RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La Presse, Montréal, le 28 août 1985, page A 7 — tribune libre.

L’individualisme renaît en Amérique

Par Pierre Lemieux
[Économiste, professeur associé, Université du Québec en Outaouais]

Email: PL@pierrelemieux.org


Les jeunes affichent un instinct individualiste qui contraste avec la culture collectiviste dans laquelle ils ont été élevés. On leur a enseigné que tout est social. Confusément, ils ne le croient plus. Car il y a l'individu. 

Les écoles, les médias et les Églises continuent d'entretenir une vision collectiviste du monde. Et plusieurs punks du troisième âge qui essaient gauchement de se recycler (au Parti libéral du Québec par exemple) ne peuvent bafouiller “liberté individuelle” sans ajouter “et collective”. 

Heureusement, une nouvelle culture individualiste apparaît en Amérique, en France, en Angleterre et ailleurs dans le monde. On découvre que les anciennes expressions fétiches comme “la société qui décide” ou “la nation qui grandit” n'ont aucun sens sinon totalitaire. Il n'y a que l'individu qui compte, et l'individu ne doit compter que sur lui-même. 

l'État‑providence court à la faillite. Malgré qu'il confisque la moitié de tous les revenus des Québécois, que ses exactions aient doublé par rapport à la production nationale depuis vingt ans, ses coffres sont étrangement vides. L’assurance‑maladie étatique coûte une petite fortune pour une médecine fonctionnarisée et des services de plus en plus rationnés. Les actuaires de Sobeco calculent que, dans une cinquantaine d'années. 40% des salaires devra être consacré au financement des programmes actuels de sécurité de la vieillesse, de retraites publiques et d'assurance-maladie. Sans compter les impôts pour tout le reste: éducation, assistance sociale interventions multiples... S'il leur reste encore quelque liberté et quelque dignité, nos enfants diront “non“. 

Il ne s'agit pas seulement de s'opposer à l’État, mais d’être en faveur de l'individu et des solutions privées. Par exemple, l’État vous empêche de travailler en imposant aux employeurs des conditions d'embauche irréalistes (réglementation des congédiements, normes du travail, discrimination positive, salaire minimum, conventions collectives, taxes diverses sur l’emploi); ou en exigeant un permis de travail (dans la construction, par exemple); ou en accordant aux syndicats des privilèges coercitifs qui institutionnalisent l’ancienneté et la médiocrité... Eh bien! il ne vous reste qu'à créer votre propre emploi, au noir s'il le faut. Ainsi s'explique l'accroissement des travailleurs autonomes et de l'économie souterraine au cours des dernières années. 

La faillite de l'État-providence et la naissance d'une nouvelle culture individualiste convergent vers la reconnaissance d'une règle d'or: pour faire sa vie librement, dignement et efficacement, il ne faut compter que sur soi, sur ses relations libres, sur des institutions privées. L’individu est sa propre providence. 

Les écoles publiques sont davantage des clubs privés d’enseignants que des entreprises au service des enfants, leurs clients. Allez‑vous manifester, former des comités, participer, parler à Pauline Marois, voter pour Pierre Fortier? Ce serait inefficace, anti‑individualiste et stupide. Débrouillez‑vous plutôt individuellement, votez avec vos jambes et envoyez vos enfants à l'école privée de votre choix. 

Bâtir sa vie en dehors des fausses sécurités collectivistes et étatiques serait ainsi le mot d'ordre des gagnants de l'avenir. On peut croire que les jeunes sont en train de le comprendre. 

Ce n'est pas toujours facile à mettre en pratique. Quand la famille québécoise moyenne paie le quart de son revenu en impôts de toutes sortes et que son taux marginal d'impôt sur le revenu frôle les 50%, allez donc économiser pour la retraite ou offrir à vos enfants le Collège Stanislas! Au fond l’État déteste la famille, qui le remplace trop bien. 

Quand l’État empêche les jeunes de travailler (rappelez- vous, il y a vingt ans, presque n'importe quel jeune pouvait trouver un emploi n'importe quand), il n'est pas facile de partir dans la vie. Et il est bien difficile d'éviter les hôpitaux étatisés et les médecins fonctionnaires quand l’État prohibe les établissements capitalistes et vous interdit (car c'est bel et bien interdit par la loi) d'acheter des assurances privées pour les services assurés monopolistiquement par la RAMQ. 

Mais il faut essayer. Ceux qui comptent sur la sécurité de l’État se préparent de cruelles désillusions. Et puis, nous ne sommes pas des assistés sociaux. 

Nos guérisseurs professionnels de maux sociaux, après avoir nié l'individu, ne se gênent pas pour ensuite verser quelques larmes de crocodile sur l’individu défavorisé qui, disent-ils, ne pourrait se débrouiller tout seul. Altruisme qui sonne faux. 

D’abord, les pauvres le sont souvent parce que l’État leur interdit de se débrouiller. L’État éthiopien, qui refuse les multinationales, ne fait que pousser le phénomène à l'absurde. 

Ensuite, l’État redistribue très peu aux vrais pauvres, sa redistribution favorise les fonctionnaires, les agriculteurs, les intellectuels, les groupes de pression, la nomenklatura de l'État-providence... Les gens qui s'arrangeraient mal sur le marché ne s'en tirent pas nécessairement mieux contre la bureaucratie étatique, corporatiste ou syndicale. 

Enfin, autant l’État est inefficace pour aider les pauvres, autant des efforts individuels et privés sont possibles, qui vont de la charité privée à l’entre­preneurship en passant par les associations communautaires. Avec un peu de chance et beaucoup de travail, l'avenir appartiendra au mécénat et aux organismes privés de services sociaux fiers d’être financés par des contributions volontaires plutôt que par la coercition fiscale. 

L’État ? Connais pas!


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 22 mars 2007 8:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref