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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Richard Jones, “L’idéologie du Parti québécois.” Un article publié dans l’ouvrage publié sous la direction de Fernand DUMONT, Jean-Paul MONTMINY et Jean HAMELIN, IDÉOLOGIES AU Canada FRANÇAIS, 1940-1976. Tome III. Les partis politiques — L’Église, pp. 235-263. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1981, 360 pp. Collection: Histoire et sociologie de la culture, no 12. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, Chomedey, Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée le 7 décembre 2009, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[235]

IDÉOLOGIES AU Canada FRANÇAIS,
1940-1976.

Tome III. Les partis politiques — L’Église.

L’idéologie du Parti québécois.”

par Richard Jones

[pp. 235-263.]


I. La confédération canadienne, un carcan
II. Un Québec indépendant
III. Le passage d'une société imparfaite à un monde meilleur


Des historiens situent les origines du nationalisme canadien-français dans les premières décennies du dix-huitième siècle et même avant. Mais s'il est vrai que beaucoup de Québécois ont été nationalistes, peu d'entre eux, du moins jusqu'à ces dernières années, ont épousé la cause de l'indépendance politique. Certains nationalistes se sont consacrés à la défense des minorités franco-catholiques des autres provinces, comme lors de l'affaire des écoles du Manitoba et de la crise entourant Règlement XVII en Ontario, par exemple. D'autres ont voulu combattre l'impérialisme britannique sous toutes ses formes et, ce faisant, ils se sont mis en travers d'une partie importante de la majorité anglophone au Canada. Pour d'autres nationalistes, les principaux combats se déroulaient chez nous, au Québec : il s'agissait de défendre un mode de vie, une civilisation, qu'on pouvait qualifier de rurale, agricole et cléricale. Bref, de l'avis des nationalistes, les adversaires étaient les anglo-protestants, ou les Américains, ou les impérialistes britanniques, ou les Juifs, ou les partisans d'une société urbanisée et industrialisée suivant le modèle nord-américain. L'ennemi contre lequel on s'acharnait était rarement le régime politique, c'est-à-dire, depuis 1867, la Confédération canadienne.

Non pas que les nationalistes aient été d'ardents défenseurs du régime fédéral, tant s'en fallut dans bien des cas. Groulx lui-même a souvent exprimé son pessimisme quant à la survie de la Confédération canadienne et il aurait sans doute versé peu de larmes si elle s'était effondrée de son vivant. Avant les années 1960, les nationalistes avaient relativement peu d'intérêt pour la chose politique. [236] Du moins croyaient-ils que les maux dont souffrait le Québec n'étaient pas principalement d'ordre politique et donc que les remèdes ne le pouvaient être non plus. Pour beaucoup d'entre eux, la question nationale était donc largement une question culturelle, spirituelle.

Le Parti québécois marque un tournant significatif dans l'histoire du nationalisme québécois. Il diffère des mouvements et partis nationalistes antérieurs, exception faite, bien entendu, de quelques groupements de petite taille nés depuis 1959, en ce sens qu'il rejette carrément la Confédération canadienne et propose la souveraineté politique du Québec. Mais, encore plus important, ce parti estime que le problème québécois est surtout un problème politique et que les solutions sont également politiques. Pourtant, l'analyse de la société que font les péquistes ne s'arrête pas à la Confédération canadienne. De nombreux militants, bien avant la prise du pouvoir, ont parlé d'un « projet de société » et le programme du parti, dans ses diverses versions depuis la fondation du P.Q., touche tous les secteurs de la vie. Certes, les problèmes diagnostiqués ont toujours des solutions politiques. Le programme dans son édition de 1969 mentionne, par exemple, que puisque 70 pour 100 des travailleurs ne sont pas syndiqués l'État devra obliger les employeurs à mettre sur pied dans leurs établissements une convention collective partielle comportant, entre autres, au moins les taux des salaires prévalant dans le secteur en cause [1]. Il y a pénurie de logements pour les familles à revenus modiques ? L'État doit élaborer une véritable politique de l'habitation [2]. Les autres problèmes appellent aussi des solutions politiques. Donc, on fait état d'une politique d'urbanisme, d'une politique de la famille, d'une politique de santé, d'une politique pacifiste en matière de défense nationale, d'une politique de la culture, d'une politique de l'enseignement, d'une politique de la recherche, d'une politique économique, etc. Aucun parti au Québec n'a mis autant l'accent sur le rôle interventionniste de l'État. De nombreux critiques du programme du parti, y voyant l'image de l'État envahisseur, ont qualifié le Parti québécois de « socialiste ». Suivant les définitions classiques du socialisme, d'après lesquelles l'État devient propriétaires [237] des moyens de production lorsque le parti socialiste accède au pouvoir, le Parti québécois ne propose pas le socialisme. Mais il est indéniable que l'idéologie péquiste privilégie l'État interventionniste. Les partisans de ce parti politique ne se qualifient généralement pas de socialistes non plus mais préfèrent l'appellation, difficile à définir, de social-démocrates.

Certes, le Parti québécois a son aile gauche qui envisage l'établissement éventuel d'une république socialiste. Ce groupe a eu une certaine influence sur le programme du parti, particulièrement après 1972, par exemple dans le document du Conseil exécutif, Prochaine étape... quand nous serons vraiment chez nous, où l'on met de l'avant la cogestion et l'autogestion [3] ainsi que diverses autres formules visant à la « valorisation du citoyen ». Lors du 4e congrès national, tenu les 24, 25 et 26 février 1973, le parti est allé un peu plus loin dans le sens souhaité par les « participa­tionnistes ». L'assemblée a accepté deux résolutions soumises par la section de Montréal-Est portant sur la « juridiction » des travailleurs en matière d'entreprises. L'une d'elles se lisait : « À l'ouvrier, au travailleur, au salarié, l'État devra garantir la possibilité d'exercer, par l'entremise de conseils d'ouvriers ou comités d'entreprises, juridiction sur la marche de son entreprise (c'est-à-dire le niveau de salaire, les conditions de travail, l'embauche et les licenciements et l'administration ; bénéfices, investissements, etc.). Cette juridiction devra s'exercer en coordination avec les objectifs de la planification nationale démocratiquement élaborée [4]. » D'abord d'accord avec la proposition, l'assemblée a accepté de reconsidérer son vote après des interventions dans le sens de la modération de Jacques-Yvan Morin, de Michel Bourdon et d'autres. Cette fois-ci, la résolution fut battue. Une deuxième résolution définissait les modalités d'application de la première : « L'exercice du pouvoir par les travailleurs dans les entreprises (ou lieux de travail) se réalisera d'une façon progressive selon ce que les travailleurs décideront eux-mêmes dans chaque entreprise, et correspondant au développement de la compétence gestionnaire des salariés [5]. » La résolution prévoyait aussi l'établissement par l'État de centres de formation économique et administrative pour [238] rendre possible et faciliter la gestion aux travailleurs. La direction du parti a voulu que l'assemblée reconsidère, et rejette, cette résolution également mais les délégués, craignant la trop forte influence du Conseil exécutif, ont cette fois-ci voté de nouveau en faveur de la résolution [6]. D'autres résolutions adoptées à l'occasion de ce congrès prévoyaient un accroissement du rôle de l'État dans l'orientation et la marche de l'économie et marquaient une préférence pour le type coopératif de propriété et pour les formes collectives d'organisation. Les délégués ont aussi demandé la commutation des sentences des trois chefs syndicaux, Marcel Pepin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau, emprisonnés, disaient-ils, parce qu'ils accomplissaient le mandat qui leur avait été donné par des milliers de travailleurs. Une résolution visant à nationaliser la compagnie Bell Canada a cependant été rejetée par une faible majorité.

Mais malgré les succès occasionnels de l'aile gauche, une grande partie des militants du parti ainsi que la plupart de ses dirigeants ont eu tendance, en matière sociale, à préférer la voie de la prudence et du « réalisme » à celle du changement radical. Si une large fraction des partisans de la gauche ont accepté de demeurer à l'intérieur du parti ou du moins à l'appuyer électoralement, c'est peut-être faute de mieux, ou bien qu'elle voit l'accession à la souveraineté politique comme la condition indispensable à la réalisation de son projet de société. Si l'indépendance se réalise un jour, il ne serait pas surprenant de voir le Parti québécois se scinder en au moins deux partis, l'aile gauche préférant se retirer pour établir son propre parti. En attendant, le projet de souveraineté rend la cohabitation possible et même nécessaire, quoique pas toujours facile.

Dans les pages qui suivent, nous examinerons l'idéologie du Parti québécois. Mais, au départ, nous avouons notre gêne devant l'usage même du mot « idéologie » dans les circonstances. Mot peut-être à la mode de nos jours, nous l'utilisons souvent dans des circonstances où nous devrions parler plutôt de programme, ou d'attitude, ou d'opinion. Les sociologues donnent un sens plus précis au mot : il s'agirait d'une représentation globale de la société. [239] Nous croyons que tout système idéologique renferme des considérations sur un monde nouveau à créer et qu'au fond le partisan d'une idéologie est un être foncièrement insatisfait. Dans le cas du Parti québécois, le monde nouveau à créer, c'est bien entendu le Québec souverain, peut-être lié sur le plan économique à une association avec le reste du Canada mais en tout cas maître de ses propres destinées. C'est le vieux thème de « maîtres chez nous » qui s'affirme une fois de plus quoique de façon beaucoup plus globale qu'auparavant. Si le militant péquiste est insatisfait, c'est parce qu'il vit encore en régime confédératif canadien et que les destinées des Québécois sont en grande partie tributaires de la volonté de la majorité canadienne, anglaise donc, qui domine le gouvernement fédéral.

  Comme nous l'avons déjà dit, le monde nouveau du péquiste ne s'arrête pas à la proclamation de l'État québécois souverain. Pour lui, l'indépendance est présentée comme un moyen, non une fin, même si, pour de nombreux militants, le moyen paraît sans doute plus important que la fin. Cette impression est bien naturelle car l'indépendance est un rêve beaucoup plus passionnant que, disons, les fusions et les regroupements des chemins de fer et des lignes aériennes auxquels elle mènerait [7] ! Il est évident que la réalisation de l'ensemble des réformes proposées dans le programme du Parti québécois exigerait un travail soutenu de plusieurs années. Par contre, l'indépendance, si les Québécois finissaient par l'accepter, pourrait s'accomplir en l'espace de quelques mois. Pour beaucoup de militants péquistes, surtout ceux des premières années, c'est l'indépendance qui signifie la véritable libération des Québécois et elle est donc au centre du projet péquiste.

L'adepte d'une idéologie est généralement convaincu que l'histoire finira par lui donner raison. Le nazi ne doutait pas de la domination éventuelle du monde par la race supérieure. Le chrétien croit au salut de l'âme du juste. Pour le communiste, l'avènement éventuel du communisme est inscrit dans le déroulement de l'histoire, à travers les guerres des classes. Et le nationaliste a la certitude que la libération de la nation s'accomplira un jour. Dans sa préface au livre Option-Québec, Jean Blain affirme : « Il apparaît [240] indiscutable que le Québec est tout entier engagé sur la voie irréversible de la souveraineté [8]. » Pour René Lévesque, il s'agissait d' « acquérir la pleine liberté politique du Québec, que nous croyons non seulement nécessaire, mais d'ores et déjà inévitable [9] ». Dix ans plus tard, maintenant premier ministre, René Lévesque proclame : « Il est... de plus en plus assuré qu'un nouveau pays apparaîtra bientôt démocratiquement sur la carte [10]. » Inévitabilité historique ? Il s'agit là d'un problème dont se sont préoccupés très longuement les théoriciens marxistes. Pour Marx lui-même, la révolution prolétarienne devait être spontanée, mais pour d'autres marxistes il fallait éduquer et organiser le prolétariat afin qu'il se lève et réalise sa mission historique. Les péquistes n'échappent pas à cette apparente contradiction. En même temps que René Lévesque affirme que l'accession à la souveraineté politique est inéluctable, il déclare que cette « chance historique » est « fugitive », qu'il faut donc savoir la saisir, et en profiter, maintenant, sinon il sera trop tard [11]. Bref, le militant d'une idéologie, quoique certain que l'histoire favorisera l'avènement du nouvel ordre, ne veut pas prendre de risques ; il ne pourra guère encourager les adeptes à se mettre à l'oeuvre s'il ne cesse de proclamer que l'histoire se chargera de faire leur travail. Les militants de toutes les idéologies combinent donc la certitude du triomphe éventuel de leur cause à la conviction qu'eux, comme militants, ont un rôle capital à jouer dans cette évolution. Les militants péquistes ne font pas exception à cette règle.

Après ces remarques préliminaires, nous pouvons affirmer qu'il existe un contenu idéologique certain dans le projet péquiste. Certes, le programme lui-même ne constitue pas une idéologie mais il renferme des indications d'ordre idéologique. C'est ce que nous tenterons de faire ressortir. Plus précisément, nous voudrons répondre à trois questions : 1° Quelle est la nature de ce monde québécois du présent, insatisfaisant à tel point qu'il faille le modifier en profondeur ? 2° Comment sera le monde nouveau que les militants péquistes espèrent créer ? 3° Par quels moyens propose-t-on de passer de la société présente et imparfaite à la société future, améliorée ?

[241]


I. - La confédération canadienne, un carcan

Dans l'idéologie péquiste, la Confédération canadienne est présentée comme un régime qui entrave le développement normal du Québec dans tous les domaines. Elle ne peut jouer en notre faveur car elle consacre partout notre état de minorité. Le Canada est constitué de dix provinces ; le Québec est la seule province francophone. Le Canada est composé de deux grands groupes linguistiques : un groupe est majoritaire, les anglophones ; l'autre minoritaire, les francophones.

Le gouvernement fédéral tend l'oreille surtout au groupe majoritaire dont les intérêts auront toujours préséance sur ceux des francophones. L'histoire est là pour attester ce fait. Au Canada, les franco-catholiques ont souvent été bafoués et leurs droits, là où ils en ont eu, progressivement restreints et supprimés. Aujourd'hui les minorités francophones dans les provinces dites anglaises s'éteignent rapidement : les recensements décennaux l'indiquent d'une manière irréfutable. Les Québécois ne doivent pas subir le même sort mais, pour l'éviter, il faut quitter la Confédération.

La critique du régime ne se fait pas que sur le plan ethnique même si ce facteur nous semble de loin le plus important. Comme pour presque tous les nationalistes québécois, l'autonomie provinciale a aussi été au centre des préoccupations des péquistes. D'autres nationalistes, dans le passé, appelaient leurs partisans sur les remparts : nous devons défendre nos droits contre un gouvernement anglo-protestant sans quoi nous serons assimilés. Les péquistes, eux, vont plus loin car ils prétendent que la défense de nos droits passe par le rapatriement à Québec de toutes les compétences législatives qui relèvent actuellement d'Ottawa, ce gouvernement étranger. Mais ils défendent leur thèse souverainiste en reprenant aussi de nombreux arguments d'autres nationalistes québécois, non indépendantistes, voire ceux des défenseurs de l'autonomie provinciale dans les autres provinces canadiennes. On met donc l'accent sur des thèmes tels que les suivants : le système fédératif est un système inefficace et coûteux puisqu'il suppose un difficile partage des responsabilités et surtout que le gouvernement [242] fédéral tend à s'arroger de plus en plus de pouvoirs ; il implique souvent un dédoublement d'efforts par les deux sortes de gouvernement qui travaillent parfois l'un contre l'autre ; les gouvernements provinciaux sont plus proches de leurs citoyens et donc mieux en mesure d'apprécier leurs besoins qu'un gouvernement lointain à Ottawa.

Certains aspects plus rationnels de la discussion sont venus s'y ajouter plus tard, sous l'impact peut-être de la critique de non-péquistes. Ceux-ci estimaient que l'analyse péquiste portait trop sur des questions culturelles, linguistiques, sentimentales même, et que le parti ignorait tout de la question économique. Il était sous-entendu que l'économie constituait le talon d'Achille du Parti québécois et que, devant les réalités économiques, la thèse péquiste constituait une solution dangereuse, certainement très coûteuse. Sans doute le Parti québécois s'est-il cru obligé de revoir certains arguments et en particulier de mettre un nouvel accent sur la question économique. Ces nouveaux chapitres dans l'idéologie péquiste prouvaient que le Québec payait plus qu'il ne retirait de la Confédération canadienne et donc qu'il était avantageux, pour des raisons financières, que le Québec se retire de la Confédération. Les Québécois seraient mieux sur le plan économique s'ils se séparaient.

Dans une brochure intitulée le « Coup » du fédéralisme, le Parti québécois disait résumer les principales révélations d'un rapport fait par le ministère des Affaires intergouvernementales et remis au gouvernement Bertrand. Que faut-il en conclure, selon le Parti québécois ? « L'existence de la Confédération, loin d'être rentable pour le Québec, défavorise son développement. » Les Québécois, pour le privilège d'être « de simples locataires dans leur propre maison », doivent payer un « prix exorbitant [12] ». plus précisément, le Parti québécois affirme, après son examen du rapport, que les sommes dépensées ou versées au Québec par Ottawa, de 1963 à 1968, furent inférieures de plus d'un milliard de dollars aux revenus fédéraux provenant du Québec, soit un déficit moyen de deux cents millions de dollars par année. Les paiements fédéraux faits par le biais de programmes tels la péréquation, les allocations [243] familiales et l'assurance-chômage sont financés, en réalité, par les Québécois eux-mêmes, en tant que contribuables. Guy Joron, député de Gouin de 1970 à 1973, se fait bien le porte-parole de la thèse souverainiste lorsqu'il déclare, à l'Assemblée nationale, que « la concentration au seul gouvernement du Québec des impôts que les Québécois payent aujourd'hui, moitié à Ottawa et moitié à Québec, permettra, non seulement de fournir aux citoyens les mêmes services que leur procurent aujourd'hui deux niveaux de gouvernement, mais de fournir, en plus, un programme intégré de revenu minimum garanti sans augmenter le fardeau fiscal des contribuables [13]... » Dans la même brochure, on examine d'autres politiques fédérales et leur impact sur le Québec. Pour ce qui est des dépenses de développement du gouvernement fédéral, il ressort que le Québec est  grandement défavorisé par rapport au reste du Canada. Sur un autre plan, la part des dépenses fédérales en matière de recherche que reçoit le Québec est très inférieure à l'importance démographique de la province. Notre taux de chômage est sensiblement plus élevé que celui de l'Ontario à cause d'une « politique économique fédérale qui, systématiquement, année après année, favorise l'Ontario plutôt que le Québec [14] ». En ce qui concerne les transports, le Québec reste morcelé et mal équipé à cause de la politique fédérale. Politique agricole, politique de l'énergie, voilà deux autres domaines où les politiques fédérales jouent contre le Québec. En somme, tous peuvent constater le retard du Québec sur l'Ontario et sur le reste du Canada. Or, ce retard s'explique principalement par les diverses politiques économiques du gouvernement fédéral qui nous ont constamment désavantagés. Le fédéralisme n'est donc pas rentable et le facteur économique vient appuyer la cause indépendantiste. Lorsque nous aurons l'indépendance, lorsque nous serons libérés des entraves du régime fédéral, nous pourrons avoir un vrai gouvernement qui pourra se préoccuper de nos problèmes.

Les chefs péquistes nous offrent des variantes de cette analyse générale de la situation québécoise dans la Confédération canadienne. Il faut démolir la maison de fous, selon René Lévesque. « Le cadre centenaire du Canada n'a plus guère pour effet que de [244] rendre sans cesse plus malaisés, entre les deux parties (les francophones et les anglophones), l'entente, le respect mutuel ainsi que les changements et les progrès dont l'une et l'autre ont absolument besoin [15]. » Les structures canadiennes sont sclérosées, les chevauchements administratifs entretiennent la confusion et l'immobilisme. Pour Camille Laurin, le régime fédéral est « un des plus sérieux obstacles » à l'épanouissement du Québec ainsi qu'une « menace à son existence même [16] ». Au vingtième siècle, et surtout depuis 1950, poursuit le docteur Laurin, Ottawa a étendu ses pouvoirs, souvent avec la complicité des autres gouvernements provinciaux qui tendaient à considérer le gouvernement fédéral comme leur gouvernement. Québec doit donc s'émanciper du régime fédéral où il vit de plus en plus à son péril.

Si l'accent, dans l'idéologie péquiste, semble être mis sur le régime fédéral, jugé insatisfaisant pour le Québec, l'analyse porte aussi sur l'homo quebecensis de nos jours ainsi que sur la société québécoise actuelle. Il faudrait évidemment transformer l'homme et la société. Mais on ne pourra le faire que le jour où on sera libéré du régime confédératif.

L'homme québécois d'aujourd'hui, avant la libération, est un « être inachevé ». Le Québécois a grandi sous le signe de l'ambiguïté et de l'ambivalence. Il est « incapable d'intégrer les éléments de sa riche personnalité, d'harmoniser ses aspirations et son action, d'inscrire ses rêves dans la réalité, de secouer les tutelles, de vaincre ses peurs, d'affronter l'inconnu à ses risques et périls, d'assumer pleinement sa liberté, son histoire et son existence [17] ». Toujours prêt à se défendre, lui-même, sa langue, ses valeurs, il s'est constamment méfié de l'étranger, du monde extérieur et, ainsi, n'a pu en profiter.

Pour la plupart des péquistes, le Québécois est un être colonisé, d'abord par les Français, ensuite par les Britanniques, finalement par les Américains. « Chacun de ces empires nous a asservis, a vécu sur l'habitant, nous a utilisés, bousculés, manipulés, contraints, aliénés [18]. » Nous nous y sommes résignés car la docilité, la servilité étaient compensées par une certaine participation, [245] minoritaire bien entendu, à la richesse de ces empires. Situation qu'à travers les siècles nous sommes venus à accepter comme normale, naturelle. Nous en sommes venus à croire que nous étions nés pour un petit pain et que notre destin ne pouvait être à la mesure de celui de nos conquérants. Nous avons donc été incapables de poursuivre un développement normal et nous nous sommes distingués de plus en plus par un sentiment d'infériorité et d'insécurité. Nous n'avons pas haï notre conquérant ; secrètement nous l'avons admiré, du moins ses succès, sa richesse, son pouvoir, souvent nous avons voulu être comme lui.

Et l'asservissement que nous avons connu crée justement les conditions qui favorisent sa perpétuation. Si le Québécois se sait inférieur, n'a-t-il pas besoin que l'Anglais soit dans le paysage pour voir à la bonne marche des affaires ? S'il se sait constamment menacé dans sa survie, n'aura-t-il pas peur d'ébranler les structures existantes de crainte que l'avenir ne soit pire que le présent ? Rendre les Québécois capables de croire à leur propre libération, c'est là le défi. Le reste suivra. La Révolution tranquille du début des années 60, sans ébranler le régime confédératif, a amené beaucoup de Québécois à croire en eux-mêmes et en leurs capacités. Pour René Lévesque, la Révolution tranquille a effectivement créé un élan dont il faut profiter. A ce moment, dit-il, « nous avons posé les premiers jalons de cette maîtrise collective d'un certain nombre d'instruments essentiels faute de quoi aucune communauté humaine ne peut se sentir vraiment chez elle ». Nous avons prouvé qu'il y a chez nous la « capacité de faire notre « ouvrage » nous-mêmes [19] ».

Quant à la société québécoise, comment est-elle insatisfaisante ? En gros, la critique péquiste à ce sujet pourrait être décrite comme progressiste. D'autres préféreraient les mots social-démocrate. Il y a dans le programme du P.Q. un parti pris évident pour le petit, pour les groupements défavorisés, économiquement, socialement. On souhaite pousser plus loin les réformes de la Révolution tranquille afin de rendre le Québec plus humain. Le programme révèle ce que les péquistes jugent les aspects insatisfaisants de la société québécoise contemporaine. Sur le plan social, le salaire minimum [246] est trop bas, les charges familiales sont insuffisamment compensées, il y a de flagrantes inégalités fiscales qui font que le riche n'est pas assez taxé alors que les petits et moyens salariés paient plus que leur part. La famille ne bénéficie pas de la reconnaissance qu'elle est en droit d'attendre de la société. Les consommateurs ne sont pas protégés de façon adéquate. Le syndicalisme n'est pas encore accepté comme un élément normal et indispensable de la vitalité économique. Le bien commun souffre du trop grand nombre et de l'ampleur excessive des conflits de travail. La sécurité et la dignité du travailleur ne sont pas reconnues par notre régime économique. Une partie importante de la population est toujours mal logée. Bref, les lacunes sur le plan social sont criantes.

Sur le plan économique, quel est ce régime qui doit être remanié en profondeur ? « L'économie du Québec n'est pas vraiment sous-développée mais elle fonctionne mal parce qu'elle est vieillie, mal équilibrée et divorcée de la société québécoise », dit le programme de 1973 [20]. Les signes en sont la pauvreté, le chômage, une croissance plutôt lente, des disparités grandissantes de revenus et le contrôle étranger. Nos ressources humaines et naturelles ne sont pas assez mises en valeur. Le rôle de l'État sur le plan économique est actuellement trop peu développé pour faire face à la révolution technologique actuelle et poursuivre de grandes politiques de développement visant à la fois à favoriser le progrès et la croissance économique et à réaliser l'objectif social à long terme de « construction d'une société urbaine et semi-urbaine basée sur les services [21] ». Nos propres entreprises, y compris le secteur coopératif, ont trop souvent jusqu'ici bénéficié d'un traitement de deuxième ordre ; leur place dans notre économie demeure donc secondaire quand elle n'est pas nulle. L'agriculture québécoise est en voie de disparition et « la classe agricole est présentement la principale victime du système fédéral actuel [22] ».

Dans l'édition de 1969 du programme du nouveau parti, la vie culturelle jouit d'une place de choix, occupant les premières pages du document. On y dit que la société est actuellement peu en mesure d'accéder à tout l'héritage de la culture et de participer à son enrichissement car l'école traditionnelle est bien plus un lieu [247] d'acquisition de connaissances et non de formation sociale et culturelle. Malgré les grands projets de la Révolution tranquille, « la véritable réforme scolaire est à peine amorcée [23] » : la pédagogie doit être refaite, l'école devra préparer à la vie, toutes les catégories de citoyens devraient jouir d'une chance égale d'accès à l'éducation. En outre, le français, langue de la très grande majorité des citoyens, n'a pas chez nous le statu auquel il a droit. Quant aux moyens de communication, la radio et la télévision, le cinéma, les journaux, etc., ils nuisent trop souvent à tout effort de redressement national.

Finalement, sur le plan politique, les institutions actuelles doivent être remodelées car elles sont trop peu démocratiques ou trop peu efficaces, trop peu progressistes ou trop peu dynamiques, de toute façon mal conçues, comme tout le régime confédératif d'ailleurs, pour concourir au mieux-être matériel, social et culturel du Québec et des Québécois.

Bref, l'homme québécois et la société québécoise sont à changer profondément. Pour que l'homme change, la société doit changer. Pour transformer la société, l'État doit jouer le rôle prépondérant. Mais il faudrait que ce soit le gouvernement d'un Québec souverain qui joue ce rôle. Le mini-gouvernement québécois actuel ne pourrait accomplir la tâche. La condition absolument indispensable à toute révolution sociale et humaine est alors le retrait du régime confédératif et l'accession du Québec à l'indépendance. C'est clair. Sans indépendance, il n'y a pas de transformation sociale et humaine. L'on ne peut espérer créer la nouvelle société et le nouvel homme à l'intérieur du régime actuel.


II. - un Québec indépendant

Il ne fait pas de doute que l'acquisition de la souveraineté politique a toujours été et demeure la raison d'être du Parti québécois. Néanmoins, cette constatation vaut d'être soulignée. De nombreux observateurs de la scène politique québécoise actuelle ont imaginé que, devant la difficulté de parvenir à cet objectif, le Parti québécois [248] finirait par comprendre, par s'adapter, et qu'il deviendrait un bon parti de centre gauche, réformiste, non révolutionnaire, à la manière du N.P.D. dans d'autres provinces canadiennes. Mais il reste que, si la chose devait se produire, le Parti québécois ne serait plus le Parti québécois. L'objectif fondamental est justement la transformation du régime, et, sans cette transformation, il serait illusoire d'espérer bâtir une société nouvelle. Les militants péquistes sont clairs là-dessus, quoique peut-être plus nuancés à mesure que la décennie des années 70 avance.

Malgré de nombreuses tractations sur le sujet, les péquistes de 1979, tout comme ceux des premières heures, souhaitent officiellement l'instauration de la souveraineté politique liée à une association économique avec le reste du Canada. L'ancêtre du Parti québécois s'appelait, d'ailleurs, le Mouvement Souveraineté-Association et la thèse est explicitée par René Lévesque dans son volume Option Québec. Les péquistes voient la souveraineté-association comme le moyen de concilier l'aspiration à l'indépendance et la nécessité d'interdépendance avec l'extérieur et notamment avec le Canada anglais. Elle permettrait aux Québécois d'assumer leurs propres responsabilités, situation tout à fait normale pour un peuple adulte parvenu à la maturité, et elle créerait les conditions par lesquelles ils pourraient accepter librement de s'associer à d'autres peuples dans la réalisation d'objectifs communs, notamment par la formule d'un marché commun. La souveraineté donnerait aux Québécois la pleine maîtrise de leur devenir collectif. René Lévesque écrit sur le sujet : « Il s'agit non seulement pour nous de la seule solution logique à la présente impasse canadienne ; mais voilà aussi l'unique but commun qui soit exaltant au point de nous rassembler tous assez unis et assez forts pour affronter tous les avenirs possibles - ce projet suprême qu'est le progrès continu d'une société qui prend en mains la direction de ses affaires [24]. » Mais, à notre époque, on met de plus en plus l'accent sur la coopération internationale par le truchement de groupements économiques, unions douanières, marchés communs, etc. Voilà donc la justification d'une association économique. Prévoyant les critiques, Lévesque admet que certains [249] verront l'association comme une entrave à l'indépendance. À cela le président du parti répond que l'on doit éviter de s'emballer pour des « mirages » ou des « absolus périmés ». D'autres risqueraient de voir la promesse d'une association comme une espèce de planche de salut : nous serions obligés de recourir à une association avec le Canada anglais car tout seuls nous sommes trop démunis. Non, soutient Lévesque, nous acceptons librement, parce que la souveraineté politique consacrera l'égalité entre les deux peuples, cette association économique.

Depuis 1968, année où le Parti québécois fut fondé pour supplanter le Mouvement Souveraineté-Association, les péquistes s'efforcent de préciser le contenu d'une éventuelle association. Pour Lévesque, déjà en 1968, une monnaie québécoise n'est pas vraiment nécessaire et une union monétaire, du moins transitoire, serait utile au départ. Une union douanière serait souhaitable également : entre nous et le Canada, il n'y aurait pas de tarifs ; face aux tiers, les deux parties auraient les mêmes tarifs. Certes, des accords sur d'autres sujets seraient possibles - par exemple, concernant l'enseignement aux minorités linguistiques - mais il est difficile de préciser davantage sans que l'éventuel partenaire dans l'association accepte d'en discuter.

Il n'en reste pas moins que l'enthousiasme des militants est suscité par la vision de l'indépendance politique, non par celle d'une association avec le Canada anglais. Pour cette raison, le débat a porté principalement sur la souveraineté et l'association demeure une préoccupation secondaire. Dans les textes officiels, l'accent est clair. Par exemple, dans la présentation du programme de 1978, adopté lors du 6e congrès national tenu à Montréal en mai 1977, René Lévesque, maintenant premier ministre, soutient que deux « principes fondamentaux » forment « l'épine dorsale » du programme péquiste : d'une part, la souveraineté nationale, à laquelle « le parti ne saurait renoncer sans se trahir [25] » ; d'autre part, « un souci de promotion humaine » qui conduit les péquistes à travailler pour bâtir une société qui sera axée sur la justice, le bien-être et l'épanouissement individuel et collectif. Ce n'est que dans le dernier paragraphe que Lévesque mentionne le « nouveau contrat [250] d'association économique avec le reste du Canada » qui accompagnera la souveraineté politique. Dans le premier chapitre du programme, intitulé « Objectifs généraux », on affirme que la collectivité québécoise « a toujours manifesté sa volonté de développer sa culture propre. Mais il lui est devenu évident avec le temps, que cet objectif ne peut être atteint que par une maîtrise complète des leviers de sa vie politique. » Plus loin on dit jusqu'à quel point le Québec a été contraint d'abandonner de plus en plus de pouvoir au gouvernement fédéral, comment le régime fédéral canadien bloque « l'unique gouvernement que contrôle cette majorité [francophone] », comment le développement économique se fait au détriment des intérêts du Québec. « Aucune collectivité ne peut accepter indéfiniment, sans perdre sa dignité et sans risque mortel pour sa survie, de confier à d'autres son propre destin [26]. » Enfin, dans le dernier paragraphe de cette introduction, on affirme que le Québec possède « toutes les ressources nécessaires pour assurer sa propre souveraineté politique », mais qu'il est conscient des nécessités de l'interdépendance entre les collectivités. Le Parti québécois s'engage donc à « réaliser la souveraineté politique du Québec » et à « proposer au Canada une association économique mutuellement avantageuse [27] ». Le deuxième chapitre s'intitule « L'accession à l'indépendance »et on y proclame le droit des peuples à l'autodétermination.

L'accent est donc clair. C'est principalement à un combat pour l'accession à la souveraineté politique que nous sommes conviés. Sous bien des aspects, comme le font remarquer les porte-parole de l'option fédéraliste, l'association souhaitée existe déjà, quoique les militants péquistes affirment qu'il faudrait la remanier profondément car nous n'y avons pas consenti librement. Lorsque les péquistes exposent leur thèse et invitent les électeurs à endosser la souveraineté-association, c'est la souveraineté qu'ils privilégient. Sans la souveraineté, qui donnerait aux Québécois la maîtrise des leviers politiques, il ne peut y avoir d'association véritable.

Naturellement, surtout depuis que le Parti québécois est devenu le gouvernement provincial et qu'il a promis d'organiser un référendum par lequel les Québécois pourront décider de leur avenir, [251] l'incertitude entourant la mise en place éventuelle de la souveraineté-association a favorisé l'éclatement de vives controverses, autant à l'intérieur du parti qu'à l'extérieur, autant chez les sympathisants péquistes que dans le camp fédéraliste. Il n'est plus suffisant que les idéologues du parti présentent un projet à très long terme qui demeure à caractère général. Ils doivent de plus en plus céder la place aux stratèges qui tenteront de préciser les voies par lesquelles le Québec pourra parvenir à la souveraineté, et aux théoriciens du court terme qui chercheront à élaborer le contenu de la souveraineté-association au cours du débat sur le référendum.

Depuis les années 60, plusieurs projets de révision de la Constitution canadienne ont vu le jour et les sondages faits au Québec démontrent clairement que la majorité des Québécois favorisent un fédéralisme remanie qui accroîtrait sensiblement l'autonomie dont jouit le gouvernement provincial québécois. Les militants péquistes, cependant, ont tôt fait de rejeter toute solution qui ne comporterait que des modifications au régime fédéral actuel. Pour eux, une nouvelle Constitution, légèrement révisée, proclamant l'égalité de deux nations à travers le Canada, est une utopie irréaliste et même dangereuse pour le Québec. Plusieurs nationalistes québécois, tels Daniel Johnson, Claude Ryan, Marcel Faribault et Paul Gérin-Lajoie, ont tenté d'élaborer des projets de statut particulier qui ferait du Québec une province pas comme les autres. Pour René Lévesque, ces vaines tentatives traduisent « l'expression de la peur devant l'inévitable » et « l'hésitation irréfléchie devant le choix final [28] ». C'est aussi un pari, « celui où des dirigeants affolés se réfugient dans la promesse d'étapes verbales, dont l'éclat augmente au même rythme que l'incohérence. C'est un pari de routine intellectuelle et de peur du changement, s'accrochant à l'ordre établi pendant que la réalité est en train de la faire éclater [29]. » Lévesque y voit aussi une contradiction flagrante car les tenants de cette thèse semblent chercher à la fois la liberté et une espèce d'assurance tous-risques contre la liberté. L'énergie et le dynamisme des Québécois de nos jours ne doivent pas se dissiper dans des combats qui seront sans lendemain et qui risquent de les [252] épuiser avant même qu'ils ne s'engagent dans la vraie bataille. Il faut donc rien de moins que la souveraineté politique.

Le Québec nouveau sera un Québec libre, politiquement du moins. Mais il sera aussi un Québec où il fait meilleur vivre car le parti vise, à travers l'indépendance, à améliorer le régime de vie des Québécois et à transformer la société québécoise. Les programmes traduisent le souci constant pour un environnement plus sain, une société plus humaine, un régime économique qui favorise davantage les travailleurs, des améliorations sociales qui résolvent les problèmes qui affligent les éléments défavorisés de la société.

Bien sûr, il s'agit d'un programme à long terme dont les principales réalisations ne pourront s'accomplir qu'après l'indépendance. En ce sens, le programme est différent des programmes des partis dits traditionnels qui concentrent leur attention sur l'immédiat et n'entrevoient vraiment pas une refonte de la société. Au mieux, ces programmes sont réformistes alors que les péquistes qualifient leur programme de révolutionnaire car il doit mener à des changements profonds de la société. Certes, en 1976, lors de la campagne électorale, le Parti québécois, se comportant comme d'autres partis, a fait un nombre limité de promesses électorales, réalisables dans le court terme, qui serviraient de guide aux députés lors du mandat. Lorsqu'il se présentera de nouveau devant le peuple, il sera encore obligé de se préoccuper particulièrement du court terme. Telle est la rançon du pouvoir. Mais il reste que depuis 1968 le Parti québécois a un programme à long terme qu'il remanie à l'occasion de chaque congrès et qui constitue un plan détaillé pour bâtir la société québécoise de demain.

La plus récente version du programme, celle de 1978, indique les objectifs généraux que l'on vise ainsi que les réformes précises pour les réaliser dans quatre domaines d'activité : politique, économique, social et culturel. Sur le plan politique, l'objectif est bien entendu l'acquisition de la souveraineté politique. Mais plus précisément, le Québec de demain aura une nouvelle constitution avec pleine reconnaissance des libertés civiles, son système électoral comportera une dose de proportionnalité, l'appareil gouvernemental [253] et administratif sera plus fonctionnel et humanisé, la décentralisation locale et régionale sera favorisée puisque « l'institution municipale est la forme d'organisation politique la plus familière et celle qui permet d'établir les liens les plus directs entre les citoyens et leurs représentants [30] ». L'appareil judiciaire sera moins complexe et plus proche du simple citoyen.

Sur le plan économique, le Québec souverain aura plus de maîtrise sur sa propre économie et mettra fin à la domination étrangère. Le fonctionnement de l'économie sera démocratique et les travailleurs auront leur mot dans les décisions à prendre. L'exploitation des travailleurs disparaîtra et l'économie répondra aux besoins de l'ensemble des Québécois plus qu'à ceux d'une petite minorité privilégiée. Chaque citoyen aura un revenu minimum garanti. Les critères de rentabilité économique seront subordonnés aux critères de rentabilité sociale. Les investissements publics s'accroîtront dans certains secteurs et le niveau de vie augmentera. L'écart de revenus entre riches et pauvres diminuera et les disparités régionales seront atténuées. Les décisions à caractère économique seront prises, le plus possible, par des instances locales.

Le chapitre sur les entreprises est révélateur du genre de société que les péquistes ambitionnent de bâtir, révélateur aussi de l'influence croissante sur le programme de l'aile « participationniste », ou l'aile gauche, du Parti québécois. La critique du système capitaliste qu'on y trouve est double. D'une part, l'économie est dominée par les grandes entreprises privées dont la plupart sont étrangères. D'autre part, le travail, dans ces entreprises, est déshumanisé et les travailleurs n'ont aucun rôle à jouer dans les décisions qui les affectent. À la suite de cette analyse, on ne s'étonne guère que le parti privilégie, « comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie une extension soutenue du secteur public..., particulièrement dans les secteurs dont l'impact est majeur sur l'orientation du développement économique [31] ». La petite et moyenne entreprise, parce que largement francophone, aura son statut particulier dans la nouvelle économie québécoise, le secteur coopératif aussi. Pour le Parti québécois, les entreprises coopératives, avec les entreprises publiques, offrent « plus de possibilités [254] pour l'établissement de formules d'autogestion des entreprises, de façon à remettre l'orientation économique des entreprises à tous les intéressés [32]. » Le programme dit aussi que l'entreprise sera étroitement réglée afin qu'elle contribue réellement au développement de l'économie autochtone. On trouve peu de précisions cependant sur les modalités proposées en vue d'humaniser le travail dans les entreprises. Les services publics prendront un développement accru dans le Québec nouveau, notamment dans le domaine des transports et des communications. Nos institutions financières seront régies de sorte que les capitaux québécois contribuent au développement du Québec. Les compagnies privées dites « de finance » seront interdites et les opérations liées au crédit à la consommation confiées aux institutions financières publiques et coopératives. L'économie sera restructurée et modernisée et les différents agents économiques élaboreront un plan indicatif de développement économique faisant état des objectifs, des demandes et des projets de chaque instance. Par un programme d'achat chez nous, le Québec produira davantage des produits qu'il consomme. On favorisera l'expansion de l'industrie lourde, en particulier la sidérurgie et les industries connexes. Une politique générale de l'énergie viendra stimuler à la fois la conservation et l'approvisionnement de l'énergie. En matière agricole, un Québec indépendant suffira largement à ses besoins, du moins dans les domaines où il profite d'avantages comparatifs. Au lieu de laisser mourir l'agriculture, l'État prendra les moyens nécessaires en vue de l'encourager et de la rentabiliser. L'exploitation forestière se fera conformément aux intérêts des Québécois et mettra fin aux grandes concessions privées. La Société d'exploration minière aura un rôle de recherche, d'exploration et d'exploitation beaucoup plus important à jouer. L'État aura sa politique de l'amiante et, conformément aux soucis pour le travailleur, un Québec nouveau établira une législation sur les devoirs sociaux de l'industrie minière et forcera cette dernière à améliorer la sécurité dans les mines. Le tourisme, les pêcheries et l'aménagement régional sont d'autres secteurs dont un Québec indépendant se préoccupera du développement.

[255]

La disparition du joug fédéral permettra au Québec de déterminer ses propres priorités dans la vie sociale et spécialement d'instaurer une plus grande justice sociale basée sur la juste répartition de la richesse et sur l'élimination complète de la pauvreté. On réalisera l'égalité complète de l'homme et de la femme dans tous les secteurs de la vie. Le gouvernement s'intéressera davantage à la santé des citoyens. Il encouragera la syndicalisation générale ainsi que l'association des travailleurs à la prise de décisions qui les impliquent. On convertira le secteur commercial des biens et des services en un secteur basé sur des coopératives autogérées par les employés et les consommateurs. Les citoyens seront logés en fonction de leurs besoins plutôt qu'en fonction de leurs moyens. On améliorera la qualité de la vie et on s'occupera de la préservation de l'environnement.

L'accent sur les catégories relativement défavorisées de la population est clair dans l'analyse sociale du Parti québécois, Par exemple, après l'exposition des objectifs généraux en matière de « Notre vie sociale », le programme traite de la sécurité de revenu. Il y est fait notamment état d'une suite de mesures visant à accroître le pouvoir d'achat des citoyens les plus démunis afin qu'ils puissent subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Concernant la politique familiale, le parti s'engage comme gouvernement à prendre des dispositions en vue de soulager les charges financières accrues que comporte une famille pour un couple. Sensibles au problème de l'assimilation et de la dénatalité, les militants du Parti québécois souhaitent que des mesures législatives viennent encourager les couples à avoir des enfants. Il y aura un réseau complet de services de garde gratuits, un salaire au foyer pour les conjoints séparés ou les veufs ou veuves qui ont la charge d'enfants et des congés de maternité et de paternité ; en ordre, on intégrera les charges familiales à l'intérieur d'un programme québécois de revenu annuel minimum garanti. Dans le domaine de la santé, il faut élargir l'application du régime d'assurance-santé et mettre fin à l'exploitation des citoyens par l'industrie pharmaceutique dans le domaine des médicaments. Dans le chapitre touchant les conditions de travail, le tout premier article traite du salaire [256] minimum. Pour ce qui est des relations de travail, il faut favoriser la syndicalisation massive des travailleurs qui permettra leur libération collective. Par le biais de la syndicalisation, les travailleurs pourront participer aux décisions qui les concernent à tous les niveaux. Dans le monde de la consommation, le Québec nouveau verra à se protéger contre les excès et les abus qui y ont cours. Les personnes âgées et les familles à faible revenu, fortement désavantagées dans la société actuelle, seront mieux logées dans un Québec nouveau. On défendra les droits des locataires ainsi que ceux des petits propriétaires. Afin d'éliminer les abus d'un développement urbain chaotique, on fera une planification dans ce secteur. La guerre sera déclarée contre les pollueurs, et la société nouvelle aura sa Charte de la qualité du milieu de vie. Les personnes âgées auront enfin un revenu décent et bénéficieront des services dont elles ont besoin. On prendra les dispositions nécessaires pour permettre à ces gens de vivre le plus longtemps possible dans leur propre résidence. Pour ceux qui ne le pourront plus, l'État établira un réseau de foyers où ils seront hébergés et où ils auront les soins nécessaires.

Ce nouveau Québec connaîtra une vie culturelle dynamique digne d'un peuple parvenu à la maturité. Le français deviendra partout la langue d'usage au Québec et les Québécois sortiront enfin de leur situation de colonisés. Au niveau de l'éducation, les écoles seront meilleures et favoriseront la créativité de l'étudiant. L'éducation permanente deviendra un outil véritable de promotion sociale pour les travailleurs et, à cette fin, ils bénéficieront d'un système de congés. Le gouvernement favorisera la décentralisation pédagogique et administrative. Dans les universités et les collèges, les professeurs et les étudiants participeront de façon paritaire à la vie pédagogique et la gratuité scolaire à tous les niveaux sera instituée ainsi qu'une période de service civique obligatoire. En ce qui concerne les communications de masse, un Québec souverain « aura le pouvoir d'assurer la libre expression de toutes les opinions tout en répondant aux aspirations culturelles du peuple québécois [33] ». Les loisirs et les sports seront développés et on encouragera [257] la participation des citoyens à l'enrichissement de la vie culturelle.

Tel sera donc le Québec nouveau que le Parti québécois souhaite bâtir après l'indépendance. En éliminant l'exploitation, cette société favorisera la libération des travailleurs, la création d'un nouvel homo quebecensis fier de sa culture, fier de la société dans laquelle il vit. Mais le problème demeure : comment passer de cette société relativement insatisfaisante qui est la nôtre, celle dont le développement est sans cesse entravé par le régime confédératif, à la société meilleure, celle d'un Québec indépendant ? L'instrument de cette révolution est le Parti québécois ; quant aux modalités, elles n'ont jusqu'ici été précisées que dans une certaine mesure.


III. - Le passage d'une société imparfaite
à un monde meilleur

Les militants péquistes soutiennent que leur parti est différent des autres partis qui agissent sur l'échiquier politique québécois. Ils voient leur parti comme un parti vraiment démocratique. Pour citer André Larocque, un des militants de la première heure et ancien candidat à la présidence du parti : « Le Parti québécois constitue le seul mouvement politique à grande échelle au Québec qui ait authentiquement tenté, en profondeur, l'expérience de la démocratie vécue. C'est un parti qui, dès sa fondation en octobre 1968, s'est voulu voué à la participation maximale de ses membres, au contrôle réel de ses dirigeants, à la démocratisation totale de son financement, au contrôle farouchement exclusif de la fabrication de son programme par ses associations locales [34]. » Voilà donc deux éléments essentiels : les grandes orientations du parti, ainsi que les programmes, viennent de la base, consultée régulièrement en associations et à l'occasion de congrès nationaux. Financé par les militants eux-mêmes, le parti est au service de ses membres et des citoyens et non d'entreprises dont la générosité est fonction de la faveur qu'elles comptent obtenir du gouvernement. Les vieux partis, disent les péquistes, « ont les mains liées aux [258] milieux d'affaires ou aux corporations qui les financent en coulisses » alors que le Parti québécois est « libre de toute attache parce qu'il est financé par des milliers de personnes de toutes les classes de la société [35] ». Le Parti québécois est donc le véhicule par lequel les Québécois pourront accéder à l'indépendance et bâtir une société nouvelle.

Comment le Parti québécois accomplira-t-il ses ambitions ? Il a toujours dit qu'il réaliserait l'indépendance par voie démocratique, c'est-à-dire comme conséquence d'une décision libre des citoyens. Mais au départ, il s'est peu préoccupé des détails de ce processus. On supposait simplement que les citoyens prendraient leur décision lors d'une élection. En portant le Parti québécois au pouvoir, ils déclencheraient automatiquement le processus d'accession à la souveraineté. Un gouvernement péquiste négocierait avec les autres provinces ou avec le gouvernement fédéral les conditions du retrait du Québec de la Confédération. Si le Canada anglais refusait de négocier, le Québec procéderait unilatéralement. Le programme de 1970 dit aussi : « L'État québécois négociera, au moment de l'avènement de la souveraineté ou dès que le climat sera favorable aux accords d'association économique, avec le Canada [36] », plus précisément une union douanière et une union monétaire. Ces mêmes réflexions sont reprises dans la version de 1971 du programme [37].

Lors du 4e congrès du parti en février 1973, certains dirigeants du parti soutiennent que le Parti québécois devrait tenir, après son accession au pouvoir, un référendum sur la question de l'indépendance. L'accueil fait à cette suggestion, faite entre autres par Jacques Parizeau, a été plutôt froid et le texte de la résolution adoptée se lit : « Étant donné que le Parti québécois préconise clairement l'indépendance du Québec, la souveraineté sera acquise en principe par proclamation de l'Assemblée nationale sans qu'il soit nécessaire de recourir au référendum. Le gouvernement mettra immédiatement en branle le processus d'accession à la souveraineté, la passation des pouvoirs et les transferts de compétence pouvant s'échelonner sur quelques mois [38]. » Mais, avant même que le congrès ne se termine, des dirigeants du parti font remarquer que [259] la résolution n'interdit pas la tenue d'un référendum et Lévesque lui-même se réfère, dans son discours de clôture, à cette « consultation indispensable avant de partir à notre compte [39] ». L'ambiguïté demeure donc dans le programme publié en mai 1973 qui affirme qu'un référendum ne sera tenu que pour approuver la nouvelle Constitution [40]. De nouveau, le « séparatisme » sera le thème de l'élection de 1973 qui voit les appuis des péquistes augmenter à environ 30 pour 100, même si le nombre de députés péquistes diminue à six seulement. Dans les derniers jours de la campagne surtout, les péquistes reviennent sur la tenue éventuelle d'un référendum mais la promesse non équivoque de tenir une telle consultation n'est pas encore intégrée au programme du parti.

En septembre 1974, Claude Morin publie un document intitulé « L'accession démocratique à la souveraineté » où il se donne pour but de rendre plus claire la position du parti sur le référendum. Dans les mots de Morin, la question est de savoir « si notre parti doit ou non fournir aux Québécois des garanties formelles qu'ils pourront de nouveau exprimer leur avis avant que l'indépendance ne soit un fait accompli [41] ». Pour Morin, la réponse à cette question doit être affirmative. Non, il ne veut pas remettre en question l'option de base du parti. Cependant, «  il est essentiel que le parti montre son intention de conduire le Québec à la souveraineté d'une façon qui colle mieux à la mentalité et au milieu québécois et qui soit, de la sorte, plus acceptable à notre population [42] ». Sans doute Morin voulait-il attirer des électeurs qui, tout en préférant le Parti québécois en tant que parti ou à cause de son programme sur le plan social et économique, craignaient d'engager le Québec, au même moment et irrévocablement, sur le chemin de l'indépendance politique.

La proposition de Morin en fera le père de l'« étapisme » dans le Parti québécois. Pour lui, le processus d'accession à la souveraineté est très complexe et ne peut s'effectuer du jour au lendemain. Il faudra bien du temps pour doter le Québec de tous les attributs matériels et juridiques nécessaires à l'exercice pratique et quotidien de la souveraineté. Le parti peut très bien amorcer le processus en accédant au pouvoir mais Ottawa peut aussi bien refuser [260] de négocier. Quelle pression le Québec pourrait-il exercer sur le gouvernement fédéral ? L'opinion publique est sûrement le moyen de pression le plus efficace dont dispose le Québec. Si un gouvernement péquiste refusait de tenir un référendum sur la question de l'indépendance, les critiques pourraient lui reprocher de craindre le résultat. En effet, le Parti québécois devra solliciter l'opinion de la population. En outre, si le parti promettait de tenir un référendum, les électeurs sauraient clairement que leur geste posé au moment de l'élection n'était pas, sur la question de l'indépendance, irrémédiable et définitif. Puisque le Parti québécois sera probablement obligé de consulter la population de toute façon, pourquoi ne pas prévoir explicitement un tel référendum dans le programme ? Sans changer notre conviction fondamentale, prétend Morin, le référendum rassurerait des milliers d'électeurs disposés à nous essayer mais qui hésiteraient autrement.

En novembre 1974, lors du 5e congrès du Parti québécois, le texte du programme sur les modalités d'accession à l'indépendance est modifié. Le nouveau texte prévoit toujours que le parti s'engage à mettre immédiatement en branle le processus d'accession à la souveraineté dès qu'il sera élu. Ensuite, cependant, le programme le spécifie, « Advenant qu'un gouvernement du Parti québécois ait à procéder unilatéralement, il assumera méthodiquement l'exercice de tous les pouvoirs d'un État souverain en s'assurant au préalable de l'appui des Québécois par voie de référendum [43]. » Le nouveau texte n'est toujours pas aussi clair que Morin l'aurait voulu, mais 353 des 983 délégués qui ont voté sur la question se sont prononcés contre l'idée d'un référendum. Le programme présenté à l'électorat en 1976 comporte cependant une promesse encore plus formelle qui engage le parti à  « s'assurer par voie de référendum et au moment où il le jugera opportun, à l'intérieur d'un premier mandat, de l'appui des Québécois sur la souveraineté du Québec [44] ». Nul doute que la modification a contribué fortement au succès électoral du parti lors des élections du 15 novembre 1976.

À mesure que le référendum s'approche, le débat porte sur la question qui sera posée aux votants, sur le contenu d'une éventuelle [261] association avec le Canada et sur de nombreux scénarios maintenant hypothétiques mais qui pourraient se réaliser d'ici quelque temps : par exemple, comment forcera-t-on le Canada anglais à négocier une association ? Si les Québécois approuvent la souveraineté-association lors du référendum, comment fera-t-on pour accéder à la souveraineté si Ottawa refuse carrément de négocier ? Ottawa ne pourrait-il pas envoyer des troupes comme en 1970 ? Ces questions sont réservées aux stratèges plutôt qu'aux idéologues. Mais le débat est quand même symptomatique des problèmes que connaissent les partis idéologiques lorsqu'ils arrivent au pouvoir et que devient évidente la très grande difficulté de créer le monde qu'on voudrait bâtir.

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Le Parti québécois fait la critique d'un régime et d'une société. Pour améliorer la société, la rendre plus humaine, il faut abolir le régime. Il faut briser les entraves que comporte notre présence dans la Confédération canadienne, responsable de la plus grande partie de nos difficultés. Si le peuple québécois devenait souverain, il serait lui-même responsable de sa propre situation et il pourrait se mettre à construire la société voulue. Les penseurs du parti ont effectivement, à travers les années, développé un plan fortement détaillé de cette nouvelle société. Mais, à mesure que le succès vient et que le pouvoir s'approche, d'autres problèmes, imprévus au départ, se posent. Serons-nous jamais capables de réaliser l'indépendance telle que les militants la comprennent ? Pourrons-nous payer les réformes que nous désirons ? Nos ambitions politiques nuiront-elles à la situation économique ? Et le contexte économique influera-t-il sur nos possibilités politiques ? Ce sont sûrement des questions comme celles-là qui intriguent ceux qui étudient l'idéologie du Parti québécois.

Richard JONES.



[1] PARTI QUÉBÉCOIS, Programme, Édition 1969, p. 62.

[2] Idem, p. 64.

[3] Montréal, Les Éditions du Parti québécois, 1972, pp. 126-129.

[4] 4e Congrès national du Parti québécois, Édition définitive des résolutions, février 1973, p. 41.

[5] Idem, et le Devoir, 26 février 1973.

[6] Cette deuxième résolution a été intégrée au programme, voir : Un gouvernement du Parti québécois s'engage... ; programme officiel, Montréal, Éditions du Parti québécois, 1973, pp. 90-91.

[7] PARTI QUÉBÉCOIS, Programme, Édition 1969, p. 42.

[8] René LÉVESQUE, Option Québec, Montréal, Éditions de l'Homme, 1968, p. 11.

[9] Idem, p. 45.

[10] IDEM, la Passion du Québec, Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1978, p. 213.

[11] IDEM, Option Québec, p. 45.

[12] Notre choix c'est le Québec ! Et vous ? Le « Coup » du fédéralisme, Montréal, Éditions du Parti québécois, s.d., p. 2 (Coll. « Actualité »).

[13] L'Indépendance économique... combien ? Montréal, Éditions du Parti québécois, 1973, pp. 12-13.

[14] Le « Coup » du fédéralisme, p. 15.

[15] LÉVESQUE, Option Québec, p. 30.

[16] Témoignage de Camille Laurin : Pourquoi je suis souverainiste ? Montréal, Éditions du Parti québécois, s.d., p. 41 (Coll. « Le Citoyen », n° 2).

[17] Idem, p. 5.

[18] Idem, p. 7.

[19] LÉVESQUE, Option Québec, p. 26.

[20] Un gouvernement du Parti québécois s'engage.... p. 37.

[21] PARTI QUÉBÉCOIS, Programme, Édition 1969, p. 35.

[22] L'Agriculture chez nous, Montréal, Éditions du Parti québécois, s.d., p. 36 (Coll. « Actualité »).

[23] Gilbert PAQUETTE et Raymond LEMIEUX, À quand la réforme scolaire ? Montréal, Éditions du Parti québécois, 1972, p. 9.

[24] LÉVESQUE, Option Québec, p. 39.

[25] Programme officiel du Parti québécois, Éditions 1978, p. 3.

[26] Idem, p. 7.

[27] Idem. L'italique est nôtre.

[28] LÉVESQUE, Option Québec, p. 13.

[29] Idem, p. 50.

[30] Programme officiel du Parti québécois, Édition 1978, p. 10.

[31] Idem, p. 18.

[32] Les Coopératives... la solution ? Montréal, Éditions du Parti québécois, 1973, p. 71 (Coll. « Le Citoyen », nos 9-10).

[33] Programme officiel du Parti québécois, Édition 1978, p. 46.

[34] André LAROCQUE, Pour un parti fidèle au Québec et à lui-même, p. 1.

[35] Qui finance le Parti québécois ? Montréal, Éditions du Parti québécois, s. d., p. 3 (Coll. « Le Citoyen », n° 4).

[36] La Solution : le programme du Parti québécois, Montréal, Éditions du Jour, 1970, p. 21.

[37] PARTI QUÉBÉCOIS, le Programme ; l'action politique ; les statuts et règlements, Édition 1971, Montréal, Éditions du Parti québécois, s. d., p. 6.

[38] « Le PQ ne tiendra pas de référendum », le Devoir, 26 février 1973.

[39] Ibidem.

[40] Un gouvernement du Parti québécois s'engage..., p. 12.

[41] Le Soleil, 26 septembre 1974.

[42] Ibidem.

[43] Idem, 18 novembre 1974.

[44] Le même texte apparaît dans le Programme officiel du Parti québécois, Édition 1978, p. 7.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 25 juillet 2011 16:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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