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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
La vitalité paradoxale du catholicisme québécois (1992)
Introduction
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Raymond Lemieux et Jean-Paul Montminy, La vitalité paradoxale du catholicisme québécois . Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de MM. Gérard Daigle et Guy Rocher, Le Québec en jeu. Comprendre les grands défis. Chapitre 20, pp. 575-606. Montréal: PUM., 1992, 812 pp. [Autorisation formelle accordée par M. Raymond Lemieux le 26 février 2004.] M. Raymond Lemieux est professeur titulaire de sociologie de la religion et d'histoire du christianisme à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de lUniversité Laval. M. Jean-Paul Montminy était, au moment de la publication de cet article, sociologue et doyen de la Faculté des sciences sociales de lUniversité Laval.
Introduction
Les discours concernant le catholicisme québécois s'articulent communément autour de trois idées: l'affaissement des pratiques et des appartenances traditionnelles: l'explosion observable par ailleurs d'un marché du sens élargi, et la distance, sinon la rupture, entre l'Église-institution et la masse des «croyants», a fortiori entre l'Église-institution et la quête de sens diffuse dans le reste de la société. Dans ce contexte, la critique des institutions ecclésiales n'est plus à faire tant elle est omniprésente à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Église. Citons simplement en exemple cet extrait d'un document récent de l'Assemblée des évêques du Québec (1987, p. 451), qui en synthétise la question: «En bref, y lit on, l'Église n'est plus signifiante. Un fossé s'est creusé d'une part entre l'Institution-Église et ses propres membres, et d'autre part, entre l'Église et le monde».
On pourrait analyser longuement cette perte de signifiance, et sans aucun doute est-il important de le faire: elle nous informe précieusement sur la culture de base des Québécois, cette culture primordiale qui a été façonnée, pendant un temps important de leur histoire, par une institution catholique dominante et parfois triomphante. Cette institution, quoiqu'elle reste la référence de base de 85% des Québécois quand il s'agit de dire leur identité religieuse, ne semble plus être en mesure d'affirmer sa crédibilité dans le monde contemporain. L'image de l'Église véhiculée par les mass media et les conversations courantes, si l'on excepte l'épiphanie ponctuelle qu'a représentée la visite pontificale de 1984, est plus souvent qu'autrement négative. Ce sont les évêques eux-mêmes, encore une fois, qui en font le constat dans le document précité. Les exemples d'une telle mise en cause de la crédibilité ecclésiale ont d'ailleurs été courants au cours de l'année 1990: de l'exploitation des scandales sexuels terre-neuviens jusqu'à la dénonciation de la position historique des Sulpiciens par rapport aux Amérindiens de Kanesatake. Le mot «religion» lui-même, naturellement associé au catholicisme par les Québécois, est devenu une sorte de repoussoir, évoquant les arguments dits d'autorité et l'imposition plus ou moins subtile d'un mode de pensée impérialiste.
Comment parler, dans ces conditions, d'une vitalité du catholicisme? N'est-ce pas encore une fois forcer les choses? Manier gratuitement le paradoxe? Pourtant, pour qui y regarde de près, les indices de vitalité existent. Reste à apprendre à les voir et, surtout, à en saisir la portée. Le catholicisme, comme toute réalité sociale, est un univers complexe qui supporte mal les jugements globaux et définitifs. Là où il semble moribond, il peut susciter des mobilisations remarquables: là où on le dit monolithique, il présente des facettes multiples au regard attentif: là où on le dit sans force politique, il s'avère un adversaire dangereux pour qui s'y frotte: là où on le dit insignifiant, il reste un réservoir de significations ultimes pour ceux qui s'y réfèrent spontanément, et pour bien d'autres aussi.
Avant de tenter de tirer au clair ce qu'il en est véritablement, sans doute est-il bon d'expliciter ce que nous entendons par ce terme de «vitalité». Nous proposerons donc une démarche en trois étapes. D'abord, nous tenterons d'élaborer une problématique d'analyse du catholicisme québécois qui nous permette de sortir des lieux communs énoncés au départ et de chercher, pour une fois, non pas les indices de mort mais les indices de vie d'un phénomène qui, si l'on en croit ses critiques, n'en finit pas de mourir. Ensuite, nous tenterons d'analyser succinctement les principales tensions, les enjeux et les défis qui rendent le catholicisme, qu'on le veuille ou non, partie prenante des conjonctures sociales importantes du Québec en cette fin de siècle. Enfin, nous illustrerons ce propos par J'analyse rapide d'un certain nombre d'indices de vitalité de ce catholicisme, indices paradoxaux bien souvent, mais néanmoins significatifs. Toute vie n'est-elle pas faite de paradoxes?
Dernière mise à jour de cette page le dimanche 21 janvier 200718:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
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