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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Yves LAMARCHE, “Position sociale des intellectuels et nationalisme : le cas de L’Action française.” in ouvrage sous la direction de Claude Panaccio et Paul-André Quintin, PHILOSOPHIE AU QUÉBEC. pp. 153-178. Textes d’un colloque tenu à Trois-Rivières les 1er et 2 mars 1975, sur le thème: « Histoire de la philosophie au Québec: 1800-1950 » organisé conjointement par la Société de Philosophie du Québec et l’Université du Québec à Trois-Rivières. Montréal: Les Éditions Bellarmin, 1976, 263 pp. Collection: “L’univers de la philosophie”, No 5. [Livre mis en ligne en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l’approbation de Monsieur Claude Panaccio accordée le 8 avril 2021.]

[153]

PHILOSOPHIE AU QUÉBEC

Position des intellectuels
et le nationalisme : le cas
de
l’Action française.”

Yves LAMARCHE

Université de Montréal

Parce qu’elle parle de la nation et de la nationalité en tant que biens collectifs, l’idéologie nationaliste est particulièrement bien prédisposée à produire l’effet d’amnésie par lequel sont oubliées les conditions sociales qui sont au principe des intérêts que des groupes ou des classes sociales peuvent avoir pour la nation, oubliant que la nation est aussi un enjeu à propos duquel se développent des stratégies qui visent à la servir tout en s’en servant dans les luttes qui marquent les rapports sociaux à l’intérieur d’une société que caractérisent des modes inégaux d’appropriation des biens de toute sorte.

Cependant, loin d’être le simple reflet des intérêts matériels des groupes et des classes sociales, l’idéologie est en harmonie, comme le souligne Marx Weber, avec la position qu’ils occupent dans la structure des rapports sociaux. L’analyse présentée ici a précisément pour but de montrer ce que la pensée nationaliste des intellectuels de la revue L’Action française [1], entre [154] 1917 et 1928, doit à la structure particulière des positions occupées par certains membres du clergé et des professions libérales, et surtout au destin, à l’avenir de ces positions dans la structure des positions de la classe dominante à cette époque. Il s’agit d’expliquer en quoi les intérêts pour la nation et la nationalité sont en harmonie avec les positions de ces groupes et surtout prennent la forme de l’enjeu particulier qui est le leur et qu’exprime bien l’avocat Antonio Perrault, un des directeurs de la Ligue d’Action française et collaborateur assidu de la revue : se reconvertir ou voir leurs positions menacées au sein de la classe dominante. « Des classes supérieures existeront toujours », affirme A. Perrault, « mais il n’est pas dit que leurs catégories de gens ne changeront pas... les sommets ne sont pas irrévocablement assignés aux mêmes hommes » [2].

On a souvent tendance à caractériser la période qui va de 1840 à 1940 comme celle du règne sans conteste de l’idéologie de conservation [3]. En présentant [155] récemment un ouvrage consacré aux idéologies au Canada français entre 1900 et 1929 ; Fernand Dumont revient sur cette apparente continuité dans les idéologies en notant que, selon lui, « cette impression première est quelque peu illusoire », et il prévient le lecteur « contre la tentation d’interpréter comme un ensemble monolithique la collectivité qui, pour parer aux contradictions multiples qu’elle affronte, a tenté justement de suggérer qu’elle était un système [4]. À cet égard, l’appréciation du changement et de la permanence dans le monde intellectuel en général et dans l’idéologie en particulier est peut-être une vaine entreprise dans la mesure où s’affrontent, dans ce genre de débat, ceux qui « crient à la nouveauté radicale ou à la mutation et ceux qui constatent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil » [5]. Bref, c’est moins à partir des changements qui interviennent au seul niveau de la société globale ou encore à celui de l’histoire des idées qu’il faut procéder mais plutôt à partir des « changements sociaux intervenus dans les groupes qui consomment ou manipulent des idées » [6]. On pourra alors tenter d’expliquer à quoi tiennent, par exemple, le « dégoût du politicien », qui constitue selon Fernand Dumont l’un des thèmes majeurs des idéologies du [156] début du vingtième siècle [7], ou encore la prédilection pour les idées plutôt que pour les capitaux, « trame de fond de la très grande majorité du matériel idéologique des années 1900 à 1930 », selon Hamelin et Montminy, en filiation directe avec la définition qu’en 1902 Mgr L.A. Pâquet donne de la mission des Canadiens français : « notre mission est moins de manier les capitaux que de manier les idées » [8].

1. « L’encombrement »
des positions dominantes


Dès le premier numéro de l’Action française en janvier 1917, Edouard Montpetit signe le premier article intitulé « Vers la supériorité ». En plus d’affirmer que « la question nationale est maintenant une question économique », il prévient ainsi ses lecteurs : « nous formons des hommes politiques quand nous devrions laisser à quelques-uns de nos jeunes gens le temps voulu de se préparer à devenir autre chose » [9]. Le R.P. Lecompte, dans le numéro quatre d’avril de la même année, se pose la question suivante : « pourquoi les élèves de nos collèges classiques, qui ne se destinent pas au sacerdoce, se croient-ils tenus, à mesure qu’ils franchissent le seuil du collège, d’aller encombrer les professions dites libérales ? [10]. Antonio Perrault, en 1920, souligne quant à lui : « le premier service (à rendre aux classes professionnelles) serait de désencombrer les professions. Elles regorgent... l’offre dépasse la demande ... ceux qui y sont entrés ... y font fonction de poids lourd et leur profession, [157] qui sans eux eût élevé sa dignité et accru son utilité, baisse sous cette charge [11]. Afin d’expliquer cette problématique de l’encombrement, on peut, d’une part, analyser la société globale. Il ne fait pas de doute que le Québec des années 1900 à 1930 subit des transformations importantes. Il s’agit d’une société qui s’industrialise fortement [12]. La population totale du Québec s’accroît de 74,3 pour cent entre 1901 et 1931, alors que la population active augmente pour sa part de 99,3 pour cent. Entre 1911 et 1931, la population active, dans les secteurs de l’agriculture, de la chasse, de la pêche, des forêts et mines, ne croît que de 11,36 pour cent tandis que celle des secteurs de la fabrication, de la mécanique, de la construction incluant les manœuvres, augmente de 56 pour cent. La population du Québec s’urbanise également à cette époque. Plus de 60 pour cent de la population est classée en tant qu’urbaine au moment du recensement de 1931 contre moins de 40 pour cent en 1901. Autre changement significatif au niveau démographique : le pourcentage de la population du Québec au Canada atteint son plus bas niveau en 1921 ; les Québécois ne représentent plus alors que 26 pour cent de la population canadienne. Enfin, ce processus d’industrialisation, les Québécois francophones le subissent bien plus qu’ils n’en sont les responsables, et, à cet égard, il semble que la bourgeoisie canadienne française est plus que jamais absente des initiatives industrielles, surtout dans la période 1910-1945 [13].

[158]

Ces changements au niveau de la société globale, pour importants qu’ils soient, suffisent-ils à expliquer les inquiétudes des collaborateurs de L’Action française ? La référence à ces transformations globales est-elle pertinente pour qualifier de « conservatrice » l’idéologie des intellectuels québécois des années 1920 ? Ainsi, Hamelin et Montminy font remarquer que « le matériel idéologique révélé par les imprimés de la période 1901-1929 est très globalement identique à celui du dernier quart du XIXe siècle ... La résultante la plus manifeste de cette situation est l’étrange hiatus entre un Québec devenu industriel et des Québécois demeurés culturellement traditionnels et ruraux » [14]. Faute de rapporter l’idéologie à ses producteurs, de la saisir uniquement comme expression de la société tout entière, il est certain que la situation ne peut apparaître que sous la forme d’un étrange hiatus. L’étrangeté disparaît cependant si l’on s’interroge sur les effets spécifiques qu’ont eus ces transformations globales sur des groupes sociaux plus restreints et, en particulier, sur les intellectuels, à savoir ceux qui, à cette époque, tout en étant eux-mêmes du nombre des professions libérales et du clergé, collaborent aux revues d’idées. Plus précisément, quelles sont les modifications apportées aux positions occupées par les membres des professions libérales et du clergé ? Quelles sont les conditions de leur reproduction, c’est-à-dire du maintien ou de l’amélioration de leur position dans la structure des rapports sociaux ? [15]. Il devient alors possible, en fonction de ces conditions de reproduction, de poser la question de la signification

[159]

TABLEAU 1.

Pourcentage de variations de la main-d’œuvre (certaines catégories)
et de la population totale, Québec, 1911-1921, 1921-1931.

1911-1921

1921-1931

Variation totale

Agriculture, forêt-chasse, pêche, mines

3,02%

8,09 %

11,36%

Fabrication, mécanique, construction, manœuvres

11,94

39,38

56,02

Employés de bureau

132,82

38,53

222,53

Commerce et finance

32,05

45,76

92,49

Propriété et administration

74,29

0,91

80,30

Services professionnels

78,88

39,56

149,65

Membres du clergé

46,18

Médecins et chirurgiens

37,35

Professions légales

41,84

Ingénieurs

223,08

Professeurs d’université *

96,38

Professeurs de collège classique *

58,72

Enseignants (total) *

69,78

Main-d’œuvre âgée de 15 ans et +

19,61

31,45

57,24

Population totale

17,68

21,78

43,31

Source : Recensement du Canada 1911, 1921, 1931, 1961.

• Pour les enseignants et les professeurs, les données de base proviennent du Rapport du surintendant de l’Instruction publique du Québec, 1911, 1921, 1931.

[160]

du slogan que proclament avec insistance les intellectuels de l’Action française : « désencombrons les professions libérales ».

En premier lieu, il conviendrait d’examiner les modifications apportées à la position des professions libérales dans la structure des rapports sociaux. La diminution rapide des activités agricoles et, plus généralement, de l’ensemble du primaire et la croissance très importante des travailleurs de la fabrication, de la construction et des transports ont déjà été soulignées. En ce qui concerne les professions, l’examen du tableau 1 fournit à leur sujet quelques indications significatives.

En effet, si l’ensemble des activités classées dans les recensements de 1911, 1921 et 1931, sous la rubrique « professions », connaît une croissance très importante (149,65 pour cent), il n’en va pas de même pour chacune des professions prise isolément. Les ingénieurs augmentent de 223 pour cent. Les enseignants augmentent aussi de façon importante. La hausse semble très rapide en ce qui concerne les professeurs d’université qui doubleraient pratiquement leurs effectifs entre 1911 et 1931 [16]. Il en va peut-être ainsi pour certaines autres occupations classées sous la rubrique profession : les infirmières sont au nombre de 468 au recensement de 1911, on en trouve plus de 5,000 en 1931. Ceux qui sont classés comme artistes (peintres, sculpteurs) ne représentent que 244 personnes en 1911 contre 551 en 1931. Par contre, les membres du clergé n’augmentent que de 46,18 pour [161] cent d’après le classement du recensement. Quant aux médecins et aux membres des professions légales, la croissance n’est pas particulièrement élevée. Le pourcentage de variation est de 37,35 pour cent dans le cas des médecins et chirurgiens et de 41,84 pour cent dans celui des professions légales (avocats, notaires, juges et magistrats). Si l’on ne tient compte que des médecins, il se produit même, par rapport à l’Ontario, un phénomène significatif quant à leur importance : le taux de médecins par rapport à la population totale est plus faible au Québec qu’en Ontario. On compte, en 1911, un médecin pour 1002,80 habitants au Québec, contre un pour 827,80 en Ontario. En 1931, la situation dans les deux provinces est un peu moins avantageuse mais l’écart demeure : un médecin pour 1046,47 habitants au Québec, un pour 872,31 en Ontario.

Il ne semble donc pas, sur la base de ces données, que les professions libérales traditionnelles (avocats, médecins) et le clergé connaissent entre 1900 et 1930 une croissance particulièrement importante du nombre de leurs membres. Évidemment, ces données sur des transformations numériques permettent difficilement d’analyser un phénomène comme l’encombrement des positions dominantes au sein de la classe dominante. Il faudrait connaître, d’une part, le poids respectif des professions libérales et des catégories reliées à la propriété et à la gestion des entreprises, et, d’autre part, la façon dont chaque catégorie occupationnelle se distribue selon la langue ; il faudrait avoir aussi une idée de la structure du marché des diplômes scolaires pour ceux qui possèdent et qui doivent se servir surtout du capital scolaire. Il n’est malheureusement pas toujours possible d’obtenir, pour une période de temps identique, des informations homogènes sur ces trois phénomènes. Certains traits peuvent cependant être dégagés afin de fournir une idée d’ensemble de la situation.

[162]

TABLEAU 2.

Répartition des agents masculins de la propriété et de l’administration
et de certains services professionnels pour le groupe ethnique français,
Québec, 1941.

Propriétaires et gérants

Groupe ethnique
français

%

Total

manufactures

4,742

49,05%

9,667

construction

1,202

67,30

1,786

transport et communications

677

42,63

1,588

commerce de gros

2,383

45,59

5,226

commerce de détail

19,014

73,98

25,701

finance

1,175

53,87

2,181

TOTAL

29,193

63,25

46,149

Services professionnels

membres du clergé et prêtres

3,396

82,70

4,106

médecins et chirurgiens

2,159

69,SI

3,103

avocats, notaires

2,034

78,77

2,582

magistrats, juges

73

85,88

85

ingénieurs civils

1,089

53,40

2,039

ingénieurs en électricité

309

23,66

1,306

ingénieurs mécaniciens

500

31,86

1,569

ingénieurs des mines

102

16,08

634

autres professions

14,119

66,88

20,203

TOTAL

23,778

66,74

35,627

Source — Recensement du Canada 1941.

[163]

Si l’on compare l’évolution des professions à celle des agents de la propriété et de l’administration, le taux de croissance des deux groupes est à peu près identique entre 1911 et 1921 (78,88 et 74,29 pour cent respectivement) mais, par contre, la situation change entre 1921 et 1931. Le pourcentage de variations pour les professions tombe à 39,56 pour cent et celui des agents de la propriété et de l’administration é 0,91 pour cent. [17]

Une façon encore plus précise d’aborder la question de l’encombrement est d’analyser le poids de chaque catégorie. Le recensement de 1941 a été utilisé pour cela parce qu’il est le seul à fournir la répartition de chacune des catégories professionnelles par groupes ethniques pour le Québec, ce qui introduit des différences très significatives. À première vue certes, les deux groupes (propriété et gestion des entreprises et professions) ne présentent pas de différences très importantes.

Le nombre d’hommes [18] propriétaires et gérants d’entreprise, en excluant ceux du secteur primaire, s’élève en 1941 à 29,191, tandis que celui des agents classés sous la rubrique « services professionnels », se chiffre à 23,778. Cependant, il faut tout de suite préciser que 57,67 pour cent des propriétaires et gérants sont dans le commerce de détail ; le pourcentage s’élève même à 65,13 pour cent dans le cas des franco

165

 
phones. [164] Si l’on exclut donc les petits commerçants du groupe des propriétaires et des gérants, on trouve que le nombre des médecins, des membres des professions légales et des membres du clergé francophones (7,662) est près d’égaler à lui seul le nombre total de propriétaires et gérants francophones (10,179). À ce niveau, il est certain que les membres des professions libérales traditionnelles ont, dans la structure de la classe dominante francophone un poids très important et que dans les conditions de reproduction de la classe dominante, celles qui effectuent plus particulièrement les professions liées au savoir, à la langue et à la culture ne sont pas sans détenir un indice d’efficacité très important. À ce sujet, il convient de poser la question des rapports entre groupes ethniques dans la mesure où chaque catégorie professionnelle ne subit pas de la même façon la compétition qui résulte de la présence des anglophones et des francophones sur le marché de la classe dominante. Le pourcentage de francophones (cf. tableau 2) dans chacun des deux groupes étudiés (propriétaires, gérants et services professionnels) est à peu près identique : 63,25 pour cent dans le premier cas, 66,74 pour cent dans le second. Pour les propriétaires-gérants, ce pourcentage varie de 42,63 pour cent de francophones dans le secteur du transport et des communications à 73,98 pour cent dans le commerce de détail. Les divers services professionnels sont, eux aussi, inégalement affectés par la présence des anglophones. Pour ne donner que quelques exemples significatifs, les francophones ne forment que 16,08 pour cent des ingénieurs des mines, 23,66 pour cent des ingénieurs en électricité, 31,86 pour cent des ingénieurs mécaniciens ; avec les ingénieurs civils, on obtient 53,40 pour cent de francophones ; les proportions augmentent beaucoup avec les médecins et chirurgiens (69,57%), les avocats et notaires (78,77%), les mem-

[165]

TABLEAU 3.

Effectifs étudiants des universités selon la discipline, Québec, 1901, 1911 (l).

1901

1911

Laval (2)

%

McGill

%

Laval (2)

%

McGill

%

Théologie

370

34,35

376

25,33

31

2,09

Droit

186

17,27

60

5,38

216

14,55

60

4,05

Médecine

322

31,29

490

45,42

279

300

20,29

Chirurgie dentaire

96

33,08

Médecine  vétérinaire

15

16

34

Pharmacie

82

Arts

62

5,75

294

26,39

121

8,15

513

34,70

Sciences

1,39

254

22,80

18,73

574

38,83

Polytechnique

15

151

Agriculture

91

Arpentage

24

Foresterie

12

Total

1,077

1,114

1,484

1,478

%

49,16%

50,84%

2,191

50,10%

49,90%

2,962

1. Source — Rapport du surintendant de l’Instruction publique, Québec, 1901-1911.

2. L’Université Laval regroupe à ce moment Québec et Montréal.

[166]

bres du clergé (82,70%) et les magistrats (85,88%). Bref, les francophones membres des professions libérales traditionnelles et du clergé constituent un groupe numériquement important si on le compare à la fois aux francophones propriétaires et gérants d’entreprises et aux anglophones des catégories professionnelles identiques aux leurs ; ils sont donc disposés à vivre, objectivement et subjectivement, une situation d’encombrement, à savoir une situation dans laquelle la concurrence pour le monopole de la légitimité est plus forte.

Une dernière indication qui peut être apportée afin d’appuyer davantage cette interprétation se trouve dans l’examen de la répartition de la population étudiante de niveau universitaire et de la population des diplômés.

Dès 1901, des différences importantes existent entre les universités francophones et anglophones quant aux domaines d’études où sont inscrits les étudiants. Bien que l’Université Laval (Québec et Montréal) regroupe presqu’autant d’étudiants en médecine et en droit que l’Université McGill, soit respectivement 48,56 pour cent et 50,80 pour cent, l’université francophone a un nombre fort important d’étudiants en théologie (34,35%) alors que les étudiants en sciences y sont très peu nombreux. À McGill par contre, plus d’un cinquième des effectifs étudiants est en sciences. En 1911, alors qu’à l’Université Laval il y a toujours près de la moitié des étudiants en médecine et en droit, à McGill, ces deux facultés n’en comptent plus que le quart. La faculté des arts y croît de façon importante et la faculté des sciences regroupe 38,83 pour cent des effectifs étudiants. Si l’on prend maintenant le total des diplômés de l’Université Laval, de l’Université de Montréal et de McGill pour les [167] années 1926-1930, la tendance observée au niveau des effectifs étudiants de 1911 se maintient en ce qui concerne la forte concentration des diplômés en droit et en santé dans les universités francophones (55,09%). Les diplômés en sciences, pour leur part, respectent à peu près les proportions que l’on observait au niveau des inscriptions une quinzaine d’années plus tôt, soit 14,49 pour cent pour les universités francophones et 37,89 pour cent pour les universités anglophones. De plus, il y a peu de diversification si l’on prend en considération les diplômés des 2e et 3e cycles dans les arts, les humanités, les sciences sociales et l’éducation, cela tant à Laval et à Montréal qu’à McGill. Les diplômés de ces disciplines ne représentent respectivement que 1,44 pour cent 4,55 pour cent du nombre total des diplômés des universités francophones et anglophones.

C’est des particularités de la configuration des positions occupées par les fractions de la classe dominante qu’il faut partir afin d’expliquer l’idéologie des intellectuels qui, en 1917, fondent la revue L’Action française et mettent l’accent, dès les premiers articles, sur la nécessité de désencombrer les professions libérales, de permettre à la jeunesse de « faire autre chose » selon l’expression d’Edouard Montpetit. L’encombrement des professions libérales est, à certains égards, un phénomène qui tient davantage à l’appréciation qu’en ont eux-mêmes les membres de ces professions qu'à une situation objective. À la même époque, il y avait, par exemple, davantage de médecins en Ontario par rapport à la population totale. Cependant, si l’on tient compte du poids que représentent les professions libérales dans l’ensemble des positions dominantes occupées par les francophones du Québec, il ne fait pas de doute que la concurrence entre les dominants devait être très forte. C’est ce que

[168]

TABLEAU 4.

Diplômes conférés par les universités québécoises
selon le secteur disciplinaire, 1926-1930.

Laval-Montréal

McGill

Ressources naturelles

171

7,99%

14,49

78

4,39%

37,89

Architecture

20

1,12

Sciences

52

2,43

238

13,40

Génie

87

4,07

18,97

Santé

766

35,82

495

27,87

Droit

412

19,27

90

5,06

Affaires

108

5,05

136

7,65

Théologie

363

16,97

Arts, Humanités et Sciences

148

6,92

268

15,09

Sociales (1er cycle)

Arts, Humanités (2e et 3e cycle)

13

0,60

43

2,42

Sciences Sociales (2e et 3e cycle)

3

0,14

38

2,13

Éducation

15

0,70

Psychologie

11

0,61

Économie familiale

22

1,23

Total

2,138

1,776

%

(54,62%)

(45,38%)


Source : Commission d’enquête Gendron in Louis Maheu, Enseignement supérieur et structure sociale : les fonctions sociales de l’Université Québécoise, Paris, E.P.H.E., Thèse 3e cycle, 1974, tableaux annexés.

[169]

laisse entendre Antonio Perrault qui, déplorant que le nombre de jeunes gens qui entrent dans les professions libérales augmente dans des proportions effrayantes, ajoute : « ne pouvant gagner leur vie, ils s’attellent aux politiciens pour obtenir un humble emploi. Ils en deviennent les caudataires » [19]. Dans un article subséquent, Perrault revient sur ce thème des difficultés des membres des professions libérales : « longtemps, les professionnels parurent les mieux rémunérés de nos travailleurs. Cela n’est plus, et le jour n’est pas loin où maints ouvriers encaisseront de plus clairs bénéfices que le notaire ou l’avocat... Ceux-ci devront vivre d’idées plus hautes que le désir de l’argent » [20].

2. La supériorité ou la nécessité faite vertu

La mise sur pied, en mars 1913, de la Ligue des droits du français, allait jouer dans le champ intellectuel un rôle important [21], surtout lorsque la Ligue [170] se donnera, en janvier 1917, comme moyen d’expression une revue : l’Action française. Ayant pour tâche de « rendre à la langue française, dans les différents domaines où s’exerce l’activité des Canadiens français et particulièrement dans le commerce et l’industrie, la place à laquelle elle a droit » [22], la Ligue des droits du français, en devenant en 1921, peu après que l’abbé Groulx eut assumé la direction de la revue, la Ligue d’Action française, se donne un objectif beaucoup plus large : reconstituer la plénitude de la vie française, contrer ce que Groulx désigne comme l’altération du type canadien-français, ou encore la régression de la personnalité nationale que le système politique et, en particulier, le système de partis ont perverti en conduisant l’ethnie canadienne-française « tout droit à l’uniformité » [23].

Pour promouvoir cette spécificité de l’ethnie dont la langue constitue « la caractéristique principale », la Ligue se donne une série de moyens d’actions et de propagande qu’elle veut populaires. C’est ainsi qu’elle publie un Aimanack de la langue française, un Calendrier patriotique, des « cartes de correspondance », — sur l’une d’entre elles se trouvait imprimée la phrase suivante : « il faut que cela devienne chic d’être Canadienne française », — et enfin un recueil de chansons, [171] Refrains de chez nous. Ces différentes formes de propagande, en vue de développer le sentiment de la fierté nationale, connaissent un certain succès si l’on songe que l’Almanach est publié à vingt-cinq milles exemplaires en 1918 et que Refrains de chez nous atteint le 45e mille en 1924. La Ligue organise, de plus, des « concours de citations patriotiques », des « concours d’art dramatique », des « pèlerinages patriotiques », en particulier le pèlerinage Dollard, qui a pour but de « propager le culte du héros ». La Ligue rencontre cependant des difficultés à rejoindre un public « populaire » et doit, par exemple, renoncer à publier son Almanach. « L’homme nous manqua », affirme l’abbé Groulx, « qui lui eût conservé son public populaire. » Elle se tourne alors vers d’autres formes de propagande, telle que l’organisation de conférences, d’abord au Monument national et ensuite à la Bibliothèque Saint-Sulpice, la mise sur pied d’une librairie et d’une maison d’édition qui publie en 1922 le roman L’Appel de la Race, que l’abbé Groulx écrit sous le pseudonyme d’Alonié de Lestres, roman qui s’attaque au mariage mixte selon la race, « l’un des pires travers de la bourgeoisie canadienne-française ».

La ligue d’Action française multiplie les moyens de propagande, mais la revue l’Action française « restera l’œuvre principale », dans la mesure où elle contribuera à édifier la doctrine : « aller à l’essentiel, aux problèmes de fond de la nationalité » [24]. L’abbé Groulx est le directeur de la revue jusqu’à sa disparition à la fin de 1928. Au terme du quatrième volume de ses Mémoires, il porte un « jugement sur l’œuvre » et cite, à cette fin, un texte qu’il écrivit en 1927. Il y explique « l’activité réactionnaire » des hommes de sa génération, activité que l’Action française transformera [172] en doctrine. Réaction contre les politiciens négatifs, les stériles bavardages de tribunes, les idées qui ont produit la déviation de notre destin. Également réaction contre un fédéralisme envahisseur, l’abdication de la race, les molles doctrines de prudence et de tolérance. Contre tout cela, « quelque chose de net et décisif » : l’orgueil de la vocation surnaturelle de notre race et des devoirs qui en découlent, l’intérêt national, la recherche de tous les moyens qui vont tonifier l’âme nationale, lui redonner le sens de son histoire, lui révéler le prix de son hérédité et de ses droits [25]. Ce langage de l’ordre contre le désordre, plus précisément ce rappel à l’ordre, n’est certes pas sans liens avec la conservation des privilèges et le souci de ne pas tomber dans l’anonymat [26]. En harmonie avec cet ethos, il y a également les inquiétudes au sujet de l’encombrement, des masses et des foules.

Il faut bien voir, en effet, que la défense acharnée du sens de l’histoire et de l’intérêt national se place sous le signe de la nécessité, faite vertu, pour ces agents dont la position apparaît menacée, face à la « mollesse » des dominants de leur classe, — politiciens et « snobs » accusés d’avoir laissé se dilapider l’héritage, — face aussi à la montée d’un prolétariat urbain, bref deux groupes pour qui les intérêts dans la défense des différences ethniques (langue, culture, religion) ne sont pas aussi impératifs.

Il s’agit pour ces agents qui en sont au « milieu de leur vie » — la moyenne d’âge des directeurs de la Ligue des droits du français est de 38.5 ans en 1917 et lorsque l’abbé Groulx prend la direction de la revue en 1920 il est âgé de 42 ans — de s’imposer en tant [173] qu’élite par autre chose que l'argent ou le nombre D’autres classes sont plus riches et plus nombreuses, note A. Perrault [27]. Cette autre chose, c’est l’intelligence, la supériorité intellectuelle : l’avocat Guy Vanier, parlant de « notre jeunesse », reprend comme mot d’ordre le « donnez-moi l’éducation et je changerai la face de l’Europe avant un siècle » de Leibniz [28]. Cependant, il ne s’agit pas uniquement de promouvoir la culture pour la culture comme le laisse entendre Perrault, qui affirme que « les classes dirigeantes ont pour principale raison la culture de l’esprit » [29] ; ce « culte de la supériorité » (Montpetit) vise aussi à former des compétences que « la politique consultera ». Ces nouveaux dirigeants auraient aussi pour rôle de « former une classe de lettrés, un public pour les artistes, les écrivains, des collaborateurs des mouvements et des œuvres voués à la durée de nos traditions. Ils pourraient enfin servir par l’action sociale, par l’étude des problèmes nouveaux ». Tout cela, afin de « relever les professions libérales au jugement du peuple et les défendre contre de nouvelles venues qui les veulent supplanter » [30]. À cet égard, le thème proposé en 1919, pour la deuxième « enquête » de l’Action française paraît très significatif de la volonté d’élargissement du capital culturel et scolaire acquis par ces membres des professions libérales et du clergé. Cette enquête vise les précurseurs, ceux qui « ont élaboré dans les divers domaines de la pensée et de l’action les premiers programmes ou les entreprises que nous essayons d’exécuter ou de développer aujourd’hui ... pendant que d’autres laissent leurs contemporains [174] s’agiter dans les œuvres vides et plus particulièrement dans les passions sonores mais stériles de la politique » [31]. Outre les défenseurs de la survivance française à l’extérieur du Québec (Ferdinand Gagnon aux États-Unis, Mgr Langevin dans l’Ouest canadien et le R.P. Camille Lefebvre en Acadie), on retrouve, par exemple, comme modèle l’économiste Errol Bouchette, le scientifique l’abbé J. Provancher, les essayistes Edmond de Nevers et Jules-Paul Tardivel, l’artiste Napoléon Bourassa, le musicien Calixa Lavallée, le docteur Jacques Labrie enfin, proposé comme type exemplaire de ces professionnels qui « ne se laissent pas aller, après la besogne du gagne-pain, à la douceur de vivre sans remuer d’idées fatigantes. » L’auteur de ce portrait se permet d’ajouter, devant l’héroïsme de son modèle, que « si l’exemple d’un docteur Labrie leur (ceux qui souffrent de paresse intellectuelle) paraît inimitable parce qu’héroïque, ils pourront s’aviser qu’il y a des degrés praticables entre la flânerie des tabagies et le surmenage intellectuel auquel rien ne les expose » [32].
Zone de texte: 175


* * *

En situation de porte à faux entre, d’une part, une bourgeoisie industrielle dominée par les anglophones et à laquelle s’agglutinent les politiciens et les rares hommes d’affaires francophones et, d’autre part, un prolétariat montant, ceux des membres des professions libérales et du clergé (cf. Annexe I) qui collaborent à l’Action française sont porteurs d’uns doctrine qui, tout en visant le destin de la nation tout entière, s’articule d’abord et avant tout à leur position sociale et aux conditions qui la caractérisent.

[175]

Étant chargés de la domestication des âmes et des corps, que ce soit à titre de prêtres, de médecins, d’avocats ou d’enseignants, ces agents intellectuels réunissent ainsi les dispositions qui les portent à investir dans la défense de la personnalité ethnique et nationale. L’abbé Groulx, que le R.P. Archambault désigne comme « le vrai chef de (la) Ligue, son théoricien et son animateur » [33], énonce très clairement cet aspect du nationalisme lorsque, définissant en 1921 la doctrine de l’Action française, il écrit : « Nous voulons retrouver, ressaisir dans son intégrité le type ethnique qu’avait laissé ici la France .. . C’est ce type français rigoureusement caractérisé... ayant ses hérédités ethniques et psychologiques ... que nous voulons continuer. Le type ethnique a cependant subi en Amérique des altérations ; la personnalité nationale est en régression » [34]. Ce n’est donc pas un hasard non plus si L’Action française, ou à tout le moins son directeur, place en tête des priorités le problème intellectuel. La rectitude de l’esprit est au principe de tout, écrit-il. Il ajoute, « il ne lui (L’Action française) suffit point de prêcher l’hygiène intellectuelle. Les sources vives, saines, où assurer la droiture de l’esprit et préparer, du même coup, une action droite, féconde, la revue se fait un devoir de les indiquer ». [35]

Spécialistes ou consommateurs privilégiés des biens symboliques, ces intellectuels en situation d’encombrement, donc de concurrence, font de la remise en ordre de la personnalité et du rappel à l’ordre des dirigeants deux conditions essentielles du salut de la nation, c’est-à-dire avant tout de leur salut. Monopolisant les définitions du type canadien-français en l’inscrivant dans l’hérédité de l’histoire, ils tentent de

[176] [177]

ANNEXE 1.
Directeurs et principaux collaborateurs de l'Action française 11917-1928)*

1.

Directeurs

Philippe Perrier, ptre

curé de la paroisse St-Enfant Jésus du Mile-End

(6)

Joseph  Papin-Archambault s.j.

président fondateur des Semaines Sociales du Canada

(2)

Omer Héroux

rédacteur en chef du Devoir

(4)

Joseph Gauvreau, m.d.

registraire du Collège des médecins

Anatole Vanier, avocat

premier président de l'ACJC de Montréal

(5)

Antonio Perrault, avocat

professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal

(10)

2.

Autres collaborateurs à la direction

Louis Hurtubise

ingénieur conseil

Lucien Pineault, ptre

professeur de philosophie

Émile Bruchési

avocat

(3)

Hermas Bastien

philosophe

(4)

Yves Tessier-Lavigne

professeur à l'École des Sciences sociales, Université de Montréal

(3)

Esdras Minville

professeur à l'École des H.E.C., fondateur de l'Actualité Economique

Arthur Laurendeau

professeur de musique

(2)

3.

Les « jeunes collaborateurs »

Harry Bernard

journaliste

(2)

René Chaloult

avocat

(1)

Esdras Minville

(6)

Léo-Paul Desrosiers

journaliste et écrivain

(3)

4.

Les « grands collaborateurs »

Laure Conan

écrivain

Mgr Louis-Adolphe Paquet

théologien et philosophe

(2)

Edouard Montpetit

directeur de l'École des Sciences sociales, Université de Montréal

(7)

Henri Bourassa, député

fondateur et directeur du Devoir

(1)

5.

Directeurs de la revue

Orner Héroux  (1917-1920

Lionel Groulx (1920-1928)

(9)

1. Il s'agit des directeurs et collaborateurs que l'abbé Groulx mentionne dans ses Mémoires au tome 2. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre d'articles rédigés par chacun lors des «grandes enquêtes» de L'Action française. Sur un total de 164 articles, les directeurs et principaux collaborateurs (Groulx inclus) en ont rédigé 70, soit 42,68%.

[178]

s’assurer la docilité du peuple et de forcer les dominants de leur classe à contribuer à la légitimité de ce monopole en y souscrivant, ceux-là mêmes qui peuvent se permettre des libertés vis-à-vis la personnalité nationale parce que leur intérêt n’y est pas en entier attaché.

La classe dominante (ou certaines de ses fractions qui parlent de la nation, du peuple, de la race ou de la personnalité nationale) parle donc, d’abord et avant tout, d’elle-même et pour elle-même. C’est en ce sens que Otto Bauer définit la nation comme une communauté de culture, une communauté de caractère. Il ajoute cependant que, dans la société qui repose sur la différenciation des classes sociales, ce qui constitue la nation, « ce n’est plus l’unité du sang et l’unité de culture, mais l’unité de la culture des classes dominantes, les grandes masses ne sont plus que l’arrière-plan de la nation » [36].

Yves Lamarche

Université de Montréal



[1] L’Action française, revue de la Ligue d’Action française, fut publiée à Montréal entre 1917 et 1928. À l’origine de la L.A.F., se trouve la Ligue des droits du français, fondée en 1913 sous l’instigation du R.P. Joseph Papin-Archambault et du docteur Joseph Gauvreau. La revue parut sous le nom d'Action française jusqu’en janvier 1928 alors que, suite aux difficultés de son homonyme français avec Rome, elle devient l’Action canadienne-française. Elle reparaîtra en 1933 sous le titre d’Action nationale en tant que revue de la Ligue du même nom. Bien que l’équipe de direction de la revue prenne le soin de préciser qu’il n’y a rien de commun entre l'Action française de Montréal et l’œuvre royaliste de Paris, l’emprunt du nom est quand même significatif des liens symboliques qui pouvaient unir les intellectuels français et québécois. En 1909, lors d’un séjour à Paris, l’abbé Groulx, qui devait devenir le directeur de la revue, assiste à un rassemblement de l’Action française où il subit « l’enchantement » de Léon Daudet. En 1921-22, l’abbé Groulx suit le cours de l’Institut d’Action française à Paris. Il note dans ses Mémoires (tome I, p. 381) : « Le mouvement royaliste m’intéresse par son extraordinaire allant, la valeur intellectuelle de ses chefs, l’effort d’assainissement tenté par lui. » Il ajoute cependant à propos de Charles Maurras, le directeur de l’Action française : « sa doctrine politique ne m’a jamais conquis ».

[2] L’Action française, vol. 4, 1920, p. 111.

[3] Pour une définition de l’idéologie de conservation, voir Marcel RIOUX, « Sur l’évolution des idéologies au Québec », Revue de l’Institut de Sociologie, n. 1, 1968, p. 113.

[4] Fernand DUMONT, « Du début du siècle à la crise 1929 : un espace idéologique » in Idéologies au Canada français 1900-1929, ouvrage publié sous la direction de Fernand Dumont, Jean Hamelin, Fernand Harvey, Jean-Paul Montminy, Québec, P.U.L., 1974, p. 1.

[5] J.-C. PASSERON, Changement et permanence dans le monde intellectuel, Communication au Colloque d’Arras, Paris, Centre de Sociologie européenne, 1965, p. 1.

[6] Ibid., p. 2.

[7] F. DUMONT, op. cit., p. 11. Ce thème ne semble pas cependant spécifique au XXe siècle. Dumont le retrace dès 1850. Voir, à ce sujet, le premier volume de la série Idéologies au Canada français (1850-1900).

[9] L’Action française, tome I, 1917, p. 4.

[10] Ibid., p. 98.

[11] L’Action française, tome 4, 1920, p. 98.

[12] Jean HAMELIN et Jean-Paul MONTMINY in Idéologies au Canada français 1900-1929, op. cit., pp. 15-28. Voir aussi Maurice SAINT-GERMAIN, Une économie à libérer, le Québec analysé dans ses structures économiques, Montréal, P.U.M., 1973, pp. 377-385.

[13] M. SAIN-GERMAIN, op. cit., p. 384.

[14] Jean HAMELIN et Jean-Paul MONTMINY, in Idéologies au Canada français 1900-1929, op. cit., p. 25.

[15] Au sujet de la reproduction et de la reconversion, voir Pierre BOURDIEU, Luc BOLTANSKI et Monique de SAINT-MARTIN : « Les stratégies de reconversion », Information sur les sciences sociales, 12 (5), 1973.

[16] Il faut bien voir cependant qu’il ne s’agit pas de carrières universitaires à plein temps, qui n’apparaîtront que plus tard. Le cas de l’abbé Groulx, qui cumule les conférences publiques et les cours à l’Université avec des activités de romancier, d’homme d’action, de prêtre, en témoigne.

[17] L’on assiste probablement, dans ce cas, à un effet conjugué de la concentration des entreprises et de la crise de 1929.

[18] Afin de rendre ces deux groupes comparables, les femmes ont été exclues des statistiques. Elles sont concentrées principalement dans les professions de l’enseignement et dans le commerce de détail.

[19] L’Action française, tome 3, 1919, p. 214.

[20] L’Action française, tome 4, 1920, p. 100.

[21] L’Action française n’est pas la seule publication présente dans le champ intellectuel de l’époque. Les journaux sent également un moyen d’expression important. D’autres revues — de type plus universitaire — sent aussi présentes. Il faut signaler, à cet égard, Le Canada français, revue des professeurs de l’Université Laval que dirige de 1918 à 1924 l’abbé Camille Roy. Ce dernier intervint dans la querelle que suscite la publication de l’Appel de la Race en 1922. Il conteste « la justesse des jugements (de Groulx) sur l’état d’esprit de l’enseignement collégial » (à propos de l’éducation nationale). La polémique entre Groulx et C. Roy dure jusqu’en 1929. C’est en 1923 qu’Olivier Asselin se porte à la défense de Groulx et prononce une conférence à la salle Saint-Sulpice. Voir O. ASSELIN, L’œuvre de l’abbé Groulx, Montréal, Hurtubise HMH, 1973. À propos de la critique de C. Roy, Asselin note : « M. Roy ne veut pas admettre que l’enseignement du patriotisme laissait à désirer au Séminaire de Québec, il y a trente-cinq ans. Cela juge un homme. Il est de la génération d’éducateurs québécois qui naguère encore marquaient les fastes de l’Université Laval aux visites des princes du sang à la ferme Saint-Joachim. Le pli loyaliste lui est resté dans l’âme avec tout ce que cette déformation implique de vétuste et de poussiéreux. » (P. 76.)

[22] Lionel GROULX, Mes Mémoires, tome II (1920-1928), « À la direction de l’Action française », Montréal, Fides, 1921, p. 10.

[23] Ibid., p. 17-18-19 : « Notre doctrine ».

[24] Ibid. p. 130.

[25] Ibid. pp. 382-83.

[26] Au sujet de cette inquiétude, voir A. HAMILTON, L’illusion fasciste, Paris : Gallimard, 1974.

[27] L’Action française, vol. 4, 1920, p. 100.

[28] Ibid., vol. 2, 1918, p. 401.

[29] Ibid., vol. 3, 1919, p. 214.

[30] Ibid., vol. 4, 1920, p. 100 et sq.

[31] Ibid., vol. 3, 1919, p. 22.

[32] Ibid., vol. 3, 1919, p. 119.

[33] Lionel GROULX, Mes Mémoires, tome II, op. cit., p. 11.

[34] Ibid., p. 17-18-19.

[35] Ibid., p. 271.

[36] Otto BAUER, « Le concept de nation », in Georges HAUPT, Michael LOWY et Claudie WEILL, Les Marxistes et la question nationale, Montréal, Éditions l’Étincelle, 1974, pp. 241-242.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 14 avril 2021 9:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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