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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Vincent Lemieux, L'organisation sociale et politique sur l'Île d'Orléans”. Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 3, no 3, septembre-décembre 1962, pp.369-371. “Situations de la recherche. Québec: Les Presses de l’Université Laval. [Autorisation de l'auteur accordée le 13 août 2004 de diffuser toutes ses publications.]

Texte de l'article
L'organisation sociale et politique sur l'Île d'Orléans

Le choix de l'île d'Orléans comme terrain d'étude pourrait faire croire à une volonté de notre part de partir à la recherche d'un milieu « typique », où la vie traditionnelle est mieux qu'ailleurs conservée. Nous estimons pouvoir dire, honnêtement, que ces considérations, qui relèvent davantage du tourisme que de la science, n'ont pas pesé sur notre choix.

 

Nous avons plutôt considéré que nous avions là, près de Québec, une organisation de l'espace remarquable où non seulement six localités sont disposées en ceinture autour de l'île, mais sont en symétrie quasi parfaite les unes avec les autres. Sainte-Pétronille et Saint-François occupent chacune un des bouts de l'île, tandis que Saint-Pierre et Sainte-Famille, les deux localités du côté nord, sont juxtaposées à Saint-Laurent et Saint-Jean, les deux localités du côté sud. D'autres caractères, comme l'isolement relatif de Québec et des deux côtés, une population longtemps stationnaire et par moments décroissante (à cause de l'émigration) invitaient à une recherche dans la tradition de l'ethnologie, et c'est ce que nous avons voulu tenter, du moins dans un premier moment.

 

En effet, après une introduction d'ordre historique, démographique et économique, nous nous proposons de faire l'étude la plus exacte possible des structures de parenté sur l'île et des attitudes qui les sous-tendent. Cette étude sera complétée par celle des voisinages et autres solidarités qui prolongent les liens de parenté et se modèlent sur eux. Toujours dans le prolongement de ces faits, nous voudrions étudier la spatialisation traditionnelle de toutes les localités, sauf Sainte-Pétronille et Saint-François (celle-ci étant divisée entre nord et sud), en « Haut », « Centre » (ou village) et « Bas » pour éclairer les connexions et les oppositions qu'elle implique. Ces différents liens entre parents, voisins, habitants d'une même localité ou d'un même « bout » de localité, nous les verrons à l'œuvre au moment des baptêmes, mariages, sépultures, fêtes, veillées, corvées, etc., ainsi que dans le domaine juridique de la transmission des terres, où les patients travaux de M. Léon Roy [1] constituent un solide point de départ.

 

Dans un autre moment de la recherche, nous ferons l'étude des associations, c'est-à-dire des liens sociaux plus volontaires que les insulaires entretiennent entre eux. Nous nous arrêterons brièvement aux associations paroissiales, qu'elles soient religieuses, sociales, économiques ou patriotiques. Mais ce seront surtout les quelques associations qui s'étendent aux dimensions de l'île (Coopérative, Chambre de commerce) qui retiendront notre attention. L'étude des associations politiques partisanes fera la transition de cette deuxième partie à la troisième, et plus généralement de l'organisation sociale à l'organisation politique.

 

Par organisation politique, nous entendons avant tout l'organisation municipale et l'organisation scolaire de chacune des localités, mais aussi le conseil de comté (l'île d'Orléans forme un comté municipal) et, dans la mesure où elles ont un impact sur l'île, les organisations politiques provinciale et fédérale. C'est à ce moment, on le voit, que sera posé le problème du patronage.

 

Dans un quatrième et dernier moment, la recherche portera sur les comportements électoraux, aux niveaux scolaire, municipal, provincial et fédéral. En fait, nous étudierons surtout les comportements des deux derniers niveaux. Cette étape finale de notre projet sera aussi celle d'un début de synthèse, car nous croyons qu'une campagne électorale, à condition d'en retenir toutes les manifestations, constitue, sur l'île d'Orléans tout au moins, une espèce de phénomène politique total où se trouvent impliqués à peu près tous les phénomènes qui auront fait l'objet de notre recherche.

 

Plus précisément, nous voudrions montrer par les comportements électoraux et quelques autres phénomènes révélateurs comment les liens sociaux de parenté, de voisinage, de paroisse etc., fondés sur l'intimité et la proximité, pénètrent et commandent les liens politiques, qui devraient pourtant, pour remplir leur fonction propre, dépasser ces liens sociaux. Nous voudrions aussi indiquer, en conclusion, comment ce dépassement pourrait être réussi sans que soit altérée l'authenticité des localités concernées.

 

La recherche dont nous venons de résumer le projet est commencée depuis juin 1962. Nous avons pu compter dès cette date, grâce à l'Université Laval qui finance seule l'entreprise, sur le concours très personnel et très précieux d'un assistant, M. Michel Chaloult. À peu près toute la documentation concernant l'île d'Orléans a été examinée et des entrevues ont été faites auprès d'informateurs-clés, dont notre collègue, Me Jean-Charles Bonenfant, qui sait si bien observer l'île de sa maison de Saint-Jean. Nous sommes également sur le point de terminer le dépouillement, dans les registres de l'état civil, de toutes les alliances survenues sur l'île depuis 1870, date approximative où s'est arrête Forgues dans sa Généalogie des familles de l'Île d'Orléans. [2] Nous nous proposons une analyse systématique de ces données, au moyen d'un traitement mécanographique, cela afin de construire pour l'été prochain un schéma d'enquête sur les attitudes à l'intérieur des groupes de parenté.

 

Deux élections fédérales et une élection provinciale en dix mois nous ont contraints de consacrer aux comportements électoraux, en ce début de recherche, plus d'attention et surtout plus de temps que prévu. Nous avons assisté à quelques assemblées politiques sur l'île en juin, et à toutes celles qui précédèrent l'élection provinciale de novembre (ainsi qu'au tour de l'île du chef de l'Union, Nationale). Chaque fois, nous avons pris des notes abondantes et interrogé quelques participants. De plus, après chacune de ces deux élections, nous avons rencontré plus de vingt organisateurs politiques, de tous les partis et de toutes les localités, pour parler avec eux de l'élection qui venait d'avoir lieu. [3]

 

Michel Chaloult a aussi rencontré en octobre et en novembre derniers une cinquantaine d'électeurs de Sainte-Pétronille, pour leur faire remplir un questionnaire. Un peu plus tard, soit en décembre, il effectuait un rapide sondage auprès d'une centaine d'électeurs de Sainte-Pétronille et de Saint-François. Les résultats de ces deux enquêtes font actuellement l'objet d'une thèse de maîtrise de la part de leur auteur.

 

Au moment où nous rédigeons cette note, nous nous préparons à suivre une nouvelle campagne sur l'île, celle qui mènera aux élections fédérales du 8 avril 1963.

 

Au cours de l'été 1963, une fois l'enquête terminée sur cette élection, nous nous proposons de travailler tout spécialement, par observation sur le terrain et par entrevues auprès d'informateurs-clés, sur les structures et les attitudes de parenté, ainsi que sur l'ensemble des phénomènes qui doivent relever de la première partie de la recherche. Nous poursuivrons aussi l'étude déjà commencée des associations et des organisations politiques.

 

L'hiver prochain, nous voudrions, entre autres choses, retrouver dans les journaux de Québec tout ce qui a trait aux anciennes luttes électorales et rencontrer ensuite les anciens candidats, députés et organisateurs qui ont fait en leur temps campagne sur l'île. Nous estimons que la recherche se poursuivra jusqu'à l'été 1964.

 

Vincent LEMIEUX 

Département de science politique,
Université Laval.


[1] [Léon Roy], « Les terres de l'Île d'Orléans » documents publiés en trois tranches dans le Rapport de l'Archiviste de la province de Québec pour 1949-50 et 1950-51 (nos 30 et 31, 147-260), pour 1951-52 et 1952-53 (nos 32 et 33, 300-368) et pour 1953-54 et 1954-55 (nos 34 et 35, 1-69).

[2] [Abbé Michel FORGUES], Généalogie des familles de l'île d'Orléans, Archives canadiennes, Document de la Session no 18, 1906, 360 p.

[3] Une communication, fondée en grande partie sur ces entrevues, a été présentée au dernier Congrès de l'A.C.F.A.S. (à Montréal, le 2 novembre 1962) sous le titre de « L'élection fédérale du 18 juin 1962, à l'île d'Orléans ».


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 21 janvier 2007 7:14
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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