RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Diane Lamoureux “L’Amère patrie. Entre féminisme et nationalisme.” Un article publié dans Le Devoir, Montréal, le 8 mars 2001. [Texte reproduit dans Les Classiques des sciences sociales avec la permission de Mme Lamoureux accordée le 20 juin 2007.]

Diane Lamoureux,

 politologue, département de science politique, Université Laval

L’Amère patrie. Entre féminisme et nationalisme”. 

Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, le 8 mars 2001.
Texte disponible sur le site Vigile.net

 

L'idée même d'un parti «québécois», ce qui laisse malgré tout entendre que les autres ne le sont pas, ou encore celle qu'il faille faire «bloc» à Ottawa si l'on veut faire entendre la voix du Québec, restent problématiques. 

Nous publions la conclusion de l'ouvrage que publie ces jours-ci Diane Lamoureux aux Éditions du Remue-Ménage sous le titre L'Amère Patrie - Féminisme et nationalisme dans le Québec contemporain.

Au terme de ce parcours, qu'en est-il de mes trois interrogations de départ? Je demeure tout aussi sceptique sur le sens du projet souverainiste dans la conjoncture actuelle. Plus particulièrement, je reste perplexe par rapport aux porteurs de ce projet et aux moyens mis en oeuvre pour le réaliser. Le Parti québécois m'apparaît comme un conglomérat de notables locaux dont la provenance des députés fait penser à la carte électorale de l'Union nationale à la fin du règne duplessiste et dont certains gérontes sont restés figés dans une conception de la nation et du pays qui n'a pas bougé depuis les années 60. 

La relève y apparaît faible, non pas parce que, durant la dernière campagne électorale provinciale, elle a été constituée principalement de femmes mais bien parce que cette montée des femmes s'est exercée dans un certain vacuum. Quant au Bloc québécois, si sa présence comme opposition officielle à Ottawa pouvait revêtir un sens en cas de victoire du OUI au référendum de 1995, il se cherche de plus en plus une vocation et a de plus en plus tendance (heureusement, étant donné la faiblesse du NPD et son soutien au fédéralisme centralisateur) à se comporter comme un parti social-démocrate authentiquement fédéraliste (i.e. en faveur d'une décentralisation des pouvoirs et d'une multiplication des lieux de décision) en faisant siennes des causes comme le désarmement, les droits des gais et des lesbiennes, les droits des femmes, la défense des plus démunis économiquement ou la protection de l'environnement. 

Mais il importe également de réfléchir à la monopolisation du «national» par ces deux partis politiques. L'idée même d'un parti «québécois», ce qui laisse malgré tout entendre que les autres ne le sont pas, ou encore celle qu'il faille faire « blo c» à Ottawa si l'on veut faire entendre la voix du Québec restent problématiques. Malgré les professions de foi démocratique, dont il n'y a pas vraiment lieu de douter, je demeure tout de même songeuse devant l'unanimisme que cela implique, et ce n'est pas la pratique des «sommets» et l'invocation d'un «consensus québécois» au cours des dernières années qui me rassurera. 

En même temps, je doute des possibilités de parvenir à l'indépendance par voie référendaire : dans une société complexe, parcourue par la tendance à la fragmentation sociale et politique qui est le propre des sociétés reposant sur l'individualisme démocratique, est-il réaliste de penser pouvoir réunir une majorité de la population autour d'un projet dont la pertinence s'estompe ? Et si, légitimement, on ne peut que souscrire à la règle de la majorité simple, on peut se demander si des résultats inverses au référendum de 1995 auraient permis, politiquement, de faire unilatéralement l'indépendance. Dans un contexte qu'il est difficile de qualifier d'oppression nationale, comment justifier le projet souverainiste ? [...] 

Féminisme et nationalisme 

Quant à ma deuxième interrogation sur les liens entre féminisme et nationalisme, c'est probablement celle qui traverse tout cet ouvrage et donc celle à laquelle il me semble avoir le mieux répondu. Les points de convergence entre féministes et nationalistes peuvent se repérer sur trois plans. Premièrement, une volonté de détraditionalisation complète (puisque ce travail était déjà largement entamé au moment de la Révolution tranquille) de la société québécoise. Que des féministes adoptent une telle position est compréhensible dans la mesure où ce n'est que par l'accession à l'individualisme abstrait que les femmes peuvent espérer échapper à l'assignation identitaire; il est cependant plus paradoxal que des nationalistes, qui doivent se réclamer d'un passé pour justifier l'avenir qu'ils proposent, y adhèrent. 

Mais la vie politique concrète est heureusement faite de paradoxes et non d'illustrations de cas d'école de pensée. Deuxièmement : un travail commun de construction de l'État-providence national comme modalité de constitution de la solidarité sociale et comme condition de possibilité de la nation civique pour les nationalistes alors que, pour les féministes, l'État-providence permet de politiser certaines injustices qui passaient autrefois pour privées et de parvenir à une régulation politique des rapports sociaux de sexe. Troisièmement : une convergence dans la politisation de l'identité, même si les deux mouvements privilégient des formes différentes d'affiliation identitaire. 

Enfin, il me semble avoir mieux saisi l'association polémique entre les féministes et les institutions politiques au Québec. Il y a souvent lieu de se réjouir de son existence. La présence d'un mouvement associatif important et diversifié tant dans ses orientations idéologiques et ses structures organisationnelles que dans sa répartition sur le territoire, celle de mécanismes de concertation entre ces associations et l'appareil gouvernemental, de même que le soutien financier que ces groupes peuvent obtenir peuvent laisser croire que le Québec est un paradis féministe. Ce n'est pas tout à fait faux, même si l'égalité entre les sexes demeure plus un horizon qu'une réalité, au Québec comme ailleurs. Mais il n'en reste pas moins qu'à mettre l'accent sur la collaboration, on a négligé la subversion et passé sous silence que le sens du féminisme est moins d'insérer les femmes dans la société existante que de transformer les structures sociales pour rendre possible l'insertion des femmes. Bref, il me semble urgent de renouer, sans s'y confiner, avec une culture politique de la rébellion. 

L'espoir du projet souverainiste pour les féministes 

Cela m'amène à traiter de l'espoir que le projet souverainiste a fait naître chez nombre de féministes, celui d'une refondation de la cité qui permette aux femmes de participer à l'élaboration des règles. Ce thème est au coeur de la réflexion de Micheline De Sève. Cet espoir n'est pas insignifiant et il est clair que le projet souverainiste a été le seul, au cours des dernières années, qui laissait ouverte la possibilité d'une cofondation par les hommes et par les femmes de l'espace politique. Cependant, cet espoir ne doit pas nous faire perdre de vue que nous sommes loin de l'égalité politique et que la question de la parité hommes-femmes dans la représentation politique, par exemple, se pose avec autant d'acuité que le Québec accède à l'indépendance ou demeure partie du Canada. À trop vouloir reporter les changements nécessaires à une refondation hypothétique, on risque d'hypothéquer le présent. 

Plus encore, il me semble qu'au cours des dernières années, fières -- à juste titre -- d'être reconnues comme partenaires dans les structures institutionnelles, les féministes ont fait la large part à une culture politique du consensus. Il m'apparaît urgent de se remémorer que la démocratie, loin d'être une culture du consensus, est une culture du « dissensus ». [...] 

Contribuer à la vie démocratique de notre société, ce n'est donc pas seulement penser à une refondation -- bien nécessaire -- de la collectivité politique, ni même revendiquer la parité hommes-femmes dans la représentation politique ou une inclusion des femmes dans la décision politique et la gouverne publique, c'est également entretenir la critique et la capacité réflexive de la société sur elle-même. C'est pourquoi le féminisme doit rester plus que jamais, selon moi, rebelle et critique.


Retour au texte de l'auteure: Diane Lamoureux, politologue, Université Laval Dernière mise à jour de cette page le mercredi 18 juin 2008 19:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref