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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Maurice Lagueux, “Apriorisme et empirisme en science économique.” Un article publié dans la revue Fundamenta Scientiae, Vol. 9, no 2/3, pp. 217-230, 1988. Printed in Brazil. [Autorisation accordée par l'auteur le 28 septembre 2010 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[217]

Maurice Lagueux *

Professeur de philosophie, Université de Montréal

Apriorisme et empirisme
en science économique
.”

Un article publié dans la revue Fundamenta Scientiae, Vol. 9, no 2/3, pp. 217-230, 1988. Printed in Brazil.


L'apriorisme est sans doute la thèse épistémologique qui a suscité les condamnations les plus vives chez les théoriciens contemporains de l'économie, qui se réclament généralement de l'empirisme et qui, non sans raisons, à vrai dire, se font les gardiens vigilants du caractère scientifique de l'analyse économique qui pourrait se trouver menacée par toute résurgence de l'apriorisme [1]. Il faut reconnaître, en effet, que l'arrogance tranquille avec laquelle trop de défenseurs de l'apriorisme en économie, à commencer par von Mises, ont prétendu être en mesure de s'appuyer sur des connaissances économiques qui n'auraient pas à être soumises au moindre test parce qu'elles seraient acquises "de l'intérieur" (Mises) [2], parce qu'elles seraient "évidentes" (Rothbard) [3] ou parce qu'elles seraient le fruit d'un "raisonnement logique" (Hollis et Nell) [4] a de quoi inquiéter.

Qu'on se rassure, je ne chercherai pas, ici, à réhabiliter l'une ou l'autre de ces versions quelque peu arrogantes de l'aphorisme, ni même à remettre en cause les principaux canons de l'empirisme. je voudrais néanmoins me pencher à nouveau sur ces idées mille fois désavouées et voir si elles ne véhiculent pas, malgré tout, quelque chose d'important, ne serait-ce [218] ce que parce qu'il me paraît malsain d'adopter une attitude systématiquement méfiante et hautement polémique à l'endroit d'une doctrine qui a pourtant dominé l'histoire de la pensée économique pendant près d'un siècle et d'en faire une sorte d'objet tabou avec lequel ceux qui prétendent s'adonner sérieusement à la méthodologie de l'économie ne doivent surtout pas s'aviser de "flirter" - pour reprendre une expression de Eugène Rotwein à propos d'un texte de Bruce Caldwell sur le sujet [5].

Je commencerai, au demeurant, par rejeter sans équivoque la proposition aprioriste qui a été le plus constamment dénoncée par les adversaires de l'aphorisme, soit celle voulant qu'il soit possible, sans recourir à l'expérience, d'accéder directement à la connaissance de "lois" au moins aussi valables que les lois établies empiriquement [6]. L'aisance avec laquelle Mises nous parle de lois "dérivées a priori" qui ne "tolèrent aucune exception" puisqu'elles appartiennent à une "théorie aprioriste et universellement valable" [7] laisse penser, en effet, que des lois de l'action humaine qu'on n'aurait même pas besoin de tester jouiraient d'un statut scientifique qui n'aurait rien à envier à celui des lois de la physique.

Considérons donc, à titre d'exemple, l'une de ces prétendues lois économiques que Mises et ses disciples prétendent connaître a priori, soit la "loi" voulant que l'utilité marginale soit décroissante [8]. À première vue, cette loi comporte pourtant de nombreuses exceptions qui ont souvent été évoquées: qu'on pense au cas de l'alcoolique qui serait prêt à payer plus pour le second verre que pour le premier, à celui du collectionneur pour qui la pièce qui vient compléter une collection d'objets rares est toujours celle qui procure le plus de plaisir bien qu'elle soit forcément la dernière acquise ou encore à celui, assez analogue, cité par Rothbard lui même, du cuisinier pour qui le quatrième des quatre oeufs requis par une recette est celui dont l'acquisition procure le plus de [219] satisfaction [9]. Devant de telles exception, toutefois, les aprioristes ne seront guère troublés: puisque la loi est vraie a priori, il faut qu'il y ait une explication à ces situations anormales et ils la trouveront sans trop de mal, soit en invoquant un changement dans les goûts des agents, soit en redéfinissant les biens dont l'utilité est en cause, soit en recourant à quelque autre stratagème de même acabit.

Après tout, fera-t-on valoir, toutes les lois de la physique comportent des exceptions apparentes du même genre et elles n'en sont pas moins des lois universelles pour autant. Seulement, ce qui, dans une telle attitude, est inacceptable, aux yeux d'un empiriste, c'est que, pour sauver sa loi, l'aprioriste n'hésite pas à invoquer des hypothèses ad hoc qui ne pourront jamais être testées, d'autant moins qu'elles ne reposent sur rien d'autre que sur le fait qui semble prendre la loi en défaut, en l'occurrence sur le fait que justement l'utilité marginale paraît croissante. On assurera, par exemple, qu'il y a eu changement de goût puisque l'utilité du deuxième verre paraît plus grande que celle du premier ou que le bien réclamé par le cuisinier n'était pas un oeuf mais un quarteron d'oeufs puisque, s'il en allait autrement, le quatrième oeuf, en lui procurant moins d'utilité que les précédents, ne se serait pas comporté comme un bien est censé se comporter. Bref, la "loi" se réduit, en un sens, à la tautologie qui nous assurerait que "pour peu que soient éliminés tous les cas où l'utilité marginale semble s'accroître - parce que par principe il faudrait voir en de tels cas l'indice de ce que quelque chose comme un changement de goût a eu lieu - alors l'utilité marginale ne s'accroît pas et, à moins de demeurer stable, ne peut qu'être décroissante". [10] Il va sans dire qu'il n'en va pas de même des lois de la physique; par exemple, la loi de la chute des corps semble contredite par le cas de la plume qui, s'envole vers le ciel, mais le physicien sauve sa loi en invoquant la pression de l'air, laquelle, fort heureusement pour lui, peut être observée dans de tout autres circonstances que celles qui occasionnent le mouvement ascendant de la plume. Dès lors, son explication n'a rien de ad hoc et sa loi ne se réduit pas à l'affirmation tautologique voulant que "pour peu que soient éliminés tous les cas où les corps s'élèvent vers le ciel - parce que par principe il faut voir en de tels cas l'indice qu'une force opposée est à l'oeuvre - alors ils ne s'élèvent pas vers le ciel et, à moins de demeurer en place, ne peuvent que tomber" !

[220]

Toutefois, la seule conclusion que l'on puisse tirer de cette observation, c'est que la comparaison avec la loi empirique est fort mai inspirée et que l'énoncé "tautologique" portant sur l'utilité marginale décroissante n'a rien d'une loi. La question est alors de savoir ce qui peut bien être véhiculé par l'affirmation de l'économiste assurant que l'utilité marginale est décroissante. J'ai dit qu'il s'agissait d'une tautologie -, mais il faut bien voir que l'affirmation ne prend une forme tautologique que dans la mesure où l'on veut, à tout prix, en faire une loi qui pourrait rendre compte de phénomènes observables. L'affirmation "l'utilité marginale ne peut être que décroissante" n'a, en tant que telle, rien de tautologique. Ce que j'ai qualifié de tautologique, c'est l'énoncé qui assure que, une fois tout éventuel accroissement de l'utilité marginale mis hors circuit (en vertu même de la conviction véhiculée par cette affirmation), toute autre manifestation de l'évolution de cette utilité marginale témoignera de sa progressive décroissance.

La question est donc de savoir ce qui fonde la conviction, partagée à vrai dire par bien des économistes qui ne se considèrent pas forcément comme aprioristes, voulant que l'utilité marginale ne puisse être que décroissante. Sur ce point, les aprioristes qui ne sont pas soucieux de conférer à leur thèse le statut de loi auraient tendance à soutenir que cette conviction repose sur la structure même de l'action humaine. Dans la mesure, expliqueraient-ils, où une action est orientée vers la satisfaction d'un but qui est alors jugé plus important que les autres buts possibles, la première unité acquise de quoi que ce soit qui puisse satisfaire au moins partiellement ce but sera utilisée à sa satisfaction; de telle sorte que, a moins que ne soient modifiés en cours de route, ou bien ce but lui-même, ou bien les goûts de celui qui le poursuit, ou la nature des biens qui sont susceptibles de le satisfaire ou quelque autre paramètre essentiel, la seconde unité acquise du même bien ne pourra qu'apporter une contribution moins importante que la première à la satisfaction d'un but jugé moins important, et ainsi de suite. Pour un aprioriste, le caractère décroissant de l'utilité marginale serait donc moins une loi qu'une condition sans la réalisation de laquelle les actions humaines que les économistes prétendent expliquer auraient quelque chose d'absurde. Bref, pour employer une formulation que Lachmann, en particulier, a popularisée au sein de la tradition autrichienne - qui est, comme on sait, associée à l'apriorisme - on aurait affaire moins à une loi qu'à une condition d'intelligibilité de l'action humaine [11]. Je continuerai, donc, par commodité, d'appeler [221] "aprioriste" (en entourant ce mot de guillemets pour en souligner le caractère quelque peu affaibli) une thèse selon laquelle une telle condition d'intelligibilité s'impose.

En se plaçant à nouveau d'un point de vue empiriste, on reconnaîtra qu'il est bien difficile de tester strictu sensu l'existence d'une "condition d'intelligibilité". Pourtant, la thèse "aprioriste" à propos de l'utilité marginale décroissante gagnerait beaucoup en crédibilité s'il pouvait être montré empiriquement que les économistes se trouveraient plongés dans un tel embarras si d'aventure ils abandonnaient un tel principe qu'ils n'auraient d'autre choix que d'y revenir, fût-ce en sacrifiant, pour ce faire, des principes qui, d'un point de vue strictement empirique, auraient pu être préférables. Du moins, pourrait-on voir dans cet éventuel constat une sorte de preuve prima facie de la thèse qui affirme que ce principe a quelque chose d'incontournable, et sans doute que la plupart des aprioristes n'en demandent guère plus en affirmant que l'utilité marginale "ne peut être" que décroissante. De fait, il est probable qu'entre deux théories également satisfaisantes du point de vue de leurs prédictions mais dont l'une invoquerait un principe d'utilité marginale décroissante et l'autre un principe d'utilité marginale croissante, les économistes ne pourraient pas se montrer indifférents. Au sens affaibli dont il est ici question, l'aphorisme pourrait alors être considéré comme la thèse épistémologique qui rendrait compte de cette préférence systématique des économistes pour l'utilité marginale décroissante, en faisant observer que l'abandon de ce principe aurait pour conséquence de rendre l'action humaine carrément inintelligible. Bref, un aprioriste serait celui qui soutiendrait que le sacrifice de cette intelligibilité serait un prix à payer trop élevé pour que l'on puisse admettre qu'il soit vraiment exigé par la pratique scientifique.

Toutefois, de même que, quand on présentait l'utilité marginale décroissante comme une loi, il y avait lieu de comparer cette prétendue loi avec une loi de la physique, quand on en fait l'objet d'une préférence épistémologique, il y a lieu de comparer cette préférence à celle dont, en physique également, les théoriciens font montre à l'égard des théories qui leur sont chères. L'attachement que les économistes semblent éprouver à l'endroit de l'utilité marginale décroissante diffère-t-il vraiment de l'attachement que le physicien manifeste à l'endroit d'un "paradigme" qui l'a bien servi, pour employer le langage de Kuhn, ou du "noyau dur" de sa théorie, pour employer celui de Lakatos ? Cette question paraît fondamentale si l'on entend cerner ce qui fait la spécificité de la thèse aprioriste comprise au sens proposé ici.

[222]

Malheureusement, on ne voit guère comment on pourrait y répondre de façon vraiment satisfaisante. On pourrait penser être en mesure de le faire en considérant d'abord que, même si les physiciens s'attachent à leurs théories pour toutes les raisons soulignées par Kuhn ou par Lakatos, leurs successeurs, au moins, finiront par abandonner celles-ci au profit de théories basées sur des postulats tout opposés si ces derniers se révèlent empiriquement plus fructueux. Tel est bien en tout cas ce que suggère l'idée kuhnienne voulant que les révolutions scientifiques finissent par s'imposer ou l'idée lakatosienne voulant que les programmes de recherche finissent par dégénérer [12]. Ainsi, les physiciens ont pu s'attacher longtemps aux idées d'espace absolu ou de déterminisme strict, mais leurs successeurs n'en ont pas moins fini par adopter la relativité et la théorie des quanta. Or, pourrait souligner un "aprioriste", dans le cas de l'utilité marginale décroissante, il ne saurait en aller de même. jamais, soutiendrait-il, les économistes ne se résigneraient à adopter une théorie basée sur l'utilité marginale croissante, quelle que soit sa fécondité empirique apparente, parce qu'une telle théorie rendrait inintelligible ce qu'il s'agit justement de comprendre.

À l'appui de cette façon de voir, ils pourraient être tentés de faire valoir le fait que la plupart des économistes, même s'ils ne font pas profession d'aphorisme, se refusent, à l'instar, par exemple, de Machlup ou de Friedman, à ce que des considérations empiriques viennent remettre en cause ce qu'ils considèrent justement comme des "postulats fondamentaux" de l'économie. Pourtant, ce serait là forcer indûment la pensée de ces économistes, qui se réclament plutôt de l'empirisme, car leur position suppose justement que, s'il leur était proposé une théorie qui permet d'obtenir de meilleures prédictions que celles que rend possible la théorie fondée sur les postulats fondamentaux de l'économie tels qu'ils les conçoivent, alors ils pourraient bien l'adopter, mais que, pour l'instant du moins, aucune nouvelle théorie de ce calibre ne semble poindre à l'horizon [13]. Dès lors, pour se convaincre de façon empirique que le pari de l'aprioriste est fondé, il faudrait attendre la contestation de la théorie qu'il défend, au nom d'un nouveau paradigme plus fécond, ou, si l'on préfère, il faudrait attendre la mise au point d'une théorie qui, tout en contestant le principe d'utilité marginale décroissante, parvienne à rendre compte d'un plus grand nombre de phénomènes. Alors seulement - et uniquement après que de nouvelles générations d'économistes aient [223] eu l'occasion de l'adopter - on verrait si les aprioristes avaient raison de penser que l'utilité marginale décroissante n'en serait pas moins retenue à titre de condition d'intelligibilité absolument incontournable.

Si tel est bien ce qui est requis pour que la thèse "aprioriste" redevienne crédible aux yeux d'un empiriste, il est facile de comprendre pourquoi cette cause est perdue d'avance. Si l'aprioriste a raison de penser que l'utilité marginale décroissante est une condition d'intelligibilité de l'action humaine, on voit mal comment une théorie qui nierait ce principe puisse parvenir à prédire le comportement des êtres humains plus efficacement qu'une théorie qui l'admet. Or, si une telle théorie ne se manifeste jamais, on ne saurait avoir l'occasion de la voir un jour déboutée malgré son apparente supériorité et, conséquemment, on ne saurait avoir l'occasion de voir ainsi mis en évidence, de façon un peu convaincante, le caractère incontournable de la préférence des. économistes pour un principe comme celui de l'utilité marginale décroissante.

Faute toutefois de pouvoir espérer établir empiriquement que la préférence accordée par les économistes à l'utilité marginale décroissante est d'une tout autre nature que celle que les physiciens ont accordée aux divers postulats théoriques qui se sont succédé, au cours de l'histoire de la physique, il peut être intéressant d'illustrer à tout le moins l'enjeu d'une telle question. Puisque le problème auquel nous nous sommes heurté, c'est qu'il n'y a pas à l'horizon de théories empiriquement convaincantes qui soit basées, par exemple, sur un principe d'utilité marginale croissante, dont on pourrait vérifier l'inacceptabilité pour cause d'inintelligibilité, on peut toujours imaginer un état de choses qui rendrait possible une telle théorie et voir ce qui s'ensuivrait.

À cette fin, admettons donc, par hypothèse, qu'une enquête, menée avec toutes les garanties scientifiques requises, ait établi qu'un nombre appréciable d'êtres humains (appartenant à un groupe que j'appellerai UMC) adopte un comportement analogue à celui que je vais maintenant décrire. Placé dans un lieu où il est totalement privé d'eau mais où il a, à sa disposition, une forte somme d'argent à laquelle, d'ailleurs, il est fort attaché, l'individu représentatif du groupe UMC estime -ce en quoi il ne se distingue en rien de ses congénères - que le plus important des bienfaits que l'eau peut procurer est la survie qu'assure l'apaisement de la soif, après quoi vient la sensation de fraîcheur qui résulte du fait de se laver, et en dernier lieu, la satisfaction qu'entraîne la propreté accrue des objets environnants qui sont lavés à leur tour. À chaque heure, on lui propose un litre d'eau, en s'efforçant, chaque fois, d'obtenir en paiement la somme maximum qu'on peut extirper de lui. Lors de la première offre d'eau, il se refuse absolument à débourser plus de $10.00 pour obtenir [224] le premier litre qu'il boira, une fois acquis, de manière à éviter la mort par déshydratation. Lors de la seconde offre, cependant, et c'est ici qu'il se singularise comme membre du groupe UMC, il accepte de payer $25.00 pour le second litre avec lequel, sa soif maintenant désaltérée, il s'empressera de se laver. De même, lors de la troisième offre, l'individu est prêt à payer $100.00 pour acquérir un troisième litre que, cette fois, il consacrera à laver quelques objets de son entourage, après s'être assuré qu'il n'avait plus tellement soif et qu'il était lui-même suffisamment propre.

Si l'on se fie à la théorie des préférences révélées, on aurait là un cas d'utilité marginale croissante ou, à tout le moins, un cas où le principe d'utilité marginale décroissante se trouve contredit. D'un certain point de vue, l'individu est tout à fait normal puisqu'il veille à satisfaire d'abord les besoins qu'il juge les plus importants avant de porter attention à ceux qui lui paraissent secondaires. Toutefois, l'utilité marginale qu'il reconnaît à chaque unité successive d'un bien (mesurée par ce qu'il est prêt à offrir pour l'acquérir) est manifestement croissante. Moins sont importants les besoins qu'il lui reste à satisfaire à l'aide d'un bien (dont, pourtant, on suppose ici qu'il connaissait déjà à fond toutes les vertus), plus sont importantes les sommes qu'il est disposé à sacrifier en vue d'obtenir des unités supplémentaires de ce bien, lesquelles ne lui permettront pourtant que de satisfaire à leur tour des besoins juges relativement moins importants.

Un tel comportement pourrait nous paraître absurde, mais ce serait apparemment en vertu d'un reliquat d'apriorisme que nous continuons peut-être à entretenir plus ou moins secrètement. Le comportement de ces individus n'aurait, en tout cas, rien de contradictoire, en ce sens qu'on pourrait aisément imaginer des robots qui fonctionneraient parfaitement en adoptant un comportement de ce type. Ces robots seraient programmés de manière à offrir de plus en plus pour chaque unité d'un bien, mais, une fois en possession de chacune de ces unités, ils s'empresseraient de l'utiliser de manière à satisfaire le besoin le plus pressant, c'est-à-dire celui, par exemple, dont la satisfaction contribuerait le plus à accroître leur efficacité. Pourquoi faudrait-il penser que l’“évaluation", qui les détermine à accorder tel ou tel montant à l'achat de telle ou telle unité du bien considéré, doit être identique à celle qui leur permet de comparer la "contribution à leur efficacité" de tel ou tel usage de ce bien ? On serait tenté de répondre que le fait de séparer ces deux évaluations ne serait pas rationnel. Peut-être, mais n'est-ce pas en vertu de quelque apriorisme larvé que nous invoquerions ainsi la structure de l'action rationnelle? Du strict point de vue empiriste, le comportement de ces robots serait un fait; on n'aurait donc, pas à se demander s'il se conforme ou [225] pas à la représentation que nous pouvons nous faire a priori de l'action rationnelle; on pourrait seulement observer qu'il diffère singulièrement de celui des humains. Mais revenons aux membres du groupe UMC, car ce n'était que pour faire voir que le comportement de ces derniers n'avait, en tant que tel, rien de contradictoire qu'a été considéré ici le cas des robots. Par hypothèse, les membres du groupe UMC ne sont pas perçus comme des robots (qui seraient programmés eux-mêmes par des humains) mais bien comme des humains au comportement un peu particulier. Aussi, comme dans le cas des robots, y a-t-il lieu de considérer que ce comportement est un fait, même s'il diffère singulièrement de celui qu'il est habituel d'attribuer aux êtres humains.

Quoi qu'il en soit, face à ce type de comportement que l'on supposera durable dans le temps, l'une ou l'autre de deux attitudes devrait finir par s'imposer, la première dictée par une. logique aprioriste, la seconde par une logique empiriste.

1. L'aprioriste refuserait d'accepter comme telle la possibilité même qu'il y ait utilité marginale croissante et se convaincrait qu'il faut absolument expliquer autrement ce qui se passe, fût-ce à. l'aide de considérations ad hoc. Par exemple, il pourrait supposer que les membres du groupe UMC manquent d'information ou, encore, qu'ils sont amenés, au cours même de l'expérience considérée, à modifier leurs goûts et donc leurs échelles de valeur. Faute de retenir une explication de ce genre (ou, bien sûr, d'en invoquer une plus astucieuse), il lui resterait à prétendre que ces individus sont fous, à moins qu'il n'en vienne, à la limite, à contester qu'ils soient vraiment des êtres humains, parce que, de manière a priori, il estime que, pour être intelligible, l'action humaine exige, de par sa structure même, que l'utilité marginale soit conçue comme décroissante.

2. Bien sûr, l'empiriste, quant à lui, ne serait pas tenu de rejeter illico l'idée voulant que l'utilité marginale soit décroissante; il pourrait s'efforcer de conserver ce vieux paradigme qui l'avait bien servi jusqu'alors et chercher lui aussi à expliquer à l'aide de diverses hypothèses plus ou moins ad hoc ce phénomène bizarre. Seulement il ne saurait accorder à cette hypothèse un crédit tel qu'elle l'inciterait à faire prévaloir indéfiniment les solutions ad hoc et les interprétations tautologiques de l'utilité marginale décroissante sur des théories plus générales qui viseraient à rendre compte de l'ensemble des comportements observés. Une théorie générale de ce. genre pourrait prendre appui., par exemple, sur une loi qui assurerait que, quand il s'agit d'obtenir des unités successives d'un même bien, la valeur absolue (ou le carré) de l'écart à la moyenne du prix. effectivement payé décroît de façon continue, s'annule, puis croît à nouveau jusqu'à épuisement des ressources. Une telle loi aurait indubitablement l'avantage de la généralité puisqu'elle s'appliquerait aussi [226] bien aux individus qui se comportent de la façon traditionnelle qu'aux membres du groupe UMC. Placés dans la même situation que celle qui, a permis de prendre conscience de la singularité des membres du groupe UMC, les premiers, en effet, paient d'abord beaucoup plus que la moyenne de ce qu'ils seront amenés à offrir au cours de l'expérience, mais cet écart diminue progressivement jusqu'à ce que, le prix moyen atteint, la valeur absolue de cet écart se remette à croître. Les seconds, pour leur part, paient d'abord beaucoup moins, comme on l'a vu, que la moyenne de ce qu'ils offriront au cours de l'expérience, mais, dans leur cas aussi, la valeur absolue de cet écart à la moyenne diminue progressivement jusqu'à ce que, le prix moyen atteint, cet écart se remette à croître puisqu'ils offrent de plus en plus pour chaque nouvelle unité.

Il va sans dire que des économistes empiristes pourraient mettre au point des explications beaucoup plus sophistiquées que celle, un peu simpliste, qui est proposée ici. L'intérêt de cet exemple ne tient évidemment pas au fait qu'il pourrait être mis en réserve en vue d'être utilisé dans l'éventualité où notre situation fictive se réaliserait, mais dans le fait qu'il permet de voir au nom de quoi l'explication proposée serait carrément rejetée par les économistes aprioristes ou crypto-aprioristes. À bien des égards, "l'explication empiriste" est plus satisfaisante que "l'explication aprioriste" puisqu'elle ne fait pas appel à des considérations ad hoc et à des processus inobservables comme les changements de goûts, qu'elle est plus générale et, de ce fait, plus élégante et surtout que, par hypothèse, elle surmonte avec succès l'épreuve des tests. Pourtant, bien des économistes pourront estimer qu'elle demeure totalement sans intérêt parce qu'elle ne permet nullement de comprendre le comportement des individus, Les oscillations, dans un sens ou dans l'autre, d'un écart de part et d'autre d'une moyenne, n'ont aucun sens du point de vue de l'action humaine alors que la décroissance de l'utilité marginale en a manifestement un.

Ce qui importe, ici, c'est de toucher du doigt l'enjeu réel du débat entre aprioristes et empiristes. Il ne peut vraiment être, comme Mises le prétendait, de savoir s'il y a des lois connues strictement a priori qui seraient valables universellement. Il ne peut même pas être de savoir si les économistes de facto refuseraient d'abandonner un principe comme celui de l'utilité marginale décroissante, car un tel débat ne reposerait que sur d'assez futiles supputations. Il est plutôt de savoir si les économistes peuvent légitimement se donner pour objectif de rendre compte des actions humaines de manière telle qu'elles soient intelligibles. Certes, on peut se demander s'il y a toujours lieu d'appeler "apriorisme" ce parti-pris (a priori, bien sûr, comme tous les parti-pris) en faveur de l'intelligibilité. Cette façon de voir, toutefois, est tout à fait conforme à la tradition autrichienne qui a toujours été associée à l’« priorisme » et qui a toujours [227] mis l'accent sur l'intelligibilité que rend possible le caractère "subjectif" des phénomènes dont l'analyse économique prétend rendre compte. Quand Kirzner, par exemple, fait observer que des Martiens dotés de puissants télescopes ne verraient que des boîtes se déplacer anarchiquement en absorbant ou en éjectant des entités de taille plus petite, là où les Terriens voient des automobiles se déplacer pour répondre aux besoins divers de ceux qui y montent où qui en descendent, il ne vise à rien d'autre qu'à montrer ce que veut dire "rendre le monde intelligible en termes d'action humaine [14]. Il invite les économistes à se représenter les actions humaines qu'ils étudient à la manière "subjectiviste" des Terriens plutôt qu'à la manière objectiviste des Martiens. Dans une telle position, il ne reste plus guère de l'apriorisme de Mises que ce parti-pris en faveur' de la façon dont les Terriens appréhendent leurs propres actions, c'est-à-dire en y percevant une signification qui les rend intelligibles.

Cette façon de déplacer l'enjeu du débat entre aprioristes et empiristes a des conséquences importantes sur la question de l'objet même de la science économique. S'il est vrai que ce qui constitue l'objet de la science économique ne peut faire partie des "espèces naturelles" dont il serait possible de déterminer empiriquement les contours - pour traduire approximativement l'heureuse expression d'Alexander Rosenberg [15] -, peut-être est-ce parce qu'il faut le chercher plutôt dans cet univers de l'action humaine dont les contours semblent échapper par principe à l'enquête empirique.

S'il en allait ainsi et si l'on concédait la chose à ceux qui réinterpréteraient en ce sens la tradition aprioriste, faudrait-il en conclure que la porte serait ouverte aux théories les plus fantaisistes qui s'installeraient librement sur un terrain où la censure empiriste aurait perdu son emprise? il n'y a pas de raison de le penser, si l'on prend au sérieux le déplacement qui est effectué ici dans la signification de la thèse aprioriste. Si l'on renonce à l'idée de "loi a priori universellement valable", la question de savoir, par exemple, si de facto l'utilité marginale est universellement décroissante n'est plus de celles auxquelles l'aprioriste peut donner une réponse. Elle devient une question empirique à laquelle on ne peut peut-être pas apporter de réponse empirique mais a propos de laquelle on ne saurait se contenter de réponses a priori. Tout ce que l'héritier de la tradition aprioriste soutient, c'est qu'il est impossible, sans concevoir l'utilité [228] marginale ainsi, de donner un sens à l'action humaine et qu'il lui paraît encore plus important et plus fécond d'analyser les implications de ce type d'action que de s'en tenir, coûte, que coûte aux prescriptions de la méthode empirique.

Mais au nom de quoi peut-il être ainsi convaincu que l'orientation qu'il fait prévaloir est si importante et si féconde ? Manifestement, il ne le peut que parce qu'elle lui permet d'expliquer certains phénomènes qui, autrement, demeureraient de véritables énigmes. Par exemple, il peut expliquer comment des individus que l'on suppose rationnels et intéressés peuvent se trouver liés dans leurs échanges par des prix qui n'ont été fixés par personne en particulier mais qui semblent néanmoins s'imposer à eux; il peut expliquer que, dans certaines circonstances, les prix peuvent littéralement s'effondrer; il peut expliquer, à la suite de Giffen, que, même si habituellement la demande pour un bien s'accroît avec une diminution de son prix, la demande pour les pommes de terre, peut fort bien diminuer alors Même que leur prix décroît. Sans doute les économistes empiristes apportent-ils traditionnellement les mêmes explications aux mêmes questions [16], mais il s'agit justement de savoir si c'est vraiment de façon empirique qu'ils ont pu apporter des réponses à des questions comme celles-la ou si c'est plutôt en se laissant guider par des conditions d'intelligibilité comme le principe d'utilité marginale décroissante. Il serait bien difficile de départager entre ces deux possibilités, d'autant plus que, ici encore, dans l'éventualité où l'utilité marginale serait vraiment une condition d'intelligibilité de toute action humaine, il serait étonnant qu'un principe contraire puisse permettre d'obtenir des résultats susceptibles, par leur exactitude, de débouter décisivement la prétention "aprioriste". il semble bien plus probable, dans une telle éventualité, que les résultats empiriques viennent, après avoir été soumis à une analyse critique, confirmer grosso modo les thèses élaborées "a priori", sans que l'on puisse voir clairement ce qu'il adviendrait si ces deux principes épistémologiques entraient directement en conflit à propos d'une question 'précise. Dans un tel contexte, au vu des résultats assez peu concluants d'es études empiriques en micro-économie, il n'est pas étonnant que plusieurs économistes préfèrent voir dans l'utilité marginale décroissante une condition d'intelligibilité, plutôt qu'une quelconque donnée empirique [17].

[229]

Mais comment des "héritiers de la tradition aprioriste" qui verraient les choses ainsi pourraient-ils prétendre apporter de telles explications sans d'abord établir empiriquement la validité des principes sur lesquels ils s'appuient? Ils le pourraient, du moins la plupart du temps, tout simplement parce qu'ils n'ont aucun besoin d'établir la validité des principes qu'ils invoquent dans ces explications, puisque ce sont les principes mêmes qui donnent un sens aux questions auxquelles ils s'affairent, par leurs explications, à apporter des réponses. 11 est évident qu'aucun économiste ne peut établir a priori ni que les êtres humains se comportent de façon rationnelle, ni que toute fonction de demande est décroissante, mais, indépendamment du fait qu'il soit aprioriste ou empiriste, un économiste qui est confronté à une baisse de la demande des pommes de terre consécutive à une baisse de leur prix (et donc à Une situation qui laisse penser qu'une fonction de demande n'est pas décroissante) est confronté à un problème réel justement parce qu'il voit mai comment il pourrait être rationnel pour des individus de se comporter de manière telle que cette fonction de demande ne soit pas décroissante. Face a ce problème, il pourrait se contenter de rappeler que, puisque la rationalité des individus n'a pas été établie empiriquement et ne peut probablement pas l'être de façon convaincante, il n'y a pas de problème, du point de vue empirique, a ce que la fonction de demande prenne la forme que l'on voudra. Si, par contre, il choisit de s'installer dans une représentation des choses qui veut que l'action humaine soit rationnelle et montre, en comparant effet de substitution et effet de revenu, que la baisse de la demande des pommes de terre est parfaitement compatible tant avec un comportement rationnel qu'avec une réduction de leur prix, on ne saurait contester qu'il apporte bel et bien une solution à un problème bel et bien réel.

Comment pourrait-on lui objecter que cette solution fait appel à des principes qui n'ont pu être établis empiriquement quand les principes auxquels il fait appel sont ceux-là mêmes (rationalité du comportement, utilité marginale décroissante, ...) qui font qu'il y avait un problème à résoudre? Ou bien les principes ne sont pas fondés et il n'y a pas de problème du tout, ou bien ils le sont et, sans avoir besoin de prétendre les connaître a priori ou autrement, l'économiste peut les invoquer comme élément de solution dans la mesure même où ils sont une donnée du problème à résoudre [18]. De cette façon, il peut contribuer à rendre intelligibles les [230] comportements des êtres humains engagés dans la vie économique sans être forcément à même d'établir empiriquement les principes qu'il invoque pour le faire. Et s'il choisit de s'en tenir à la discussion des conséquences de ces principes, plutôt que de s'engager dans une analyse strictement empirique qui, comme l'illustrait l'exemple fictif de la "loi" sur l'évolution des écarts à la moyenne, ne respecterait pas cette condition d'intelligibilité, c'est qu'il estime plus important, sur le plan scientifique, de contribuer à une telle intelligibilité que de poursuivre une étude qui, pour être aveuglément fidèle aux canons de l'empirisme, risque de lui faire rater l'occasion de le faire.

Telle est, à mon sens, l'essentiel de ce qui peut subsister de la thèse aprioriste et tel les sont les conséquences du fait que, dans une telle interprétation, elle s'oppose à la thèse empiriste moins par la réponse qu'elle apporterait à la question de savoir d'où nous viennent nos connaissances que par celle qu'elle apporte à la question de savoir ce que l'on est en droit d'attendre de l'analyse économique.



* Université de Montréal. Département de Philosophie, Case Postale 6128, Succ. A, Montréal (Québec) H3C CJ7, Canada.

[1] L'auteur tient à remercier Robert Nadeau pour les commentaires très utiles qui lui ont inspirés une première version de ce texte, Gisèle Houle-Lagueux pour son travail de révision ainsi que le CRSH et le Fonds FCAR pour les subventions qui ont rendu cette étude possible.

[2] Mises, L. von, Epistemological Problems of Economics, New York, New York University Press, 1976, pp. 13-14.

[3] Rothbard, M.N., "Praxeology: The Methodology of Austrian Economics" in Dolan, E.G., The Foundations of Modern Austrian Economics, Kansas City, Sheed and Ward, 1976, p. 25.

[4] Hollis, M. et Nell. E, Rational Economic Man, Cambridge, Cambridge University Press, 1975, p. 141.

[5] Rotwein, E., "Flirting with Apriorism: Caldwell on Mises", History of Political Economy, 18, 1986, pp. 669-673: réplique à Caldwell, B., "Praxeology and its Critics", History of Political Economy, 16, 1984, pp. 363-379.

[6] Parmi les récentes dénonciations de l'aphorisme, outre la réplique de Rotwein citée ci-dessus et une autre réplique de Abraham Hirsch au même texte de Caldwell (ibid, pp. 661-668), on consultera un article de Claude Meidinger (Revue économique, 1978, pp. 261-290) et le chapitre 2 du livre de J.J. Klant, The Rules of the Game, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.

[7] Voir, par exemple, Mises, L. von, Epistemological Problems of Economics, New York, New York University Press, 1976, pp. 43, 197 et xxvii.

[8] Mises, L. von, Human Action: A Treatise on Economics, New Haven, Yale University Press, 1949, chapitre VII, section 1.

[9] Rothbard, M.N., Man, Economy and State: A Treatise on Economic Principles, Princeton, N.J., D. Van Nostrand, 1962, vol. 1, p. 64.

[10] Je m'inspire ici d'un argument analogue de J. Àgassi ayant pour effet de faire ressortir le caractère tautologique d'une certaine formulation de la loi des rendements décroissants; cf. Agassi, J., "Tautology and Testability in Economics", Philosophy of Social Sciences, 1, 1971, pp. 50-51.

[11] Voir, par exemple, la contribution de Lachmann à l'ouvrage collectif en l'honneur de Hayek intitulé Roads to Freedom et dirigé par Erich Streissler et alii (Londres: Routledge and Kegan Paul, 1969), la place que lsrael Kirzner réserve à ces idées dans son texte "On the Method of Austrian Economics" paru in Dolan, E.G., The Foundations of Modem Austrian Economics, Kansas City, Sheed and Ward, 1976, pp. 41 et ss. et surtout diverses contributions à l'ouvrage collectif publié, cette fois, en l'honneur de Lachmann sous la direction de Kirzner: Subjectivism, Intelligibility and Economic Understanding, New York, New York University Press, 1986.

[12] Kuhn, T.S., The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, The University of Chicago Press, 1962; Lakatos, I., "Falsification and the Methodology of Scientific Research Programmes" in Lakatos, 1. et Musgrave, A., Criticism and the Growth of Knowledge, Cambridge, Cambridge University Press, 1970, pp. 91-196.

[13] Friedman, M., "The Methodology of Positive Economics" in Essays in Positive Economics, Chicago, The University of Chicago Press, 1953, pp. 20, 23, 38, 41 et 42. Machlup, F., "The Problem of Verification in Economics", The Southern Economic journal, 22, 1955, pp. 4, 9 et 11.

[14] Kirzner, I.M., "On the Method of Austrian Economics", in Dolan, E.G., The Foundations of Modem Austrian Economics, Kansas City, Sheed and Ward, 1976, pp. 45-46.

[15] Rosenberg, A., "If Economics isn't Science, What is it?, The Philosophical Forum, 14, 1983, pp. 301-302.

[16] On peut avoir un aperçu de la façon dont le respect des conditions d'intelligibilité peut néanmoins modifier une analyse économique autrement valide en considérant la critique fort perspicace que Kirzner fait de la thèse de Gary Becker sur la non-nécessité de recourir au postulat de rationalité pour fonder une théorie du marché (Kirzner, I.M., "Rational Action and Economic Theory", Journal of Political Economy, 70, 1962, pp. 380-385.

[17] Sans doute la plupart des économistes préfèrent-ils, avec Milton Friedman ("The Methodology of Positive Economics" in Essays in Positive Economics", Chicago, The University of Chicago Press, 1953) y voir un postulat qu'il n'y a même pas lieu de vérifier. Mais sans parler des difficultés propres de cette position, il faut observer que la question ici examinée étant celle de savoir si la conviction commune à propos de l'utilité marginale est de caractère proprement empirique, elle équivaut à un refus de se prononcer sur cette question précise.

[18] J'ai développé une argumentation de ce genre dans le cadre d'une étude sur le problème de l'explication (Lagueux, M., Puzzlement and Explanation, Montréal, Cahiers du Département de Philosophie de l'Université de Montréal, no 8701, 1987); voir en particulier les pages 19 à 22.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 3 juin 2012 14:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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