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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Daniel Latouche, “La ville dans ses rapports à la culture et aux arts: le cas des équipements culturels à Montréal.” Un article publié dans la revue Questions de culture, no 18, un numéro intitulé : “L’aménagement urbain. Promesses et défis” sous la direction de Annick Germain, pp. 201-232. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC), 1991, 272 pp.

[201]

Questions de culture, no 18
L’aménagement urbain.
Promesses et défis
.”

 “La ville dans ses rapports
à la culture et aux arts.
Le cas des équipements culturels
à Montréal
.” *

par
Daniel LATOUCHE

De nombreuses villes ont proclamé que, dorénavant, les arts et la culture allaient être au cœur de leurs stratégies de développement. À un point tel qu'il est maintenant possible, dans le cas de la France et des États-Unis tout au moins, de mener des analyses comparatives des politiques culturelles locales [1]. Cette municipalisation de la culture [2] tient à plusieurs facteurs : un désintéressement financier des paliers supérieurs de gouvernements, une extension naturelle des services de loisirs et de sports vers des activités plus culturelles, une demande accrue des citoyens, la compétition intermunicipale et la recherche du prestige, la volonté de développer les attraits touristiques de la municipalité.

Aménager nos villes en tenant compte des besoins des industries culturelles et des attentes de la communauté artistique exige, à son tour, de tenir compte de cette arrivée, tardive certes, mais réelle néanmoins, des municipalités dans le champ de la culture. Il faut aussi prendre en considération l'état des lieux. Comment la vie culturelle [202] s'exprime-t-elle dans une ville ? Où s'exprime-t-elle ? Quels sont les points forts du paysage culturel ? Ce sont là des questions préalables à l'action de l'aménagiste.

Nous nous arrêterons d'abord à définir la portée de ce phénomène de municipalisation de la culture, pour ensuite souligner la contribution de la sociologie des arts à la question de l'aménagement et, finalement, esquisser à grands traits les contours du paysage culturel de Montréal. La connaissance de ce paysage constitue, selon nous, le point de départ de toute démarche d'aménagement de la culture dans la ville.

LA CULTURE DANS LA VILLE

Selon la configuration géopolitique de chaque ville, ses relations avec les paliers supérieurs de gouvernement, son importance démographique et ses ressources, la municipalisation de la culture prendra plusieurs formes et se manifestera de façon fort différente.

On s'explique encore mal ces différences surtout depuis qu'il a été souligné que la variable explicative par excellence de l'analyse des politiques, soit l'orientation politique et idéologique des gouvernements en question, ne semble pas avoir, dans le cas des politiques culturelles locales, l'importance qu'elle peut avoir lorsque vient le temps d'expliquer les différences en matière de santé ou de développement économique. Ainsi en Italie, tous les gouvernements communaux contrôlés par le Parti communiste ne se sont pas révélés amis des arts aussi fidèles que celui de Bologne [3]. Certes, en France, on a pu déceler des différences entre les villes de « droite » et celles ayant à leur tête des administrateurs de « gauche », mais il n'est pas facile de donner un sens à ces différences puisqu'elles se manifestent avant tout dans les modes de gestion plutôt que dans le contenu politique [4]. Ainsi on se voudra plus « participatif » dans les municipalités de gauche alors que les dirigeants « conservateurs » chercheront à contrôler plus étroitement les décisions de nature culturelle. Dans ce dernier cas, les bureaux du maire joueraient un rôle plus important dans l'élaboration de la politique culturelle que les commissions du Conseil ou le Service de la culture.

[202]

Il ne faudrait cependant pas exagérer l'importance de ces différences. Ainsi, à Montréal, c'est l'administration du maire Jean Drapeau et du Parti civique qui a finalement concrétisé et généralisé l'expérience des Maisons de la culture. En cette matière, la personnalité du maire est souvent un facteur explicatif plus déterminant que les orientations idéologiques et les programmes électoraux. C'est que les arts et la culture se prêtent particulièrement bien à des décisions personnalisées. La tradition du mécénat politique, de Laurent de Médicis à François Mitterand, appuie une telle façon de faire. Le discours sur les arts comme manifestation de l'esprit intuitif et du génie créateur aussi. Pour l'élu local qui le désire, il est plus facile de laisser sa marque en matière de culture que de voirie.

Pour les professionnels de l'aménagement urbain (urbanistes, architectes, architectes du paysage, designers), cet engouement récent pour les arts et la ville est certes bienvenu puisqu'il justifie une certaine approche de la planification et du design urbain où les valeurs, les racines historiques et les questionnements occupent une place au moins aussi importante que ceux reliés aux flux de circulation et à l'intégration des fonctions. Quant aux artistes, les aménagistes leur sont immédiatement apparus comme autant d'alliés naturels dans leur combat de tous les instants pour obtenir leur place au soleil dans la ville. Enfin, on allait comprendre que l'âme d'une ville n'est pas qu'affaire de gratte-ciel ou d'autoroutes. L'intégration des œuvres d'art dans les édifices gouvernementaux et surtout ce qu'il est convenu d'appeler « l'art public » ont jusqu'ici constitué les principaux points de rencontre entre les artistes et les aménagistes. À l'occasion, ce mariage de raison est devenu une véritable histoire d'amour lorsque les spécialistes de l'aménagement urbain ont suggéré de faire des arts et de la culture les éléments moteurs de la revitalisation de rues en perdition et de quartiers à l'abandon. C'est ainsi qu'on a vu apparaître une nouvelle définition de l'art comme définisseur visuel de nos villes [5], comme agent de développement et de promotion, particulièrement dans les villes d'hiver [6], ou comme concrétisation de l'image et de la personnalité du « local » [7]. À Boston, on a fait des arts et de la culture la dernière chance d'un vaste quartier dans la périphérie immédiate du centre, le seul semble-t-il qui n'a pu bénéficier du « miracle bostonnais ». Et que serait Montpellier sans ses équipements culturels de prestige [8] ?

[204]

Cette lune de miel entre artistes et aménagistes tire à sa fin. Pour les aménagistes, la volonté d'indépendance des artistes sans compter celle des citoyens de s'engager dans l'élaboration d'une politique culturelle, ne fait que compliquer encore un peu plus un pari d'aménagement déjà passablement enchevêtré. Il ne suffit plus de proclamer que les salles de concert et les sculptures sont des éléments essentiels de toute entreprise de planification urbaine au même titre que le logement, la sécurité ou l'industrie [9] pour canaliser tous les intérêts. Pour un exemple réussi de coopération entre une entreprise culturelle, une administration municipale et un développeur - le tout sous la baguette de l'aménagiste - on trouve des dizaines de projets avortés et de maquettes trop vite oubliées.

L'arbitraire politique et la confusion bureaucratique qui entourent la politique culturelle municipale ne font qu'ajouter au désenchantement des aménagistes qui voient ainsi leur contribution aux décisions réduite à une simple rationalisation à la fois post facto et purement cosmétique. C'est ailleurs, ont constaté les aménagistes, dans le bureau de l'adjoint au maire, dans les réunions inter-services et les tables de concertation où se rencontrent les représentants du monde de la culture et ceux des municipalités que se prennent les véritables décisions concernant la culture dans la ville. Même lorsque le processus de planification urbaine est solidement implante, comme à Chicago, les décisions concernant la culture sont sujettes aux mêmes compromis et aux mêmes lenteurs que des questions en apparence plus controversées. Par exemple, la décision de construire une nouvelle bibliothèque municipale à Chicago s'est éternisée sur plus de quinze ans au cours desquels pas moins de cinq maires se sont succédé. Très rapidement, les aspects techniques du projet ont cédé le pas aux calculs stratégiques des acteurs exclusivement préoccupés de donner l'impression qu'ils étaient des partenaires consciencieux dans le « jeu » de la planification. Le fait même qu’un tel projet soit mis de l'avant par une coalition public-privé semble avoir nui puisqu'un tel partenariat n'a fait qu'accroître les attentes et les exigences des professionnels et du public en général. Le moindre détail - et ils sont nombreux dans un équipement de 100 millions de dollars - fut l'objet de multiples expertises et contre-expertises [10]. Un projet qu'on croyait tout à fait indiqué pour la patrie du mouvement City Beautiful devint rapidement un cauchemar.

[205]

Les artistes ont déchanté encore plus rapidement et accusent aujourd'hui les aménagistes et autres planificateurs urbains de limiter leur présence dans la ville à quelques sculptures dispersées ici et là sur le territoire public, et si possible des sculptures qui ne prêtent pas à controverse [11]. La généralisation de l'artifice postmoderne et l'engouement des aménagistes pour le design d'apparence et les emprunts historiques dont l'éclectisme nie jusqu'à la notion même d'œuvre d'art n'ont pas arrangé les choses.

Les artistes et les artisans des industries culturelles — ils ne sont pas les seuls — accusent ouvertement les aménagistes de céder à la tentation de la décoration et de laisser les promoteurs définir en toute légitimité le nouvel esthétisme postmoderne [12]. C'est trop facile, disent-ils, de permettre à un promoteur de s'en tirer avec quelques références à la Renaissance.

On se méfie de plus en plus de ces projets d'aménagement dont la résultante est de créer des Disneylands culturels où les artistes ne peuvent espérer que jouer le rôle de figurants de jour [13]. Les prix étant devenus inabordables, ils sont souvent condamnés à quitter ces nouveaux corridors culturels qu'ils avaient pourtant aidé à créer.

« Aménager une place à la culture dans la ville », rares sont ceux qui rejettent cette affirmation. Mais de quelle culture s'agit-il ? Et de quel aménagement ? Au profit de qui ? À travers quels instruments ? Les questions, on le voit, sont nombreuses et il est indispensable de bien cerner les enjeux qui entourent le développement des activités culturelles et artistiques avant d'espérer formaliser une pratique d'aménagement dans ce domaine. Pour les aménagistes, cela veut d'abord dire un détour du côté de la sociologie des arts et de la ville. Certes, il est nécessaire de démystifier les arts et la culture. Ce sont des fonctions urbaines au même titre que le commerce et l'industrie. Ces revendications des artistes et des consommateurs d'activités culturelles ne procèdent pas non plus, a priori, d'une logique différente de celle des autres groupes organisés. Pour l'instant, leur légitimité est grande ; cela ne doit toutefois pas mettre le débat culturel à l'abri d'une analyse critique. Avant de prétendre « aménager la culture dans la ville » ou « aménager la ville en fonction de la culture », il importe de comprendre les relations complexes qui unissent les arts [206] à l'espace urbain. Ici aussi nous n'en sommes encore qu'aux premières explorations.

COMPRENDRE AVANT D'AMÉNAGER

Comment expliquer que certaines villes semblent plus propices que d'autres aux manifestations et à la consommation artistiques ? Pourquoi la comédie musicale à New York et le théâtre à Londres ? Pourquoi Buffalo a-t-elle tourné le dos si longtemps à son patrimoine architectural alors que Baltimore a choisi d'en faire un élément de sa revitalisation ? La création d'une nouvelle salle de concert favorise-t-elle nécessairement l'offre et la demande d'activités musicales ? Les réponses à ces questions, si elles sont nombreuses, ne permettent pas encore d'identifier avec certitude les règles de composition du paysage culturel urbain.

Plusieurs chercheurs, des sociologues pour la plupart, ont tenté de trouver du côté de la géographie régionale l'explication de l'existence d'une vie culturelle et artistique locale. Cette explication par la géographie et les mentalités n'est pas nouvelle et s'inscrit dans la tradition de la lutte des régionalismes face aux effets niveleurs de l'industrialisation et de la consommation de masse. Jusqu'à récemment, on s'est donc souvent contenté, surtout aux États-Unis [14], d'affirmer que le théâtre ou la danse, par exemple, étaient plus répandus dans les villes du nord-est américain à cause d'une orientation plus favorable des Easterners envers ce genre d'activités. Cette explication pour le moins tautologique perdit encore davantage de sa force lorsqu'on constata que le nombre de ces différences régionales s'estompait mais que leurs manifestations artistiques demeuraient et même surgissaient dans des milieux jugés jusque-là hostiles [15]. Après tout, l'engouement pour la musique et la culture western n'est pas limité aux villes de l'Ouest.

L'hypothèse qui veut que ce soit la ville et non la région qui explique la nature et la vitalité du développement artistique d'une communauté a mieux résisté à l'examen empirique. Il faut dire que l'idée que les arts fleurissent particulièrement bien en milieu urbain et qu'à chaque personnalité urbaine correspondent un niveau et une [207] forme de développement artistique est aussi vieille que celle de la ville elle-même. Le raisonnement est connu et à la ville de la Renaissance avec son penchant pour une architecture humaniste et célébrant la grandeur de l'individu, on associe, un peu trop facilement, une vie artistique elle aussi centrée sur l'individu. À la ville baroque et à son urbanisme de façade et de rationalisme correspondrait la rigueur d'une culture toute classique et parfois même également pompeuse. Mais, l'hypothèse de la ville comme « cause » ou « effet » de l'innovation artistique tient elle aussi largement de la tautologie. Comment pourrait-il en être autrement lorsque la grande majorité des créateurs, des producteurs et des diffuseurs culturels habitent la ville et qu'on y retrouve aussi la majorité des publics.

Malgré tout, l'idée que l'expérience urbaine est étroitement associée à celle des arts est largement répandue parmi tous les principaux intéressés. Certains ont suggéré que la ville elle-même est une œuvre d'art que les artistes se contentent de mettre en lumière et de traduire selon les moyens spécifiques de leurs disciplines [16]. Dans le cas de la littérature par exemple, la ville devient le sujet par excellence, fournissant les personnages, les thématiques, les enjeux et une infinité de dénouements. On parle ainsi de la littérature victorienne comme on parle de la ville victorienne. À l'extrême, on en vient même à associer certaines expressions musicales à certaines formes urbaines [17]. Ainsi, la composition contemporaine ne serait que le reflet de la cacophonie de sons et de bruits qu'on rencontre dans nos villes modernes.

Plus récemment, on a tenté de découvrir, par l'intermédiaire d'indicateurs statistiques, les liens de causalité pouvant exister entre certaines caractéristiques des sociétés urbaines et la richesse ainsi que la diversité de leur vie artistique. Même si cette nouvelle approche n'a pas donné les résultats escomptés, elle a tout de même permis de remettre en question les fondements de certaines idées reçues, et non les moindres, quant aux conditions permettant aux arts et à la culture de s'épanouir. C'est ainsi que, dans une étude comparative des agglomérations urbaines américaines, Judith Blau a pu montrer que la présence d'inégalités sociales, celles-là mêmes qui ont permis à Charles Dickens d'écrire de si belles pages, n'était pas associée à la présence ou à l'absence d'équipements culturels [18]. De [208] la même façon, l'idée d'une taille maximale à partir de laquelle une agglomération cesserait d'attirer les équipements culturels doit aussi être remise en question, du moins dans le cas des États-Unis.

Nous savons encore peu de choses sur les effets respectifs des caractéristiques socio-économiques des consommateurs et celui de la localisation des équipements culturels sur l'offre et la demande pour des produits culturels. Évidemment, la simple présence d'équipements culturels n'entraîne pas automatiquement une participation aux activités artistiques ou de loisirs. La nature des équipements semble devoir orienter davantage la participation que leur simple proximité. En matière de culture, la localisation géographique n'aurait donc pas la même importance que pour ce qui est de la santé ou de l'éducation. L'établissement d'une clinique médicale dans un quartier défavorisé facilite l'accès et augmente la consommation des soins médicaux. Les choses sont plus complexes pour ce qui est des équipements culturels. Le rapport à la consommation culturelle n est pas aussi direct.

Le rapport à la société urbaine non plus. Ainsi, si on se fie à certains travaux français, la présence ou l'absence de tels équipements joue un rôle somme toute secondaire dans la définition de ce qui constitue ou pas un « beau quartier » [19]. Neuilly n'est pas Neuilly et Westmount n'est pas Westmount à cause de leurs équipements culturels. Par opposition, les nombreuses études sur la gentrification ont démontré hors de tout doute que l'implantation d équipements culturels constituait souvent un élément important des stratégies de revitalisation de quartiers abandonnés. Dans leurs tentatives d'élaborer des coalitions de croissance, les administrateurs municipaux, les groupes d'affaires et les développeurs ont de plus en plus recours à l'argument culturel et artistique pour arriver à leurs fins [20]. Il est plus facile de démolir ou d'exproprier pour construire une nouvelle salle de concert que pour installer un centre commercial. C'est l'argument de la « machine de croissance urbaine » [21] qui fait des arts et de la culture un élément clé pour s'assurer du contrôle de l'espace urbain. Les équipements culturels ne répondent pas ici à une logique spatiale qui leur est propre, mais à une logique de pouvoir. Malgré un certain simplisme, la thèse de la salle de concert ou de la bibliothèque comme manifestation concrète d'un pouvoir localisé n est pas dénuée de tout fondement. En aménageant des « grands travaux » et en [209] s'assurant de leur soi-disant insertion dans la trame urbaine, l'aménagiste contribue nécessairement à cette « concrétisation » du pouvoir. Et s'il est vrai que ce pouvoir se cache de plus en plus sous un masque culturel, alors la responsabilité de l'aménagiste n'en est qu'accrue.

Et comme si ces questions ne suffisaient pas à troubler le sommeil du planificateur urbain, ce dernier devra aussi s'interroger sur les conséquences de son travail sur l'évolution des formes et du contenu des disciplines artistiques. En effet, jusqu'ici nous avons surtout souligné la contribution des arts et de la culture à l'aménagement urbain. Il n'est pas impensable de renverser l'équation. Serge Guilbaut et quelques autres ont bien montré que la prédominance de New York et l'évolution de l'expressionnisme abstrait américain sont tributaires de la généralisation de la guerre froide [22]. Plus intrigante encore est la suggestion de certains sociologues du phénomène Soho [23] selon laquelle les édifices typiques de Soho avec leurs larges fenêtres, leurs planchers renforcés, leurs monte-charge puissants et leurs grandes vitrines du rez-de-chaussée ont sans doute contribué — douce revanche du physico-spatial sur l'artistique — à populariser les grands formats, les installations multimédias et les « performances » sur place [24].

Mais cette revanche n'est pas sans coûts. Certes Soho à New York, le West-End à Londres et la Rive Gauche à Paris ont contribué à canaliser l'expression artistique dans une direction plutôt qu'une autre. Mais leur succès fut tel que dans bien des cas ces districts sont devenus des pastiches d'eux-mêmes. Les têtes d'affiches d'une nouvelle génération de petits Sohos où, de Sait Lake City à Halifax, un coin est réservé à l'avant-garde.

Faire une place dans la ville pour les artistes et faire contribuer les arts à un aménagement urbain de qualité ne sont pas des objectifs de tout repos. Trop peu de visibilité et la production culturelle devient une activité pour initiés. Trop de visibilité et on tombe dans le syndrome du parc d'amusement.

LE PAYSAGE DES ÉQUIPEMENTS CULTURELS
À MONTRÉAL


On connaît en général assez peu la dimension physico-spatiale du paysage culturel de nos villes. On en connaît davantage le paysage [210] industriel, commercial ou résidentiel. En matière de culture, la préoccupation a surtout porté sur le nombre d'emplois et les retombées économiques des grandes manifestations culturelles. Pourtant, cette connaissance constitue un préalable à toute démarche d’aménagement des arts et de la culture dans la ville. La suite de ce texte tente de cerner la réalité de Montréal à cet égard. Nous espérons en même temps faire ressortir certains des enjeux identifiés dans les pages précédentes [25].

La présente étude concerne avant tout les lieux où se « diffusent » les arts et la culture. C'est le critère de la « consommation » plutôt que celui de la création ou de la gestion que nous avons retenu pour identifier l'existence d'un équipement culturel, lequel se caractérise ainsi par la présence d'un public [26]. À la limite, un équipement est un assemblage de fauteuils, de chaises ou de mètres carres ou des gens écoutent, parlent, bougent, regardent des objets ou d'autres personnes en « représentation ». Onze types d'équipements ont été retenus pour nous aider à définir le paysage institutionnel montréalais.

1. Les salles de spectacle dont la fonction première est d'offrir des « spectacles » à un public qui les fréquente.

2. Les cinémas, y compris les cinémas d'art, d essai et de répertoire.

3. Les musées historiques, religieux, artistiques qui présentent une ou plusieurs collections permanentes.

4. Les centres d'exposition qui, le plus souvent, ne comprennent pas de collections et où les activités commerciales sont secondaires.

5. Les galeries commerciales où se vendent et s'achètent des œuvres d'art sur une base régulière. Nous avons cependant exclu les studios d'encadrement et les « galeries » de reproductions.

6. Les bibliothèques, à l'exclusion de celles qui sont en milieu scolaire ou universitaire, mais y compris certains centres de documentation spécialisés.

7. Les librairies, qu'il s'agisse des librairies agréées ou des librairies de livres usagés, anciens, etc. Les tabagies, les comptoirs du métro et les librairies situées dans les grandes surfaces sont exclus, mais non les librairies universitaires.

8. Les studios de production, audio, cinématographique ou autres, accessibles sur une base commerciale et permanente.

[211]

Les ateliers de production, surtout du domaine des arts graphiques, accessibles à des groupes d'artistes ou gérés par eux.

Les bars où sont régulièrement présentés des « spectacles » sur une base commerciale.

Les espaces ouverts, souvent des parcs, avec ou sans gradins, où sont régulièrement présentés des spectacles [27].

Le territoire de la ville de Montréal comprend près de 500 équipements culturels, 496 exactement, répartis de façon inégale entre ces onze catégories dont les quatre plus importantes sont les librairies, les cinémas, les salles de spectacle et les galeries commerciales. Sauf peut-être le nombre relativement élevé de galeries, les chiffres du tableau 1 ne surprendront guère.

Tableau 1
Distribution et date d'établissement des équipements culturels
à Montréal

Salles de spectacle

69

14,0

20

19

25

36

100

Cinémas

79

16,0

4

0

49

44

100

Musées

21

4,0

57

14

10

19

100

Centres d'exposition

43

9,0

5

7

19

70

100

Galeries

80

16,0

9

7

8

77

100

Bibliothèques

32

6,0

19

19

13

50

100

Librairies

88

18,0

12

10

31

47

100

Studios de production

28

6,0

8

4

27

62

100

Ateliers de production

16

3,0

0

6

25

69

100

Bars

28

6,0

0

11

25

64

100

Espaces ouverts

12

2,0

36

27

27

9

100

ENSEMBLE

100,0

12

10

25

53

100

N

(496)

(496)

(60)

(47)

(22)

(257)

(486)**

* Tous les pourcentages ne totalisent pas 100%. Nous avons quand même utilisé ce chiffre pour indiquer le sens de lecture des tableaux.
** Certaines informations n'ont pu être colligées pour tous les équipements.

Source : Banque d'information sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

[212]

Selon que l'on compare Montréal à New York, à Edmonton ou à Lyon, on ne manquera pas d'être déçu ou impressionné par ces 500 équipements [28]. Le tableau 1 révèle en outre que la moitié d entre eux datent au plus de 1980. Même s'il faut relativiser cette impression de « jeunesse », certains équipements connaissent plusieurs vies. C'est une donnée qui en surprendra plusieurs, car à peine 20% des équipements culturels montréalais datent de plus de 20 ans ou n ont pas connu de transformations majeures depuis leur apparition.

Ces 496 équipements constituent la matière première avec laquelle doit travailler le planificateur urbain. Tous ces équipements n'ont pas la même importance ; tous ne contribuent pas également a la définition du paysage culturel montréalais. Mais on ne saurait cependant les ignorer sous prétexte qu'il ne s'agit là que de brique et de béton alors que l'âme culturelle de la métropole serait ailleurs dans le génie de ses créateurs ou le discours de ses politiciens. Certes, il n'est pas facile pour l'aménagiste de donner un sens au fait que Montréal compte presque autant de galeries que de librairies. Mais cette interprétation ne saurait être évitée. Elle constitue le premier pas de toute démarche d'aménagement de la culture dans la ville.

Au tableau 2, on trouvera une ventilation des équipements selon les disciplines prioritaires qui en font usage. On remarquera immédiatement que la danse est à peu près absente du paysage des équipements montréalais. Si un studio de « répétition » ne s'était pas glissé dans l'inventaire, cette discipline passerait totalement inaperçue. Les succès de la danse montréalaise ne tiennent donc pas à la richesse et à l'exclusivité des lieux où elle se produit. Cela suffit à faire réfléchir ceux qui insistent sur l'existence de liens étroits entre le succès artistique et l'installation dans des équipements personnalisés. Par contre, l'importance des disciplines regroupées sous l'appellation « arts visuels » et surtout leur large degré de diffusion à travers plusieurs types d'équipements culturels témoignent de l'importance de ce secteur dans la vie culturelle montréalaise.

Voyons maintenant la réalité dans l'autre sens, c'est-à-dire en distribuant les disciplines selon leurs équipements. Où sont installées nos disciplines artistiques ? En excluant la danse, qui n'est pas « installée » du tout - c'est le moins qu'on puisse dire -, nous constatons que deux disciplines, le théâtre et le cinéma, sont installées à 90%

[213]

TABLEAU 2
Les équipements culturels selon leur discipline prioritaire (%)

Arts visuels

Théâtre

Danse

Musique

Audio visuel

Science technologie

Cinéma

Expression écrite

Multi-disciplinaire

Total %

Salles de spectacle

2

52

0

33

4

2

0

0

7

100

Cinémas

0

0

0

0

0

1

98

0

1

100

Musées

33

0

0

0

0

62

5

0

0

100

Centres d'exposition

83

0

0

0

0

14

0

0

2

100

Galeries

1

99

0

0

1

0

0

0

0

100

Bibliothèques

13

0

0

0

3

3

6

75

0

100

Librairies

2

2

0

1

0

1

0

93

0

100

Studios de production

4

0

0

0

0

78

0

19

00

100

Ateliers de production

69

6

6

6

13

0

0

0

0

100

Bars

0

0

0

100

0

0

0

0

0

100

Espaces ouverts

0

9

0

91

0

0

0

0

0

100

ENSEMBLE

28

8

2

13

6

5

18

22

2

100

N

(136)

(40)

(1)

(64)

(27)

(23)

(85)

(106)

(7)

(489)

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

[214]

TABLEAU 3
Les équipements culturels selon leur discipline prioritaire (%)

Salles de

Cinémas

Musées

Centres
d'expositions

Galeries

Bibliothèques

Librairies

Studios de production

Ateliers de
production

Bars

Espaces ouverts

Total %

Arts visuels

1

0

5

26

56

3

2

1

8

0

4

100

Théâtre

90

0

0

0

0

0

5

0

3

0

3

100

Danse

0

0

0

0

0

0

0

0

100

0

0

100

Musique

36

0

0

0

2

0

2

0

2

44

16

100

Audiovisuel

11

0

0

0

0

4

0

78

7

0

0

100

Science, technologie

4

4

57

27

0

4

4

0

0

0

0

100

Cinéma

0

91

1

0

0

2

0

6

0

0

0

100

Expression écrite

0

0

0

0

0

23

77

0

00

0

100

Multidisciplinaire

71

15

0

15

0

0

0

0

0

0

0

100

ENSEMBLE

(69)

(79)

(21)

(42)

(76)

(32)

(88)

(27)

(10)

(28)

(11)

(489)

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

[215]

dans un seul type d'équipement, la salle de spectacle dans un cas, la salle de cinéma dans l'autre. Les autres disciplines artistiques ont aussi leurs équipements favoris : les galeries pour ce qui est des arts visuels, les studios de production pour l'audiovisuel, les musées pour la science et la technologie, les librairies pour l'expression écrite et les salles de spectacle pour le multidisciplinaire. La musique, quant à elle, partage ses préférences entre les salles de spectacle et les bars.

Les noyaux durs de tout le paysage culturel montréalais sont constitués de la correspondance entre certains équipements et les disciplines artistiques qui les utilisent prioritairement. Cette correspondance plus étroite entre un équipement et une discipline augmente nécessairement la visibilité du lieu et accentue sa présence dans le paysage culturel d'une ville. Le tableau 4 est le fruit de ce croisement entre équipements et disciplines prioritaires. On y découvre que les trois quarts, 380 sur 496, des équipements culturels montréalais ont une discipline prioritaire. C'est ainsi qu'on peut parler proprement de 36 lieux de théâtre, 23 lieux de musique, 6 lieux de science et technologie, etc. À l'inverse, on peut dire que 25% des lieux culturels montréalais sont polyvalents et n'ont pas d'identité exclusive. Est-ce peu ? Est-ce beaucoup ? Il faudrait pouvoir comparer avec d'autres villes pour pouvoir le dire. Par contre, si l'on considère ces « croisements » entre équipements et disciplines comme les principaux éléments définisseurs du paysage culturel montréalais, nous dirons que ce dernier se définit avant tout par ses cinémas, ses galeries et ses librairies. Il apparaît aussi qu'à Montréal les « lieux » de théâtre sont plus nombreux que ceux associés aux spectacles et concerts et que la science et la technologie sont de toute évidence les parents pauvres de l'installation permanente.

On demande souvent aux aménagistes de rendre la culture plus « visible », question d'accentuer le rôle de vitrine culturelle de Montréal. Mais la culture est-elle invisible à Montréal ? Si on considère que seulement 37% des équipements culturels recensés sont logés dans des édifices « détachés », on pourrait être tenté de répondre par l'affirmative [29]. Cette impression est confirmée par le pourcentage relativement élevé d'équipements qui ne sont pas accessibles directement à partir de la rue (57%) ou qui ont été bâtis à d'autres fins que les arts et la culture (54%). Et finalement, notons que, bien qu'il

[216] s'agisse là d'une évaluation subjective, seulement 37% des équipements inventoriés ont été considérés comme ayant une valeur patrimoniale et architecturale élevée. Par rapport à l'ensemble du bâti montréalais, il s'agit peut-être d'un pourcentage élevé, mais on aurait pu prévoir une meilleure visibilité des équipements culturels.

Tableau 4
Utilisation prioritaire des principaux lieux culturels de Montréal

Galeries de peinture et musées d'arts visuels

78

21,0

Salles de théâtre

36

10,0

Salles de concert

23

6,0

Bars musicaux

28

7,0

Studios audiovisuels

21

6,0

Centres de science-technologie

6

2,0

Cinémas

77

20,0

Bibliothèques

24

6,0

Librairies

82

22,0

Salles multimédias

5

22,0

ENSEMBLE

(380)

1,0

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC),  INRS-Urbanisation, 1990.


Malgré le fait que nous ne disposions pas de données comparatives, on ne peut s'empêcher de penser que la complainte si fréquente d'un manque de visibilité des équipements culturels montréalais doit reposer sur d'autres fondements que le mode d'insertion physique révélé par ces données. Après tout, près de la moitié des équipements culturels sont accessibles à partir de la rue ou ont été construits à cette fin. Cela nous renvoie inévitablement à l'hypothèse suggérée antérieurement, à savoir que le caractère prétendument invisible de la culture à Montréal serait dû à l'absence d une « signature » culturelle et au caractère extrêmement éphémère des principales manifestations qui ont lieu dans la métropole. Nous avions parlé à cet égard d'un paysage culturel quasi électronique, c'est-à-dire ou la définition tient davantage à la succession très rapide d’images et d'impressions qu'à la permanence et au travail de grandes institutions [30].

[217]

Tous les équipements recensés ici n'ont pas le même poids culturel. On ne saurait comparer une salle de concert de 3 000 places avec une librairie de quartier. Mais au-delà de cette évidence, l'amé- nagiste devra quand même tenir compte de l'importante diversité du paysage artistique montréalais. Chaque soir, il peut s'y tenir 36 représentations théâtrales, 23 concerts, 78 expositions et 77 séances de cinéma. Il appert donc que les arts et la culture ont trouvé, sinon « leur » place, du moins « une » place à Montréal [31]. Mais de quelle place s'agit-il ?

LA DOMINANCE DU CENTRE

Le tableau 5 indique que cette domination ne fait aucun doute. Avec un peu moins de 60% de l'ensemble des équipements culturels, l'arrondissement Ville-Marie (VI), qui correspond au centre de la ville, regroupe la majorité des équipements dans chaque catégorie, sauf pour les bibliothèques, seuls équipements pouvant être considérés comme décentralisés [32]. Trois arrondissements (V, VI et VII) accaparent à eux seuls 88% des équipements, et dans au moins deux cas (II et IX) on peut parler de désert culturel et artistique.

Certaines catégories d'équipements, les musées et les centres d'expositions, sont légèrement moins concentrées que d'autres, mais les différences sont si peu significatives qu'on hésite à les mentionner. La même remarque s'applique aux disciplines prioritaires. Ainsi, les studios et ateliers de production, dont on aurait pu croire qu'ils auraient cherché à s'éloigner du centre, ne semblent pas l'avoir fait.

Ces chiffres placent dans une autre perspective le débat sur le zonage culturel, et que dire de celui sur la nécessité d'un district culturel montréalais ? Le moins que l'on puisse affirmer, c'est que la centralité culturelle existe déjà dans les faits et qu'il n'y a guère eu d'exode des arts vers la périphérie et les quartiers éloignés. Montréal possède déjà son arrondissement culturel, et sa prédominance ne fait aucun doute. Le soi-disant problème de la visibilité des arts et de la culture à Montréal ne tient donc pas à un manque de concentration au centre. Évidemment tout est une question d'échelle. Peut-on

[218]

Distribution des équipements culturels selon les arrondissements (%)

Arrondissement

TOTAL

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

Équipements

Salles de spectacle

0

3

6

3

29

52

6

2

0

100

Cinémas

0

1

3

4

11

75

6

0

0

100

Musées

0

0

0

10

5

81

5

0

0

100

Centres d'expositions

0

0

5

0

37

37

16

5

0

100

Galeries commerciales

1

0

3

0

24

69

4

0

0

100

Bibliothèques

9

0

6

9

31

19

9

13

3

100

Librairies

7

1

3

1

21

56

9

0

2

100

Studios de production

0

0

4

0

25

61

4

7

0

100

Ateliers de production

0

0

0

0

19

69

0

6

6

100

Bars

0

0

0

4

21

68

7

0

0

100

Espaces ouverts

0

0

0

17

8

75

0

0

0

100

ENSEMBLE

2

1

3

3

22

59

7

2

1

100

N

(10)

(4)

(16)

(14)

(110)

(294)

(34)

(10)

(4)

(489)

Disciplines prioritaires

Arts visuels

1

0

2

1

27

61

7

2

0

100

Théâtre

0

3

5

5

35

50

3

0

0

100

Musique

0

0

2

5

16

72

5

0

2

100

Audiovisuel

0

4

4

0

26

60

0

7

0

100

Science, technologie

0

0

13

4

13

65

4

0

0

100

Cinéma

0

1

2

4

15

72

6

0

0

100

Expression écrite

9

1

5

4

21

44

10

4

3

100

Multidisciplinaire

0

0

0

0

43

0

43

14

0

100

ENSEMBLE

2

1

3

3

22

59

7

2

1

100

N

(10)

(4)

(16)

(14)

(110)

(294)

(34)

(10)

(4)

(489)

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.


[219]

Arrondissements et quartiers
de planification de la Ville de Montréal


[220]

encore parler de concentration lorsqu'il s'agit d un territoire de 1 570 hectares et qui comprend pas moins de 13 stations de métro ?

Le regroupement est-il plus apparent lorsqu’on examine la distribution des équipements à travers la grille des quartiers de planification ? On en compte 54 sur le territoire montréalais. Avec 181 équipements, le quartier de planification 38, qui correspond à ce qu'il est convenu d'appeler le centre-ville de Montréal, regroupe ainsi à lui seul plus du tiers (37%) de tous les équipements montréalais. Cinq autres quartiers en ont un nombre appréciable. On peut donc parler d'un épicentre culturel [33] comprenant un noyau dur (le quartier 38), un premier anneau formé des quartiers 37 et 39 (le Vieux-Montréal et le sud-ouest de la Montagne), avec 105 équipements, soit 21% de l'ensemble, et un deuxième anneau constitué des quartiers de planification 30, 32 et 35 (Sainte-Marie, Parc-Lafontaine et Saint-Louis), où il s'en trouve 86 (17%) [34]. Ces quartiers regroupent au total 372 équipements, soit 75% de I ensemble. Par contre, treize quartiers n'en ont aucun et 24 en ont trois ou moins. Ces derniers chiffres font réfléchir. Par exemple, les quartiers de planification 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 n'ont « que cinq équipements au total. Au lieu de parler de leur manque de visibilité à Montréal, on devrait peut-être parler de leur absence dans des zones entières du territoire montréalais.

Avec les précautions d'usage, compte tenu de l'importance relative des différentes catégories d'équipements, on peut quand même se risquer à conclure que si la zone centrale de Montréal en accapare la grande majorité, on doit aussi constater qu'à l'intérieur de cette zone, la dispersion est assez grande. Bref, il est vrai qu'à Montréal, le centre est privilégié, mais ce centre a le dos très large. C'est peut-être ce qui explique l'impression contradictoire d'une multitude d'activités culturelles distribuées de façon suffisamment dense pour qu'on les perçoive à « l'œil nu », mais non suffisamment regroupées pour qu’elles puissent se refléter les unes sur les autres et qu'on puisse parler d'une grande visibilité.

Vu l'extrême concentration des équipements dans un ou deux arrondissements, il est difficile de qualifier la « personnalité » culturelle des autres arrondissements. À deux exceptions près, ils sont tous également « pauvres » [35] ! Quant à l'arrondissement Ville-Marie, le plus [221] nanti, on y retrouve tous les types d'équipements. La spécialisation culturelle ne semble donc pas être le lot des arrondissements montréalais. Dans un tel contexte, l'idée de rechercher dans le tissu socio-économique des raisons pouvant expliquer la présence ou l'absence d'équipements perd quelque peu son sens. De fait, il n'existe aucune relation statistique entre la présence d'équipements et les variables socio-économiques traditionnelles : profession, origine ethnique, langue parlée, pourcentage de locataires, etc., telles qu'on les retrouve dans chaque quartier. Tout au plus avons-nous constaté que les quartiers de planification à haute concentration de francophones comprennent moins d'équipements que les quartiers de planification les plus anglophones. Lorsqu'on isole le nombre d'habitants de chacun de ces quartiers, cette relation diminue cependant quelque peu d'intensité, car les quartiers anglophones, du moins ceux où le pourcentage d'anglophones est plus élevé, ont souvent de plus grosses populations.

Il n'est donc pas facile de « lire » le paysage des équipements culturels et artistiques à Montréal. Certes, il y a cette prédominance du centre mais ce dernier est à ce point étendu qu'il n'est guère surprenant de tout y retrouver. Est-ce cette étendue ou plus prosaïquement le fait que bon nombre d'équipements se déménagent difficilement qui explique que certains quartiers du centre ont conservé des équipements majeurs dont la création et l'installation avaient été motivées à l'époque par des critères de proximité sociolinguistique ? C'est le cas du Musée des beaux-arts qui, au moment de sa création, était situé au cœur de la zone anglophone de Montréal. En 1990, ce n'est plus le cas. La ville bouge et les équipements ne suivent pas toujours. Le travail de décodage s'en trouve compliqué pour autant.

QUI SE RESSEMBLE S'ASSEMBLE

Cet adage vaut-il aussi pour les équipements culturels ? Nous avons déjà en partie répondu à cette question par l'examen de leur localisation fonctionnelle : 22% seraient intégrés dans des ensembles immobiliers où se trouvent aussi d'autres équipements ; de plus, 7% feraient partie de complexes culturels, éducatifs ou religieux.

[222]

L'examen des codes postaux ajoute quelque peu à cette première observation [36]. C'est ainsi que 209 équipements culturels, soit 43% de l'ensemble du parc d'équipements, ont des codes postaux qui ne correspondent à aucun autre équipement (tableau 6). Par opposition, 277 codes sont communs à des constellations qui vont de deux à dix équipements culturels. Ces précisions confirment l'impression générale qui s'est dégagée jusqu'ici, soit celle d une concentration des équipements au centre de Montréal avec cependant une multitude de mini-pôles disséminés à la grandeur de ce centre.

Quelle est la composition de ces agglomérations, grandes ou petites ? Quels types d'équipements sont les plus susceptibles de se retrouver dans un même code postal ? Selon le tableau 7, les cinémas sont à eux seuls responsables de 61% des grands regroupements, c'est-à-dire que 61% des équipements qu'on retrouve dans ces regroupements sont en fait des cinémas. Ce pourcentage ne surprend guère. Plus surprenant est le fait qu'on ne retrouve aucun musée dans ces regroupements. Aux deux tiers ceux-ci sont seuls dans leur zone postale. Certes, on peut croire que ces équipements, à cause de leur importance, ont un code postal exclusif. C'est le cas par exemple du Musée des beaux-arts. Mais, même en tenant compte de ce phénomène, le caractère insulaire des musées mérite d'être souligné. Après tout, ils n'ont pas tous l'envergure du Musée des beaux-arts et bon nombre d'entre eux partagent leur code postal avec d'autres édifices. Chose certaine, peu d'entre eux donnent naissance à des agglomérations. Cette situation, contraire au discours dominant sur le sujet, mérite d'être soulignée.

Mais les musées ne sont pas seuls dans cette situation. Les ateliers et les studios de production ne contribuent guère aux regroupements de haute densité, ce qui confirme nos appréhensions du début selon lesquelles la localisation de ces équipements procède d'une autre logique, davantage axée sur la production que sur la diffusion. L'isolement des espaces ouverts est plus compréhensible puisque ceux-ci ont tendance, par définition, à être seuls. Quant aux bars, on aurait pu s'attendre à les rencontrer dans les agglomérations de cinq équipements ou plus. Ce n'est pas le cas. Le type de musique qu'on y retrouve n'est donc guère propice à de tels regroupements.

[223]

Tableau 6
Regroupement d'équipements culturels selon les codes postaux

Nombre

%

209

codes postaux avec

1 équipement

209

43

52

codes postaux avec

2 équipements

104

21

17

codes postaux avec

3 équipements

51

11

11

codes postaux avec

4 équipements

44

9

7

codes postaux avec

5 équipements

35

7

2

codes postaux avec

6 équipements

12

3

3

codes postaux avec

7 équipements

21

4

1

code postal avec

10 équipements

10

2

ENSEMBLE

486

100

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

Tableau 7
Distribution des équipements culturels selon les regroupements (en %)

Seul

2 à 5 équipements

Plus de 5 équipements

Total

Salles de spectacle

38*

57

6

100

Cinémas

14

54

33

100

Musées

62

38

100

Centres d'exposition

19

77

5

100

Galeries

45

46

9

100

Bibliothèques

60

38

3

100

Librairies

56

42

2

100

Studios de production

64

32

4

100

Ateliers de production

69

31

100

Bars

54

46

100

Espaces ouverts

67

33

-

100

ENSEMBLE

43

48

9

100

N

(214)

(239)

(43)

Se lit comme suit : 38% des salles de spectacle ne partagent leur code postal avec aucun autre équipement.
Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

[224]

Autre isolement quelque peu surprenant, celui des bibliothèques. Malgré la polyvalence des Maisons de la culture, les bibliothèques sont en grande majorité seules dans leur zone postale. Elles agissent comme autant d'avant-postes de la culture. Le contraste avec les centres d'exposition est pour le moins étonnant. Il faut certes éviter d'y lire une causalité trop étroite, mais le fait demeure : lorsqu'il existe un centre d'exposition, les chances sont grandes qu'on trouve aussi d'autres équipements culturels à proximité. Les galeries sont plus souvent seules. Leurs besoins pour ce qui est de la visibilité, de la permanence et d'un certain prestige les justifient souvent d'accepter un certain isolement.

Bien que conscients des limitations imposées par le code postal comme outil d'analyse, il nous faut convenir que l'existence de seulement sept constellations comprenant trois ou quatre types d'équipements culturels différents a de quoi surprendre. Cela ne correspond pas à l'image d'une ville où les équipements cherchent à tout prix à s'agglutiner pour bénéficier d'effets de synergie. Ils sont trop nombreux pour qu'on puisse les rassembler dans une zone délimitée. Par contre, ils ne le sont pas assez — et leur marché n'a pas l'ampleur requise — pour qu'ils ressentent le besoin ou qu'ils aient simplement le goût de se retrouver entre eux.

On trouvera au tableau 8 une liste de constellations de quatre, cinq, six, sept et dix équipements culturels à Montréal. Le moins qu'on puisse dire, c'est que celles-ci ne sont pas très diversifiées. Neuf (sur vingt-trois) n'ont qu'un seul type d'équipements et six n'en ont que deux. Seulement deux constellations ont quatre types d'équipements. Cinémas, galeries et centres d'expositions se regroupent souvent entre eux pour former des concentrations à haute densité. Rares sont les autres types d'équipements qui se regroupent ainsi entre semblables.

[225]

Tableau 8
Composition des constellations
de quatre équipements culturels et plus

Un seul type d'équipement dans la constellation

7 cinémas
7 galeries
6 cinémas
5 cinémas
5 galeries
5 galeries
4 cinémas
4 centres d'exposition
4 centres d'exposition

Deux types d'équipements

9 cinémas et 1 bibliothèque
4 cinémas et 2 librairies
4 cinémas et 1 bar
3 salles de spectacle et 1 centre d'exposition
cinémas et 1 galerie
2 librairies et 2 bars

Trois types d'équipements

salles de spectacle, 2 centres d'exposition et 1 studio de production
salle de spectacle, 3 centres d'exposition et 1 bibliothèque
centres d'expositions, 1 bar et 2 espaces libres
1 salle de spectacle, 2 centres d'expositions et 1 bibliothèque
1 salle de spectacle, 2 centres d'exposition et 1 bibliothèque

Quatre types d'équipements

1 salle de spectacle, 1 cinéma, 1 centre d'exposition et 1 librairie
1 salle de spectacle, 1 musée, 1 galerie et 1 librairie

Source : Banque d'informations sur les équipements culturels (BIEC), INRS-Urbanisation, 1990.

[226]

CONCLUSION

Le parc des équipements culturels de Montréal définit un paysage que l'aménagiste doit comprendre avant de tenter d’y inscrire sa marque. Ce n'est pas une mince tâche Sauf peut-être pour l'importance de l'arrondissement Ville-Marie et du quartier de planification 38, les chiffres ne parlent pas d'eux-mêmes : la réalité est toute en nuances et demi-teintes dès qu'on prétend s'éloigner des grandes affirmations. Cette ambiguïté et cette confusion que d'autres pourraient qualifier de diversité et de complexité témoignent d abord et avant tout de la richesse des infrastructures de diffusion culturelle de la ville de Montréal. En fait, cette réalité est à ce point riche et complexe que le simple décompte des places assises ou des volumes d'espace ne suffit pas à donner un sens au paysage culturel montréalais. Ainsi, selon que l'on considère Montréal comme une ville internationale, dans la lignée de Paris, de New York ou de Los Angeles, ou comme une capitale régionale, aussi importante soit-elle, on obtient une lecture très différente de ce parc de 500 équipements culturels. À cause de son importance démographique et de sa situation géopolitique, Montréal devrait de fait être apparentée à Lyon Genève ou Cologne. Pour ce qui est des sièges sociaux, du statut politique ou des infrastructures de transport et de communications, Montréal a en effet beaucoup en commun avec bon nombre de ces « grandes » villes moyennes, « petites » grandes villes, second cities et métropoles supra-régionales, comme on se plaît à les décrire.

Mais sur le plan culturel et artistique, aucune de ces villes ne possède une aussi grande concentration d'équipements que Montréal. Par contre, en utilisant les mêmes critères, on en trouverait probablement quelques milliers de ces équipements dans le seul borough de Manhattan. Pas question donc de mettre Montréal dans la même ligue que New York ou Paris. Le maillage culturel de Montréal la place plutôt dans la même catégorie que des villes comme Los Angeles, Barcelone, Boston ou Amsterdam, des régions métropolitaines dont les prétentions économiques dépassent largement celles de Montréal.

Les différences d'échelle ne sont pas les seules qui semblent vouloir faire de Montréal un cas à part. Montréal possède beaucoup [227] de galeries mais pas de véritable quartier de galeries, beaucoup de théâtres mais pas de theatre row, plusieurs musées mais sans un museum mile. Les théâtres et les musées, pour ne prendre que ces deux cas, sont trop peu nombreux pour que cette concentration se soit faite naturellement. Ils sont aussi trop nombreux pour qu'on les retrouve au complet dans quelques quadrilatères du centre, tous types d'équipements confondus.

Cette absence de spécialisation spatiale ne favorise guère la visibilité de nos équipements, d'autant plus que leur envergure individuelle ne leur permet guère d'imposer leur présence. Mais la dispersion, qui n'atteint cependant pas au saupoudrage, permet de donner au centre de Montréal une image de vitalité culturelle. Montréal, sommes-nous tenté de dire, occupe bien son espace. Un peu comme le rang donnait aux colons français une impression de sécurité en permettant d'occuper le plus grand territoire possible avec un minimum de personnes, le mode de répartition des équipements culturels sur le territoire montréalais relaie l'image d'une omniprésence culturelle.

Dès lors peut-être faut-il demander aux aménagistes d'envisager sérieusement la proposition de ne rien faire qui viendrait déséquilibrer cette image en créant des concentrations ou des regroupements dont l'existence ne ferait que souligner les trous, combien réels, qui parsèment le paysage culturel montréalais. La diffusion dans la concentration qui caractérise si bien Montréal peut s'accommoder de plusieurs ajouts aux infrastructures culturelles montréalaises. Il y a amplement de place au centre de la ville pour une Maison de l'Orchestre symphonique de Montréal, un musée des sciences et de la technologie, des salles de théâtre intermédiaires et des lieux de danse sans qu'il soit nécessaire de leur trouver à chacun une logique de localisation.

Montréal s'est donné, peut-être malgré elle, un modèle de répartition dans l'espace de ses équipements culturels. Elle s'y reconnaît tout de même. On peut certes l'améliorer et travailler à en réduire les effets pervers. On doit surtout ne pas tout reprendre à zéro et éviter d'emprunter des solutions qui placeraient trop carrément Montréal dans le camp de New York ou celui de Lyon. Dans un cas comme dans l'autre, Montréal n'y gagnerait pas. Cela n'exclut évidemment [228] pas une réflexion et une action d'ensemble quant à la localisation des équipements culturels sur le territoire montréalais. Cela exclut simplement, ou du moins cela devrait le faire, qu’on planifie et qu'on intervienne sans tenir compte de ce qui a servi jusqu'ici de formule gagnante.

Peut-être faut-il chercher du côté de l'absence de contraintes physico-spatiales la raison des difficultés rencontrées dans le choix des sites pour les nouveaux équipements culturels. Les sites pouvant accueillir l'Orchestre symphonique ou la Maison québécoise du théâtre pour l'enfance et la jeunesse sont nombreux, trop nombreux diront certains. Aucun d'entre eux n'emporte l'adhésion. De la même façon, aucune rue n'appelle de par une spécialisation déjà reconnue tel ou tel équipement. Et s'il est vrai que les quartiers pouvant bénéficier de projets de réhabilitation ou de développement ne manquent pas à Montréal, rares sont les endroits qui ont atteint le stade de dégradation qu'on rencontre dans certaines villes américaines. Rares aussi sont ces situations où un équipement culturel constitue la dernière chance ou apporte l'élément manquant à un package immobilier. Bref, en ce qui concerne la localisation de ses équipements culturels, la ville de Montréal jouit d'une très grande marge de manœuvre. Ses degrés de liberté sont fort nombreux. Elle peut tout faire.

Mais cette liberté peut aussi être une contrainte à l’action. Côté localisation, tout est possible et tout est plausible. Encore faut-il le faire et bien le faire, c'est-à-dire selon une logique qui sied à Montréal.

[229]

NOTES

[230]

[231]

[232]

Le « frigidaire » à Montréal



* Cette étude s'appuie sur des travaux réalisés dans le cadre de l'Entente INRS-Ville de Montréal et d'une subvention de recherche (410-91-5140) du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

[1] Voir à ce sujet Mary A. Berryman et June Spencer, Fifty Cities. Local Government and the Arts, Atlanta, Fulton County Arts Commission, 1987 ; Mario D'Angelo et al., Les politiques culturelles des villes et leurs administrateurs, Paris, La Documentation française, 1989 ; Benoît Lafortune, « Les politiques culturelles à San Francisco, Barcelone et Montréal : investissement, décentralisation et participation », Trames, 2-3, 1990, p. 39-55.

[2] L'expression est de Philippe Urfalino, La municipalisation de la culture, Paris, ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l'administration générale et de l'environnement culturel, 1987 ; voir aussi Jacques Léveillée et Benoît Lafortune, « Culture municipale et municipalisation de la culture », Le Sablier, 7, 2, 1989, p. 19-22.

[3] C. Bodo, « Le financement de la culture au niveau local en Italie », dans A. Girard (sous la direction de). Économie et culture, vol. 2, Paris, La Documentation française, 1988, p. 119-128.

[4] Voir les travaux d'Ehrard Friedberg et Philippe Urfalino : « La gestion des politiques culturelles municipales : de l'inflation culturelle à l'évaluation politique », Politiques et management public, 1, 1984, p. 3-25 ; Le jeu du catalogue. Les contraintes de l'action culturelle dans les villes, Paris, La Documentation française, 1984.

[5] Voir R. Andrews, « Artists and the Visual Definition of Cities », Arts Review, 3, 2, 1986, p. 23-26.

[6] Voir D.B. Cole, « Artists and Urban Redevelopment », The GeographicaI Review, 7-7, 4, 1987, p. 391-407 ; W.S. Hendon et D.W. Shaw, « The Arts and Urban Development », dans G. Gappert (ed.), The Future of Winter Cities, Beverly Hill, Sage, 1982, p. 209-217.

[7] Voir l'exemple célèbre de Grenoble : C. Gilbert, « Représentation du local. La Maison de la Culture de Grenoble », 3, 2, 1986, p. 23-26.

[8] Pas grand-chose si on en croit son maire. Voir George Frèche, « Les équipements culturels au cœur de la Renaissance urbaine », dans A. Germain et J.-C. Marsan (sous la direction de), Aménager l'urbain, Montréal, Éditions du Méridien, 1987.

[9] C'est le type d'arguments qu'on retrouve dans des documents de sensibilisation et d'advocacy. Voir American Council for the Arts, The Arts and City Planning, New York, American Council for the Arts, 1980 ; Kevin W. Green (ed.), The City as Stage : Strategies for the Arts in Urban Economics, Washington, D.C., Partners for Livable Places, 1983.

[10] Pour une description de l'intérieur de la planification urbaine vue comme un jeu, voir Gérald D. Suttles, The Man-Made City, Chicago University Press, 1990.

[11] Ce à quoi les aménagistes répliquent que les artistes ont aussi une responsabilité envers le public, entre autres celle de ne pas « produire » des œuvres qui rendent encore plus difficile le retour d'une certaine sociabilité urbaine.

[12] Les artistes ne sont pas les seuls à remettre en question cet esthétisme de façade. Voir P. Cook, « Postmodernity and the City », Theory, Culture and Society, 5, 2-3, 1988, p. 475-492 ; S. Zukin, « The Post modernm Debate over Urban Form », Theory, Culture and Society, 5, 2-3, 1988, p. 431-446 ; M. Boyer, « The Return of Aesthetics to City Planning », Society, 25, 4, 1988, p. 49-56 ; M.J. Dear, « Postmodernism and Planning », Environment and Planning : Society and Space, 4, 1986, p. 367-384 ; M. Davis, « Urban Renaissance and the Spirit of Postmodernism », New Left Review, 151, 1985, p. 106-113.

[13] La critique la plus incisive de cette tendance est celle, déjà ancienne, de C. Ratcliff. « Soho : Disneyland of the Aesthete », New York Affairs, 4, 4, 1978, p. 64-72.

[14] Pour une explicitation de cette thèse, voir Raymond Gastil, Cultural Regions of the United States, Seattle, University of Washington Press, 1975.

[15] Voir N D Gleen et J.L. Simmons, « Are Regional Cultural Differences Diminishing ? », Public Opinion Quarterly, 31, 1967, p. 176-193. Elles ont été depuis lors réhabilitées (voir R. Marsden et al., « Regional Cultures and Differences in Leisure Time Activities », Social Forces, 60, 4, 1982, p. 1023-1049).

[16] Voir Peter Conrad, The Art of the City : Views and Versions of New York, New York, Oxford University Press, 1984.

[17] À ce sujet, voir David Harold Cox et Michael Naslas, « The Metropolis in Music », dans Anthony Sutcliffe (ed.), Metropolis 1890-1940, Chicago, University of Chicago Press, 1984, p. 173-191.

[18] Parmi ses principaux travaux, mentionnons « The Elite Arts, More or Less de Rigueur : A Comparative Analysis of Metropolitan Culture », Social Forces, 64, 4, 1986, p. 875-904 ; et Peter M. Blau, « Social Inequality and Art Institutions », Sociological Forum, 1, 4, 1986, p. 561-585 ; et Richard H. Hall, « The Supply of Performing Arts in Metropolitan Places », Urban Affairs Quarterly, 22, 1, 1986, p. 42-65.

[19] Voir Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot, Dans les beaux quartiers, Paris, Le Seuil, 1989.

[20] C'est la thèse développée par Allen J. Whitt, « Mozart in the Metropolis : The Arts Coalition and the Urban Growth Machine », Urban Affairs Quarterly, 23, 1, 1987, p. 15-36.

[21] Comment traduire autrement la « Urban Growth Machine » popularisée par H. Molotch et J. Logan, « Tensions in the Growth Machine », Social Problems, 31,1984, p. 483-499.

[22] Voir Serge Guilbaut, How New York Stocks the Idea of Modem Art, Chicago, Chicago University Press, 1983 ; Judith H. Balfe, « Artworks as Symbols in International Politics », International Journal of Politics, Culture and Society, 1, 2, 1987, p. 195-217 ; E. Cockcrift, « Abstract Expressionism : Weapon of the Cold War, Art Forum, 12, 1974, p. 39-41.

[23] L'occasion est trop belle pour suggérer l'emploi de l'appellation de « sohologues ».

[24] Cette hypothèse est tirée de James R. Hudson, The Unanticipated City, Amberst, University of Massachusetts Press, 1987 et Diane Crâne, The Transformation of the Avant-Carde : the New York Art World, 1940-1985, Chicago, University of Chicago Press, 1987. Voir aussi Charles R. Simpson, Soho : the Artist in the City, Chicago, University of Chicago Press, 1981 ; Sharon Zukin, Loft Living : Culture and Capital in Urban Change, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1982.

[25] Le présent article s'appuie sur des données dont on trouvera une présentation plus précise dans Daniel Latouche, Les équipements culturels à Montréal : déploiement géographique et insertion spatiale. Étude réalisée pour le service de l'Habitation et du Développement urbain, ville de Montréal, 1990. Deux autres études, elles aussi réalisées pour la ville de Montréal, ont contribué à enrichir notre propos : Daniel Latouche, Annick Germain et Francine Dansereau, Formes et lieux de l'expression culturelle à Montréal, Montréal, INRS-Urbanisation, 1988 ; Daniel Latouche et Sylvie Lacerte, Les parcours culturels de Montréal : propositions d'action, Montréal INRS-Urbanisation, 1989.

[26] Cette définition emprunte largement à François de Lavergne, Économie politique des équipements collectifs, Paris, Economica, 1977, p. 11.

[27] Nous y avons classé le Stade olympique, le Jardin des étoiles et la basilique Notre-Dame. Les marchands de disques ont été exclus de notre étude, mais par contre nous avons inclus les ateliers et les studios de production à cause principalement de la fonction de production et du caractère collectif de ces lieux. Nous convenons cependant qu'il s'agit d'un choix discutable mais qui n'intervient que pour 6% de notre stock d'équipements culturels.

[28] Nous sommes évidemment loin des 242 organismes culturels recensés par le CEDÉUM pour le seul centre-ville. Mais ce répertoire comprend les secteurs de la publicité, de l'ameublement et de l'informatique. On y trouve des boutiques de cadeaux, des comptoirs de développement de films, des écoles de langue et des marchands de meubles usagés. Voir CEDÉUM, Inventaire des groupes et organismes culturels dans l'arrondissement Centre de Montréal, Montréal CEDÉUM 1988.

[29] Par opposition à 32% des équipements qui sont logés dans des ensembles immobiliers sans aucune connotation culturelle, 22% qui sont situés dans des ensembles où on retrouve d'autres équipements et seulement 7% qui sont logés dans des complexes culturels, éducatifs ou religieux. Ces chiffres sont tirés de l’étude Les équipements culturels à Montréal, à laquelle nous renvoyons le lecteur.

[30] Voir D. Latouche, A. Germain et F. Dansereau, Formes et lieux de l'expression culturelle à Montréal, op. cit.

[31] Rappelons que cette étude se limitait au territoire de la ville de Montréal.

[32] Mais 50% des bibliothèques sont regroupées dans deux arrondissements.

[33] Rappelons qu'il s'agit uniquement des activités de diffusion.

[34] Le quartier 37 (Mile-End), limitrophe de la ville d'Outremont, ferait probablement partie de cette zone à haute densité culturelle si nous y avions intégré les équipements situés dans la partie est de cette municipalité.

[35] Un examen des coefficients de corrélation nous indique qu'il y a relativement peu de variations entre les arrondissements avec des coefficients qui vont de 0 59 à 0,80.

[36] Nous sommes bien conscients du fait que tous les codes postaux ne sont pas égaux entre eux et que deux codes peuvent n'être séparés que par un trottoir.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 24 octobre 2018 16:14
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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