Lévis en a été modifiée, mais je ne m'occuperai pas ici de ce qui s'est passé alors et depuis. Mon propos n'est pas historique, mais sociologique : par l'étude d'un cas limité dans l'espace et le temps je voudrais circonscrire quelques-uns des problèmes qui me semblent se rattacher, chez nous, à l'organisation municipale. 

Pour y parvenir, je diviserai mon travail en trois sections, ou mieux en trois cercles concentriques. Je commencerai par le plus extérieur pour aboutir au plus intérieur. 

Dans une première section, j'indiquerai quelle est la composition du Conseil municipal, quels sont les officiers et employés qui sont à sa disposition, pour ensuite établir, à partir des procès-verbaux, le réseau de communication dont l'administration municipale est le centre. Ainsi sera donné un arrière-plan sur lequel se dessinera tout le reste. 

À partir de ce réseau de communication, et d'autres indices, comme le budget, les règlements et mes propres observations sur quelques séances du Conseil, je ferai, dans une deuxième section, l'examen des fonctions accordées par la loi à l'administration municipale, fonctions qu'elle remplit plus ou moins également, et de façon plus ou moins adéquate au milieu lévisien. Je signalerai, chemin faisant, ce que pensent mes informateurs [1] de ces fonctions telles que remplies à Lévis. 

La troisième section, où l'on verra le Conseil aux prises avec son milieu extérieur, puis le Conseil en son milieu intérieur, expliquera en partie les faits constatés dans la section précédente. J'ajouterai, pour compléter le tableau, certaines opinions de mes informateurs sur l'intérêt de la population envers l'action du Conseil. 

En conclusion, j'essaierai de mettre un peu d'ordre dans les faits et opinions recueillis et de construire une problématique provisoire de l'organisation municipale chez-nous.


[1]     En plus du maire et de quatre échevins qui seront désignés comme tels dans le tableau 1, mes informateurs sont un vicaire de la paroisse Notre-Dame de Lévis ; un officier de la Cité dont le poste est très important ; un journaliste "couvrant" les séances du Conseil ; le rédacteur en chef de La Tribune de Lévis, qui se trouve eue aussi le secrétaire de la Chambre de Commerce et de la commission d'urbanisme ; un ancien maire et échevin de Lévis ; un ancien échevin et un échevin de la Cité de Lauzon.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 21 janvier 2007 8:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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