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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Yves Labrèche, “Variations saisonnières et échange-don de nourriture chez les Inuit du Nunavik.” Un article publié dans la revue ÉTUDES/INUIT/STUDIES, vol. 30, no 2, 2006, pp. 73-94. Québec: département d'anthropologie, Université Laval. [Autorisation formelle accordée, le 1er septembre 2010, par la directrice de la revue Études Inuit/Studies, Mme Murielle Nagy, de diffuser cette oeuvre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Yves Labrèche *

Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse,
Collège universitaire de Saint-Boniface, Manitoba, Canada.

Variations saisonnières et échange-don de nourriture
chez les Inuit du Nunavik
.

Un article publié dans la revue ÉTUDES/INUIT/STUDIES, vol. 30, no 2, 2006, pp. 73-94. Québec : département d'anthropologie, Université Laval.

Abstract / Résumé
Introduction
Peuplement inuit, mode d'établissement et de subsistance
Variations saisonnières

Abondance, transition et pénurie
Don, échange et autres transactions

Appropriation et distribution
Accumulation ou rétention
Aspects juridiques et religieux
Conclusion
Remerciements
Figure 1. Carte de la partie septentrionale du Nunavik (Québec Arctique, Canada). Modifiée d'après Labrèche (2004 : 2).

[73]

Abstract

Seasonal variations and food-giving reciprocity
among the Inuit of Nunavik

In this article, two themes from the works of Marcel Mauss are examined because of their relevance for the study of food sharing among the Nunavik Inuit : The effect of seasonal variations on social patterns and the circularity of giving. While using ethno-ecological background information, Inuit socio-territorial organisation and practices are elucidated, and following this, selected aspects of rituals and taboos are examined while focusing on rules and codes associated with gifts and provisions of food. In conclusion, it is suggested that the cycle of giving and reciprocity has survived through modernity.


Résumé

Variations saisonnières et échange-don de nourriture
chez les Inuit du Nunavik

Nous proposons dans cet article une exploration de deux thèmes de l'œuvre de Marcel Mauss qui revêtent une importance toute particulière pour l'étude des échanges alimentaires chez les Inuit du Nunavik : l'effet des variations saisonnières sur la morphologie sociale et le cycle du don. Une fois les bases morphologiques et les pratiques inuit clarifiées sur un arrière-plan ethnoécologique, nous examinons quelques aspects des rituels et tabous inuit en insistant sur les prescriptions et les codes relatifs au don et aux provisions de nourriture. Au terme de cet exercice, nous retenons que la chaîne de l'échange-don a survécu à la modernité.


Introduction

Depuis déjà quelques décennies, les modes alimentaires constituent un immense champ d'investigation au sein des sciences humaines et sociales (Garine 1990, Grivetti 1981). Bien qu'avec un certain retard, l'archéologie arctique (Henshaw 1999, Stenton 1989, Whitridge 2001) et le domaine des études inuit au Nunavik (Gombay 2003, Grondin 1992, Kemp 1991 ; Martin 2003) n'ont pas échappé à cette tendance.

Auparavant, le domaine de l'alimentation n'occupait qu'une place marginale dans les recherches effectuées, le mode de vie, le nomadisme saisonnier, l'économie et les [74] techniques ayant notamment été étudiés par Graburn (1969) et Saladin d'Anglure (1967).

Jusqu'à récemment, les études sur l'alimentation des Inuit ont porté principalement sur l'acquisition et la consommation de la nourriture. Des transformations mécaniques, physico-chimiques et symboliques surviennent entre ces deux moments et demeurent mal définies [1]. Pourtant, le souci de constituer des réserves de nourriture ou de convertir en l'offrant, une part en obligation, semble occuper une place centrale dans le mode de subsistance inuit (cf. Damas 1972). Par ailleurs, dans son étude des activités des chasseurs de la côte est de la baie d’Hudson, Smith (1980, 1991) a appliqué un modèle de type écologique dérivé de l'optimal foraging theory pour tenter de quantifier les efforts consacrés à la chasse par rapport au rendement de celle-ci et tester l'efficacité relative des stratégies de chasse. Cependant, cette approche prédictive est basée sur des principes réducteurs (tout n'est que calcul : maximiser sa chance, réduire le risque) et ne tient pas suffisamment compte du fait que la rationalité humaine diffère d'une culture à une autre (Binford 1983 : 219-220). De plus, ce genre d'étude accorde peu de poids aux facteurs sociaux-culturels et ne met pas en relief l'importance de l'échange et du don de viande chez les Inuit. Robbe (1989 : 424-432) a démontré que ces facteurs sont indispensables au maintien de la cohésion sociale et de la survie du groupe chez les Inuit d'Ammassalik chez lesquels vers 1980, jusqu'à 60% des prises faisaient l'objet de transferts selon des codes bien établis.

Nos recherches sur l'appropriation des ressources alimentaires chez les Inuit du Nunavik permettent de saisir ce que Mauss (1906) avait pressenti lorsqu'il entrevoyait, au-delà des établissements d'hiver et des « places » de tentes d'été, de riches rapports sociaux et un mode de communication souple et articulé autorisant la quasi-fusion de l'individu dans le groupe d'hiver à laquelle succédait la dispersion estivale. Nos travaux ethnoarchéologiques dans la région de Kangiqsujuaq-Salluit (Figure 1) ont permis de jauger la densité de la population, l'intensité de l'occupation humaine et d'interpréter les variations dans l'utilisation et la conservation des ressources alimentaires en insistant sur les différences saisonnières entre la côte et l'arrière-pays (Labrèche 2004).

À l'analyse de données d'entrevues que nous avons réalisées (Labrèche 1989a, 1989b, 1994), nous incorporerons des fragments de celles effectuées dans les régions limitrophes du Nunavik en 1963-1964 par Graburn (1972). Nous allons ainsi dépeindre les échanges alimentaires, le don de nourriture versus l'accumulation ou la conservation des denrées, et saisir non seulement les variations saisonnières des pratiques économiques (acquisition, distribution ou stockage et consommation) mais aussi les dimensions sociales et symboliques (rituels et interdits) exprimées dans les témoignages et récits d'Inuit.

Le thème de l'appropriation des ressources alimentaires est pratiquement illimité car il renvoie à un ensemble varié de comportements adaptatifs tout en permettant de clarifier les facteurs et circonstances entourant l'agglomération ou la dispersion des [76] groupes sur le territoire. Enchâssée dans une problématique d'ordre économique et ethnoécologique, cette thématique devrait permettre de comprendre toute la société inuit et d'accéder à ce que Mauss qualifiait de « fait social total ». En effet, la nourriture se situe aux confins de l'homme naturel et culturel, à la rencontre de toutes les contraintes physiques et sociales qui le façonnent (Lévi-Strauss 1968 : 29). L'histoire de la société inuit pourrait donc être définie en étudiant les échanges alimentaires considérés comme un langage ou un ensemble d'indices efficaces permettant de rejoindre tous les aspects de cette culture.


[75]

Figure 1.
Carte de la partie septentrionale du Nunavik

(Québec Arctique, Canada). Modifiée d'après Labrèche (2004 : 2).

[76 suite]

Nous examinerons d'abord les faits du dehors, telle une chose, à la manière de Mauss, puis d'une manière subjective, donc du point de l'observé ou du dedans, en portant une attention particulière aux témoignages des Inuit. Les échanges alimentaires serviront ainsi à caractériser l'identité et les traditions inuit, ainsi que les modalités d'attribution des ressources alimentaires, du partage ou du stockage de ces dernières à l'échelle familiale et communautaire. Bien sûr, le changement et l'innovation sont présents mais comme dans toute société, les habitudes alimentaires des Inuit n'ont jamais changé de manière révolutionnaire, sauf peut-être depuis l'introduction massive des denrées d'origine industrielle (Braudel 1979 : 337 ; Sabban 1988 : 370). Aussi, nous insisterons sur le commensalisme, le mutualisme et les relations écologiques dans l'histoire récente des Inuit.


Peuplement inuit, mode d'établissement
et de subsistance

À la fin de la préhistoire, les Inuit peuplaient l'ensemble du Nunavik, mais même au sein de cet immense écoumène, le mode d'établissement variait entre la côte et l'intérieur des terres et les déplacements étaient plus fréquents du printemps à l'automne (nomadisme saisonnier) qu'à l'hiver (semi-sédentarité). Vers la fin du 18' siècle, la population du Nunavik devait compter environ 2020 habitants : 1500 sur la côte, 300 sur les îles du large et 220 dans les terres (Saladin d'Anglure 1984 : 480). Selon Saladin d'Anglure (2001 : 91-92), trois modes d'établissement et de subsistance autochtone prévalaient au Nunavik au moment des premiers contacts entre Inuit et allochtones :

Adaptation côtière, la plus ancienne et relativement permanente, économie mixte, ressources principales : mammifères marins, mammifères terrestres et poisson ; ressources d'appoint : petit gibier, oiseaux, oeufs et mollusques,

Adaptation continentale, économie spécialisée, ressources de l'arrière-pays, ressources principales : caribou, poisson ; ressources d'appoint : petit gibier et oiseaux,

Adaptation insulaire, économie spécialisée, ressources principales mammifères marins, ressources d'appoint : oiseaux, oeufs et mollusques.

Les groupes inuit devaient choisir, parmi un ensemble régional, les lieux d'établissement à partir desquels ils pouvaient rejoindre les meilleurs points du [77] territoire pour l'acquisition des ressources. La planification des déplacements vers les lieux de chasse ou d'extraction selon les saisons tenait compte de la diversité, de l'abondance et de la probabilité de trouver les ressources dans des secteurs déterminés. L'accès à ces ressources exigeait une connaissance et des stratégies basées sur une longue expérience des conditions du milieu (cf. Nagy 2000 : 115-116).

L'organisation de la maisonnée était centrée sur la famille nucléaire, et les autres liens sociaux se tissaient autour de la famille étendue généralement dirigée par l'homme le plus âgé. Les effectifs démographiques étant relativement faibles, le nomadisme saisonnier entraînait la formation de petits campements de chasse, dans des zones qui pourraient sembler, à première vue, avoir peu d'importance ou de liens avec les zones principales de peuplement. Ces zones secondaires étaient fréquentées en raison de la nécessité de trouver des alternatives lorsque le gibier se faisait rare ou simplement pour rompre la monotonie.

En hiver, les Inuit se regroupaient en général dans des établissements plus permanents, de taille plus importante et près de la mer. En été, les groupes plus mobiles se dispersaient et les activités se diversifiaient. Du printemps à l'automne, on préparait les réserves de nourriture pour l'hiver. On les mettait dans des qinnivit (caches) qui étaient nombreuses autour des estuaires et des baies où les poissons et les animaux abondent du début à la fin de l'été. Or, ces zones se trouvaient assez près des îles ou de la limite de la banquise fréquentée en hiver. Au moment de consommer les provisions on pouvait donc retourner plus facilement aux caches que si elles s'étaient trouvées loin à l'intérieur des terres. Si la chasse avait été fructueuse, on pouvait choisir de s'installer de manière Plus permanente près des lieux de chasse et à proximité des caches.

« Suivant les saisons, la manière dont les hommes se groupent, l'étendue, la forme de leurs maisons, la nature de leurs établissements changent du tout au tout [... affectant ainsi...] les différents modes de l'activité collective » (Mauss 1906 : 40). De façon générale, c'est en hiver que les établissements atteignaient leur plus grande densité de population, et en été, les gens vivaient plus dispersés (ibid. : 82-85). Ces variations étaient étroitement liées aux stratégies de chasse, individuelles, avec partenaire ou communautaires, et aux règles de partage concomitantes. Si l'on accepte que les maisons représentent une occupation hivernale [2] et les tentes une occupation aux autres périodes de l'année, alors nos recherches ethnoarchéologiques confirment la dichotomie saisonnière des activités de subsistance des Inuit (cf Labrèche 2004). Cependant, nos entrevues montrent comment les Inuit pouvaient aussi choisir une existence plus sédentaire même en été (cf. M.S. in Labrèche 1989a). Enfin, nos résultats complètent aussi la caractérisation ethnogéographique des circuits migratoires et des cycles de subsistance selon laquelle les caribous sont généralement associés à la saison estivale et les phoques et les morses à l'hiver (Saladin d'Anglure 1967 : 62).

La distribution actuelle de la population et l'occupation des terres au Nunavik diffèrent des modèles précédant la sédentarisation ou de l'occupation datant de plus d'un siècle, sans exclure la possibilité que certains secteurs aient pu être recherchés quelle que soit l'époque. Malgré la sédentarisation et compte tenu de l'augmentation de [78] la population, nous avons pu constater que les campements les plus récents (depuis 1950) continuent de se multiplier et traduisent principalement une effervescence estivale, car comme autrefois, l'été demeure la saison de plus grande mobilité, même si l'hiver se prête bien au transport sur neige ou sur glace.


Variations saisonnières

Les variations climatiques saisonnières exercent une influence majeure sur les disponibilités des ressources alimentaires locales. On sait par exemple que l'hiver rend les conditions de chasse difficiles et limite les disponibilités alimentaires. Par contre, le froid lui-même permet la conservation et donc de prolonger la disponibilité de certains aliments au cours des saisons durant lesquelles elles font naturellement défaut (Jetté 1995 : 25). L'amplitude des fluctuations climatiques (saisonnières et séculaires) a façonné les modes d'adaptation arctiques qui se caractérisent par une grande mobilité des groupes, une flexibilité des stratégies d'obtention des ressources, des règles très strictes de partage de la nourriture et d'échange d'information dans un réseau très articulé de relations de parenté étendue (cf. Fitzhugh 1997 : 400-403).

Les particularités de la glace de mer changent selon les saisons, surtout en début de formation et juste avant la débâcle. Entre ces deux moments critiques, un banc de glace homogène, relativement plat, couvert de neige et accroché au flanc du rivage se forme progressivement. Cependant, il arrive que les marées disloquent la banquise ou que des crevasses se forment entre les blocs de la banquise dans la zone de l'estran et la banquise ferme du large qui flotte à la surface de la mer. Or, les habitudes des pinnipèdes dépendant étroitement des conditions de glace, elles commandent des méthodes et des attirails de chasse qui changent selon les saisons (Boas 1964 [18881 : 63).

Dans la partie septentrionale du Nunavik, la durée moyenne de la saison de croissance des plantes est brève, soit 50 jours par an et varie de 40 à 60 jours (OPDQ/UQAC 1984 : 69). De novembre à avril, le nombre d'espèces animales est réduit au minimum alors qu'avec le retour des jours longs et le passage des espèces migratrices, la faune est beaucoup plus diversifiée.

Les Inuit savent que la partie comestible et le potentiel nutritif des ressources animales varient selon l'espèce, l'âge et le sexe tout en étant sujets à des variations saisonnières prononcées. Ainsi, la proportion de graisse du phoque annelé varie selon les saisons : elle est relativement limitée en été et peut représenter, vers la fin de l'automne, près de la moitié du poids de la partie comestible de l'animal. Aussi, étant sans doute moins productive en été, la chasse au phoque devait se dérouler plutôt de l'automne au printemps.

Les Inuit ont souvent été considérés comme extrêmement dépendants des forces naturelles, et leurs possibilités de survie étroitement liées à des variations dans la productivité du milieu. Cependant, grâce à la nourriture stockée, le niveau de vie peut s'élever sensiblement et l'effet de ces fluctuations s'atténuer en temps opportun. Dans [79] l'Arctique, le cycle de la conservation alimentaire tout comme celui de la subsistance se sépare en deux épisodes : prédominance de la conservation humide ainsi que du séchage de viande et poisson découpés du printemps au début de l'été, et conservation par le froid, c'est-à-dire animaux complets ou parties d'animaux gelés, à l'automne.

La planification en prévision de la longue nuit de l'hiver comprenait, entre autres, durant la saison d'abondance, l'accumulation de réserves de graisse et de nourriture. Les Inuit entreposaient sous les pierres des poissons entiers, de la viande ou des sacs de peaux cousues contenant de l'huile ou des quartiers de viande. Au besoin, les chasseurs revenaient chercher les réserves. Même si les provisions faites pendant les saisons précédentes pouvaient suffire à la subsistance hivernale, les activités cynégétiques n'étaient jamais complètement interrompues. Entre les jours d'abondance et les moments de pénurie, la vie continuait, mais en traversant un cycle complet, le niveau de subsistance des Inuit passait parfois d'une extrémité à l'autre de l'échelle de commodité, induisant ainsi des tensions. D'ailleurs, la grande effervescence remarquée autour du solstice d'été par opposition à l'apathie et la dépression d'hiver comme résultant de la variation de l'éclairement journalier (cf. Condon 1983) dépendent possiblement plus du contraste entre pies et creux dans l'abondance relative des ressources. Évidemment, les modes d'adaptation des Inuit n'étaient pas infaillibles et de nombreux cas de famines ont été recensés au cours de la période historique.

Les Inuit subdivisent l'année en plusieurs périodes en se basant notamment sur l'arrivée et le départ de certaines espèces migratrices, des changements qui affectent les animaux, ou encore sur les lunaisons ou d'autres phénomènes astronomiques (Saladin d'Anglure 1967 : 27). Ces périodes peuvent être groupées en six phases climatiques dont trois qui sont étymologiquement centrées sur l'été et correspondent au printemps et à l'été (upirngasaq, upirngaalaq et upirngaaq) et les trois autres, centrées sur l'hiver, correspondant à l'automne et à l'hiver : ukiassaq, ukiaq et ukiuq (ibid. : 28). Cependant, ces divisions ne correspondent pas parfaitement aux saisons d'abondance et de pénurie. En fait, une saison de transition durant laquelle les Inuit puisent dans les réserves s'insère entre les deux. Aux pics d'abondance naturelle correspondent à peu près les périodes d'activités maximales dans l'acquisition du gibier et de ses transformations subséquentes : ce sont les temps forts. Viennent ensuite les temps creux ou difficiles durant lesquels les pressions exercées par le milieu biophysique sont les plus contraignantes et les activités réduites au minimum.

Dans son essai de 1906, Mauss a énoncé qu'il y avait deux systèmes chez les Inuit : le droit d'été et le droit d'hiver. Selon Mauss, en été un altruisme remarquable prévaut mais se limite aux membres de la famille immédiate :

[...] Le droit de la famille apparaît d'une manière incontestée, c'est pour tout ce qui concerne les objets de consommation. Le chasseur rapporte à la tente tout ce qu'il a pris, si loin qu'il se trouve, si affamé qu'il soit. La manière rigoureuse dont est observée cette règle morale fait l'admiration des Européens. Le gibier et les produits qu'on en peut retirer appartiennent non au chasseur, mais à la famille, et cela quel que soit le chasseur (Mauss 1973 : 464).

[80] À ces échanges alimentaires d'échelle restreinte, Mauss oppose le mutualisme communautaire qui règle la distribution des parts de nourriture durant la saison hivernale :

Tout autre est le droit d'hiver. À cet égoïsme individuel ou étroitement familial s'oppose un large collectivisme. [...] Pour ce qui est des objets de consommation, le collectivisme, au lieu de se restreindre à la petite famille comme en été, s'étend à toute la maison. Le gibier se partage également entre tous les habitants. L'économie spéciale de la famille restreinte disparaît totalement. Ni sur ce qu'elle prend à la chasse, ni sur les parts qu'elle reçoit elle n'a le droit de faire des épargnes qui ne profitent qu'à elle. Les magasins extérieurs tout comme les butins gelés et ramenés des caches lointaines sont choses indivises. Provisions antérieures et rentrées nouvelles sont partagées au fur et à mesure des besoins communs (Mauss 1973 : 465).


Abondance, transition et pénurie

Par la suite, Balikci (1964 : 271, 1970 : 117) a postulé l'existence de deux systèmes de distribution de la nourriture : l'un en vigueur en période d'abondance et l'autre en période de pénurie. Les périodes de grave pénurie alimentaire survenaient habituellement vers la fin de l'hiver. Si la chasse d'automne n'avait pas été suffisamment productive pour la mise en réserve d'une bonne provision de nourriture, la disette commençait au début de l'hiver. Dans ces circonstances, le mode de répartition habituel ne tenait plus (Graburn 1969 : 73).

Saladin d'Anglure (2001 : 99) a reformulé le tout un peu différemment : les règles seraient suivies à la lettre au cours des périodes de pénurie, alors que les groupes prendraient plus de liberté durant les courtes périodes d'abondance. Mais lors de famines, rien ne va plus : la loi naturelle de la survie remplace l'éthique qui préside généralement aux échanges.

Nous proposons plutôt un cycle annuel à trois temps : une saison d'abondance, une saison de transition durant laquelle on commence à puiser dans les réserves et une saison de pénurie. Le cycle annuel de la conservation alimentaire dans la région de Kangiqsujuaq-Salluit peut ainsi se diviser en trois périodes de durée inégale : huit mois d'abondance relative, d'avril à novembre, durant lesquels on prépare des provisions, décembre, mois de transition durant lequel on commence à puiser dans les caches, et trois mois de pénurie, de janvier à mars, au cours desquels les provisions s'épuisent peu à peu. [3] Dans les lignes qui suivent, nous décrirons ces trois saisons selon l'ordre précité.

Au printemps, arrivent en grand nombre les animaux migrateurs : caribous, bélugas et morses qui représentent d'abondantes provisions pour l'hiver, dans la mesure où ces réserves ne se gâtent pas et demeurent accessibles. Vers la fin du mois de mai, quelques familles de Kangiqsujuaq se rendaient parfois à un grand lac à plus de 250 km en direction du sud. lis s'installaient là-bas pour tout l'été, se nourrissant de caribou, de poisson et de baies et faisant largement provision de peaux et de viande de caribou. [81] Pour rejoindre la côte, ils devaient attendre que les conditions de neige permettent le retour en traîneau, vers la fin de l'automne (Saladin d'Anglure 1967 : 63-64). À quelques kilomètres à l'est de Kangiqsujuaq se trouve un endroit réputé pour la chasse au béluga. Vers la fin du printemps et au début de l'été, toute la viande nécessaire pour la consommation à court terme et pour le séchage était ramenée au campement. Par contre, la plus grande partie de la graisse était mise en cache et utilisée par la suite comme nourriture pour les chiens ou comme combustible à brûler dans les lampes en hiver.

Les familles parties au printemps pour chasser dans l'arrière-pays revenaient sur la côte au début du moins de juin et commençaient à faire provision de viande de phoque et de morse. Les animaux marins étaient dépouillés et mis dans des peaux de phoque cousues que les Inuit enfouissaient dans des caches de pierre. Ces caches constituaient de précieuses réserves pour l'automne et l'hiver. Vers la fin juin, les baleines blanches arrivaient en grand nombre et les prises permettaient généralement de faire d'amples provisions de viande et d'huile. Les Inuit mettaient tous les surplus en réserve jusqu'à l'hiver suivant et en juillet, par groupes de trois à cinq familles, continuaient d'accroître leur provision de graisse et de viande pour l'hiver (ibid. : 72-74). De même, à lvujivik, c'est du début juin à la fin de septembre, que s'effectuait l'essentiel des travaux relatifs à la conservation de la viande et du poisson (Guédon 1967 : 274). L'été étant une saison d'abondance, la conservation demandait plus de travail à cette époque de l'année et le séchage était l'activité de conservation prépondérante. En employant d'autres méthodes, on devait s'ingénier à lutter contre la dégradation des denrées due à la chaleur. En septembre, les Inuit de Salluit et de baie Déception étaient de retour sur la côte et plusieurs chassaient le béluga. Là également, l'huile était mise en cache pour l'hiver et on faisait sécher la viande (Graburn 1969 : 40-41, 53).

Les variations saisonnières et les changements concomitants dans la répartition des ressources fauniques ont pour conséquence qu'en été, les ressources dépassent souvent les besoins immédiats, alors qu'à d'autres moments de l'année, la pénurie alimentaire s'installe. Avec le retour des jours longs et des espèces migratrices (telles que le caribou, le morse et le béluga), les activités se diversifiaient, du début du printemps à la fin de l'automne. Elles atteignaient une grande intensité autour du solstice d'été (Damas 1978, Saladin d'Anglure 1967). Les niveaux de récolte des produits de la chasse et de la pêche rapportés par les Inuit de la communauté de Salluit tendent à confirmer qu'une grande partie de la viande était obtenue de l'été à l'automne (Wheatley et Wheatley 1981 : 32).

La prévoyance devenait ainsi une qualité que les chasseurs cultivaient pour réduire les risques de disette. Derrière une apparente insouciance (cf. Hawkes 1970 [1916] : 118), les Inuit planifiaient, évaluant et pensant en termes de mobilité, de conservation, d'accumulation ou de partage. Ils se souciaient d'accumuler des provisions pour l'hiver et mettaient beaucoup d'efforts dans l'acquisition d'information sur la localisation et le temps d'accessibilité du gibier comme le poisson et le caribou (Kelly 1983). D'après les réponses fournies par nos informateurs, d'importantes quantités de ressources devaient être conservées. Enfin, malgré toutes les idées reçues à propos des sociétés égalitaires et du partage, les données examinées montrent que certaines familles de Kangiqsujuaq-Salluit [82] comme ailleurs au Nunavik, étaient mieux nanties, il y avait des riches et des pauvres, certains étaient prévoyants et d'autres pas [4].

En octobre et jusqu'à la mi-novembre, la chasse aux morses battait son plein et la viande était mise en cache. Les chasseurs revenaient, en umiaq ou en kayak, lorsque les conditions de navigation en mer le permettaient encore. Ils rapportaient avec eux le produit des chasses d'automne (caribous et morses) et se hâtaient de rejoindre leur camp d'hiver. Si la glace était déjà formée, les bagages étaient transférés sur les traîneaux et l'on y attelait les chiens qui faisaient partie du voyage (Saladin d'Anglure 1967 : 67, 79). Une fois les réserves d'automne épuisées et en cas de mauvais temps ou de blizzard persistant, la claustration forcée avait comme conséquence la famine (Graburn 1969 : 38).

À compter d'octobre, les produits de la chasse et de la pêche gèlent puis se congèlent facilement et peuvent être entreposés directement sous des amas de pierres sans autre forme de préparation (I.P. in Labrèche 1992). Dans la région d'Ivujivik/Nuvuk, c'est au mois d'août que l'on chassait la baleine blanche. Ici aussi, la viande était séchée, le gras stocké et rapporté au camp d'hiver. En été et tard à l'automne, les Inuit tentaient de ramasser des surplus de nourriture pour l'hiver, comme de la viande séchée, du poisson, du gras et de la viande « conservée » (Graburn 1969 : 36, 40-41). Selon Weetaluktuk (1997 : 34, 39), les différentes préparations de viande et de graisse de mammifères marins se confectionnent préférablement au printemps (avril-mai) et en automne (octobre-novembre) alors qu'il faut éviter de pratiquer le vieillissement contrôlé des denrées alimentaires selon les méthodes traditionnelles au cours des mois les plus chauds, surtout en raison du risque pour la santé humaine.

La plupart des sources s'accordent en ce qui a trait aux difficultés auxquelles on devait faire face en hiver. Vers la fin de novembre, si les vents et les conditions de glace empêchaient la chasse, il fallait déjà puiser dans les caches à nourriture en attendant que la situation s'améliore. À la fin du siècle dernier, dans le sud du Nunavik, les Inuit avaient tôt fait d'épuiser leurs provisions de viande de caribou et subsistaient grâce au lagopède en attendant que la glace soit assez solide pour aller chercher en traîneau la viande des animaux tués en automne. Plus au nord, à compter de décembre, on vivait des provisions faites en automne. Ainsi, à Quaqtaq, durant tout l'hiver de 1966, « on compte beaucoup, pour se nourrir, sur la viande mise en caches en octobre et en novembre, mais à chaque fois que c'est possible on va chasser » (Dorais 1984 : 119).

De janvier à mars, la nourriture manquait fréquemment (Saladin d'Anglure 1967 : 68, 70). En février, lorsque les provisions s'épuisaient, c'était la famine car la chasse au phoque ne devenait véritablement productive qu'à compter de mars. Vers la fin de l'hiver, la glace trop épaisse rendait la pêche difficile et les Inuit devaient effectuer de plus longs déplacements pour chasser car la limite de la banquise au maximum de son expansion se trouvait plus éloignée de la terre ferme (ibid. : 36). Les périodes de grave pénurie alimentaire survenaient donc habituellement vers la fin de l'hiver (cf. OPDQ/UQAC 1984 : 65 ; Vézinet 1980 : 77). Toutefois, de nombreux témoignages font [83] aussi référence aux dérapages liés au manque de nourriture en d'autres saisons que l'hiver (cf. Putulik in Graburn 1972 : 21, 1.3).

Bien que dans certains cas, la saison ne soit pas précisée ou qu'il faille la déduire à partir d'indices présents dans les transcriptions d'entrevues, il apparaît que l'égoïsme (selon la terminologie de Mauss) ne soit pas forcément lié au droit d'été ni l'altruisme au droit d'hiver. Le manque de nourriture pendant l'hiver était la cause d'infanticide, de l'abandon de parents et de comportements cannibales (cf. Arngnaituk in Graburn 1972 : 191). Par contre, le témoignage suivant à propos de suicides s'étant produits en hiver lors d'une période de famine semble associer le suicide à une forme d'altruisme :

Oui, souvent [les gens se suicidaient autrefois] par la faim habituellement ; mais souvent c'était par accident. Les gens âgés, hommes et femmes, qui étaient devenus trop faibles pour chasser ou suivre le traîneau [...] erraient, quittaient la demeure [ou s'enlevaient la vie] avec un couteau, ou en se pendant ; plus récemment, avec des fusils [...]. Cela arrivait seulement quand le groupe était très affamé. Les survivants étaient tristes, mais pouvaient mieux se débrouiller sans eux (E. Angnatuk in Graburn 1972 : 198-199, notre traduction).


Don, échange et autres transactions

Que représente le don de nourriture dans la société inuit traditionnelle ? L'examen des qualités valorisées dans la culture inuit - la prodigalité, le fait d'être généreux, bon chasseur et de partager la nourriture - fournissent des indications à ce sujet. « Il y avait des gens qui étaient meilleurs chasseurs que d'autres, mais tout le monde partageait ce qu'il obtenait. [...] Oui, ils étaient très généreux. Ils partageaient tout ce qu'ils avaient dans le camp. Personne ne devait avoir faim s'il y avait quelque nourriture » (Koniak in Graburn 1972 : 183, notre traduction). Les descriptions détaillées d'un informateur de Salluit (T.A. in Labrèche 1994) au sujet du partage communautaire en disent long au sujet de la place qu'occupe cette qualité dans la culture des Inuit : « S'ils attrapaient une baleine, tous ceux du village avaient droit à un morceau ».

Le partage était valorisé tout comme en témoigne l'adage inuit selon lequel un bon chasseur donnant généreusement s'assurait ainsi des lendemains de plus grande abondance (Eidlitz 1969 : 96). Les familles malchanceuses devaient recevoir une part de gibier. Dans l'extrait suivant, le partage prend la forme d'une obligation et le vol semble admis lorsqu'une demande raisonnable se heurte à un refus :

Les Inuit croyaient que c'était très mauvais si quelqu'un ne partageait pas sa nourriture alors que les autres n'en avaient pas. Tous les hommes devaient faire cela. Les autres n'aimaient pas qu'une personne garde la nourriture pour elle-même [...] Peut-être qu'ils lui demanderaient de la viande [...] Les autres Inuit diraient qu'elle ment si elle disait qu'elle n'en avait pas. Peut-être en voleraient-ils. Parfois ils la laisseraient là avec sa famille et s'en iraient ailleurs ; ils ne voudraient pas vivre avec quelqu'un comme cela (Arngnaituk in Graburn 1972 : 192, notre traduction).

La nourriture servait parfois de monnaie d'échange pour divers types de transactions. « Ils croyaient que les esprits étaient fâchés et qu'ils devraient demander l'aide du chamane. Les chamanes demandaient toujours des choses [...]. Parfois ils exigeaient de la viande, parfois ils exigeaient une épouse » (Arngnaituk in Graburn [85] 1972 : 191). Des denrées alimentaires étaient aussi échangées comme dans ces cas entre Tarramiut et Siqinirmiut :

Ils pouvaient [échanger], si nous avions plus de viande de morse et il s avaient du caribou. Parfois nous apportions de la stéatite (pour des lampes et des récipients) pour donner - certaines de leurs terres n'en renferment pas beaucoup - et alors nous prenions du bois parce que nous n'avons pas d'arbres ici. C'était très commode (Qamugaluk et Qasilinak in Graburn 1972 : 253, notre traduction).

La nourriture pouvait aussi être vendue. Sur la côte du Labrador, dès 1775, les surplus de viande obtenus au cours d'une chasse opportune purent être mis en réserve pour l'hiver ou vendus à la mission où ils constituèrent une agréable alternative à la consommation de provisions salées (Taylor 1979 : 73). « Lorsque le contenu des outres est vendu, l'enveloppe est généralement restituée au vendeur qui peut s'en resservir pour le même usage ou bien employer le cuir complètement imprégné de graisse pour la tige ou la semelle des bottes » (Turner 1979 [1894] : 104). Les Inuit commencèrent probablement ce genre de troc dès l'ouverture des premiers postes dans la partie méridionale du Nunavik (cf. Graburn 1969 : 111).

Appropriation et distribution

La partie de la nourriture qui demandait peu ou pas de préparation appartenait à tout le monde. Les activités individuelles de cueillette ou de ramassage, la pêche et la chasse quotidienne n'engendraient pas de surplus. Elles se distinguent bien des activités collectives de chasse et de pêche, qui visaient à constituer des réserves pour la saison d'hiver durant laquelle le gibier est rare et les chiens de trait consomment beaucoup de viande. Une grande partie des prises était mise en cache et consommée parfois seulement six à huit mois plus tard. Il était donc avantageux de collaborer lorsque les ressources étaient concentrées : l'omble à la fin de l'été et le caribou en septembre.

Il était difficile d'affronter seul certains gibiers de grande taille comme le morse et le béluga. Ces animaux marins, chassés collectivement, procuraient une grande quantité de viande et de graisse qui pouvait être partagée ou entreposée (Saladin d'Anglure 1967 : 98-103). Guédon (1967 : 76, 80) rapporte qu'à lvujivik les morses étaient, en général, propriété de tout le village. Étant donné leur masse de près d'une tonne, ils n'étaient pas distribués ou transportés. Les chasseurs allaient en prélever, selon leurs besoins, là où les animaux avaient été entreposés. Lors du partage de gros gibier, les femmes ayant reçu ce qui revenait à leur maisonnée utilisaient par la suite ces ressources pour assurer leurs tâches propres : préparer la nourriture pour la consommation immédiate et les réserves (ibid.). De même, aux environs de Kangiqsujuaq, les femmes prélevaient quelques morceaux de béluga pour la consommation immédiate et les hommes procédaient immédiatement au dépeçage et à la mise en cache (Saladin d'Anglure 1967 : 73-74). Pour chacune des espèces, phoque, baleine ou caribou, les gens respectent un code de rigidité variable : des morceaux pour les hommes, d'autres pour les femmes et d'autres pour les enfants. Selon une informatrice de Salluit (E.K. in Labrèche 1994), chacun peut goûter à tout mais si par exemple un homme se sert en premier, on considère qu'il est impoli s'il prend un [85] morceau préféré des femmes. Lors de repas communautaires, les mères distribuent les parts, et généralement, les convives se répartissent en deux groupes : d'un côté, les hommes mangent ensemble, et de l'autre, les femmes et les enfants.

Dans la région de Kangiqsujuaq, la répartition des parts de gros gibiers obtenus lors de chasses collectives se faisait en fonction de la participation. Mais il existait un système de distribution communautaire des surplus des gros et moyens gibiers en fonction des besoins de chaque famille. Ce système était pratiqué avec plus de rigueur en hiver. De plus, les premières prises étaient rituellement cédées à la communauté (Saladin d'Anglure 1967 : 106-107). « Lorsqu'un garçon tue son premier phoque ou caribou, il en donne habituellement les morceaux à tous les autres membres de la communauté. Il peut envoyer un morceau à son accoucheuse, si elle vit encore [...] » (Dalasi et Zakariasi in Graburn 1972 : 388-389, notre traduction). Ces règles appartiennent à un ensemble de traditions que l'on retrouve avec quelques variantes dans toutes les régions de l'Arctique central et oriental.

Si la chasse était très fructueuse, par exemple, si on prenait un béluga ou plusieurs caribous, même les familles qui n'avaient pas participé à la chasse avaient droit à une part. On apportait un sac et on le remplissait, et après avoir mangé un peu, on ramenait le reste à la maison. En période d'abondance, le chasseur et ses partenaires pouvaient mettre une partie de la viande et de la graisse en cache, mais les gens qui n'avaient pas participé en recevaient rarement plus que le nécessaire pour la consommation immédiate (Graburn 1969 : 70). Traditionnellement, dans le cas des chasses collectives, la distribution était largement égalitaire et il semble que les chasseurs de l'arrière-pays ne s'appropriaient pas les caribous individuellement, sauf peut-être les animaux mis en cache (Vézinet 1980 : 46). Au milieu des années soixante, dans la région de Quaqtaq, l'équipage d'une baleinière constituait un groupe de distribution bien intégré (Dorais 1984 : 128).

Accumulation ou rétention

Dans les sociétés traditionnelles, le stockage et la réciprocité constituaient des stratégies complémentaires qui servaient une même fonction, celle d'acquérir une certaine indépendance par rapport aux variations saisonnières (Cashdan 1985 ; Schalk 1977 : 231). Les Inuit vivaient généralement de façon harmonieuse : en temps d'abondance, ils festoyaient en groupe et dans les périodes de manque, les chasseurs chanceux partageaient leur gibier avec les moins fortunés (Hawkes 1970 [1916] : 109-110). En automne, une grande partie du gibier était placée telle quelle, dans des caches de pierre. La viande gelait immédiatement et allait pouvoir être consommée par la suite durant l'hiver par son propriétaire seulement, à moins d'une entente avec quelqu'un d'autre ou d'un besoin urgent (Dorais 1984 : 129).

Les caches, comme les autres aménagements fixes, appartenaient traditionnellement à ceux qui les avaient construits ou à leurs descendants (Saladin d'Anglure 1967 : 105). Après un an, les denrées se mettaient à pourrir et devenaient la nourriture des chiens : n'importe qui pouvait alors y avoir accès (Dorais 1984 : 129, Rasmussen 1976 [1931] : 60). Par contre, les caches très anciennes n'étaient plus [86] soumises à des droits particuliers (Guédon 1967 : 95). Chez les Inuit du Cuivre, chaque famille entreposait sa nourriture et ses peaux séparément, même si elle faisait partie d'un groupe de familles nucléaires reliées entre elles par des liens de parenté supplémentaires ou par association. Chez les Netsilik, la réciprocité était intégrée dans un système rigide selon lequel le phoque était partagé avec les partenaires. Seules les provisions de graisse pouvaient être accumulées (Rasmussen 1976 [1931] : 60).

Les Inuit arrivaient-ils à concilier l'altruisme et l'égalitarisme imposés par les règles sociales avec la constitution de surplus alimentaires ? L'un des récits recueillis par Rink (1875) montre que cette conciliation ne s'opérait pas toujours : des surplus de viande avaient été mis en réserve dans des caches mais l'inégalité des prises avait éveillé la jalousie et entraîné la violence. L'origine des inégalités se trouvait peut-être déjà dans la différenciation des rôles et statuts, entre les grands chasseurs et les moins fortunés. Ainsi, dans la région de Kangiqsujuaq, des banquets étaient organisés lors de la prise individuelle d'un gros gibier ou lorsqu'un chasseur obtenait un important surplus de viande dans une chasse collective. Le banquet avait parfois lieu seulement lorsqu'un chasseur rapportait de la viande d'une de ses caches (Saladin d'Anglure 1967 : 120).

Aspects juridiques et religieux

Le meurtre, le cannibalisme et le vol se situent à l'opposé du commensalisme ou du mutualisme. En effet, ces transgressions peuvent être considérées comme des formes de dons « trafiquées » ou encore l'antithèse du don, l'appropriation de ressources alimentaires sans le consentement préalable d'autrui. M. Suppa (in Graburn 1972 : 194-195) évoque querelles, meurtres et cannibalisme en rapport avec le vol de nourriture. Selon Dalasi et Zakariasi (in Graburn 1972 : 203), les meurtres pour obtenir de la nourriture étaient fréquents. Normalement on demandait la permission pour prendre la nourriture d'autrui, mais en cas de famine, il arrivait que l'on enfreigne cette règle :

Seulement très rarement [...] L'autre groupe était très affamé -ils ne demandèrent pas la permission de prendre la nourriture ; ils la prirent [...]. Ce n'était pas encouragé - on considérait que c'était très mauvais. Ils auraient dû demander. Les gens sont devenus très fâchés [...]. Un seul homme a volé de la viande - et l'a ramenée à son camp où l'on était affamé (Arngnaituk in Graburn 1972 : 192, notre traduction).

Voler de la nourriture était donc très mal vu :

Autrefois, les Inuit savaient qu'ils ne devaient pas voler. C'était une des choses que tout le monde considérait mauvaise [...]. Si un homme trouvait de la nourriture et qu'il était affamé, il pouvait en prendre et il le dirait ultérieurement à l'homme qui possédait la nourriture et peut-être la rendrait-il. C'était correct. Mais s'il en prenait et ne le disait à personne, c'était mauvais. Les gens avaient peur de voler parce qu'ils croyaient qu'ils tomberaient malades s'ils volaient des choses (Z. Takiapik in Graburn 1972 : 3 11-3 12, notre traduction).

 [87] Il semble que la peur de la malédiction suffisait à décourager les fraudeurs. Néanmoins, il est possible que l'ostracisme ou d'autres formes de sanctions pour appropriation illégale de biens ou de provisions aient servi à punir ceux qui se comportaient de manière inacceptable. Ailleurs au Nunavik, les récits servaient parfois à décourager ceux qui pouvaient être tentés par la malhonnêteté, indirectement ils constituaient une incitation à l'honnêteté (cf. Vézinet 1980 : 70).

La séparation rituelle entre produits de terre et produits de mer est un phénomène répandu dans toute l'aire inuit (cf Soby 1969-1970). Ainsi, des lanières de cuir de phoque plutôt que des tendons de caribou devaient être utilisées pour emmancher les couteaux à dépecer la baleine. Dans ce cas, la séparation rituelle ne touchait donc pas les mammifères marins entre eux (baleine et phoque semblent pouvoir coexister sur un même outil) mais réaffirmait l'interdiction de mélanger animaux de la nier avec ceux de la terre. Ainsi, les Inuit gardaient généralement la viande de baleine et celle du caribou séparément. Il y avait d'autres tabous relatifs aux différentes espèces animales interdisant notamment de mélanger la viande de morse et de phoque, ou celle de phoque et de caribou (Hawkes 1970 [1916] : 85, 133-135). La séparation des espèces était particulièrement stricte dans le contexte des prescriptions alimentaires.

Certains tabous avaient pour conséquence l'élimination de provisions et empêchaient l'accumulation de surplus tel qu'illustré par les trois cas suivants. Ainsi, chez les Netsilik, des provisions furent perdues au printemps parce que les gens ne pouvaient quitter le camp installé sur la banquise pendant que les conditions de glace étaient encore favorables au transport. Un tabou leur interdisait de retourner sur la terre ferme avant de terminer les couvertures des tentes en peaux de phoque (Rasmussen 1976 [1931] : 55). De plus, autrefois, toutes les réserves de poisson devaient être consommées avant la fin de l'année, sinon les poissons ainsi offensés ne reviendraient plus (Saladin d'Anglure, coin. pers. 1992). Enfin, avant d'envoyer des caribous à ceux qui étaient dans le besoin, l'esprit qui contrôlait les caribous devait être informé par le chamane que toute la viande déjà obtenue avait été consommée (Turner 1979 [1894] : 54). Les croyances agissaient donc parfois comme frein à l'accumulation et incitaient à la redistribution de la nourriture. Ceci dit, l'interdiction de chasser pouvait aussi rendre nécessaire l'utilisation des réserves.

En somme, les croyances et les rituels permettaient généralement aux Inuit d'affronter tout danger apparent. En agissant sur l'ensemble de l'économie alimentaire, ces pratiques rassurantes servaient généralement le projet élémentaire d'adaptation à l'environnement. D'après les témoignages cités par Martin (2003 : 127), il existe maintenant un syncrétisme ethnoécologique et religieux en continuité avec les valeurs inuit mais comprenant aussi l'influence du monde judéo-chrétien et des traces d'une nouvelle conscience écologique. D'après toutes les données examinées précédemment, il ressort clairement que les Inuit évitaient traditionnellement le gaspillage et tentaient de maximiser l'utilisation de chacune des parties des animaux pris tout en recyclant les os. Par contre, ils chassaient généralement beaucoup plus que ce qui était nécessaire dans l'immédiat afin de constituer d'amples réserves de nourriture allant pouvoir être consommée ou échangée pour survivre au cours des mois de moindre productivité.

[88]


Conclusion

L'histoire de l'alimentation au Nunavik est marquée par le changement, surtout à partir du moment où la farine, la graisse, le thé et le sucre deviennent des denrées recherchées. À celles-ci vont d'ailleurs s'ajouter récemment une multitude de produits comestibles d'origine industrielle. Comme l'a montré Martin (2003 : 122), la chaîne traditionnelle de l'échange-don de nourriture a survécu à la modernité. De plus, elle « fait corps avec les nouvelles solidarités » (ibid.) dans une formule hybride qui incorpore le soutien de l'État et les réseaux de distribution d'échelle municipale parallèlement au système de partage familial et communautaire qui demeure fortement prépondérant (Chabot 2001 réitérée dans Martin 2003 : 125). Cette formule qui inclut des obligations et des interdits incorpore les éléments de la tradition et de la modernité.

L'effet des variations saisonnières sur la morphologie sociale et les pratiques alimentaires des Inuit, démontré par Mauss il y a un siècle, est largement confirmé par de nombreuses études subséquentes réalisées au Nunavik depuis 1960. L'étude des dimensions sociales et idéologiques des habitudes alimentaires et le rôle fondamental des rituels et des tabous dans la société inuit fait apparaître une approche extrêmement nuancée des rapports entre les humains et les animaux. Par contre, nous avons exposé les conséquences des contrastes saisonniers qui peuvent être parfois si contraignants qu'il en résultait des épisodes de pénurie extrême pouvant donner lieu à des meurtres et du cannibalisme. Au-delà des exigences en matière de subsistance et d'alimentation, nous avons caractérisé une partie fondamentale de l'identité inuit en exposant brièvement les prescriptions et les codes relatifs au don et aux provisions de nourriture.

Le cycle du don comporte généralement l'obligation de rendre mais de manière différée ; cependant, il présente une complexité qui dépasse largement l'échange circulaire fermé et à deux directions proposé par Mauss (Tarot 2003 : 60, 75-77). Toutefois, le modèle de Mauss, celui de l'échange-don plein d'intérêt et témoignant de la force, du prestige, de rivalités et surtout de socialité et de sociabilité (ibid. : 56), semble très bien dépeindre à grands traits ce que nous retrouvons dans les modes d'appropriation des ressources alimentaires chez les Inuit du Nunavik.


Remerciements

Je remercie Murielle Nagy pour sa généreuse contribution à l'émondage et au façonnage de cet article dont la version préliminaire dépassait du double le nombre de pages autorisées. Je remercie également Denis Gagnon, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'identité métisse qui m'a offert de donner un cours sur les Peuples de l'Arctique au Collège universitaire de Saint-Boniface en 2006 et indirectement redonné le goût de replonger dans l'univers des comportements alimentaires inuit. Toute ma reconnaissance va à Bernard Saladin d'Anglure ainsi qu'à Nelson Graburn dont les travaux ont été d'une grande inspiration depuis 1978, année de mes tous premiers pas dans la toundra arctique. Enfin, je remercie les évaluateurs anonymes de cet article.

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* Chaire de recherche du Canada sur l'identité métisse, Collège universitaire de Saint-Boniface, 200, avenue de la Cathédrale, Saint-Boniface (Manitoba) R2H OH7, Canada. ylabreche@ustboniface.mb.ca.

[1] Les travaux du groupe Hélianthe (1991) dirigés par Carole Lévesque et de Jobie Weetaluktuk (1997) chez les Inuit du Nunavik sont venus combler en partie ces lacunes.

[2] Nagy (1994) a cependant proposé l'utilisation de maisons de tourbe en été.

[3] Voir Labrèche (2004 : 342, figure 6.4) pour une illustration de ce modèle.

[4] Comme le rappelait Arcand (1988 : 43) « le maintien de rapports sociaux égalitaires n'est malheureusement pas une caractéristique de [tous les types de] sociétés de chasseurs-cueilleurs ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 31 octobre 2010 15:39
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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