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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les défis contemporains de l'enseignement religieux.” (1988)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Raymond Lemieux, “Les défis contemporains de l'enseignement religieux.” Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Marcel Aubert, Micheline Milot et Réginald Richard, Le défi de l'enseignement religieux. Problématiques et perspectives, pp. 227-238. Québec : Université Laval, Groupe de recherches en sciences de la religion, 1988, 242 pp. Collection: Les Cahier de recherches en sciences de la religion, vol. 9. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 28 août 2006.]

Introduction

Parler, une fois de plus, de l'enseignement religieux au Québec relève du défi. Tout n'a-t-il pas été dit sur le sujet, depuis trente ans ? Pourtant, bien des questions restent ouvertes. Les mêmes récriminations continuent d'être entendues, de part et d'autre : l'enseignement catéchétique ne produit pas plus de chrétiens engagés qu'il en produisait en 1960.... l'ouverture de l'école catholique au pluralisme est tout aussi ambiguë... Les régimes d'options, ajustés et corrigés, paraissent toujours une taille en dessous des besoins et des aspirations de leurs usagers... Malgré ses efforts continus et souvent admirables, malgré la ronde des renouveaux pédagogiques et du perfectionnement des maîtres, l'enseignement religieux semble à jamais voué à ne pas correspondre à ce qu'on attend de lui, ni à l'expérience vécue des enseignés, enfants et adolescents, ni à celle des adultes, parents et éducateurs. 

La lecture des textes qui précèdent nous force à prendre compte d'un certain nombre de culs-de-sac. La population francophone du Québec est culturellement croyante, si on se fie aux sondages qui périodiquement l'auscultent, et elle est probablement moins éloignée de ses racines traditionnelles qu'on se plaît à le dire en certains milieux. Mais en même temps, elle est largement non pratiquante et elle adopte couramment des modes de vie et des comportements en écart par rapport aux mots d'ordre ecclésiaux. Or à l'école, elle est mise en demeure d'effectuer un choix qui, dans bien des cas, ne correspond pas à ses « expériences » vitales : on lui propose ou bien un enseignement religieux « catéchétique » qui se présente, théoriquement, comme l'apprentissage d'attitudes, de comportements et de connaissances partagées par les communautés de foi chrétienne, ou bien un enseignement « moral » qui, pour mieux définir sa polarité par rapport l'autre, élague de son contenu les références aux valeurs religieuses. Dans le premier cas, on veut faire abstraction du caractère culturel et traditionnel des croyances assumées par l'enseignement religieux, comme si la religion n'avait pas d'histoire et comme si les « valeurs chrétiennes » n'avaient pas de réalité au-delà de l'appropriation consciente que s'en donnent les « croyants ». Dans le second cas, on veut faire comme si la culture commune n'était pas, elle aussi, pétrie de religion... chrétienne. 

Les « religieux »... et les autres. Point n'est besoin d'insister sur les risques d'une telle structure schizoïde ! Bien sûr, et peut-être heureusement, nous ne venons de présenter qu'une vue abstraite des choses. Dans le concret, chacun aménage sa place, de façon plus ou moins satisfaisante. Chaque fois que je réfléchis à cette question, me revient en mémoire une situation vécue au début de la première année scolaire de mon fils. C'était en 1984, année inaugurale du régime d'option. À l'école où il était inscrit, le choix des options, en première année, s'était partagé de façon parfaitement égale : dix enfants en enseignement religieux, dix enfants en enseignement moral (ce qui est exceptionnel). Lors de la rencontre parents-enseignants de début d'année, la question fut posée à la titulaire (assumant de fait l'enseignement religieux ; l'autre, spécialiste de l'enseignement moral, itinérant en plusieurs écoles) : quelle est la différence entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral ? De répondre l'enseignante : « nous faisons la même chose, sauf que nous, en plus, nous ajoutons Jésus... ». 

On pourrait certes discuter des assises théologiques d'une telle approche catéchétique. Cela fut fait largement au début des années soixante-dix, quand on a reproché aux programmes du secondaire de « parachuter » Jésus-Christ sur des réflexions et des démarches par trop humaines, concernant l'engagement social, la sexualité, l'affectivité (toutes choses, somme toute, qui concernaient aussi l'éthique de la vie sociale)... On a assisté alors, par média interposés, à une véritable guerre des catéchismes, guerre répercutée jusque dans les assemblées épiscopales. 

Nous voici Pourtant en 1984, et en première année d'élémentaire... On ne saurait certes reprocher à cette titulaire, pourtant, un manque de sens pratique. Dans une situation équivoque, la première réaction d'une personne normale n'est-elle pas de colmater les brèches, pour faire en sorte que les affectivités de chacun, c'est-à-dire les sentiments d'appartenance, ne soient pas trop écorchées... quitte à ce que la « théorie », les idéaux diffusés par les instances supérieures, en perdent du lest. En faisant ce type de réponse, la titulaire savait, du lieu des dix-huit ans d'expérience dont elle avait fait état en début de rencontre, qu'elle réconcilierait tous les parents. Ceux-ci, en deçà des options auxquelles on les convie, ne partagent-ils pas, en effet, une même hantise à double face : d'une part la crainte du prosélytisme, la peur d'être objet d'une entreprise de forçage religieux dont le préjugé hante tant la mémoire des québécois de vieille souche que le discours des néo-québécois, d'autre part la crainte de l'exclusion du groupe majoritaire, la peur de la mise en marge et de l'état d'exception qui étaient le lot des « exemptés » avant 1984 - et qui continue souvent d'être celui de l'enseignement moral par la suite - représentant pour l'enfant la mise à l'écart pratique de son groupe scolaire normal. 

À continuer de réfléchir sur la situation de l'enseignement religieux au Québec, ce à quoi les textes précédents nous convient avec persévérance et courage, malgré le cul-de-sac dans lequel cet enseignement semble embourbé, il nous paraît que trois méprises importantes handicapent nos discours, bloquent sans cesse nos efforts de discernement et annulent les trop timides progrès qui sont faits ici et là. La première de ces méprises a trait à l'enseignement catéchétique lui-même (et par répercussion, l'enseignement moral) ; la deuxième concerne l'état religieux du Québec ; et la troisième, à propos de laquelle nous conclurons, regarde d'une façon générale la signification du fait religieux dans son rapport à la culture.


Revenir au texte de l'auteur: Raymond Lemieux Dernière mise à jour de cette page le lundi 22 janvier 2007 9:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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