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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Guy Lacroix, Que ferait un gouvernement libéral?” Un article publié dans la revue Les cahiers du socialisme, Montréal, n° 7, hiver-printemps 1981, (pp. 22 à 25). [M Jean-Guy Lacroix, nous a accordé le 19 juillet 2005 son autorisation de diffuser électroniquement cet article].

Texte de l'article

Ce que ferait un gouvernement libéral apparaît très nettement dans le document de travail publié par le parti Libéral du Québec en janvier 1981 sous le titre "La Société Libérale de Demain". 

Ce projet de société est on ne peut plus clair en ce qui concerne la langue et les relations de travail. À ces deux niveaux ce projet est particulièrement oppressif pour la majorité francophone du Québec et réactionnaire pour l'ensemble des travailleurs/euses salariés/ées. 

Au niveau linguistique le projet libéral se caractérise de quatre façons. 

Il ignore et banalise la langue de la majorité en ne faisant que réaffirmer le français comme langue principale au Québec (p. CII/1) et la possibilité (!?) d'y travailler en français dans tous les domaines (p. C-II/1). Cette ignorance ressort encore davantage lorsqu'on sait qu'au chapitre des communautés on y parle des communautés anglaise, ethniques et autochtones "oubliant", à moins que ce ne soit par mépris, la communauté française... laquelle constitue pourtant la très large majorité. 

Il favorise le bilinguisme en affirmant que le peuple québécois bénéficiera d'un meilleur avenir s'il apprend une langue seconde (p. C-II/1). Le parti Libéral affirme qu'il encouragera la connaissance d'une langue seconde ce qui est bénéfique selon lui aux niveaux culturel et économique (l'esprit malin y verra sans doute la nécessité économique pour le peuple). 

Il se propose de démanteler la loi 101, qui pourtant ne règle pas vraiment l'oppression, en affirmant que cette législation est inéquitable envers la minorité anglaise (p. C-II/1). En quelques propositions ce parti démontre jusqu'où il est prêt à aller pour redresser les torts faits à cette "minorité"... pourtant déjà la mieux traitée au Canada: il se propose entre autre de ramener le critère d'identification linguistique à la fréquentation de l'école anglaise par les parents (p. C-II/2), d'éliminer les défenses d'afficher dans une autre langue que le français, d'éliminer toute forme de surveillance concernant l'emploi de la langue, de réduire pour les professionnels l'obligation à suivre des cours de français, de dispenser les services gouvernementaux aux citoyens anglais dans leur langue... etc. * 

Il favorise sans limite la minorité anglophone en affirmant que la majorité doit reconnaître à la communauté anglophone le droit de se développer selon sa culture et ses priorités (p. C-III/ 1), en lui assurant le droit de diriger et gérer dans sa langue ses institutions, en assurant une participation anglophone à tous les niveaux de la fonction publique, en permettant aux communautés ethniques de s'intégrer au choix à la communauté anglaise ou française (p. C-IV/1) et finalement en proposant de régulariser, dans un esprit humanitaire, le cas des enfants qui fréquentent les écoles anglaises même s'ils n'y sont pas légalement inscrits" (p. C-IV/1) 

Bref, selon le projet de société du parti Libéral, la solution au problème linguistique des francophones consiste pour ceux-ci à être bilingues, respectueux de la minorité dominante anglaise, en lui laissant faire ce qu'elle veut bien, en laissant les émigrants continuer à grossir les rangs de cette minorité, en ne s'offusquant plus de lire autant d'anglais que de français dans les rues de Montréal et surtout en acceptant de se faire dire de plus en plus “speak white”. 

Le programme libéral en matière linguistique est en fait pour la majorité une invitation à oublier les multiples luttes qu'elle mena et mène pour sa langue. Le programme libéral au chapitre linguistique se caractérise par le projet de faire ravaler au peuple sa prétention d'imposer sa langue comme dominante au Québec. En matière linguistique le programme libéral constitue un pas vers l'assimilation. Ce programme en fait réduit le statut du français... à une possibilité... de langue du travail... et encore, qu'en restera-t-il quand pour vendre sa force de travail il faudra “speaker white”. 

En ce qui regarde le monde du travail le programme libéral s'articule autour de l'idée "d'ordre", du retour à l'autorité (p. EC-XVI/1) et de la suspension du droit de grève principalement dans le secteur public. 

Dans ce projet de société, l'ensemble des relations de travail est conçu sous le mode de la discipline, de l'autorité. Et pour justifier cette recherche de la discipline on affirme que le Québec a recueilli le championnat des jours perdus en grève parce que trop libéral en matière de relations de travail (p. EC-I/5) (p. EC-I/5). Aussi cela ne peut continuer (p. EC-I/6) et la libre négociation devra engendrer en corollaire le respect des contrats et lois (p. EC-I/6). Le parti Libéral se propose donc de restaurer le climat social par la concertation (p. EC-I/5)... mais dans cette concertation les travailleurs/euses devront plier, se discipliner et accepter de ne pas utiliser la seule arme qui leur reste devant la surdité généralisée du patronat. Dans la restauration libérale du climat social et de la libre négociation... l'utilisation de la grève impliquera donc qu'on en suspendra le droit d'y recourir. 

Cette menace pèse tout particulièrement sur le secteur public et davantage pour les travailleurs/ eu ses des hôpitaux car pour eux pas question, nous dit le programme libéral, que le droit de grève "ne vienne mettre en danger des droits plus fondamentaux" (p. EC-I/6) (p. EC-XVI/1). 

Il en va de même pour le service d'électricité (p. EC-I/6). Alors travailleurs de l'Hydro, des hôpitaux, CLSC... etc... prière de prendre note: le parti libéral n'enlève pas le droit de grève d'autant plus qu'il n'est pas garanti que la paix sociale en découlerait nécessairement (p. EC-XVI/10), il le civilise. Civiliser l'exercice du droit de grève cela veut dire pour le parti Libéral, renforcer l'ensemble des dispositifs faisant que son exercice conduit nécessairement à sa suspension (p. EC-XVI/11). Aussi prenons bien note que dans la société libérale Ryan il n'y aura rien de drôle pour les salariés et surtout pas de grève. 

Dans cette société on fera une "mise à jour en profondeur du régime de relations de travail" (p. EC-XVI/5)... on sait bien en faveur de qui cela se fera... le C.P.Q. s'en pourlèche déjà le portefeuille. Dans cette société on reverra aussi la démocratie syndicale (p. EC-XVI/37)... car partout où les syndicats sont implantés on ne retrouve que conflits (p. EC-XVI/5). Une société libérale c'est donc aussi l'attaque généralisée contre des syndicats et surtout contre des centrales. 

Bref dans le projet de société libérale se dessine pour les travailleurs/euses du Québec la triste perspective d'une société de la discipline austère, de l'impossibilité de défendre adéquatement ses conditions de vie et de travail car dans ce projet il y a tout ce qu'il faut pour les priver de la grève. 

 

Entre l'inévitable et le pire à éviter

 

Devant l'horreur libérale la tentation sera forte, certains intellectuels y succombent déjà, de se rabattre sur l'inévitable P.Q. ... parce qu'il n'y a pas d'autre alternative... parce que c'est moins pire... etc. Mais n'y a-t-il pas autre chose à faire que de rester coincé entre le pire et l'inévitable ? 

Le développement d'un point de vue, d'une critique, d'un projet autonome ne peut-il pas permettre aux travailleurs/euses du Québec de briser ce cercle vicieux? Si c'est le cas, se laisser distraire de cet objectif, ne pas travailler constamment et sans arrêt à sa réalisation consiste à se dérober, à retarder l'échéance. Ce n'est pas le P.Q. qui va stopper le développement de la société libérale mais bien les travailleurs/euses et plus largement le peuple québécois en s'organisant politiquement sur des bases autonomes.


* Et même si les 14 et 15 mars le P.L.Q. affirme assouplir sa position linguistique en adoptant la "clause Canada" il demeure que cette position favorise la minorité privilégiée du Québec.


Retour au texte de l'auteur, Pierre Mackay, département des sciences juridiques, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 13 août 2006 17:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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