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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LE QUÉBEC OTAGE DE SES ALLIÉS.
Les relations du Québec avec la France et les États-Unis
. (2003)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Anne Legaré, LE QUÉBEC OTAGE DE SES ALLIÉS. Les relations du Québec avec la France et les États-Unis. Montréal: Éditions VLB Éditeur, 2003, 332 pp. Une édition numérique réalisée par Jacques Courville, médecin et chercheur en neurosciences à la retraite, bénévole, Montréal, Québec. [Le 27 juillet 2011, Mme Légaré nous reconfirmait son autorisation de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[9]


Introduction


La décennie qui vient de s'écouler a profondément changé le monde. De nouveaux modes de concentration de la richesse et de domination ont renforcé les formes multiples de l'individualisme. Les représentations de soi sont de plus en plus fragmentées et les citoyens consentent sans trop réagir à la dilution sans limites des représentations de leurs appartenances collectives. Leur rapport à la chose publique tend à se réduire à sa plus simple expression. Les formations politiques sont confrontées à l'urgence de soumettre les choix sociaux à une logique de privatisation. Le Québec n'échappe pas à ces transformations.

De façon concrète, on peut voir à l'origine de ces mutations de nouvelles stratégies développées par les États-Unis sous l'effet des contraintes qu'ils subissent sur la scène mondiale : « Au moment même où le monde, en cours de stabilisation éducative, démographique et démocratique, est sur le point de découvrir qu'il peut se passer de l'Amérique, comme le souligne Emmanuel Todd, l'Amérique s'aperçoit qu'elle ne peut plus se passer du monde [1]. » Cette nouvelle dépendance accroît pour les États-Unis la nécessité de régner d'abord sur la portion du monde qu'ils peuvent plus naturellement maîtriser, c'est-à-dire sur la région qui les entoure. Le projet d'extension des règles de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui réunit les États-Unis, le Canada et le Mexique à l'ensemble des 34 États des deux Amériques, constitue la première expression de cette ambition. La [12] création d'une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), appelée par les pays au sud des États-Unis Accord de libre commerce des Amériques (ALCA), outre le fait d'ouvrir cet espace à de nouveaux marchés, vise à subordonner les droits sociaux aux droits civils et à instrumentaliser ainsi les sociétés dans le sens des intérêts privés. Il s'agit donc de transformations structurelles. La perspective d'en tirer un avantage stratégique supplémentaire et de renforcer leur puissance vient ajouter encore à la détermination des États-Unis. Comme l'écrivent certains experts, la formation de ce bloc régional pourrait « servir [aux États-Unis] de levier dans leurs négociations avec les autres grandes puissances économiques et faire valoir un autre modèle d'intégration régionale que celui préconisé par l'Europe ou que seraient tentés de proposer d'autres pays comme le Brésil, par exemple, ou comme le Japon ou la Chine [2] ». Le Canada et le Québec n'échappent pas à cette logique de domination. Il ne faut pas croire en effet que les intentions américaines sont totalement étrangères aux tribulations de la scène politique québécoise où ont fleuri ces dernières années divers projets de libéralisation. Dans cette foulée, on doit mesurer les conséquences pour le Québec d'un rétrécissement de la souveraineté canadienne du fait des nouveaux enjeux de sécurité à l'échelle du continent et prendre en compte les effets symboliques (et réels) de la présence américaine dans le périmètre de sécurité englobant le territoire du Canada aussi bien que celui du Québec. Les tiraillements observés dans les prises de position du Canada à l'occasion de la crise irakienne en ont été la plus nette expression. La conjoncture nouvelle à laquelle est confronté le Québec d'aujourd'hui entremêle ces réalités. La volonté politique signifiera peu de chose au-delà du court terme si elle ne s'accompagne pas d'une analyse rigoureuse des forces qui s'opposent tout autant que des dynamiques qui favorisent le projet d'affirmation du Québec vis-à-vis de l'ensemble canadien. Cette préoccupation est à l'origine de ce livre.

Prendre acte des transformations en cours ne signifie pas vouloir freiner l'affirmation de l'identité politique du [13] Québec. Il m'apparaît cependant important de souligner, d'entrée de jeu, qu'un contexte international nouveau pèse sur les choix du Québec. À l'époque de la formation du Parti Québécois, en 1968, l'affirmation du droit des peuples à l'autodétermination était la marque indubitable du progrès démocratique. Aujourd'hui, le droit international est plutôt devenu un instrument de refoulement de cette aspiration. Les États ont intériorisé la règle du droit international qui soumet leur individualité à l'élargissement croissant des espaces de contrainte interétatique, et ce, au détriment des espoirs de libération de ceux qui sont encore soumis à des tutelles relevant de conceptions dépassées du politique et de l'État. Le Québec n'étant pas un État souverain, il souffre de cette incapacité à agir en son nom propre et à définir lui-même les paramètres de ses engagements. Malgré cette faiblesse intrinsèque, les trente dernières années l'ont amené non seulement à surmonter le mieux possible les obstacles politiques que fait peser sur lui le fédéralisme canadien, mais à atteindre des niveaux de performance et de développement qui le placeraient, s'il était reconnu comme État, parmi les vingt premiers pays industrialisés de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Avec un PIB de 228 milliards, pour une moyenne de 30000 dollars de revenu par habitant et une économie d'une taille comparable à celle de la Suisse ou de la Suède, le niveau de richesse du Québec pourrait se comparer à celui de l'Allemagne. [3]

La décennie qui s'écoule a aussi été marquée par l'entrée du Québec sur la scène internationale par deux actes symboliques majeurs. L’Assemblée nationale a d'abord signifié son appui à la signature de l'ALENA, puis elle a adopté à l'unanimité le projet de loi 99, qui affirmait l'existence du peuple québécois et son droit à l'autodétermination. Au moment de la signature de l'ALENA et de l'élection du Parti Québécois, en 1994, le Québec jouissait d'une conjoncture régionale éminemment favorable. Aujourd'hui, dix ans plus tard, compte tenu à la fois de son expérience et des transformations de son environnement, le Québec devrait être en [14] mesure de tirer quelques leçons de cette période afin de revoir ses ambitions nationales et internationales, en les contextualisant davantage et en mesurant, par exemple, les gains et les pertes que lui vaudrait un continentalisme sans véritable contrepoids.

Définir des ambitions nationales suppose de subordonner les stratégies aux objectifs et non l'inverse. En d'autres mots, il faut savoir clairement à quoi les stratégies doivent servir, quel projet de société elles veulent renforcer, à partir de quels choix on voudra construire l'identité nationale. Tout le monde l'a dit : la souveraineté n'est pas une fin en soi. Avec l'effritement du sentiment collectif qui caractérise le monde actuel, l'ambition nationale du Québec ne peut se contenter de faire l'addition du vote de millions d'électrons libres. C'est d'abord le sens d'un vouloir-vivre ensemble qu'il faut continuer d'explorer. Ce livre vise à établir des liens entre les choix de politique internationale du Québec et le sens à donner à cette ambition nationale, dans un contexte marqué par de fortes tendances à l'intégration qui ne se limitent pas à l'économique.

La toile de fond sur laquelle se profile cette réflexion est la construction de l'identité québécoise. Cette étude cherche à poser solidement les liens qui existent entre la dynamique internationale et les transformations de la société. Je pose comme prémisse que la politique internationale du Québec doit être en grande partie définie par des choix de société. Mon propos cependant n'est pas d'analyser l'ensemble des relations internationales du Québec. J'ai été forcée d'ignorer de multiples terrains sur lesquels se déploie cette action. Ce choix pourra paraître injuste dans la mesure où il laisse dans l'ombre une action appréciable et qui correspond aux attentes des citoyens. Il s'agit pour moi de bien mettre en relief une position axiomatique : le Québec, par les effets d'une option continentaliste, est de plus en plus amené à endosser, sans qu'il y ait eu de débat, les conséquences sociales et culturelles d'une intégration régionale croissante. Si le domaine couvert par cette réflexion n'est pas exhaustif, il renvoie [15] cependant au noyau dur de la stratégie internationale du Québec. De plus, comme les études économiques sur les échanges entre le Canada (et le Québec) et les États-Unis abondent, je m'appliquerai plutôt à faire ressortir la dimension politique d'une relation faussement présentée comme exclusivement économique ou commerciale, pour mieux fonder l'effort de déplacement que je voudrais suggérer.

Selon la plupart des experts, les relations internationales conditionnent la politique intérieure. Elles ont un effet manifeste sur la politique intérieure des États et sur les sociétés qu'ils encadrent. Ce constat est encore plus vrai dans le cas du Québec. Une attitude déterministe en politique internationale ne laisse aucune place aux choix de société. Les comportements des principales puissances extérieures à l'endroit du Québec ont un poids certain dans les représentations que se font les Québécois de leur lien à l'autre. On peut penser qu'une des causes du piétinement de l'option souverainiste est l'absence de soutien international dont a souffert ce projet depuis sa mise en place.


Les relations internationales
et le lien à l'autre


Le gouvernement a consacré, depuis 1994, d'immenses efforts et des crédits considérables (même si ces sommes sont insuffisantes) à mieux faire connaître le Québec, à accroître ses échanges commerciaux et à mieux faire comprendre la cause de la souveraineté par ses principaux partenaires politiques, les États-Unis et la France. Le rayonnement du Québec à l'étranger et, en particulier, auprès de ces deux États a indéniablement profité de cette action et il est impératif de la poursuivre. Malgré tous ces efforts, il est clair que le Québec n'a pas obtenu le soutien officiel ni même l'appui tacite, discret et tranquille, sur lequel il comptait de la part de ses éventuels alliés dans son projet d'accession à la souveraineté. Les États-Unis ont manifestement exprimé leur préférence pour un Canada uni et la France s'est repliée sur la non-ingérence. [16] Ces deux puissances, chacune pour des raisons différentes, sous prétexte de ne pas intervenir dans les affaires canadiennes, ont refusé d'accorder le moindre signe d'encouragement ou d'ouverture au projet québécois.

Certains rappelleront, cependant, que les avis sont partagés en France à propos de la souveraineté du Québec et qu’un important courant gaulliste a tenu à ce que la France exprime sa « non-indifférence » à l'endroit du choix des Québécois sur leur avenir politique, quel que soit ce choix. Mais cette déclaration, reconnaissance formelle du jeu démocratique, est loin de laisser entendre aux Québécois que la France pourrait leur apporter un soutien politique efficace et contribuer à la reconnaissance du nouvel État par ses alliés de l'Union européenne.

Du côté des États-Unis, les choses ne se présentent guère mieux. Les États-Unis ont choisi de cacher leur position derrière leur relation privilégiée avec le Canada. Ils ont préféré une approche à la fois prudente et pragmatique, en s'efforçant, dans leurs déclarations officielles, de louer les vertus du modèle canadien. La position américaine ne s'est pas modifiée depuis l'élection du Parti Québécois.

Cet état de fait peut certainement expliquer en partie le peu d'enthousiasme et de foi dans la réussite du projet qu'on a pu détecter chez une grande partie de la population du Québec depuis le référendum de 1995. Tout appui symbolique de la part de l'une ou de l'autre de ces puissances, ou même une ouverture, fût-elle à peine sensible, à la souveraineté aurait pu être ressenti comme un encouragement à aller de l'avant, comme la caution d'un projet jugé faisable par l'étranger, comme le signe de la légitimité du rêve à poursuivre et comme autant d'arguments à faire valoir devant des adversaires coriaces. Au lieu de cela, les médias ont montré les faux pas, les occasions manquées, les soutiens avortés dans la quête acharnée des dirigeants politiques souverainistes pour obtenir l'esquisse d'appuis internationaux. Pourtant, tout n'est pas perdu. Ce qui a été fait doit être poursuivi afin que les retombées de ce long travail puissent un jour être [17] recueillies ou simplement transformées en signes de reconnaissance politique de la spécificité du Québec.


Lucidité et victoire

Reconnaître ces difficultés, les mettre au jour, les analyser et les nommer ne signifie pas renoncer. Bien au contraire. Sans un degré élevé de lucidité de la part des partisans de la souveraineté, l'atteinte de l'objectif perdrait de sa force. Les dirigeants souverainistes ont la responsabilité de faire suffisamment confiance aux citoyens pour partager avec eux les difficultés qu'il leur reste à surmonter et les obstacles qu'ils ont à vaincre ensemble.

La nécessité de la victoire semble parfois faire croire aux acteurs politiques que les tactiques de manipulation, d'occultation et autres formes d'atténuation des obstacles réels sont justifiées dans la mesure où elles garantissent des résultats. Dans le cas de la souveraineté ou de la reconnaissance politique de la spécificité du Québec, la mesure de ce changement, non seulement pour le Québec lui-même, mais aussi pour ses partenaires et alliés, ne doit pas être dissimulée au regard des citoyens. Au lieu de s'engager dans une quelconque dilution du projet pour le ramener à un dénominateur qui plaise à tous, l'affirmation politique du Québec doit être porteuse de signification pour une communauté qui se dit distincte.

D'après les résultats d'un important sondage, en 2002, trois Québécois sur quatre estimaient que « le réseau de bureaux et de délégations est utile pour représenter le Québec à l'étranger [4] ». Dans son rapport dissident sur la politique étrangère du Canada, le Bloc Québécois notait, en 1994, que « malgré l'indifférence agacée et, dans certains cas, l'hostilité d'Ottawa, le Québec, de toutes les provinces, a déployé le plus vaste réseau de représentations à l'étranger [5] ». Les efforts du gouvernement du Québec pour consolider sa position internationale et les sommes investies pour élargir ses [18] représentations à l'étranger sont bien connus des Québécois. L’absence de résultats clairs et manifestes fait partie du lot de frustrations au compte desquelles on mettra une relative perte d'élan et de confiance à l'endroit de l'objectif souverainiste. L’ambivalence des Québécois, compte tenu des difficultés qui s'élèvent devant eux et du manque de véritables appuis extérieurs, est légitime. Car on aurait tort de comparer leur comportement politique à celui des peuples colonisés qui ont démontré plus de détermination dans leur affranchissement des tutelles coloniales, parfois avec l'appui de l'URSS ou soutenus par une tendance mondiale lourde. Le Québec n'est pas une colonie, il est immergé dans un contexte régional qui est à la pointe des grandes tendances idéologiques du monde occidental et, dans cet environnement, la force corrosive d'un projet de souveraineté appuyé par 40% de la population est plutôt l'indice d'une société profondément démocratique, capable de débattre de son destin.

Ce qui est certain, et c'est sur cette question que je me pencherai dans les pages qui suivent, la présente phase de piétinement ou de recul de l'objectif de souveraineté satisfait, pour des raisons différentes, aux intérêts spécifiques de chacun des deux alliés éventuels du Québec, les États-Unis et la France. Ce livre sera consacré à explorer les fondements de ce constat.


Comme un rêve éveillé

Il importera d'abord ici de replacer les relations du Québec avec les États-Unis et la France dans le contexte québécois. La défaite du oui en 1995 a été suivie d'un coup de réalisme sur le plan gouvernemental. Cependant, du côté des citoyens, du côté des personnes réelles, le réalisme gouvernemental n'a pas comblé la perte d'un objet symbolique important, cette défaite de la projection de soi dans un nouvel État. Le post mortem n'a pas été fait. Les Québécois ont dû reconquérir d'eux-mêmes l'image de leur identité, écorchée [19] par une défaite dont plusieurs ont préféré noyer le chagrin dans le souvenir d'une quasi-victoire. Ainsi, trois ans après l'échec référendaire, en 1998, un sondage révélait que 60,6% des Québécois entretenaient la conviction que les États-Unis « reconnaîtraient le Québec comme pays indépendant suivant un vote favorable à la souveraineté [6] » et souhaitaient en même temps que toute idée de référendum soit repoussée... Ce rêve éveillé est le symptôme de plusieurs illusions. Je commencerai par l'une d'elles : il n'est pas fréquemment admis ici que les États-Unis puissent avoir des intérêts opposés à ceux du Québec.

En 1998, les trois principaux partis politiques du Québec se distinguaient de façon significative face à l'hypothèse de la reconnaissance par les États-Unis d'un État souverain au Québec. Soixante-dix pour cent des personnes interrogées avaient une opinion ferme à ce sujet, mais seulement la moitié (51,6%) des membres du Parti libéral du Québec étaient confiants dans cette possible reconnaissance. L’optimisme caractérisait les deux autres partis. Une majorité de 70,1% des sympathisants de l'Action démocratique croyaient que les États-Unis reconnaîtraient le Québec dans le cas où adviendrait une majorité favorable à la souveraineté. Du côté des sympathisants à la cause souverainiste et des membres du Parti Québécois, 87,7% d'entre eux cultivaient cette foi. Ces chiffres indiquent que la presque totalité des souverainistes croient que leur projet convient à la puissance américaine. Cet optimisme implique aussi la croyance dans l'absence d'intervention effective des États-Unis tout au long des étapes qui précéderaient un prochain référendum, ce qui serait conforme à la neutralité qu'on leur prête et conforme aux dispositions d'ouverture qu'on leur concède face à l'accession du Québec au statut de sujet de droit international. Il n'est donc pas facile de faire comprendre à un souverainiste que ce projet soulève de véritables objections politiques de la part des États-Unis. Les souverainistes préfèrent croire que leur modèle de société et l'existence d'une nation civique, exprimés par l'appui au libre-échange et l'affirmation [20] de leur américanité, devraient suffire pour apprivoiser la sympathie politique de la plus grande puissance du monde.

Pour bien comprendre et analyser comment a pris forme la confiance initiale des souverainistes dans leur relation imaginaire avec les États-Unis, il faut se rappeler quelques événements qui ont précédé l'élection du Parti Québécois en 1994 [7]. La commission Bélanger-Campeau, créée le 4 septembre 1990, a été, en ce sens, un moment déclencheur. Les Québécois de toutes tendances ont alors vu s'esquisser les conditions d'une affirmation politique et constitutionnelle du Québec qui pourraient répondre à leurs attentes, tout en réconciliant les visions des uns et des autres. Le premier ministre libéral d'alors, Robert Bourassa, avait laissé croire que la souveraineté du Québec pourrait représenter un ultime recours face aux rigidités fédérales. Il affirmait le 23 juin 1990. « Quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement. » Le 6 novembre 1990, il « réitère clairement que c'est la fin du processus de révision constitutionnel à onze gouvernements c’est-à-dire sans le Québec) et écarte derechef le statu quo constitutionnel ». Trois semaines après ces déclarations, un important sondage révélait que 58% des Québécois étaient favorables à l'idée d'indépendance du Québec. Le 26 mars suivant, la commission Bélanger-Campeau recommandait par trente voix et une abstention (libéraux et souverainistes confondus) la tenue d'un référendum sur la souveraineté d'ici la fin d'octobre 1992 [8].

À la même époque, l'institutionnalisation du libre-échange entre le Canada, le Mexique et les États-Unis est venue donner un second souffle aux aspirations des souverainistes qui y ont trouvé, grâce à l'intelligence stratégique de leurs dirigeants, la possibilité d'ouverture de leurs marchés vers le Sud et surtout l'occasion de faire la preuve de la modernité de leur projet. L’Accord de libre-échange nord-américain, après l'accord bilatéral entre le Canada et les États-Unis (ALE), signé en 1980, a en effet modifié considérablement [21] la position du Québec dans l'économie continentale. On a vu les échanges commerciaux du Québec passer d'une relative dépendance à l'endroit des marchés de l'ouest du Canada à une orientation marquée vers le Sud, c'est-à-dire vers les États-Unis. Le Québec allait donc acquérir une relative indépendance économique du reste du Canada qui augurait d'une possible autonomie politique, aux lendemains d'un vote favorable à la souveraineté. La commission Bélanger-Campeau et la signature de l’ALENA ont ainsi fourni au projet de souveraineté des conditions favorables à son déploiement.


Un ajustement préalable
à la scène internationale


Au moment de mon entrée en fonction à titre de présidente du comité des relations internationales du Parti Québécois, en 1991, la guerre du Golfe venait d'être déclarée et le PQ optait pour un appui officiel à l'alliance occidentale. Pour quelques militants, cette résolution représentait une rupture dans la traditionnelle politique isolationniste qui avait marqué le ralliement au parti d'une certaine gauche pacifiste, surtout depuis le congrès de 1980 [9]. Cette résolution sera l'objet de nombreux débats et d'une définition plus nette des orientations du parti en matière de défense et de politique étrangère [10]. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. L'option souverainiste n'a plus à fournir de preuves de sa maturité et de sa bonne conduite continentale. Son gouvernement a fait siennes les règles de la Realpolitik chaque fois que les circonstances l'ont imposé.

De la ratification de l’ALENA au soutien au principe de la ZLEA et à l'expression de solidarité avec les États-Unis dans la guerre au terrorisme, l'Assemblée nationale du Québec, à l'initiative des gouvernements souverainistes qui se sont succédé depuis 1994, a manifesté son appui à son environnement continental et aux alliances occidentales, à la fois en tant que province fédérée et en tant qu’éventuel État [22] allié. L’environnement international du Québec lui a imposé d'affirmer son adhésion aux règles établies de l'Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'ALENA, du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (North American Eurospace Defence Command-NORAD), de l'Organisation des Nations unies (ONU), puis demain de la ZLEA, pour ne nommer que ces organisations, et de démontrer par anticipation sa capacité de se conformer à ces règles et de soutenir les valeurs qui y président. Le Parti Québécois s'était d'ailleurs engagé dans cette voie dès 1976, ce que Roussel a appelé le virage atlantiste du part [11]. Le chemin parcouru et les efforts déployés par le Parti Québécois et par le gouvernement en vue de convaincre leurs alliés de la capacité et de la volonté du Québec de s'ajuster à la donne internationale représentent des acquis pratiquement irréversibles.

À première vue, la société québécoise n'offre rien de particulier qui puisse alerter les États-Unis. Ici comme ailleurs et dans le reste du Canada, des mouvements sociaux revendiquent plus de démocratie, de transparence et de justice. À cet égard, la conjoncture internationale aurait donc pu en principe favoriser l'entrée du Québec dans le club des États occidentaux.


Le complexe du « Cuba du Nord »

Entre 1991 et 1994 donc, soit entre le congrès du parti et son élection au gouvernement, la stratégie du Parti Québécois a été massivement infléchie par la perspective d'adoption de l’ALENA. Grâce à ce choix libre-échangiste largement soutenu par la population, le Parti Québécois s'engageait dans une nouvelle avenue qui devait modifier son inscription dans le paysage politique. Avec le recul, on peut mieux saisir les mobiles véritables de ce changement. Le mouvement souverainiste subissait encore les séquelles de sa réputation [23] de « Cuba du Nord [12] ». Les élites indépendantistes avaient été amenées à intérioriser les méfaits internationaux d’une telle accusation [13]. Cette vision américaine du mouvement souverainiste annonçait à l'époque une reconnaissance difficile. Il fallait la renverser. De faire sienne la philosophie du libre-échange et de proclamer haut et fort son adhésion aux valeurs continentales, et surtout étasuniennes, permettrait au Parti Québécois d'espérer obtenir réparation d'une offense injustifiée.

C'est ainsi qu'on a pu souhaiter d'importantes retombées politiques et diplomatiques de ce nouveau virage plus manifestement affirmé lors du congrès de janvier 1991. Ces retombées étaient attendues de l'influence de ce que je définirai comme « l'école Parizeau». En effet, si Bernard Landry avait fait sa marque par une vision avant-gardiste du libre-échange [14], c'est surtout Jacques Parizeau qui imposait sa direction à la politique internationale du Parti Québécois, inspirée des conséquences de l'adhésion à l’ALENA. Les retombées espérées seraient le fruit des trois engagements suivants : 1) l'élaboration d'un projet politique démocratique, conforme aux attentes de la communauté internationale (État de droit, respect des droits des minorités, etc.) et susceptible de donner les garanties requises pour faire du Québec un allié au sein de l'OTAN, du NORAD, etc. ; 2) la volonté de faciliter l'interpénétration économique entre les marchés des deux régions du nord-est des États-Unis et du Québec de telle sorte que cette intégration soit un des piliers de la sécurité et de la paix entre les deux futurs partenaires et assure que le Québec comme État soit un allié potentiel indiscutable ; 3) enfin, par cette ouverture et cette intégration, donner aux États-Unis des garanties afin d'éviter toute intervention dans le déroulement des processus qui mèneraient le Québec à la souveraineté. La vision de Jacques Parizeau fit école, car elle fournissait une cohérence absolue entre les exigences de la communauté régionale et les moyens intellectuels, stratégiques et tactiques mis en place pour encadrer l'action.

[24]

On ne s'étonnera pas si les militants, guidés par cette vision, sont partis au combat armés des plus belles convictions. À cet égard, la croyance des Québécois dans l'attitude de neutralité réelle des États-Unis a constitué un atout non seulement dans la motivation des militants, mais elle a aussi protégé les États-Unis contre le ressentiment éventuel des souverainistes et elle a fourni l'écran derrière lequel les intérêts réels américains ont pu se camoufler. Il est clair que les Américains préfèrent que les Québécois croient en leur neutralité, voire à leur ouverture tacite, dans un esprit absolument démocratique, plutôt que d'avoir à affronter méfiance, amertume, rancoeur ou colère. C'est pourquoi, d'ailleurs, ils prirent soin au cours de la période préréférendaire de 1995 de ménager cette confiance. En avril dernier, l'ambassadeur américain Paul Cellucci confiait au Devoir : « Nous avons donc clairement dit dans nos rapports transmis à Washington que, malgré le sentiment antiguerre du Québec, il y persistait un sentiment proaméricain, qu'il ne fallait pas interpréter cela [l'opposition à la guerre contre l'Irak] comme une réaction contre les États-Unis [15]. » Les autorités américaines ont en effet l'obligation de bonifier la relation avec le Québec.


Une histoire de rapports compliqués

La complexité des relations politiques du Québec avec les États-Unis ne date pas d'hier. Des figures importantes de l'histoire du Québec ont d'une tout autre manière et avec des conséquences plus graves été confrontées à divers types de méconnaissance des États-Unis. Louis-Joseph Papineau, entre I830 et 1854, puis, un siècle et demi plus tard, René Lévesque ont déjà compté, sans succès, sur l'appui et sur l'intérêt des États-Unis à l'endroit du Québec. Papineau, à partir des années 1830, a réaligné sa pensée sur des idées américaines. Devant l'inflexibilité de la métropole britannique, il voyait dans la généralisation du principe électif le salut du Bas-Canada. L’adoption de ce principe pour l'ensemble des institutions [25] politiques est l'idée puissamment américaine qu'il défendra pour lutter contre l'oligarchie britannique. À l'instar des pères fondateurs américains, il défendra le petit propriétaire contre l'envahissement de l'État tout au long de sa vie politique. Après l'échec des rébellions de 1837-1838, il reviendra en politique en 1848. Opposé à l'Union des deux Canadas en 1840, il verra dans la république américaine un modèle de vertu publique et de libéralisme. Il consacrera la fin de sa carrière politique à appuyer, jusqu'en 1854, un projet d'annexion du Québec aux États-Unis.

Les espoirs fondés par René Lévesque dans un accueil favorable des États-Unis n'ont pas été moindres [16]. Le peu de succès de sa conférence à l'Economic Club de New York a trahi son erreur d'appréciation des positions de notre voisin du Sud. On a beaucoup évoqué cette erreur qui a consisté, en parlant de l'objectif de souveraineté, à rappeler aux Américains la guerre de Sécession. Mais, plus que cette maladresse, ce qui surprend de la part d'un journaliste qui connaissait bien la politique internationale des États-Unis, c'est l'oubli d'une différence profonde entre deux cultures que sépare leur histoire. René Lévesque avait affiché ses préférences américaines et il supposait, en retour, que les Américains auraient une préférence québécoise. Cet effet de miroir déformant constituera un piège dans lequel plusieurs auront encore tendance à tomber.

Ce ne sera pas le cas de Jacques Parizeau. Alors âgé de 39 ans, il a rencontré à Chicago, à l'automne 1969, des représentants américains des Départements d'État et du Commerce. Son biographe Pierre Duchesne rapporte que Parizeau a dit lui-même : « Ce fut ma première rencontre avec ce que l'on pourrait appeler les services de renseignements américains [17].» Cette rencontre apparaît plus ou moins insolite. « Le pays du Québec se joindrait-il à l’OTAN et au NORAD ? » aurait demandé à Jacques Parizeau un officier du Pentagone. « Comme son parti n'a pas encore pris position à ce sujet, rapporte Duchesne, le nouveau politicien qu'il est donne aux autorités américaines une réponse plutôt [26] accommodante. S'adressant à la CIA et au Pentagone, Parizeau tente de les dissuader d'espionner le Parti Québécois : « On vous renseignera. Le consul américain sera tenu au courant de nos intentions. » « J'ai pris une sorte d'engagement avec eux, de même qu'ils en ont pris un envers moi», ajoute-t-il [18]. Jean-François Lisée rapporte également l'incident en précisant que « Parizeau, tout douceur, répond que le Québec serait disposé à s'entendre avec les États-Unis pour qu'ils résolvent les questions militaires d'une manière qui soit mutuellement satisfaisante [19] ». Cet engagement a pu marquer l'attitude de Parizeau face aux États-Unis et il n'est probablement pas étranger à la conscience aiguë de l'ancien premier ministre de la nécessité d'aplanir les motifs de friction entre les souverainistes et les Américains.

Dans l'ouvrage qu'il a signé en 1997, Jacques Parizeau, contrairement à ses prédécesseurs Papineau et Lévesque, est assez clair en ce qui concerne les obstacles qu'il pressent de la part des États-Unis à l'endroit de la souveraineté : « Si, au ministère du Commerce de Washington, au State Department et au Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, on convenait facilement que le Québec ne pouvait être exclu de l'ALENA, de là à reconnaître le Québec comme pays souverain, il n'y avait pas seulement un pas à franchir, mais bien un gouffre [20]. » Jacques Parizeau a eu raison de donner au mouvement souverainiste l'inflexion nécessaire pour en faire un projet crédible et acceptable pour tous les futurs alliés du Québec. Mais, comme on le verra dans les pages qui suivent, il semble que ces garanties n'aient pas suffi.


L’attraction américaine

C'est donc dans le contexte des années 1991 à 1995 qu’a pris forme au Québec le fantasme de neutralité des États-Unis à l'endroit des objectifs souverainistes. Divers autres facteurs peuvent encore expliquer cet excès de confiance. J'en retiendrai quatre, les deux premiers d'ordre culturel, les suivants [27] d'ordre politique. Premier facteur : échappant à toute considération géostratégique, les Québécois, sur le plan culturel, cultivent d'abord une image ludique des États-Unis. On voit ainsi défiler à travers la chanson, le roman, le sport, les plages du Maine, Old Orchard ou Ogunquit, Key West, Las Vegas, la Californie, etc. autant de stations imaginaires qui occultent pour la plupart des citoyens du Québec les lieux réels de pouvoir où se joue le sort de bien des petites et grandes nations du monde! Mais qui au Québec, en dehors de certaines élites, s'intéresse vraiment aux ambitions de Washington?

Deuxième facteur : les processus d'américanisation auxquels les modes de vie des Québécois sont soumis, même à leur insu. Il ne fait pas de doute qu'une grande partie des conditions sociales et culturelles d'existence du Québec est fabriquée dans cette immersion. L’américanisation, processus passif, est un phénomène observable dont l'influence sur les modes de pensée ne peut être contestée. Un spécialiste de ces matières, Florian Sauvageau, a souligné, par exemple, que « nos médias sont américains dans la conception de leur contenu et dans leur organisation. Le constat s'applique tout autant au journalisme qu'au divertissement, à l'audiovisuel qu'à la presse écrite [21] ». C'est donc dire que, si le Québec et le Canada ont établi des barrières visant à protéger leurs industries culturelles de l'envahissement américain, en même temps, l'influence des modèles d'outre-frontières sur la gestion, la création et la diffusion des produits culturels est restée sans contrepoids : « Nos politiques culturelles sont devenues, plus souvent qu'autrement, des politiques industrielles dans le secteur de la culture. [...] On ne [semble] pas se rendre compte qu'en privilégiant le système commercial à l'américaine, on [produit] des émissions de type "américain" [22]. » Dans un tel contexte, il n'est donc pas étonnant que de plus en plus de Québécois « ne se considèrent pas comme différents des habitants des États-Unis», une tendance qui les amènera à confondre ces traits subis par leur identité avec leurs intérêts politiques et à croire à la neutralité des États-Unis à l'endroit du projet souverainiste.

[28]

Sur le plan politique, la naïveté des Québécois à l'endroit du comportement éventuel des États-Unis peut quand même surprendre. Car elle révèle tout autant ce que les Québécois pensent d'eux-mêmes que ce qu'ils projettent sur les États-Unis. En d'autres mots, comme troisième facteur, l'attitude et les dispositions de près de deux Québécois sur trois, y compris de la quasi-totalité des militants souverainistes, traduisent un lien imaginaire très particulier avec les États-Unis, où ils voient leur identité et leurs intérêts dans le prolongement de ceux des États-Unis. Cette projection d'eux-mêmes a déjà été repérée dans diverses études et en particulier dans des travaux sur le sentiment d'appartenance au continent nord-américain [23]. Ces travaux ont démontré, par exemple, que 44% des Québécois « ne se considèrent pas différents des habitants des États-Unis [24] » noter qu'il ne s'agit pas dans ce cas-ci d'une identification à l'Amérique mais aux États-Unis). En effet, si l'on se considère comme semblables aux habitants des États-Unis, comment pourrait-on penser que des intérêts nationaux différents puissent nous séparer ?

Cette confiance en l'Amérique prend d'ailleurs plusieurs formes. Elle s'exprime à travers des représentations de la permutabilité des intérêts politiques entre ces deux entités. L’image la plus saillante de cette gémellité est celle du prolongement : une grande majorité de Québécois voient leur pays comme un prolongement des États-Unis, plutôt que comme un espace politique spécifique qui délimite des intérêts qui pourraient être distincts de ceux de la plus grande puissance du monde dont les intérêts pourraient aussi différer des nôtres. Ce sentiment de symbiose avec la politique américaine fait sans doute l'affaire des États-Unis.

L’indifférenciation croissante du Québec de l'espace public américain présente, par contre, à la fois un avantage et un inconvénient. L’avantage est de fournir une garantie indispensable à la sécurité et à l'engagement actif du Québec dans le soutien aux traités et aux alliances dont le Canada est signataire. La légitimation intérieure de ces alliances passe [29] ainsi par un sentiment d'appartenance à un continent dont on partage les principaux intérêts - paix, sécurité, prospérité. Or, l'inconvénient qui découle de l'indifférenciation relative des représentations des Québécois dans leur rapport aux États-Unis consiste dans le brouillage de la conscience politique. Cette indifférenciation agit de telle sorte que les Québécois semblent de moins en moins saisir que le projet souverainiste est le véhicule d'intérêts politiques spécifiques, potentiellement distincts de ceux des États-Unis.

On peut comprendre qu'il soit difficile pour les militants souverainistes de bien évaluer les obstacles qui parsèment la route de cet État virtuel en vue de son insertion dans le système actuel des relations internationales. Car les souverainistes font face à une double obligation - d'une part, gagner la volonté populaire à l'endroit de la transformation du Québec en État souverain, et, d'autre part, convaincre presque du même coup leurs futurs alliés de reconnaître la légitimité de cet État. C'est pourquoi le volet international de l'action souverainiste est d'une ampleur considérable, car il exige un ajustement préalable à la rationalité existante des structures et des institutions internationales de la part de celui qui prétend à la reconnaissance, en même temps qu'il fait la promotion d'une société spécifique et de son rapport à l'État.

Une conscience mieux éclairée pourrait s'investir dans un projet de société, une culture politique, une vision du monde et de la mondialisation, une conception du bien commun, une vision du rôle de l'État, du rôle de la société civile et de l'espace public, saisis comme l'expression d'une entité dont les intérêts sont spécifique et, par conséquent, potentiellement distincts de ceux des États-Unis (sans toutefois l'empêcher d'être un allié). Dans ce cas, les souverainistes comprendraient que leur projet politique ne fasse pas nécessairement l'affaire des États-Unis. Or il n'en est rien. Le projet de souveraineté, dans sa formulation imaginaire et dans les discours qui l'expriment, est beaucoup plus associé à un NON au Canada qu'à un OUI à l'affirmation d'une [30] identité politique distincte. Cet accent anticanadien a contribué à désarmer les partisans de cette cause en les privant d'une vision distincte du Québec. Le mouvement politique qui fournit ses orientations normatives au Québec depuis près de dix ans est beaucoup plus marqué par la logique de l'intégration et de la coopération face aux attentes de ses partenaires que par la capacité à se donner un projet autonome et distinct. Cela, les citoyens le saisissent.

Enfin, un quatrième facteur politique accompagne activement l'illusion de la parenté d'intérêts entre le Québec et les États-Unis. C'est l'usage de la désinformation par l'action politique. Il faut bien l'admettre, les Québécois ont été amenés à croire que les États-Unis pratiquaient une ouverture passive et une neutralité bienveillante face au projet souverainiste. Mieux, les interventions préventives des porte-parole officiels américains, pendant la dernière campagne référendaire, ont été banalisées par les stratèges souverainistes. L’intention n'était sans doute pas de tromper l'opinion dans la mesure où ce discours s'appuyait sur la confiance des dirigeants dans le fait que les processus démocratiques témoignent de la légitimité de ces visées et de leurs chances d'aboutir. Toute déclaration qui aurait pu irriter les souverainistes a donc été interprétée publiquement par eux comme une simple formule réitérant la position de non-ingérence. Ces tactiques ont été adoptées dans un double but. D'abord, elles visaient à conforter la croyance des électeurs québécois dans l'acceptation du projet de souveraineté par les États-Unis et donc à élargir l'appui au projet au moment du référendum. Ensuite, elles envoyaient un signal complaisant aux États-Unis, signal destiné à protéger le pacte de stabilité dont le mouvement souverainiste se disait prêt à payer le prix. Ces tactiques très efficaces ont servi les intérêts référendaires du Parti Québécois. Encore aujourd'hui, les militants de la cause souverainiste croient en la tolérance passive des États-Unis qui pourrait conduire la plus grande puissance du monde à s'incliner devant un vote majoritairement favorable à la transformation du Québec en État souverain.

[31]

Il faut cependant le souligner, toutes les cartes ne sont pas jouées et les dirigeants souverainistes sont justifiés de croire que les résultats favorables d'un processus démocratique puissent être le facteur déclencheur de la reconnaissance du Québec comme État souverain, même par les États-Unis. Dans le cas où une majorité dite « claire» se dégagerait d'une consultation à cet effet, même la plupart des analystes américains s'accordent pour dire que les États-Unis finiraient par reconnaître le Québec. Mais, malheureusement, les choses ne peuvent pas être aussi simples. Pour les Américains, comme on le verra dans les quatre premiers chapitres, il y a encore loin de la coupe aux lèvres, assez loin pour mettre en branle toutes les mesures préventives imaginables susceptibles de rendre inopérable ou très difficilement réalisable l'obtention de la majorité souhaitée en faveur de la souveraineté du Québec. La loi  C-20, comme on le montrera au deuxième chapitre, dite   « Loi sur la clarté », répond de façon préventive aux craintes des États-Unis.


Ce chemin qui nous mène à aujourd'hui

Avant de présenter les principaux axes autour desquels est construit ce livre, je résumerai l'évolution de la conjoncture souverainiste et de l'esprit qui a guidé la politique internationale des dix dernières années et qui a conduit au contexte politique actuel. Comme je l'ai rappelé plus haut, la période allant du congrès du Parti Québécois en 1991 (qui mena les militants à adopter une résolution d'appui aux alliés dans la guerre du Golfe) jusqu'à l'élection de 1994 peut être considérée comme préparatoire à l'adhésion du Québec aux traités et accords qui lient le Canada afin d'en revendiquer la continuité au moment de l'accession à la souveraineté. Cette période est caractérisée par l'ajustement définitif du projet souverainiste à la donne internationale et, en particulier, par un appui inconditionnel à l’ALENA.

En 1994-1995, au lendemain de l'élection et jusqu'au référendum, l'action politique internationale est orientée [32] vers la souveraineté. Le gouvernement du Parti Québécois s'efforce de désamorcer les craintes que peut susciter ce projet, tant au Québec qu'à l'étranger, en projetant une image aussi conforme que possible aux attentes de son environnement. Nouvellement élu, le gouvernement souverainiste se démarque pendant cette période par sa volonté de faire preuve d'adaptation au nouveau contexte induit par la ratification de l'ALENA.

Au lendemain du référendum, en 1995-1996, après la démission de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard tente d'implanter une nouvelle vision des relations du Québec avec les États-Unis. Deux volets principaux marquent cette approche. Le premier vise à renforcer une image du Québec qui tire sa spécificité de l'économique et laisse à l'arrière-plan ses traits culturels identitaires. C'est le fameux discours de New York qui insiste sur le fait que le Québec forme d'abord une « nation de marchands». Cette approche permettait au nouveau premier ministre d'asseoir sur des bases rationnelles sa politique visant à faire dépendre la diplomatie québécoise de la politique étrangère du Canada, ce qui se traduisit par la fermeture de nombreuses délégations à vocation culturelle et politique.

Ces trois périodes, préparation et ajustement à l’ALENA, puis vision marchande de l'identité, ont posé les assises d'une transformation profonde de l'imaginaire québécois. Entre 1996 et 2001, jusqu'à l'arrivée de Bernard Landry comme premier ministre, la culture politique des Québécois s'est cristallisée autour de l'approfondissement de l'idée d'américanité. Correspondant à une forte mouvance commandée par les contraintes de l'intégration économique, une tendance à l'abolition des frontières et le souci de prouver que les Québécois sont (et seront) de bons partenaires au sein des traités et alliances en vigueur, l'américanité du Québec devient une valeur dominante supérieure.

Depuis 2001 et l'exclusion du gouvernement du Québec du Sommet des Amériques, les politiques internationales du Québec ont été marquées par l'obsession d'être un État [33] reconnu lors du futur sommet des Amériques qui doit se tenir au Brésil en 2005. Cet objectif s'est caractérisé par trois ouvertures principales : l'une à l'endroit d'un traité de libre-échange réunissant les 34 pays du continent américain, l'autre par l'acquiescement à des formes de coopération interétatique à l'échelle de ce continent consacrées par des 'institutions supranationales, la dernière, enfin, face à l'adoption d'une monnaie commune pour l'ensemble des pays de la future ZLEA. Cette dernière phase, qu'on peut appeler postnationale (avant qu'elle ne devienne postétatique...), induit l'idée que la souveraineté, légitimant l'État comme sujet de droit international, pose chaque État dans une position d'égalité par rapport aux autres. Cette fiction juridique occulte en partie l'inégalité qui traverse les rapports entre les États et surtout, à l'échelle des Amériques, la domination des États-Unis. Dans ce cas-ci, elle semble vouloir occulter la puissance inégalée des États-Unis, d'ailleurs seul véritable maître d'oeuvre de ce projet.

Le Québec, dans son soutien à la ZLEA, est entré dans une phase que je qualifierais d'utopique. Les utopies ont une valeur à mes yeux, a condition qu'elles opèrent en tant que telles. Elles sont par définition empreintes d'imaginaire, de rêve et d'idéal. Les utopies ont pour caractéristique de ne pas avoir à tenir compte des possibilités de réalisation. Elles constituent une projection sur le réel qui peut agir comme moteur de l'action. L’ALENA n'a jamais été une utopie. La mise en place de la ZLEA ne l'est guère plus. Au contraire, la ZLEA est un projet réel et vraisemblable. Ce que j'estime ici utopique dans ce nouvel axe de la politique internationale du Québec, c'est le glissement, dans la représentation, de la ZLEA comme espace économique de libéralisation à la ZLEA comme espoir démocratique. La ZLEA permet d'occulter les inégalités entre les peuples et le déficit démocratique dont souffrent plusieurs pays du Sud. La nouvelle forme de la culture politique souverainiste véhicule l'idée que la souveraineté augmentera les chances du Québec de s'allier avec certains États du Sud. Cette vision permet à la [34] stratégie souverainiste de se fondre dans cette nouvelle idéologie de la coopération régionale, représentation du bien collectif elle-même promue par les États-Unis. Tout cela est bien et peut-être inévitable. Mais mon souci ici est de montrer que la période actuelle, caractérisée par une dilution progressive des représentations de soi dans une communauté d'intérêts de plus en plus vaste, est l'aboutissement d'un long processus mis en place et assumé consciemment par les dirigeants souverainistes.


Le dogme continental

Le présent travail met en relief plusieurs positions et comportements des États-Unis en ce qui concerne le Québec et le projet de souveraineté. Le droit à la critique est un droit légitime. Ces critiques ne font pas pour autant de ma position une position antiaméricaine. Les accomplissements de la nation américaine représentent un des grands héritages du monde contemporain. Encore aujourd'hui, les États-Unis sont un des symboles de la démocratie. C'est ce qu'exprimait le premier ministre, Bernard Landry, dans une entrevue lorsqu'il a dit : « Les États-Unis, c'est le meilleur et le pire. je n'ai jamais été antiaméricain globalement, parce que je sais qu'il y a trop de choses positives et sympathiques dans cette société là [25]. » Ma position est aussi celle du politologue américain Stanley Hoffman qui souligne que l'antiaméricanisme n'est pas l'expression d'une « hostilité contre la nation la plus puissante [mais d'un] ressentiment contre un double langage, une ignorance crasse, une arrogance, des a priori erronés et une politique contestable [26] ». J'ajouterai que les États-Unis sont devenus, depuis quinze ans, et de loin, la première puissance mondiale. Ce n'est pas faire preuve d'antiaméricanisme que de souhaiter que cette hégémonie se manifeste moins par les armes et davantage par le respect du droit et la poursuite de la justice sociale. Les États-Unis disposent de toutes les ressources et de tous les moyens juridiques nécessaires [35] pour contribuer au progrès de l'humanité et c'est ce que chaque citoyen est en droit d'attendre d'eux. C'est pourquoi leur responsabilité est la plus grande et le degré d'attentes à leur endroit se doit d'être élevé.

Václav Havel, s'adressant aux membres du Congrès américain à Washington en 1990, avait dit : « Tant que l'homme sera l'homme, la démocratie au sens plein du terme sera toujours un idéal que l'on peut approcher plus ou moins, mais jamais réaliser complètement. Vous-mêmes, vous ne faites que vous rapprocher de la démocratie [...]. La sauvegarde de notre monde humain n'est nulle part ailleurs que dans le coeur humain, la pensée humaine, l'humilité humaine, la responsabilité humaine. [...]. En d'autres mots, nous ne savons toujours pas mettre la morale au-dessus de la politique, de la science et de l'économie [27]. » Osera-t-on parler d'antiaméricanisme pour qualifier les propos du président tchèque s'adressant au Congrès ? Adopter l'attitude de Havel, c'est contribuer à élever le niveau d'exigence démocratique, de responsabilité de chacun et du seuil critique. En procédant à la démystification de certaines attitudes à propos des États-Unis, je m'inspirerai d'ailleurs d'une tradition tchèque qui veut que les défaites soient « ressenties comme des victoires morales sur des adversaires, supérieurs par la force, mais inférieurs par l'esprit». Cette tradition veut que « perdre avec la vérité pour soi» est plus glorieux que gagner  « dans le mensonge [28] ». C'est cette tradition qui guidera mon approche dans ce livre. L’exercice de la démocratie par les citoyens est un droit universel et les États-Unis n'échappent pas à cette règle qui peut, le cas échéant, entraîner que certaines de leurs ambitions ou de leurs politiques fassent l'objet de remises en question.


L’éthique comme lien social

Les propos de ce livre s'appuient enfin sur quelques prémisses en ce qui concerne la société québécoise. La première est la [36] reconnaissance de la complexité et de la diversité culturelle du Québec. Le tissu social est multiple, il intègre des apports de cultures exogènes et endogènes. Les minorités autochtone et anglophone ainsi que les apports des citoyens issus de l'immigration nourrissent la configuration multiculturelle de la société québécoise. Cependant, le lien social qui permet d'intégrer dans une même communauté d'intérêts ces diverses composantes est la culture et la langue française reconnue comme langue publique commune.

Ensuite, ce lien social est renforcé par l'identité francophone du Québec qui puise ses racines dans une histoire et dans des liens privilégiés avec la France et avec la Francophonie. À ce titre, la relative diabolisation de la France qui sévit aux États-Unis depuis de nombreuses années affecte aussi le Québec et fait ici partie des enjeux de société dont il faut débattre. Enfin, l'identité québécoise repose sur des représentations, sur des choix plutôt que sur des traits descriptifs. L’identité n'est pas donnée par l'environnement, la géographie, les origines, la langue ou l'héritage culturel. L’identité culturelle est l'objet de choix et de luttes de pouvoir qui sont au centre de l'activité démocratique. Dans cet esprit, la politique internationale du Québec représente des options pour infléchir la construction de l'identité. Ses orientations et ses pratiques sont donc constitutives d'un projet de société.


Une destination, la société québécoise

Mon adhésion à la cause souverainiste s'est faite en 1991. Je suis de celles et ceux qui sont venus tard à ce choix politique. Issue d'une famille libérale active sur la scène politique, la conception fédérale de l'identité avait profondément conditionné mes réflexes politiques. Si on ajoute un engagement social marqué par les esprits sociopolitiques des années 1970, on peut comprendre que l'ingrédient « national» n'était pas la marque principale de mes affinités politiques. Après le [37] référendum de 1980, j'éprouvais le vague sentiment d'être restée extérieure à un moment important de l'histoire du Québec. Mes origines rimouskoises et le fort sentiment d'appartenance régionale qu'elles m'ont laissé expliquent sans doute que j'aie ressenti le besoin de me rapprocher de la cause souverainiste. J'ai prêté une oreille attentive au véritable discours des souverainistes au moment de la commission Bélanger-Campeau. En 1991, j'adhérais officiellement au Parti Québécois.

Par cet engagement, j'ai pu opérer la synthèse qui m'était essentielle entre, d'un côté, une vie consacrée depuis plus de vingt ans à l'approfondissement et à l'enseignement de ce qu'on appelle de façon un peu trompeuse la « science» politique et, de l'autre côté, l'action politique. Cette expérience m'a appris le caractère nécessairement obsessionnel de l'activité politique, rivée sur des objectifs de persuasion et de victoire. J'ai aussi découvert dans l'État le cynisme inhérent à une détermination froide, qui souvent ne craint pas d'être aveugle, obligée qu'elle se croit de vaincre à tout prix. La nécessaire maîtrise qui accompagne la décision politique ne pouvait que satisfaire a priori ma foi rationaliste dans le lien que je croyais direct entre la fin et les moyens. Mais avec la chose humaine, il en va rarement ainsi. Un philosophe et homme politique anglais du XVIII siècle, Edmund Burke, avait déjà écrit : « La science de la politique est expérimentale et pas plus qu'aucune autre science expérimentale, celle de construire un État, de le renouveler ou de le réformer, ne s'apprend a priori [29]. » Deux siècles et demi plus tard, ce constat est toujours aussi vrai. La fréquentation du monde politique m'a convaincue que le réel est toujours en excès par rapport au cloisonnement que tentent de lui imposer les systèmes. À travers cette « pratique» de l'État, j'ai appris son indétermination et son inachèvement sanctionnés par la démocratie. Cette découverte m'a aussi amenée à voir que le passé, non plus, n'est pas définitif

Aujourd'hui, si je jette un regard sur des stratégies et des tactiques qui ne me semblent pas servir correctement la cause [38] qu'elles poursuivent, il importe de voir que c'est par fidélité envers celles et ceux qui la défendent. J'ai eu l'honneur d'être associée à une oeuvre de conviction par rapport à laquelle mes positions n'ont pas changé. Je tenterai cependant d'exposer les motifs pour lesquels il me semble que la politique internationale du Québec doit désormais redresser le cap et clarifier sa destination afin de se donner comme ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire la composante d'un véritable projet de société. C'est aux citoyens et aux militants trop confiants en la sympathie de nos alliés que je voudrais d'abord destiner ce livre. Il est le résultat d'une connaissance pratique du terrain diplomatique sur lequel se déroule la relation du Québec avec les États-Unis et avec la France et d'une réflexion critique sur les liens de la politique internationale du Québec avec un projet de société débattu démocratiquement.


Donner à nos analyses un coup de réel

L’objectif de mon propos est donc de secouer le cocotier de nos positions aveuglément continentalistes et de regarder bien en face les conséquences de certaines croyances naïves dans la bonne volonté des États-Unis à l'endroit de la souveraineté du Québec. Par ricochet, comme conséquence de cette option continentale, on sera forcé d'interroger son effet sur notre relation avec la France.

Les deux premiers chapitres seront consacrés aux fondements politiques des intérêts américains dans la perspective de souveraineté du Québec. Le premier chapitre présentera les axes sur lesquels s'appuient des intérêts qui s'opposent à la souveraineté. Le chapitre II évoquera les différents scénarios qui pourraient guider les interventions anticipées par les États-Unis, avant et après un référendum sur la souveraineté.

Les chapitres III et IV illustreront les formes réelles qu'a adoptées l'interventionnisme américain au cours de la période référendaire de 1994-1995. Le chapitre III se concentrera sur des mesures de blocage et de quadrillage de l'action du [39] Québec avant le référendum de 1995. Le chapitre IV sera principalement consacré aux interventions américaines de brouillage de l'action du Québec pendant.la période qui a entouré le référendum de 1995.

Le chapitre V portera un regard critique sur la fonction politique et stratégique attribuée au mythe de l'américanité dans les relations internationales du Québec.

Le chapitre VI sera consacré à nos relations avec la France et il tentera de dégager le regard officiel que porte actuellement la France sur le Québec. Il interrogera les intérêts français envers le Canada et observera quelques indices de désaffection à l'endroit du Québec. Le dernier chapitre visera les intérêts du Québec et analysera les positions d'ensemble de l'énoncé de politique internationale du Québec déposé auprès de l’Assemblée nationale pour la période 2001-2004 et suggérera de « redresser le cap» de la destination internationale du Québec.

Enfin, la méthode tente de lier les conséquences des choix d'un gouvernement au devenir culturel d'une société. Cette méthode vise à prendre acte. Les sources principales utilisées ont été saisies au cours d'expériences de terrain, par l'observation, par l'enquête et par l'analyse de sources secondaires. Je serai ainsi amenée à formuler quelques propositions critiques.



[1] Emmanuel Todd, Après l'empire. Essai sur la décomposition du système américain, Paris, Gallimard, 2002, p. 25. Souligné dans le texte.

[2] Voir Christian Deblock et Mathieu Arès, « Les États-Unis », Sylvain E. Turcotte (dir.), L’intégration des Amériques. Pleins feux sur la ZLEA, ses acteurs, ses enjeux, Montréal, Fides-La Presse, coll. « Points chauds», 2001, p. 67.

[3] Pour envisager l'avenir autrement : la souveraineté, Montréal, Éditions Saint-Martin, 2002, p. 17.

[4] La Presse, 15 mai 2002, p. D7.

[5] « La politique étrangère du Canada : principes et priorités pour l'avenir. Opinions dissidentes et annexes», Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, rapport dissident du Bloc Québécois, Ottawa, 1994, p.10.

[6] Le Devoir, 21-22 novembre 1998.

[7] Le politicologue Stéphane Roussel a consacré une étude intéressante à cette évolution. Voir «L’évolution du discours souverainiste à l'égard de l'OTAN», in « Le Canada et l'OTAN après 50 ans 1949-1999», Cahiers d'histoire, Département d'histoire de l'Université de Montréal, hiver 2000, vol. XX, no 2, p. 147-193

[8] Voir Alain-G. Gagnon et Daniel Latouche (dir.), Allaire, Bélanger, Campeau et les autres, Montréal, Québec Amérique, 1991, p. 560-567. [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[9] Comme le montre Stéphane Roussel, loc. cit., p. 161.

[10] Voir encore, à ce sujet, Stéphane Roussel, loc. cit., p.179-181.

[11] Ibid., p. 148.

[12] Voir, à ce sujet, la périodisation de ces préoccupations tactiques et stratégiques dont l'origine est associée à un «virage» pris par le Parti Québécois en 1977-1979- Ibid., p. 166.

[13] Il semblerait que cette expression soit une invention de Marcel Cadieux, sous-ministre aux Affaires extérieures du Canada dans les années 1960 ; elle fut largement utilisée à l'époque dans des notes diplomatiques entre Ottawa et Washington. L’image avait frappé au point de devenir un thème de référence et d'opposition dans le mouvement souverainiste.

[14] On se souviendra de l'ouvrage que Bernard Landry signait en 1987, Commerce sans frontière : le sens du libre-échange, Montréal, Québec Amérique, coll. Succès d'Amérique».

[15] Manon Cornellier, «Les Québécois demeurent des alliés sûrs», Le Devoir, 25 avril 2003, p. A1.

[16] Voir : Jean-François Lisée, Dans L’œil de l'aigle. Washington face au Québec, Montréal, Boréal, 1990 ; Shiro Noda, Entre l'indépendance et le fédéralisme, 1970-1980, Québec, Presses de l'Université Laval, 2001 ; Pierre Godin, L’espoir et le chagrin, Montréal, 1994.

[17] Pierre Duchesne, Jacques Parizeau. Biographie 1930-1970, t. I : Le Croisé, Montréal, Québec Amérique, 2002, p. 593-596.

[18] Ibid., p. 596.

[19] Jean-François Lisée, op. cit., p. 337.

[20] Jacques Parizeau, Pour un Québec souverain, Montréal, VLB éditeur, 1997, p. 341.

[21] Florian Sauvageau (dir.), Variations sur l'influence culturelle américaine, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1999, p. XII.

[22] Ibid., p. XIV.

[23] On pense ici surtout aux travaux de Guy Lachapelle, d'Yvan Lamonde et du Groupe de recherche sur l'américanité (GRAM).

[24] Sondage du GRAM, Yvan Lamonde, Le Devoir, 11 septembre 1998.

[25] L’Actualité, vol. 28, no 2, 1er, février 2003, p. 18.

[26] Cité par Philippe Pons, «Quand l'Amérique marche à reculons», Le Monde, 18 juin 2003, p. 16.

[27] Yves Barelli in «Présentation» à Václav Havel, L’amour et la vérité doivent triompher de la haine et du mensonge, Paris, Éditions de l'aube, 1990, p.13.

[28] Ibid., p. 60-62.

[29] Traduction de J. Anglejian, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1912, p. 99.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 14 avril 2012 13:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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