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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Diane Lamoureux, “Victoire conservatrice aux USA.” Un article publié dans Tribunes solidaires, 11 novembre 2004. [Texte reproduit dans Les Classiques des sciences sociales avec la permission de Mme Lamoureux accordée le 20 juin 2007.]

Diane Lamoureux,
politologue, département de science politique, Université Laval 

Victoire conservatrice aux USA”. 

Un article publié dans Tribunes solidaires, 11 novembre 2004.

 

La victoire de George W. Bush aux présidentielles étatsuniennes, doublée de gains républicains à la Chambre des représentants et au Sénat et au triomphe des conservateurs dans plusieurs référendums, entre autres sur les mariages entre conjoint(e)s de même sexe, montre l’ampleur du conservatisme aux USA et laisse présager quatre ans d’horreur, d’autant plus que Bush est loin d’avoir le triomphe modeste. 

Au contraire, il en rajoute. Loin de vouloir rallier au centre, il se targue d’avoir accumulé un « capital politique » qu’il compte bien « dépenser » dans les quatre ans qu’il lui reste. Que nous faut-il attendre d’un gouvernement Bush bis ? Un accroissement des inégalités sociales, une croisade morale contre les femmes et contre les gais et les lesbiennes, une augmentation des problèmes environnementaux, une restriction des libertés publiques, des aventures militaires et autres frappes préventives, bref, rien pour garder le moral lorsqu’on se situe du côté de la justice sociale, du développement durable, de la paix dans le monde et de la lutte contre le sexisme et l’hétérosexisme. 

Les inégalités sociales n’ont cessé de croître aux USA depuis l’ère Reagan. Avoir un emploi ne protège plus de la misère et le mince filet de protection sociale est soumis à des attaques en règle. Plutôt que de lutter contre la pauvreté, on mène la guerre aux pauvres et le gouvernement Bush veut désormais s’en prendre au régime public de retraites au profit d’une capitalisation de type REER, ce qui laissera encore plus démunis les plus pauvres puisqu’ils et elles ne bénéficieront jamais de revenus suffisants pour se garantir une certaine sécurité du revenu pour leurs vieux jours, si jamais ils et elles y parviennent. Pendant ce temps, les riches pourront se prévaloir de baisses d’impôts afin de s’acheter privément les services que l’État ne dispensera plus. 

Comme cette victoire conservatrice a bénéficié de la mobilisation de la droite religieuse et des fondamentalistes chrétiens, on peut également s’attendre à une attaque en règle contre la liberté d’avortement et contre les droits des gais et des lesbiennes. Déjà les restrictions concernant l’avortement sont importantes et la décision du premier gouvernement Bush de couper le financement public de tout organisme de planning familial qui ne ferait que mentionner la possibilité d’avoir recours à un avortement, montre la direction que Bush bis risque de prendre. D’autant plus que la Cour suprême est d’ores et déjà dominée par les conservateurs et que les choses ne peuvent qu’empirer étant donné le pouvoir de nomination du président qui peut compter sur le soutien d’un Congrès conservateur. 

Quant aux droits des gais et des lesbiennes, il y a fort à parier qu’ils soient balayés du revers de la main. Mais la croisade morale ne s’arrêtera probablement pas là : dans sa volonté de faire triompher les family values, la droite conservatrice veut aussi s’en prendre aux mères qui travaillent à l’extérieur en les rendant responsables de la délinquance juvénile et ne rate pas une occasion de manifester sa nostalgie pour le “bon vieux temps” du père pourvoyeur et de la mère ménagère à plein temps qui élevaient leurs enfants loin des villes corrompues par les liberals. Le fait que cette droite religieuse ait triomphé aux USA risque aussi de nous mettre des pressions au Canada. Déjà, lors des dernières élections fédérales, certains candidats conservateurs liés à la droite religieuse ont remis en cause la liberté d’avortement et se sont ouvertement prononcés contre le mariage entre conjoint(e)s du même sexe. On peut donc craindre que ce courant veuille être encore plus présent sur la scène politique canadienne et veuille faire sa niche dans le Parti conservateur fédéral. 

Côté environnement, on connaît déjà l’aversion de l’administration Bush pour le Protocole, pourtant modeste, de Kyoto et son goût prononcé pour la prospection pétrolière. Donc, de ce côté-là également le pire est à craindre avec encore plus de liberté de polluer pour les entreprises, un refus de recours à des sources d’énergie renouvelables et moins polluantes que le pétrole, la dégradation de la qualité de l’eau, la reprise de la prospection pétrolière au large de l’Alaska qui met en péril un écosystème extrêmement fragile. Là aussi, il est à craindre que les opposants canadiens au Pacte de Kyoto en sortent renforcés et que cela fraie la voie à des projets qui augmentent l’effet de serre, du type de la centrale thermique du Suroît. 

Les libertés publiques en ont déjà pris pour leur rhume avec le USA PATRIOT Act et l’on risque de voir se généraliser non seulement le délit de faciès à l’encontre des personnes d’origine arabe, mais également le délit d’opposition. Les manifestations, même pacifiques, ont de plus en plus de mal à pouvoir se dérouler sans intervention musclée de la police. Des milliers de personnes sont toujours détenues au mépris des règles de droit les plus élémentaires, sans savoir quels chefs d’accusation pèsent sur elles et sans avoir la possibilité d’organiser leur défense. 

Quant à la politique étrangère étatsunienne, elle est dominée par l’unilatéralisme et la mentalité du far west, où les bons cowboys blancs sont justifiés de casser du “sauvage”. On a déjà vu ce que cela donne en Afghanistan et en Irak ; on voit aussi ce que cela donne en Israël, alors que le gouvernement Bush a cautionné toutes les horreurs du gouvernement Sharon à l’encontre des Palestinien(ne)s. Quelle sera la prochaine cible des “frappes préventives” de la guerre au terrorisme : l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie ? En outre, les pressions risquent de s’accentuer sur le gouvernement canadien pour qu’il adhère au projet de bouclier anti-missiles. 

Au cours des dernières années, l’opposition planétaire aux politiques du gouvernement Bush s’est renforcée et structurée. À cet égard, le mouvement d’opposition à la guerre en Irak a été exemplaire. Mais nous ne pouvons malheureusement pas nous consoler en se disant que la planète n’aurait pas voté Bush. Ce ne sont pas les pressions internationales qui infléchiront les politiques de l’administration étatsunienne ; si les pressions se limitent à l’étranger, elles risquent même d’exacerber la réaction nationaliste aux USA et de produire l’effet contraire à celui escompté. 

Il est donc important de renforcer nos contacts avec la gauche aux États-Unis même. Cette gauche est très isolée à l’intérieur du pays. Il faut créer l’espace de coopération et de solidarité qui permette aux féministes, aux écologistes, aux groupes de défense des gais et des lesbiennes, aux opposant(e)s à la guerre en Irak et au militarisme d’agir politiquement et de s’organiser de façon à peser sur le débat politique. Dans la lutte contre la ZLÉA ou l’ALÉNA, les groupes étatsuniens ont toujours été le maillon faible de nos coalitions. Il devient de plus en plus urgent de trouver des répondant(e)s à l’interne, de soutenir leur action et de renforcer l’« autre Amérique », celle qui ne se reconnaît pas dans les politiques de Bush et de lutter contre son isolement interne par un soutien international. Étant donnée la puissance économique et militaire des USA, et leur proximité géographique avec nous, sans parler de leur ambassadeur à Ottawa qui se comporte souvent comme un proconsul, il y va aussi de notre intérêt.


Retour au texte de l'auteure: Diane Lamoureux, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le lundi 19 novembre 2007 7:15
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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