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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La double scène de la représentation. Oralité et littérature dans la Caraïbe. (1991)
Prologue


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Maximilien LAROCHE, La double scène de la représentation. Oralité et littérature dans la Caraïbe. GRELCA (Groupe de recherche sur les littératures de la Caraïbe). Québec: Département des littératures, Université Laval, 1991, 234 pp. Collection: Essais, no 8. Une édition numérique réalisée par Anderson Layann PIERRE, bénévole, étudiant en communication à la Faculté des sciences humaines de l'Université d'État d'Haïti. [Livre diffusé en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 19 août 2016.]

[7]

La Double Scène de la Représentation.
Oraliture et Littérature dans la Caraïbe.

Prologue

[8]

[9]

L'ESPACE DE LA MÉTAPHORE

Quand nous parlons ou écrivons, notre parole travaille ses figures dans un champ, le réel ou la vie, qui est un espace double : physique et spirituel, matériel et idéel. Et nous pouvons prendre nos comparants pour leur rapporter des comparés soit dans un seul segment de cet espace, soit dans les deux.

Ainsi quand je dis à la femme que j'aime qu'elle est une biche, je ne sors pas du segment terrestre de la représentation. Par contre, si je m'enflamme jusqu'à lui déclarer : « tu es un ange », je la compare à un être céleste, idéel, dont, à la vérité, je n'ai aucune représentation concrète, physique ou matérielle.

Par contre quand le Christ dit : « Je suis le pain... mangez ma chair » en énonciateur spirituel, il utilise un comparant terrestre, physique et matériel pour un comparé céleste, spirituel et idéel.

Il s'ensuit que dans le premier cas, celui de la femme angélique, la métaphore reste en-deçà de ses possibilités de signification. Je n'épuise pas les possibilités de la comparaison de la femme avec l'ange car il est fort probable qu'un ange est encore plus beau, plus aimable que ce que la femme aimée peut me laisser supposer. Mais cela ne cause aucune [10] gêne puisqu'il s'agit d'un supplément de sens du comparant, une réserve, un capital, pourrait-on dire, dont je peux toujours éventuellement me servir au fur et à mesure que je saurai mieux ce qu'est un ange.

Par contre dans le cas de l'image du Christ agneau de Dieu, pain de vie et nourriture céleste, il y a une insuffisance du comparant à rendre toutes les possibilités de la comparaison, compte tenu de la richesse de sens du comparé, une incomplétude donc de l'image qui peut m'handicaper dans la pleine compréhension du sens de l'image.

Celui qui considère d'un œil matérialiste une hostie que le prêtre consacre ou un vêvê qu'un houngan dessine, ne peut saisir la pleine signification de la métaphore qui est au travail.

L'espace de la métaphore est double : matériel et spirituel. Par conséquent pour saisir le mécanisme et la portée d'une image, il faut non seulement tenir compte du segment isolé ou des segments comparés de l'espace de représentation, mais encore situer le sujet de renonciation comparative et indiquer le sens ou la direction selon laquelle la figure énoncée travaille. Du physique au physique, du physique au spirituel ou du spirituel au physique.

Il y a renversement du processus quand de la femme-ange nous passons au Dieu-nourriture. Et dans ce renversement, dans le second cas tout particulièrement, il y a risque de perte de sens, d'insuffisance, de compréhension de l'image construite où le comparé excède les limites de sens du comparant.

[11]

Cette marge d'imprécision de l'image ouvre la possibilité à une compréhension particulière, individuelle, variable donc selon les récepteurs mais variable aussi dans le temps, c'est-à-dire ponctuelle, circonstancielle ou progressive de l'image.

Ce qu'il importe surtout de réaliser, c'est que la métaphore est une construction reposant sur deux piliers, comparant et comparé, qui peuvent s'inscrire dans des segments différents de l'espace de représentation. Que celui-ci est donc au fond toujours double mais qu'il s'agit d'un continuum qui fait passer sans encombre d'un segment à l'autre, qui accepte sans difficulté le va et vient. Mais alors tout travail de la langue - l'élaboration des figures n'en est-elle pas la forme la plus efficace ? - s'effectue comme un jeu sur une double scène de représentation, et il y a enfin, de ce travail à deux niveaux, toujours un supplément de sens qui peut ou doit être récupéré par le décodeur, le spectateur actif, l'allocutaire du discours.

Dire est faire en autant que locuteur et allocutaire s'affairent, l'un à accumuler, l'autre à récupérer, un supplément de sens que le comparé (femme/ange) ou le comparant (hostie;vêvê) n'arrivent jamais à transmettre, c'est-à-dire à dépenser.

Or il y a échange, transaction, transmission plus ou moins effective du sens par les mots, dans la mesure où le capital de sens accumulé par l'énonciateur dans son discours passe dans les mains/oreilles, la conscience de l'énonciataire.

Dans ce livre, la double scène de la représentation ne sera pas considérée dans toute son extension, [12] comme c'est le cas dans la métaphore, mais dans le rapport entre oraliture et écriture et chez les écrivains de la Caraïbe, Haïtiens surtout.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 27 juin 2018 10:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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