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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Psychiatrie clinique: approche contemporaine. (1980)
Préface de Cyrille Koupernik, m.d.


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Pierre Lalonde et Frédéric Grunberg, Psychiatrie clinique: approche contemporaine. Chicoutimi: Gaëtan Morin, Éditeur, 1980, 1re édition, 925 pp, 6e impression, 1987. Une édition numérique réalisée par mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée retraitée du Musée de la Pulperie de Chicoutimi. [Avec l'autorisation formelle des auteurs accordée le 22 octobre 2014.]

[xi]

Psychiatrie clinique :
approche contemporaine


Préface
de Cyrille Koupernik, m.d.


Je me dois de commencer par un aveu dont je mesure mal les retombées : c'est la première fois que je préface un ouvrage. Non seulement n'en ai-je jamais préfacé, mais j'ai toujours, étant moi-même lecteur, négligé ces pages de présentation, pressé d'arriver à l'essentiel. L'âge venant, on me confère ce grand honneur de préfacer une œuvre collective.

Me permettra-t-on, compte tenu de mon inexpérience, de dire pour commencer ce que je n'ai pas trouvé dans ce Traité ? En premier lieu : nulle trace de jargon. Il y aurait beaucoup à dire sur l'étrange aventure de la langue psychiatrique française qui, en partant des pesants néologismes du siècle dernier, a ramassé au passage de jeunes pousses freudiennes pour aboutir à un sabir imité d'une certaine école américaine d'inspiration sociale. Rien de tel ici : le profane n'a pas à se battre contre d'étranges mots ; quand leur usage est justifié, on lui en explique le sens.

L'autre grand absent est le dogmatisme. Pendant des décades à lire des ouvrages de tendances opposées, on pourrait à bon droit se demander s'il s'agissait du même sujet, du même champ de questionnement : je présume que durant les Conciles, qui avaient pour charge de décider où était la vraie foi, les factions rivales se jetaient ainsi à la face des vérités sans recul. Rien de tel ici, mais le choix qui a présidé à l'élaboration de cette œuvre me paraît très symptomatique. Je ne cacherai pas que j'ai lu avec émotion cette citation de Henry Ey (1945) par laquelle commence pratiquement le Traité. Tout y est dit de l'ambiguïté même de la psychiatrie.

Ey était un homme généreux, un esprit universel, ouvert à toutes les formes de pensée. Il n'en demeure pas moins que ce Traité ne s'est pas contenté de faire revivre une structure organo-dynamique, hospitalière mais rigoureuse, et qui avait pour vocation de tout soumettre à une certaine conception du monde et de l'homme. Cet ouvrage est tout à la fois un bilan honnête et lucide, une réflexion, un point de départ. J'en suis sans doute, du fait même de la proposition qui m'a été faite de le préfacer, le premier lecteur français. Je suis frappé par l'effort mutuel d'information et de compréhension, par l'esprit de tolérance que j'ai trouvés au fil des pages. En France, les uns honnissent le modèle médical, cependant que d'autres n'ont pour les approches psychologiques et sociales que mépris et irritation.

Bien plus, le monde change et dans nos pays il est normal que les ayants droit aient voix au chapitre. Si l'Anti-psychiatrie a contribué à mettre en garde ce que Henry Ey appelait une "chosification de la situation psychiatrique", grâces lui soient rendues. Si au contraire elle prétend remplacer par un  [xii] modèle politique (quel qu'il soit) l'originalité du fait psychiatrique, on ne peut que marquer sa désapprobation.

J'ai souvent trouvé sous les meilleures plumes une attitude résolument utopique face aux mutations et aux espérances de la psychiatrie nouvelle, de cette psychiatrie extra-murale dont la prise de la Bastille demeure l'image d'Epinal. Non que quelqu'un souhaite revenir aux hôpitaux-prisons, aux asiles-garderies, mais enfin la réalité est là : les conflits, l'injustice ne sont pas la cause des handicaps des corps et de l'esprit, des fausses routes de la raison. Il y a du mythe dans l'affirmation selon laquelle on rendra à tout un chacun, par l'adversité accablée, sa place à part entière dans la société.

J'ai tenu à montrer jusqu'à ce point précis de ma réflexion, qu'une certaine idée générale de la condition humaine, pourquoi ne pas dire une certaine philosophie, était présente dans ce Traité, sous une forme moins redoutable que celle qui fleurit dans nos ouvrages, mais enfin, l'homme fait problème et il est bon que celui qui a choisi d'être psychiatre en prenne au moins conscience. Mais j'ai trouvé aussi, dans ce Traité québécois, une dimension autre, dirais-je : une ouverture sur les activités du prodigieux creuset nord-américain. Il y a toujours eu chez nos voisins un inlassable optimisme, un refus de ce fatalisme qui au fil des siècles, a rendu sceptique la Vieille Europe. Les Américains du Nord ont, en demeurant dans la foulée d'un Suisse-Allemand, Adolf Meyer, pulvérisé une nosologie statique et inadaptée. Ils ont adopté avec un immense espoir les idées de Freud, et maintenant, à l'occasion du DSM III, ils reviennent à l'idée d'une classification ; toutefois, celle-ci n'est plus botanique, elle est comme ce Traité, bio-psycho-sociale, multi-axiale, rigoureuse, n'avançant rien qui ne put être prouvé, et c'est ainsi que disparaissent en tant que classes, les névroses, parce que les admettre serait avaliser la notion d'un conflit intrapsychique ayant valeur de dénominateur commun. Consternation dans la Vieille Europe. J'en fais part à des amis belges et je suis pris à partie comme jadis étaient décapités les porteurs de mauvaises nouvelles.

Je ne saurais rendre compte de tout ce que j'ai lu et ma vocation n'est pas de me substituer à une table des matières entrelardée de ronronnements louangeurs ; je crois très sincèrement que ce Traité est, depuis la dernière édition de celui de H. Ey, P. Bernard et Ch. Brisset, le plus important des ouvrages de cette classe et je crois avoir montré que, loin d'être la réplique de ce dernier Traité, il apporte une vue nouvelle, vivifiante, n'hésitant pas, pour citer un exemple, à aborder les problèmes sexologiques, expliquant avec une belle franchise que l'exclusion du terme "homosexualité" du DSM III est en partie d'essence politique et liée à l'action des groupements homophiles.

Il me reste à rendre hommage à P. La/onde et F. Grunberg d'avoir conçu cette œuvre  collective et d'avoir réussi à la rendre homogène sans aliéner la liberté d'opinion et d'expression des collaborateurs.

Cyrille Koupernik, m. d.
Professeur associé au Collège de médecine
des Hôpitaux de Paris



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 3 juin 2016 11:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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