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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de François Rocher et Micheline Labelle, L’interculturalisme comme modèle d’aménagement de la diversité: compréhension et incompréhension dans l’espace public québécois.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Bernard Gagnon, La diversité québécoise en débat : Bouchard, Taylor et les autres, pp. 179-203. Montréal : Les Éditions Québec Amérique, 2010, 269 pp. [Autorisation de l'auteure accordée le 12 novembre 2015 de diffuser le texte de cet article en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

François Rocher

Professeur, École d'études politiques, Université d'Ottawa

Micheline Labelle

Professeure, Département de sociologie
et directrice du Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté, UQAM

L’interculturalisme comme modèle d’aménagement
de la diversité: compréhension et incompréhension
dans l’espace public québécois
.”

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Bernard Gagnon, La diversité québécoise en débat : Bouchard, Taylor et les autres, pp. 179-203. Montréal : Les Éditions Québec Amérique, 2010, 269 pp.

1. Introduction
2. Histoire cahoteuse d’une notion mal définie
3. L’interculturalisme dans le rapport Bouchard-Taylor
4. Un débat qui n’a pas eu lieu
5. Conclusion
Bibliographie


1. INTRODUCTION

Il est inutile de revenir ici sur les circonstances qui ont amené le gouvernement du Québec à mettre sur pied, le 8 février 2007 et deux semaines avant le déclenchement des élections provinciales, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (mieux connue comme la Commission Bouchard-Taylor) [1]. Ce qu’il faut par ailleurs noter, c’est que cette initiative a été l’occasion de faire le point sur la notion d’interculturalisme qui était prétendument l’élément distinctif de la politique publique d’aménagement de la diversité au Québec par opposition à la politique canadienne du multiculturalisme. Or, le gouvernement du Québec n’avait jamais adopté une politique publique définissant la signification à donner à l’interculturalisme. Cette remarque n’est pas anodine. Elle souligne l’absence d’une compréhension un tant soit peu articulée au sein même de l’État des principes devant être au cœur du modèle québécois. La Commission Bouchard-Taylor (CBT), consciente de cette lacune, en a même fait le premier axe des recommandations de son  rapport dans la mesure où ces dernières « appellent d’abord à la définition de nouvelles politiques ou de nouveaux programmes relatifs à l’interculturalisme (loi, déclaration ou énoncé de politique) et à la laïcité (projet de livre blanc) » [2] et recommandent même que « [p]our mieux établir l’interculturalisme comme modèle devant présider aux  rapports interculturels au Québec, que l’État en fasse une loi, un énoncé de principe ou une déclaration en veillant à ce que cet exercice comporte des consultations publiques et un vote de l’Assemblée nationale » [3]. Il importe de savoir comment la problématique de l’interculturalisme s’articule, est présentée et est comprise dans le débat public pour que ce « modèle » puisse servir de base solide aux politiques publiques qui s’y rattachent.

Ce chapitre comprend trois sections. La première présente succinctement comment  l’idée de l’interculturalisme s’est progressivement imposée pour désigner l’approche québécoise à la fois dans les textes gouvernementaux et dans l’espace public. La seconde section se penche plus particulièrement sur la compréhension complexe qu’en donne la CBT. La troisième rappelle les critiques qui se sont fait entendre autour de cette notion, à la suite du dépôt du  rapport en mai 2008. Finalement, nous reviendrons, en conclusion, sur la manière réductrice dont la CBT entrevoit la citoyenneté québécoise à l’aune de l’interculturalisme, tenant ainsi de résoudre la quadrature du cercle. Les problèmes irrésolus dans le  rapport nous semblent être à la source des incompréhensions de l’interculturalisme qui se déploient dans l’espace public.

2. Histoire cahoteuse
d’une notion mal définie


Nous avons déjà proposé ailleurs une analyse détaillée de la généalogie de l’interculturalisme en contexte québécois [4]. Celle-ci a été reprise in extenso par la CBT, notamment le sixième chapitre du rapport, et reprend l’argument que nous avions avancé, à savoir que « aucun texte officiel ne l’établit explicitement comme modèle de gestion des  rapports interculturels (même si ses éléments constitutifs ont été bien mis en place depuis plusieurs années) » [5]. Que l’on permette néanmoins de rappeler certains jalons qui ont fait en sorte que l’approche québécoise fut graduellement qualifiée d’interculturelle.

Bien que préoccupées depuis le milieu des années 1960 par les défis posés par l’intégration des individus issus de l’immigration et des minorités ethnoculturelles, les autorités publiques ont attendu assez longtemps avant de développer des orientations à l’endroit de cette problématique. On ne retrouve pas de référence à la notion d’interculturalisme dans le document présenté en 1981 qui s’intitulait Autant de façons d’être Québécois, mais le gouvernement propose cependant la notion de convergence culturelle et son Plan d’action visait « une dynamique de rapprochement dans le respect mutuel, entre la majorité et les diverses communautés culturelles du Québec. Les politiques des ministères et des organismes de l’État seront donc orientées vers l’élimination de toute forme de discrimination ou d’injustice, fût-elle involontaire, à l’endroit des personnes au sein de ces communautés ou des communautés elles-mêmes comme collectivités » [6]. Les travaux du Comité d’implantation du plan d’action à l’intention des communautés culturelles (CIPACC) rappellent que, dans Autant de façons d’être Québécois, le gouvernement :

affirme […] le droit à la différence culturelle. Il encourage les communautés à conserver et développer leur culture d’origine et il prône une harmonisation et une convergence des efforts afin que chacune apporte sa contribution au développement de la société québécoise [7].

C’est plutôt dans le milieu de l’éducation qu’émergent des réflexions sur  l’interculturalisme. Le  rapport du comité sur l’école québécoise et les communautés culturelles publié en 1985 (mieux connu sous le nom de  rapport Chancy) s’est penché sur la notion d’éducation interculturelle qu’il définissait comme visant « à former des personnes capables d’apprécier les diverses cultures qui se côtoient dans une société multiculturelle, et donc accepter d’évoluer au contact de ces cultures pour que cette diversité devienne un élément positif, enrichissant la vie culturelle sociale et économique du milieu » [8]. L’éducation interculturelle cible l’ensemble de la société. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la distanciation avec le multiculturalisme canadien n’est pas encore consommée.

Dans un avis (1988) se penchant sur la position du Québec à l’égard de la politique fédérale du multiculturalisme, le Conseil des Communautés culturelles et de l’Immigration (CCCI) affirmait que le Québec a développé une approche spécifiquement québécoise : « axée sur l’échange interculturel dans le contexte d’une société francophone, appelle l’élaboration d’une politique qui s’en inspire et soit de nature à intégrer les divers éléments de l’action du Québec relative à l’immigration et aux communautés culturelles » [9]. Le CCCI est l’un des premiers, à notre connaissance, à souligner le besoin de regrouper et de nommer la politique québécoise d’intégration. Celle-ci se distingue du multiculturalisme canadien puisqu’elle insiste, au cœur même de son approche, sur la problématique des échanges interculturels et de l’appartenance au Québec.

En 1990, le gouvernement a adopté un énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration. Intitulé Au Québec pour bâtir ensemble, il introduit la notion de contrat moral, un contrat servant à définir les principes qui s’adressent à l’ensemble de la société québécoise et qui serviront de guide à l’intégration des nouveaux arrivants. Il identifie « trois grands axes d’intervention de la politique d’intégration que sont l’apprentissage du français, la participation et le développement de relations intercommunautaires harmonieuses » [10]. À l’idée déjà énoncée d’échange s’ajoute celle de réciprocité entre la majorité et les minorités. À la suite de l’énoncé de 1990, la notion de « culture publique commune » est introduite dans les textes officiels. Elle est entre autres discutée par le CCCI et le Conseil supérieur de l’Éducation (CSE). Selon le CCCI,  la politique québécoise « est axée sur l’objectif d’intégration, plus clair et surtout plus viable, à égale distance d’une politique assimilationniste ou d’une politique multiculturaliste » [11]. Les éléments de différenciation par  rapport à la politique fédérale du multiculturalisme se mettent en place.

En 2004, le MRCI soumettait son plan d’action 2004-2007 ayant pour objectif d’assurer la pleine participation des communautés culturelles au développement du Québec. Deux axes du plan touchent spécifiquement l’intégration. Le premier axe mentionne plusieurs mesures d’intervention favorisant une insertion rapide et durable des Québécois des communautés culturelles dans l’emploi. Le deuxième axe regroupe des mesures qui visent à valoriser l’apport des communautés culturelles au développement social, économique et culturel du Québec et favoriser le dialogue interculturel, l’ouverture à la diversité et la lutte contre le racisme et la xénophobie. [12] L’interculturalisme n’est pas défini. Il en va de même de la nouvelle politique gouvernementale de 2008, intitulée La diversité, une valeur ajoutée.

Ce survol nous permet de constater que l’interculturalisme renvoie à un ensemble de caractéristiques qui toutes, prises individuellement ou en groupe, peuvent servir à donner un peu de substance à cette notion vaguement évoquée dans les documents gouvernementaux : dialogue interculturel ; rapprochement interculturel ; culture québécoise de tradition française comme foyer de convergence ; rapprochement entre la majorité francophone et les diverses communautés ; éducation interculturelle ; respect mutuel entre tous les groupes ; échange interculturel ou intercommunautaire ; réciprocité ; contrat moral ; culture publique commune ; culture civique commune.

En dépit du flou artistique entourant cette notion, plusieurs analystes et observateurs n’ont pas manqué de noter que l’approche québécoise se distinguait fort peu du multiculturalisme canadien. Des auteurs comme Pietrantonio, Juteau et McAndrew soutiennent que les deux politiques convergent plus qu’elles ne divergent, sur les points suivants [13]. L’on admet que si le multiculturalisme a été critiqué à titre de politique communautariste visant à « ghettoïser » la société canadienne, il a par contre évolué avec le temps : « La politique canadienne de multiculturalisme apparaît maintenant, somme toute, très près de la politique québécoise d’intégration » [14].

D’autres soutiennent au contraire qu’elle se présentait en porte-à-faux par  rapport au multiculturalisme canadien. La centralité de la langue française et de la prise en compte de l’héritage historique et des institutions communes (politiques et juridiques) de la nation québécoise est ici clairement affirmée [15] et, tout comme l’affirme Gérard Bouchard, la culture commune ainsi déclinée « serait nourrie substantiellement, sinon en priorité, de la mémoire » [16]. Pour Alain-G. Gagnon,  le modèle québécois a pour principale vertu : « d’établir un équilibre entre les exigences de l’unité, à travers la reconnaissance d’un pôle identitaire principal, et la reconnaissance des différentes cultures »[17] .  Selon Pierre Anctil le terme interculturalisme a été choisi pour qualifier la spécificité de la politique québécoise d’intégration sans doute tout simplement parce que ce terme évoque « la rencontre des cultures, leur interpénétration mutuelle et la reconnaissance réciproque de leurs apports respectifs, ce dans les limites d’une rencontre au sein d’une culture civique commune à l’intérieur d’un cadre linguistique francophone » [18].

Le modèle québécois, notamment l’insistance mise sur la notion de convergence culturelle, a fait l’objet de critiques assez sévères. Certains dénoncent un postulat culturaliste qui minimise les inégalités.  D’autres s’en prennent à la volonté d’affirmation du groupe majoritaire [19]. On verra plus loin que la publication du Rapport de la CBT a provoqué de nouveaux argumentaires.

Quant à nous, nous avons davantage insisté dans nos travaux sur la notion de citoyenneté que sur celle d’interculturalisme. Il n’est pas inutile de rappeler que le débat sur la politique publique québécoise est grandement déterminé par la question nationale, à savoir le jeu des tensions et des  rapports de force entre le Canada et le Québec. Deux modèles d’intégration sont en présence et se font concurrence au sein de la fédération canadienne. Ces stratégies sont source de confusion au sein de la société québécoise et font obstacle à une prise en compte de la diversité conséquente par l’État du Québec et à une représentation de la citoyenneté québécoise qui soit à la fois territoriale et pluraliste [20]. À cet égard, on comprendra que la force symbolique du multiculturalisme tient moins au fait qu’il sert à décrire le caractère pluriel de la démographie canadienne, qu’à affirmer haut et fort, de manière non équivoque, l’importance accordée au respect de la diversité au sein de la communauté canadienne soucieuse de sa propre cohésion sociale et politique.

3. L’interculturalisme
dans le rapport Bouchard-Taylor


Lorsque les rédacteurs du   rapport de la CBT se sont attelés à la tâche, ils n’ont pas opéré en terrain vierge. L’interculturalisme, comme notion structurante, s’était imposé dans la littérature, pouvait compter sur un certain nombre de propagandistes et comptait son lot de détracteurs. C’est donc avec mille précautions que la notion d’interculturalisme est introduite. Reconnaissant que celle-ci est tributaire du contexte dans lequel elle se pense et s’élabore, il n’est pas inutile de faire un court détour en voyant comment la société québécoise est appréhendée puisque que c’est sur la base de cette représentation que s’érige une compréhension particulière de l’interculturalisme.

À cet égard, le concept nous semble s’articuler autour de quatre axes qui seront examinés un à un même en sachant qu’ils doivent être considérés dans leur complémentarité : 1) l’intention de départ est marquée par un souci à l’endroit de la cohésion sociale et du développement d’orientations communes ; 2) le Québec est présenté dans sa condition minoritaire ; 3) il existe une tension entre la diversité ethnoculturelle et le principe de continuité ; 4) finalement, le cadre interculturel doit s’ancrer dans un Québec représenté comme une nation.

Le souci de cohésion sociale est le premier argument invoqué lorsqu’est introduit l’interculturalisme. Ainsi, d’entrée de jeu, avant même d’en définir les paramètres et la signification, on rappelle que :

Toute collectivité a intérêt à maintenir un minimum de cohésion. C’est à cette condition qu’elle peut se doter d’orientations communes, assurer la participation des citoyens à la délibération publique, créer un sentiment de solidarité nécessaire au bon fonctionnement d’une société égalitaire, disposer d’une capacité de mobilisation en cas de crise et profiter de l’enrichissement lié à la diversité ethnoculturelle. Pour une petite nation comme le Québec, toujours préoccupée de son avenir en tant que minorité culturelle, l’intégration représente en outre une condition de son développement, voire de sa survie [21].

Le thème de la cohésion sociale minimale n’est introduit qu’en lien avec la problématique de l’intégration. Cette cohésion fait référence à un ensemble d’éléments qui se déclinent en cinq points : fondements symboliques (orientations fondamentales qui font consensus) ; participation à la délibération publique et à la prise de décision ; sentiment minimal d’appartenance et de solidarité ; capacité de mobilisation autour de projets ; richesse des interactions et importance des réciprocités [22]. Le seuil minimal nécessaire à cette cohésion n’est jamais fixé, mais on comprendra aisément que cet adjectif est rappelé deux fois pour empêcher que les contraintes imposées soient jugées excessives. Elle s’inscrit aussi dans une volonté d’éviter que cette dynamique soit le résultat d’une imposition par des pouvoirs autoritaires motivés par leur désir de supprimer les différences culturelles et de marginaliser, sinon opprimer, ceux qui sont exclus (ou s’excluent eux-mêmes) des conditions assurant cette cohésion définie par les autorités. L’intégration socioéconomique et la lutte contre toutes les formes de discrimination s’enchâssent dans cette vision générale.

Si la CBT est préoccupée de réunir les conditions qui renforceront la cohésion sociale, le groupe majoritaire, désigné comme étant constitué des « Québécois canadiens-français », est traversé par des inquiétudes alimentées par son statut minoritaire au sein du Canada, mais aussi comme occupant le lieu principal de la francophonie nord-américaine : « Les membres de la majorité ethnoculturelle craignent d’être submergés par des minorités elles-mêmes fragiles et inquiètes de leur avenir. La conjonction de ces deux inquiétudes n’est évidemment pas de nature à favoriser l’intégration dans l’égalité et la réciprocité » [23]. Cette majorité serait donc peu sûre d’elle-même, ce qui expliquerait en partie les « mouvements d’humeur » à la source du dérapage médiatique ayant conduit à la « crise des accommodements raisonnables ». La prise de conscience de l’immigration et de l’anglicisation des immigrants au cours des années 1960 a structuré la pensée interculturelle qui s’est par la suite déployée dans l’espace public. Celle-ci s’est articulée autour de deux pôles que sont l’ouverture et l’inquiétude pour l’avenir de la langue française au Québec et, plus largement, sa survie identitaire qui renvoie aux valeurs, à la langue, aux traditions et coutumes, à la mémoire) : « [e]n d’autres termes, libéralisme et pluralisme d’un côté, hésitations et retenue de l’autre » [24]. Ce deuxième élément, qui nous semble être au cœur de la compréhension de l’interculturalisme dans le   rapport de la CBT, permet de mieux saisir la nature de la tension inhérente, invariable, entre la diversité ethnoculturelle et le principe de la continuité.

On ne saurait reprocher à la CBT d’avoir tourné le dos au substrat historique qui informe la nécessité de situer l’interculturalisme dans une dynamique de continuité plutôt que de rupture. C’est pourquoi l’aménagement de la diversité doit se concilier avec la continuité du « noyau francophone » tout en préservant, rappel obligé, la cohésion sociale. Continuité avec la philosophie et les différentes pratiques interculturelles qui se sont développées dans le temps, mais surtout inscription dans une histoire particulière qui impose « la nécessité de perpétuer à la fois le lien social et les références symboliques qui le soutiennent » (traditions et valeurs fondatrices) [25]. En d’autres termes, l’insistance mise sur ce principe se veut un écho à l’insécurité culturelle des Francophones, à leur situation objective de minorité en Amérique. L’intégration se fait donc dans un contexte qu’il ne faut pas occulter et qui explique pourquoi les « Québécois canadiens français » font preuve d’une si grande vigilance à son endroit. C’est d’ailleurs en fonction de cet impératif de continuité que s’articule l’essentiel de la critique du multiculturalisme canadien. Pour la CBT, celui-ci ne serait pas bien adapté à la réalité québécoise non seulement parce que l’approche fédérale est muette au sujet de la langue de l’intégration, mais surtout parce qu’on se « préoccupe moins de la continuité ou de la préservation d’une vieille culture fondatrice, mais bien davantage de cohésion sociale » [26].  On notera ici la référence contradictoire à la notion de cohésion sociale.

Par ailleurs, même si on rappelle que les intervenants qui ont fait valoir leur point de vue devant la CBT ont rejeté le multiculturalisme canadien, invoquant entre autres le projet politique dont il était le porteur, la Commission a consciemment refusé d’aborder cette dimension qualifiée simplement de « controverse ». Ce refus se traduit par une incapacité à réfléchir sur le modèle canadien au-delà de la référence à la philosophie pluraliste qui anime à la fois le multiculturalisme et l’interculturalisme. Les rapprochements sont ainsi faciles à identifier, alors que les dissemblances sont ramenées à une question de perspective, d’accent et de nuances. En somme, « [l]’interculturalisme […] est la version québécoise de la philosophie pluraliste, tout comme le multiculturalisme en est la version canadienne » [27]. Si tel était le cas, on comprend mal pourquoi tous les gouvernements du Québec ont, comme le mentionne le   rapport, toujours rejeté la politique fédérale mise en place en 1971. Pourtant, et il s’agit là du dernier élément qui nous semble particulièrement important pour situer les déterminants de la compréhension de l’interculturalisme par la CBT. Cette approche se déploie malgré tout dans un espace particulier, nommé et circonscrit, celui de la nation québécoise.

En effet, la première utilisation du terme de nation dans le  rapport, un document qui ne recourt que parcimonieusement à ce vocable pour désigner la communauté sociale et politique québécoise, est faite en relation avec l’interculturalisme. Puisque tous les éléments que nous avons identifiés forment un tout indissociable, il n’est pas étonnant de lire que l’imaginaire québécois est marqué par le rêve d’une société étroitement intégrée à cause même de son caractère minoritaire, du fait qu’il s’agisse d’une petite nation au sens démographique du terme : « quoi de plus normal pour une nation minoritaire, toujours inquiète de son devenir (sinon de sa survie) que de craindre l’émiettement, le fractionnement, la marginalisation, la ghettoïsation ? » [28]. L’ouverture et la réciprocité qui informent la dynamique d’intégration se présentent comme une nécessité pour assurer l’avenir de cette nation québécoise :

Le principal danger qui nous guette, c’est que les groupes qui composent notre société en viennent à conjuguer leur méfiance et leurs peurs réciproques (en bonne partie non fondées) et mettent ainsi en péril les processus de rapprochement en cours. En d’autres termes : que nos peurs imaginaires engendrent un danger réel. Nous pensons notamment à cette identité québécoise encore fragile qui a pris forme au cours des décennies et qui continue de grandir au-delà de nos différences (ou plus exactement, à même nos différences). Par ailleurs, et comme il se doit, elle se nourrit abondamment, mais librement, de l’héritage canadien-français, un héritage très riche qui accède ainsi à une nouvelle vie, non pas en se refermant, mais en s’ouvrant à l’apport créatif et fécond de l’Autre ; c’est précisément ce qu’il a fait à maintes reprises dans le passé. En somme, c’est l’avenir de la nation qui se joue ici [29].

L’interculturalisme s’applique à un Québec représenté comme un sous-espace national dans l’ensemble canadien « tel qu’il est reconnu maintenant par tous les partis politiques québécois et par le Parlement fédéral » [30]. Le Québec porte un projet historique, qui refuse la fausse polarité entre nation civique et nation ethnique. Ceux qui y participent le font moins en fonction de leur appartenance ethnique, fusse-t-elle celle de la majorité, qu’en fonction d’une vision du monde partagée, de valeurs qualifiées de profondes et d’espoirs communs de telle sorte « [qu’]une nation ressemble plus à une amitié qu’à un contrat » [31]. En somme, le ciment de la nation se situe dans l’identité commune que tous contribuent à définir (par la promesse de codétermination) et s’engagent à transmettre, peu importe leurs origines. Cette représentation lyrique de la nation l’éloigne du politique et des conditions ayant présidé à sa constitution. Cela permet d’éviter d’aborder la litigieuse question des conflits d’allégeance qu’entraîne la juxtaposition de l’interculturalisme québécois au multiculturalisme canadien, ne serait-ce qu’au chapitre de la langue commune et de la citoyenneté.

C’est à la lumière de ces considérations générales que la CBT met de l’avant sa propre définition de l’interculturalisme et interpelle directement le gouvernement du Québec. Cette définition se décline dans les termes suivants :

Pour aller à l’essentiel, on dira que l’interculturalisme québécois a) institue le français comme langue commune des  rapports interculturels ; b) cultive une orientation pluraliste soucieuse de la protection des droits ; c) préserve la nécessaire tension créatrice entre, d’une part, la diversité et, d’autre part, la continuité du noyau francophone et le lien social ; d) met un accent particulier sur l’intégration et la participation ; et e) préconise la pratique des interactions [32]

Langue, protection des droits, continuité du noyau francophone, participation et réciprocité, tels sont les éléments constitutifs de l’interculturalisme. La combinaison de ces éléments devrait alimenter un sentiment (minimal) d’appartenance à la société québécoise ainsi que la réalisation d’un consensus (toujours minimal) permettant à la société de fonctionner. Les moyens pour y arriver, outre les mesures gouvernementales que la CBT souhaite voir adopter, s’inscrivent dans une approche faisant une large place à la délibération et à la participation publiques : « Conformément à la règle de droit et aux impératifs du pluralisme, cette identité en construction doit pouvoir se développer à titre de culture citoyenne. Tous les Québécois doivent pouvoir s’y investir, s’y reconnaître et s’y épanouir » [33]. Il n’est pas question ici de citoyenneté mais plutôt de voie citoyenne qui « repose principalement sur la négociation et sur la recherche d’un compromis, suivant une démarche qui fait appel à la bonne foi, au respect mutuel, à la flexibilité et à la créativité. Son objectif est d’aboutir à une solution qui satisfasse les deux parties » [34].

Si le Québec est représenté comme une nation, cela n’appelle-t-il pas, particulièrement lorsqu’il est question d’intégration dans un espace social et politique aussi distinct que le Québec, une réflexion plus approfondie sur les conditions de la réalisation de la citoyenneté ? Or, la citoyenneté renvoie à trois dimensions complémentaires : 1) un ensemble de droits et d’obligations qui s’incarnent dans un statut juridico-politique et qui permettent aux individus d’avoir accès aux ressources économiques et politiques ; 2) une identité culturelle particulière ainsi qu’une socialisation à une culture civique ; 3) une appartenance (membership) à une communauté politique sur un territoire particulier et qui a une histoire particulière [35]. Or la culture citoyenne dont il est ici question s’articule autour de trois « voies » que sont le français comme langue publique commune, le développement d’un sentiment d’appartenance et la promotion de valeurs communes [36]. Ces voies se situent en dehors du politique car la citoyenneté se limite à n’aborder que la deuxième dimension de celle-ci, ce qui ne peut conduire qu’à un raisonnement inachevé.

4. Un débat qui n’a pas eu lieu

Le 22 mai 2008, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles rendait public son  rapport. Le jour même,  un « débat » s’est tenu à l’Assemblée nationale. Les députés présents votaient unanimement en faveur d’une motion conjointe présentée par Jean Charest, Mario Dumont et Pauline Marois [37]. Le premier ministre annonçait les actions que son gouvernement entendait prendre et qui prévoyaient « un renforcement de la francisation avant l'arrivée des immigrants, une déclaration signée par laquelle les candidats à l'immigration s'engageront à adhérer aux valeurs communes de notre société, un mécanisme qui aidera les décideurs à traiter les questions d'accommodement dans le respect de la laïcité de nos institutions » [38]. À titre de chef de l’opposition officielle, le leader de l’Action démocratique du Québec a soutenu que le  rapport était particulièrement faible au chapitre de l’affirmation de « notre » identité. Il s’en est particulièrement pris au fait que la CBT ne fondait pas l’interculturalisme sur la prédominance de la culture normative de la majorité, réhabilitant ainsi le multiculturalisme canadien en dépit de la situation particulière du Québec. Mario Dumont affirma :

Tout en insistant sur la notion d'interculturalisme, le  rapport de la commission néglige un aspect fondamental de celle-ci, le  rapport demeure muet quant au renforcement, l'affirmation de cette culture normative qui correspond à celle de la majorité francophone de la société d'accueil. Or, pour être porteur, l'interculturalisme québécois doit reconnaître l'existence de marqueurs d'identité tant sur le plan de nos institutions, de nos valeurs communes que sur le plan socioculturel [39].

Après avoir rappelé les effets « déstructurants » de la Loi constitutionnelle de 1982, notamment par l’inclusion de l’article 27 qui précise que l’interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés doit « concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens », il souhait que le Québec adopte sa propre constitution, geste présenté comme un acte fondateur et structurant, et que la constitution canadienne soit amendée afin que l’on y reconnaisse le fait que le Québec constitue une nation et que la langue française y occupe une nette prépondérance.

Pour sa part, la cheffe du Parti québécois, Madame Pauline Marois, reprochait au premier ministre d’apporter une réponse bien timorée au malaise identitaire qui avait donné lieu à la création de la commission, celle-ci se contentant selon elle de ne parler que de culture, de langue et de laïcité. Elle invitait le gouvernement à inscrire dans les lois les principes de la prédominance de la langue française (par un renforcement de la loi 101), de la promotion de la culture québécoise et de la laïcité des institutions. Finalement, elle souhaitait inviter les deux coprésidents de la CBT ainsi que les membres du comité-conseil à se présenter devant une commission parlementaire afin d’expliquer les raisons qui sous-tendent les recommandations mises de l’avant. Ces suggestions formulées par les deux leaders des partis d’opposition ont été rejetées par le premier ministre.

Le 27 mai, Jean Charest, en réponse à une question posée par Mario Dumont, enterrait une des premières recommandations structurantes de la CBT au sujet d’une formalisation officielle de l’interculturalisme en expliquant que ce concept avait officiellement été inclus dans la politique gouvernementale de 1990, ce qui s’avère inexact. De plus, il déclarait qu’il ne voyait « pas en quoi l’interculturalisme va être en contradiction avec le multiculturalisme au niveau canadien » [40]. Les échanges épisodiques à l’Assemblée nationale autour du  rapport de la CBT se sont terminés le 29 mai, soit une semaine après son dépôt, par l’adoption du principe du projet de loi modifiant le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne qui précisait que les droits qui y sont énoncés sont garantis également aux femmes et aux hommes. Ce projet de loi avait été élaboré en 2007 avant même que la CBT dépose son  rapport. Le « débat » sur les suites à donner aux recommandations du  rapport de la CBT prenait ainsi fin.

On ne peut pas dire non plus qu’il y ait véritablement eu un « débat » dans l’espace public autour de l’interculturalisme. Des critiques et des inquiétudes ont été formulées, mais sans que s’engage une véritable délibération. L’essentiel des critiques formulées portent sur la confusion entre interculturalisme et multiculturalisme. Hormis les propos tenus par le premier ministre qui ne voyait pas de contradiction entre les deux approches, les commentaires du coprésident Charles Taylor à la presse ont contribué à alimenter le brouillamini. Le journal The Gazette écrivait dans son édition du 23 mai que pour C. Taylor, « [t]he two (policies) aren’t that far apart, although sometimes you hear absurd things in Quebec about how utterly different they are . […] No, they’re really very close policies. But here, we’re a société d’accueil, a society that’s receiving, a society which itself is under pressure, which has to take certain measures to maintain a certain historical line on the (French) language, and so on » [41]. Sur les ondes de RDI de Radio-Canada, Daniel Weinstock, qui agissait à titre d’expert-conseil pour la CBT, déclarait lui aussi : « Je ne pense pas que l'interculturalisme et le multiculturalisme sont si différents que ça. [...] La différence tient plus à des nuances qu'à des principes fondamentaux » [42]. Daniel Weinstock dénonçait d’ailleurs tous les opposants au multiculturalisme qu’il regroupe, de façon aussi peu sociologiquement ancrée qu’hasardeuse, en trois types : le « nationaliste civique », le « progressiste » et le « conservateur » [43]. Le porte-parole du lobby Anglophone Quebec Community Groups Network se disait heureux que le rapport encourage aussi bien le multiculturalisme que le multilinguisme et que les francophones réalisent qu’il est important d’améliorer la connaissance de l’anglais et des autres langues [44].

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que des voix se soient élevées pour rejeter en bloc la notion d’interculturalisme. Ce concept est perçu comme la version québécoise du multiculturalisme canadien. On lui reproche notamment de n’être « une simple rencontre de cultures diverses, sans prééminence de la majorité historique, qui se trouverait réduite à une culture parmi d’autres » [45]. L’ancien ministre péquiste Joseph Facal écrivit que le  rapport, bien que se montrant critique à l’endroit du multiculturalisme, n’a proposé qu’un succédané à celui-ci [46]. L’ancien premier ministre et leader du PQ Bernard Landry rappelait que René Lévesque était en faveur non pas de l’interculturalisme mais du principe de la convergence culturelle, le premier n’était qu’un «  flirt grossier avec le multiculturalisme » [47]. Pour sa part, Mathieu Bock-Côté, thésard en sociologie de l’UQÀM, reprochait à la commission d’avoir artificiellement distingué l’interculturalisme du multiculturalisme en excluant la troisième option, qui n’est pas sans rappeler celle de Mario Dumont, qui consisterait à affirmer clairement la culture nationale majoritaire [48].  Plus récemment, il s’en prendra dans l’Action nationale  à la consolidation d’un  nouveau régime politique, le régime pluraliste.

La critique la plus étoffée, et probablement la moins lu parce que postée sur le blog Internet du site Vigile, fut rédigée par Fernand Couturier, professeur de philosophie à la retraite. Il reprochait à la commission de ne pas parler de la nation ou du peuple québécois dans les endroits stratégiques de son  rapport pour préférer mettre de l’avant une définition essentiellement civique de la nation qui « permet de conserver les groupes ethnoculturels dans leurs différences identitaires » parmi lesquels se trouve le noyau francophone appréhendé presque exclusivement dans ses dimensions ethnoculturelles. Ce faisant, la nation civique (qui renvoie à des principes politiques, des droits, des normes) ne serait qu’une version tronquée de la nation. Ainsi, l’interculturalisme ne peut se réaliser qu’au sein de cette nation réduite à sa plus simple expression alors que l’unité se réalise aussi au niveau de l’ethnicité, « [c]omme si tous ces secteurs de réalité n’avaient rien de culturel, comme s’ils n’appartenaient pas à l’ethnicité et surgissaient tout bonnement de théories abstraites ». Cette façon d’appréhender le couple nation-interculturalisme n’est pas sans nous rapprocher de la logique du multiculturalisme qui « voit les Québécois francophones comme un gros groupe culturel parmi une diversité d’autres groupes de même nature, mais de moindre importance en nombre » [49].

Dans une perspective différente mais complémentaire, le sociologue Gilles Bourque faisait remarquer que le dilemme de l’interculturalisme (tout comme celui du multiculturalisme d’ailleurs) repose sur le fait que, pour les commissaires, la majorité n’est décrite que comme un groupe ethnique. La représentation des liens communautaires correspond aux interactions entre les groupes ethnoculturels, ce qui rend problématique, voire même contradictoire, la conceptualisation de la « nation » dans la mesure où le  rapport « réunit d’abord tous les citoyens du Québec dans la nation québécoise, et les redistribue par la suite dans une multiplicité de groupes ethniques nettement différenciés » [50]. Ce faisant, le raisonnement ne peut conduire qu’à l’ethnicisation du groupe majoritaire. Dans ce contexte, la question nationale québécoise se voit dépolitisée de telle sorte que « les luttes politiques sans cesses reprises dans l’histoire du Québec à propos de la définition de la communauté nationale et du statut du territoire deviennent des relations chaotiques et inquiètes entre des groupes ethniques » [51]. Le malaise identitaire est donc ramené à sa seule composante psychologique et repose sur des considérations liées à la peur, à l’insécurité, à l’angoisse ressenties par le groupe ethnique majoritaire [52].

D’autres voix plus favorables à l’endroit de l’interculturalisme se sont fait entendre. Pour Pauline Marois d’abord, il s’agit d’une approche à laquelle elle adhère depuis longtemps. La recommandation de la CBT à l’égard de l’officialisation de cette notion est jugée intéressante car elle exprimerait un rejet clair du multiculturalisme canadien [53]. Gérard Bouchard s’est lui aussi porté à la défense des conclusions de la Commission. Il affirmait qu’il était faux de penser que le  rapport ne tenait pas compte de la présence d’un groupe ethnoculturel majoritaire. C’était d’ailleurs sur cette base que le multiculturalisme était écarté. Il demandait quel autre modèle de gestion des  « rapports ethniques » pouvait se substituer au multiculturalisme étant donné que la Commission ne pouvait, compte tenu de son mandat, proposer de solutions politiques au problème identitaire [54]. Pour le ministre Benoît Pelletier, l’interculturalisme ne fait que refléter les particularités du modèle québécois d’intégration dans une société qui affirme son « identité primordialement française, mais néanmoins plurielle » [55], sans toutefois tenter d’expliquer cette contradiction entre primordialisme et pluralisme. Dans une réplique adressée aux propos critiques à l’endroit de l’interculturalisme, Philippe Münch, analyste de la Commission, rappelait que le  rapport mettait l’accent sur l’impératif de préserver la tension entre diversité et continuité du noyau francophone sous l’égide d’une culture publique commune [56]. Il rappelait que le  rapport avait rejeté le multiculturalisme, justement parce que ce modèle est peu préoccupé de continuité.

Ces échanges montrent bien que le nœud du problème demeure la façon dont l’interculturalisme est perçu à la lumière de l’idée que les intervenants se font du multiculturalisme canadien et, plus largement, de la place que le Québec occupe au sein de l’ensemble canadien. S’agit-il de complémentarité ou de rupture ? Pour les uns, l’essentiel est de mettre de l’avant un modèle d’intégration qui s’ancre dans une histoire qui n’est pas désincarnée, d’où les références à la nécessité de la continuité du noyau francophone, mais aussi des valeurs communes et de la mémoire nationale. La combinaison de ces éléments est ce qui permettrait de transcender les particularismes. Pour les autres, la différenciation entre les deux modèles n’est pas assez prononcée, faisant de l’interculturalisme une version provinciale du multiculturalisme canadien. Comme le rappelait Michel David, « [l]a question de l’identité québécoise est trop liée au débat sur l’avenir constitutionnel pour dissocier la sociologie et la philosophie de la politique » [57]. Or, dans le  rapport, il n’est finalement question que de l’avenir culturel du Québec alors que l’enjeu est aussi de nature politique depuis presque quarante ans.

Dès que les commissaires ont rendu publics leurs travaux, le premier ministre Charest s’est empressé d’annoncer un certain nombre de mesures sans prendre le temps d’expliquer en quoi elles s’arrimaient aux recommandations formulées dans le volumineux  rapport. L’Assemblée nationale s’est contentée d’adopter le jour même et à la hâte une motion ne réaffirmant que des truismes. Le débat n’était pas commencé qu’il était déjà clos. Dans l’espace public, quelques voix se sont fait entendre, sans plus. Les propos entendus n’étaient pas nouveaux non plus. Ils reprenaient les termes d’un échange qui renvoie dos à dos deux conceptions différentes de l’avenir politique du Québec.

5. Conclusion

Les propos discordants dont nous avons fait état ne nous étonnent guère. Bien que les spécialistes réfèrent au « modèle interculturel » pour parler de l’aménagement de la diversité au Québec, il n’existe pas de consensus sur la signification à donner à cette notion. Dans un tel contexte, chacun interprète à sa manière ce qu’il entend par interculturalisme. La CBT n’aura pas permis de lever cette ambiguïté. D’une part, elle définit mal la centralité de la nation ou de la communauté politique québécoise comme totalité attractive puisque le cadre de référence n’est que culturel. Le politique n’est pas pris en considération. À cet égard, les conséquences de l’insertion du Québec au sein du Canada ne sont jamais problématisées. Répéter que le Québec a toujours refusé d’entériner la politique canadienne du multiculturalisme et rappeler que ce modèle doit être proscrit n’est pas suffisant. Encore aurait-il fallu prendre la mesure des contraintes que cela induit dans l’espace québécois. En d’autres termes, quels sont les effets délétères d’une approche canadienne concurrente qui favorise à la fois le bilinguisme et l’approfondissement de la cohésion sociale, avec le sentiment de loyauté qui vient en prime ? Dans quelle mesure la Loi sur les langues officielles associée à la politique du multiculturalisme agissent-elles comme un contrepoids à la Charte de la langue française et à la perspective de l’interculturalisme ? Répétons-le, le multiculturalisme fédéral cherche à renforcer le sentiment d'appartenance au Canada et à valoriser la citoyenneté canadienne. L'interculturalisme québécois vise à conforter le sentiment d'appartenance au Québec dans un contexte où la citoyenneté québécoise n’est pas établie. Ces perspectives contradictoires n’ont fait l’objet d’aucune réflexion puisque jugées trop « politiques » par les commissaires.

D’autre part, le  rapport définit la nation par la négative, par sa minorisation, par ses complexes, par sa mémoire blessée, au lieu de la présenter comme État moderne émancipé et fier de son capital de politiques publiques, ce que Gilles Bourque qualifie de pathologie ethno-psycho-identitaire. Les critiques à l’endroit du  rapport Bouchard-Taylor, quant à son ton et à sa représentation d’un Québec inquiet, traversé par un « malaise identitaire », pourraient amener à penser qu’il vaudrait mieux ranger tout cela sur les tablettes et passer rapidement à autre chose. Ce serait une erreur car ce serait oublier que le Québec s’est doté, au fil du temps, d’une politique d’aménagement de la diversité qui n’est pas qu’une simple version provinciale du multiculturalisme canadien.

C’est pourquoi nous nous continuons à soutenir qu’il est important que l’État québécois se dote d’une politique explicite sur l’interculturalisme, ce qui nous permettrait justement de mieux distinguer les modèles en concurrence. Cela devrait prendre minimalement la forme d’un Énoncé de politique, voire d’une législation, ou même, éventuellement, d’une inscription dans la constitution québécoise. Il s’agit d’ailleurs là d’une des recommandations mises de l’avant dans le  rapport de la CBT à laquelle il faudrait donner suite. Nous pensons toutefois que l’idée de rapprochement interculturel ou de convergence culturelle sont insuffisantes, car elles rabattent les  rapports sociaux dans le domaine de la culture. Pour nous, l’interculturalisme trouverait son aboutissement dans une perspective plus large, plus profonde, celle de la citoyenneté qui renvoie au statut légal, à l’accès et l’exercice des droits, à la participation de tous au sein de la communauté politique et au sentiment d’appartenance à un territoire, celui du Québec.

En ce sens, repousser, sans trop y réfléchir, 25 ans d’efforts à développer des politiques inclusives interpellant l’ensemble des citoyens ne ferait que contribuer à faire tomber le Québec de Charybde en Scylla.

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[1] Voir à ce sujet A. Robitaille, « Querelle des accommodements raisonnables », p. 122-128.

[2] Québec, Fonder l’avenir [...], p. 22.

[3] Ibid., p. 269.

[4] F. Rocher et alii, « Le concept d’interculturalisme en contexte québécois [...] ». Cette publication a été réalisée par des chercheurs de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) pour le compte de la CBT.

[5] Québec, Fonder l’avenir [...], p. 99.

[7] Québec,  rapport d'activités [...], p.77.

[8] Québec,  rapport du comité sur l'école québécoise  [...], p. 141.

[9] Québec, Avis à la ministre des Communautés culturelles  [...], p. 5.

[10] Québec, Au Québec pour bâtir ensemble  [...], p. 44.

[11] Québec, Gérer la diversité dans un Québec francophone [...], p. 3.

[12] Québec, Des valeurs partagées  [...], p. 79-96.

[13] Pietrantonio, L., D. Juteau et M. McAndrew , « Multiculturalisme ou intégration [...] », p. 155 ; voir aussi M. McAndrew, « Quebec’s Interculturalism Policy [...] ».

[14] F. Houle, « Citoyenneté, espace public et multiculturalisme [...] », p. 120.

[15] Voir entre autres F. Dumont, Raisons communes, p. 67 ; M. Labelle et alii, « Pluriethnicité, citoyenneté et intégration », p. 221.

[16] G. Bouchard, « Pour une nation québécoise », p. 211.

[17] A.-G. Gagnon, « Plaidoyer pour l’interculturalisme », p. 23 ; A.-G. Gagnon et R. Iacovino, « Le projet interculturel québécois et l’élargissement des frontières de la citoyenneté ».

[18] P. Anctil, « La trajectoire interculturelle du Québec [...] », p. 143.

[19] Pour un survol critique, voir M. Labelle, « De la culture publique commune à la citoyenneté [...] » ; voir également M. Labelle, « Les intellectuels québécois face au post-multiculturalisme : des approches diverses et nuancées ».

[20] M. Labelle et F. Rocher, « Pluriethnicité, citoyenneté et intégration [...] » ; « People Who Live in a Glass House [...] » ; « Debating Citizenship in Canada [...] ».

[21] Québec, Fonder l’avenir  [...], p. 19.

[22] Ibid., p. 114.

[23] Ibid., p. 18.

[24] Ibid., p. 116.

[25] Ibid, p. 118.

[26] Ibid., p. 122.

[27] Ibid., p. 257.

[28] Ibid., p. 41.

[29] Ibid., p. 242.

[30] Ibid., p. 120.

[31] Ibid., p. 125.

[32] Ibid., p. 121.

[33] Ibid., p. 22.

[34] Ibid., p. 64.

[35] B. S. Turner, « Citizenship Studies : A General Theory » ; F. Rocher. « Repenser le Québec dans un Canada multinational » ; J. Brodie, « Citizenship and Solidarity : Reflections on the Canadian Way ».

[36] Sur la question des « valeurs communes », voir la critique de F. Rocher, « Fédéralisme canadien et culture(s) publiques(s) commune(s) [...] ».

[37] La motion se lit comme suit : « Que l'Assemblée nationale réitère sa volonté de promouvoir la langue, l'histoire, la culture et les valeurs de la nation québécoise, favorise l'intégration de chacun à notre nation dans un esprit d'ouverture et de réciprocité et témoigne de son attachement à notre patrimoine religieux et historique représenté notamment par le crucifix de notre salon bleu et nos armoiries ornant nos institutions ». Notons que pendant toute la durée des échanges, il ne fut jamais question de crucifix.

[38] Assemblée nationale du Québec, Débats, 22 mai 2008.

[39] Ibid.

[40] Assemblée nationale du Québec, Débats, 27 mai 2008.

[41] J. Heinrich, « Quebec Diversity is different, Taylor says ».

[42] Consulter le site internet de Radio-Canada : hyperlien.

[43] D. Weinstock, « La crise des accommodements au Québec : hypothèses explicatives ».

[44] H. Bauch, « ‘Accomodating’ reaction from nationalists ».

[46] J. Facal, « Une fausse couche ».

[48] M. Bock-Côté, « Un texte très inquiétant ».

[51] Ibid. Guy Rocher avait aussi soulevé cet aspect qui voyait dans le rapport un texte présentant systématiquement la majorité québécoise francophone comme une minorité. G. Rocher, «Rapport Bouchard-Taylor : une majorité trop minoritaire ».

[52] Gilles Bourque, « L’insécurité d’un groupe ethnique », p. A6.

[53] Consulter le site internet de Radio-Canada : hyperlien.

[55] Benoît Pelletier, « Vivre ensemble ».

[57] M. David, « Un choix politique ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 8 octobre 2016 5:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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