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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Danielle Juteau, L’ethnicité et ses frontières. (2015)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Danielle Juteau, L’ethnicité et ses frontières. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 2015, 2e édition revue et mise à jour, 306 pp. Collection “PUM”. [L’auteure nous a accordé, le 27 août 2019, conjointement avec la direction des Presses de l'Université de Montréal, l’autorisation de diffuser en accès libre à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[5]

Avant-propos

Quinze ans après la première édition de ce livre, l’ethnicité demeure un objet polémique, qui attire et qui repousse, qui fascine et qui inquiète. Dans le champ scientifique d’abord, l’on interroge sa pertinence, même aux États-Unis, qui représentent pourtant le berceau de la sociologie des relations ethniques. Penser l’ethnicité serait, dans le meilleur des cas, quasi indissociable du substantialisme ou de l’essentialisme ; dans le pire, cela reviendrait à créer un objet inexistant, à plaquer sur le réel des catégories fictives qui sèmeraient la pagaille en ce bas monde.

Dans le champ politique, l’idéologie pluraliste bat de l’aile un peu partout en Occident. Les attaques contre le World Trade Center à New York en 2001 et plus récemment sur la colline parlementaire à Ottawa en octobre 2014, ou contre Charlie Hebdo en janvier 2015, nourrissent une opposition qui se conjugue à celle des détracteurs qui défendaient, au nom de l’égalité, de l’universalisme et du républicanisme, un modèle de type assimilationniste. Ainsi, l’idéologie pluraliste, qui était liée à une vision nouvelle de la coexistence ethnique, se voit assaillie tant sur sa gauche que sur sa droite.

Et pourtant… l’ethnicité se retrouve au cœur des dynamiques sociétales et transnationales, dans un contexte caractérisé par la redéfinition des frontières ethniques et la réapparition du marqueur religieux. Partout, elle imprègne les débats, sur la migration, l’intégration, les capacités d’absorption des sociétés dites d’accueil, les bienfaits ou les méfaits du multiculturalisme. Les frontières opposent désormais un Eux à un Nous se sentant de plus en plus menacé par l’Autre qui est souvent musulman.

[6]

C’est pourquoi j’ai préparé une deuxième édition de l’ouvrage paru aux Presses de l’Université de Montréal en 1999, qui a rejoint un large public, suscité de fructueux échanges et continue à orienter les travaux et enseignements de chercheurs au sein de l’univers scientifique francophone.

Pour appréhender les formes nouvelles, multiples et changeantes de l’ethnicité, je suis partie, comme par le passé, à la recherche des relations et rapports sociaux qui en orientent le mouvement. Je persiste à faire de l’ethnicité un objet d’analyse, une question sociologique centrale qu’il faut cerner et approfondir, une préoccupation partagée par les nombreux chercheurs que nous aborderons dans ce livre. J’y poursuis le même projet intellectuel, qui récuse l’essentialisme et le réductionnisme, privilégie les processus constitutifs des frontières, des identités et des collectivités ethniques. Le groupe ethnique y apparaît comme un fait social qu’il faut expliquer, en fonction notamment des relations de communalisation et des rapports à l’intérieur desquels elles se cristallisent.

Si cet ouvrage reprend dans ses grandes lignes l’approche relationnelle, constructiviste, matérialiste et transversale échafaudée auparavant, je cherche à l’actualiser et, au besoin, à l’infléchir, à l’approfondir et à l’élargir. Pour l’actualiser, j’examine les principales thèses explorées dans les travaux contemporains : le nouvel essentialisme (Modood), le substantialisme (Brubaker), l’occultation des rapports de pouvoir et de domination (Stone), l’absence d’agentivité (Bastenier), le fondationnalisme (Back et Spivak), les niveaux d’étanchéité des frontières (Alba), le paradigme de la construction des frontières — boundary making paradigm — (Wimmer), l’intersectionnalité (Bilge, Collins, Falquet) et les critical race theories sur l’articulation de la pensée décoloniale et antiraciste.

Pour l’infléchir, je fais un retour sur les concepts fondamentaux de l’approche constructiviste matérialiste, sur l’analyse transversale des rapports sociaux ethniques et sur la primauté accordée aux frontières collectives de préférence à leur traversée individuelle.

En troisième lieu, j’approfondis le lien entre le processus de communalisation et la construction (Weber) de la face externe des frontières ethniques, de même qu’entre la formation historique de la nation (Bauer) et sa face interne ; je cherche aussi à creuser l’imbrication des dimensions concrètes et symboliques de l’ethnicité. Je précise ma démarche méthodologique, de [7] type diachronique plutôt que synchronique, la théorisation renvoyant ici à un objet empirique qui se transforme et se déplace dans le temps.

Et, enfin, j’élargis ma recherche par l’ajout d’articles qui rejoignent des préoccupations contemporaines : les formes nouvelles d’imbrication des rapports sociaux, les débats concernant l’homogénéité des catégories sociales, l’incessante redéfinition des frontières nationales et la transformation des frontières de la citoyenneté.

Au terme de cet exercice, ce livre diffère sensiblement de L’ethnicité et ses frontières de 1999. Des chapitres ont été supprimés, d’autres modifiés et d’autres encore ajoutés. Ils sont regroupés en sous-sections et leur ordre de présentation suit un ordre thématique plutôt que temporel, faisant ainsi ressortir la logique de l’argumentation.

Dans une nouvelle introduction, j’évoque mes questions de départ et signale mon insatisfaction face aux réponses alors offertes par la sociologie, je présente les objectifs poursuivis, retrace l’essentiel de mon cheminement intellectuel, y précise mon approche et l’évalue à l’aune des travaux contemporains.Mais avant de passer à cette étape, je tiens à remercier ceux qui ont rendu ce livre possible, en premier lieu l’équipe des Presses de l’Université de Montréal, dont Sylvie Brousseau pour un travail d’une rare qualité, et son directeur Antoine Del Busso, pour la confiance qu’il m’a toujours témoignée et l’aide d’exception qu’il m’a apportée. Je remercie tout autant ceux et celles avec qui j’ai poursuivi mes discussions sur l’ethnicité et ses frontières, ou qui encore l’ont utilisé dans leurs travaux et disséminé auprès des étudiant.es. Enfin, plus près de moi, mes filles Alexandra et Natasha, et Boris, qui m’ont accompagnée et soutenue pendant toutes ces années.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 6 octobre 2019 18:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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