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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'idéologie de l'Action catholique, (1917-1939). (1974)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Richard Jones, L'idéologie de l'Action catholique, (1917-1939). Québec: Les Presses de l'Université Laval, 1974, 359 pp. Collection Histoire et sociologie de la culture, no 8. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude., bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac Saint-Jean, Québec. [Autorisation formelle accordée le 7 décembre 2009, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

[1]

L’idéologie de l’Action catholique (1917-1939)

INTRODUCTION



Un journal catholique
Méthodologie
L'influence du journal



Un journal catholique

L'Action catholique est un journal chargé d'une mission. Elle a une doctrine : il faut la propager. Cette doctrine, c'est sa conception du catholicisme ; la terre de mission, c'est le Québec.

À l'encontre de bon nombre de journaux qui, tout en ayant leur vision du monde, s'intéressent principalement à rapporter les événements à mesure qu'ils se produisent, l'Action est un journal à caractère idéologique. Autrement dit, l'Action se préoccupe d'interpréter l'actualité à la lumière d'une conception du monde qui traduit la situation historique des Canadiens français et catholiques. Dans sa doctrine, on trouve une description détaillée des aspects non satisfaisants du passé et du présent et, de plus, une définition plutôt vague de la future société parfaite, idéale, celle à laquelle on voulait parvenir.

Tout système idéologique, en effet, renferme quelques précisions sur un monde meilleur. S'agit-il de la société sans classes, comme le prône le marxisme ? Cherche-t-on plutôt la domination du monde par une race supérieure, l'idée maîtresse des nazis ? Ou peut-être espère-t-on l'indépendance de la nation, son émancipation de la tutelle coloniale, comme le désirent les nationalistes du Tiers-Monde ? Les chrétiens de l'immédiat après-guerre, pour leur part, souhaitent sans doute une vie terrestre où il y aurait moins d'égoïsme, d'avarice, d'impiété, ces vices humains qui sont à l'origine de la misère du monde. Ainsi la juste colère d'un Dieu sévère serait-elle apaisée et il consentirait sûrement à mettre fin aux fléaux périodiques dont il affligeait une humanité désobéissante. Quant à l'Action catholique, sa mission consiste à répandre l'idée de cette société future suggérée par les enseignements de l'Église catholique.

Il va de soi que l'adepte d'une idéologie, quelle qu'elle soit, demeure un être foncièrement mécontent. Même quand il est convaincu que l'histoire finira par lui donner raison, la société idéale n'est pour lui qu'une promesse abstraite qui contraste tristement avec le monde dans lequel il vit. Tout en brossant un tableau du paradis [2] terrestre qu'il espère voir concrétisé un jour, il lui faut, de plus, exposer, aussi bien que dénoncer, ce qui ne le satisfait pas dans le présent. Quel est, en effet, cet ordre de choses que l'on doit changer ? Quels sont les obstacles qu'il faut surmonter ? Qui sont les adversaires qui résistent à cette évolution ou tentent de la détourner dans un autre sens ? Pour les marxistes, ce sont des ennemis de classe, les capitalistes. Pour les nazis, les Juifs constituaient le principal adversaire. Pour les nationalistes, il faut combattre les puissances colonialistes ainsi que leurs collaborateurs, les « rois nègres ». Quant à l'Action catholique, nous verrons qu'elle compte ses adversaires par légions entières.

Après ces quelques considérations d'ordre général, il nous est possible de proposer une définition pour les deux mots « révolution » et « contre-révolution ». La révolution, dans son acception la plus large, est synonyme de changement complet, de transformation de grande envergure, dans une société donnée. Ainsi ne pourrait-on pas qualifier le partisan de toute idéologie, quelle qu'elle soit, de « révolutionnaire », du moins en ce sens qu'il souhaite une évolution, un mouvement plus ou moins rapide vers un état de choses plus « parfait » ? Peut-on alors parler de « contre-révolutionnaire » ou de « réactionnaire » ?

Si nous introduisons maintenant la notion de « progrès », certains éclaircissements deviennent possibles. Depuis le début de l'ère moderne, l'homme semble mener un perpétuel combat pour la libération individuelle et pour l'égalité sociale [1]. À travers les vicissitudes de l'évolution de l'homme, ces deux séries de révolutions ne signifient-elles pas une amélioration de sa condition ? N'est-ce pas là le vrai sens du « progrès » ?

De façon générale, le réactionnaire ou le contre-révolutionnaire [2] est celui qui cherche à freiner et même à supprimer cette évolution qui risque de compromettre la réalisation de ses ambitions. L'utopie des idéologies dites contre-révolutionnaires se trouve soit dans une consolidation de l'ordre établi, soit dans un retour au passé, à une époque révolue mais toujours évoquée avec nostalgie.

Qu'en est-il de l'Action catholique ? Nous tenterons de montrer que l'idéologie disséminée par le journal catholique de Québec est, [3] en grande partie, une idéologie de retour au passé ou de conservation de l'ordre établi, une idéologie réactionnaire [3]

D'ailleurs l'Action catholique ne s'en défend même pas. Si, depuis, les expressions « contre-révolutionnaire » et, à plus forte raison, « réactionnaire », ont acquis un sens tellement péjoratif que ceux qui sont réactionnaires cherchent d'autres termes pour se définir, il n'en est rien pour l'Action catholique des années 20 et 30 : à maintes reprises, elle s'identifie comme favorable à la « réaction » ou à la « contre-révolution [4] ». Par contre, le mot « révolutionnaire » a pour elle un sens habituellement très péjoratif [5].

[4]

Nous avons choisi, pour cette étude, la période 1917-1939, c'est-à-dire la période de l'entre-deux-guerres. La première guerre mondiale, qui éclate en août 1914, met fin à une vague révolutionnaire caractérisée par la montée des partis socialistes et par un accroissement rapide du nombre des conflits industriels. Le début de la guerre nationale signifie partout « l'Union sacrée », la trêve dans la guerre civile. Dès 1917 cependant, une nouvelle vague révolutionnaire gronde, et c'est en Russie qu'elle remportera son premier grand triomphe.

L'extrême-gauche et l'extrême-droite interprètent toutes deux la période 1917-1939 comme marquant une confrontation totale, une lutte à finir entre le communisme et le capitalisme, entre l'Est et l'Ouest, entre les forces de la révolution et celles de l'ordre. Ces illusions ne se dissipent qu'à la veille de la deuxième guerre mondiale qui oppose les dictatures fascistes aux autres puissances. La Russie se retrouve finalement dans le même camp que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France libre. La confrontation si longtemps attendue entre les puissances anticommunistes et l'Union soviétique n'a pas lieu. Ainsi peut-on conclure que 1939 marque la fin d'une période.

*  *  *

La mission dont l'Action catholique est officiellement chargée est celle de généraliser, de « populariser » les enseignements de l'Église catholique. Elle doit définir la société meilleure tant recherchée en s'appuyant, entre autres, sur les encycliques pontificales ; elle doit dénoncer sans compromis les obstacles qui se dressent devant elle ; elle doit lutter vaillamment contre ceux - toujours nombreux - en qui elle voit ses ennemis. Plus spécifiquement, dans sa lettre pastorale annonçant la création de l'Action catholique, le cardinal Bégin insiste sur la nécessité de combattre les « idées fausses » et les « doctrines malsaines [6] ». L'œuvre de la presse catholique consiste à conjurer ce péril.

Comment l'Action catholique précise-t-elle sa propre mission ? Quel est le monde nouveau qu'elle veut aider à bâtir ? C'est un monde qui aura appris à reconnaître « le bien supérieur de la Religion et de la Patrie [7] », affirme la direction dans le premier numéro du journal. [5] C'est un monde, répond l'abbé Édouard-Valmore Lavergne quelques années plus tard, qui sera libéré des « orgies du paganisme » et amené « sur les hauteurs aux pieds du Christ-Roi [8] ». Plus prosaïquement, c'est un monde dont la stabilité sociale et religieuse sera assurée, un monde où les idées fausses, dangereuses et malsaines n'auront plus cours, souci bien compréhensible à cette époque de révolution et d'anticléricalisme.

Pareilles définitions restent indéniablement floues. A-t-on vraiment une idée claire de ce que sera la société nouvelle ? Ne sera-ce pas tout simplement la société actuelle dont auront été retranchés les divers aspects inquiétants, non satisfaisants ? un monde qui ne connaîtra donc plus d'attaques contre l'Église, qui n'aura plus de crises économiques ? un monde où régnera la stabilité sociale, où (et c'est là une référence à la scène canadienne) les anglophones ne brimeront plus les francophones, ni les protestants les catholiques ? Ne sera-ce pas aussi un monde d'où auront disparu les multiples bataillons d'adversaires - les anticléricaux, les francs-maçons, les bolchevistes, les socialistes, les anarchistes, la juiverie, la ploutocratie financière, les matérialistes, les orangistes, les libres-penseurs, etc. - qui, en rangs serrés, s'acharnent inlassablement contre l'Église et ses enseignements ? En grande partie, oui, c'est cela le monde qu'on voudrait avoir. Mais ce n'est pas tout, car l'être humain lui-même doit changer profondément : il lui faudra vaincre son égoïsme et accepter sa condition humaine avec toutes ses conséquences, toutes ses responsabilités, qu'il soit grand ou petit, fort ou faible, riche ou pauvre, tout en sachant qu'il aura à en rendre compte dans la vie future. Il devra apprendre aussi à résister aux tentations néfastes qui l'affligent, à son penchant inné pour le Mal, se fiant en tout temps à l'Église comme guide et lui accordant toujours son obéissance la plus entière.

Comment concevoir alors le rôle du journal catholique dans ce mouvement vers une société meilleure ? Certes, il doit se charger de diffuser la vérité, celle que proclame l'Église catholique. Ce thème demeure constant durant toutes ces années. Le journaliste chrétien doit défendre la vérité « contre les atteintes de l'erreur et contre les attaques de ses ennemis [9] », affirme l'Action en 1917. Albert Foisy, pour sa part, définit ainsi le but du journal catholique : « renseigner [6] les lecteurs, les guider dans la voie de la vérité », ensuite étudier « toutes les questions à la lumière des vérités éternelles [10] ».

Seul un journal ouvertement, franchement catholique, pouvait s'engager à présenter la vérité, seule et unique, à ses lecteurs. Dans un commentaire sur la tenue d'une exposition de la presse catholique à Rome en 1936, Jules Dorion, directeur de l'Action, soulignera la nécessité, pour conquérir et garder la vérité, de « se tenir rapproché de l'Église, seule à la posséder ». S'il y a quelque chose à déplorer, ajoute Dorion, c'est sûrement le fait que pas « un journal sur cent » dans le monde ne « se préoccupe d'abord de la vérité et de l'Église, [et ne] s'applique à faire triompher l'une et à seconder l'autre ». Les conséquences de cette lacune sont des plus graves : « Il est arrivé que les doctrines les plus folles ont pris le pas sur la vérité, que l'Église a été traitée par-dessous la jambe, comme organisme encombrant, pas à la page, au surplus désagréable, les plus polis croyant s'être acquittés envers elle en publiant de temps à autre, avec note élogieuse à la clef, la photo de tel ou tel de ses ministres [11] »

Les journaux les plus coupables de ces défaillances étaient certainement les journaux politiques. Comme il fallait s'y attendre, l'Action se targue d'être indépendante, voire au-dessus de tous les partis. Pour elle, les journaux politiques et partisans, comme le Soleil, ne se font pas scrupule de recourir aux mensonges les plus grossiers et aux interprétations les plus tendancieuses pour défendre les intérêts de leur parti. Certes l'Action se défend de vouloir rester indifférente à la chose politique, mais elle affirme qu'elle cherche à éclairer le lecteur plutôt qu'à le convaincre d'appuyer tel ou tel parti, advienne que pourra,

Lorsque l'Union nationale triomphe aux élections du 17 août 1936, faisant élire 76 députés sur 90, l’Action s'en réjouit. D'après Eugène L'Heureux, ce triomphe indique que le peuple veut l'honnêteté dans le domaine politique, que l'esprit de parti est à la baisse, et que les électeurs ont su distinguer entre le domaine fédéral et le domaine provincial. « Pour ces trois raisons, ajoute-t-il, il est heureux que la majorité soit énorme, ce qui donne à la leçon toute l'éloquence requise par les circonstances [12]. » Mais moins d'un mois plus [7] tard, l’Action se demande si elle n'est pas en train, par sa trop grande sympathie envers le nouveau gouvernement de l'Union nationale, de délaisser sa mission et de compromettre son indépendance. C'est donc le moment de se ressaisir : en conséquence, tout en approuvant les réformes administratives si « louables » du régime Duplessis, elle espère que des réformes sociales et nationales ne tarderont pas. La possibilité de faire ce simple rappel au nouveau gouvernement constitue, pour le journal, un véritable petit triomphe : « N'est-ce pas, lecteurs, dit-elle en se félicitant, que la presse indépendante peut encore rendre service, même si le nouveau gouvernement mérite la sympathie [13] ? »

L'adepte d'une idéologie n'éprouve guère de difficultés à se trouver des ennemis contre qui partir en guerre. Seront ses ennemis, par définition, tous ceux qui ne partagent pas sa manière de penser, sa façon de voir les choses. Il ne saurait accepter les compromis, les négociations, les trêves et les « zones grises » dans la pensée. En compagnie de ses confrères-soldats, il se range avec enthousiasme du côté de la vérité (la sienne), du côté du Bien. Ses adversaires seront des suppôts du Mal et il manifestera envers eux une méfiance aiguë.

Contre quoi et contre qui l'Action se bat-elle ? Elle lutte d'abord contre certains dangers moraux comme l'alcool, le cinéma, le divorce, la danse, les modes immodestes, le féminisme, la pornographie, le blasphème et, bien sûr, contre tous ceux qui encouragent ces vices. Le combat se poursuit aussi contre les « idées erronées qui courent le monde et faussent les consciences [14] » et contre les propagandistes de ces idées. Parmi ceux-ci, il y a notamment les francs-maçons qui, croit-on, veulent détruire l'Église catholique et qui travaillent au Québec à faire imposer les biens d'Église, à établir l’école gratuite, obligatoire et neutre, à sortir la religion de la place publique, etc. La juiverie, qui cherche la domination universelle et la ruine du christianisme, constitue un autre adversaire de taille. Et en Russie, la révolution bolcheviste de 1917 fait naître une troisième menace ou, du moins, lui donne une importance qu'elle n'avait pas auparavant.

[8]

L'Action se range, en effet, dans l'avant-garde de l'armée anticommuniste. En quête de cent nouveaux abonnements en avril 1933, le journal affirme que « pour faire face au communisme qui progresse chez nous à la faveur de la crise, il faut absolument répandre partout la presse catholique, celle qui a pour mission d'entretenir et d'accroître le sens chrétien chez les individus, puis de garder à tout notre organisme social un caractère vraiment chrétien [15] ». Pour sa part, le docteur Louis-Philippe Roy affirme : « Notre ambition est d'inspirer la haine du bolchevisme à tous ceux qui peuvent faire quelque chose pour enrayer son développement au Canada [16]. »

Le journal catholique fustige impitoyablement ceux qui prétendent ne rien voir de ces menaces. Quand le Soleil soutient que la population du Québec est trop bonne pour qu'une presse catholique soit nécessaire, l'Action lui demande de se souvenir de la France, de l'Espagne et du Mexique, jadis tranquilles, et ajoute : « Le Soleil ne semble pas constater que les communistes préparent un grand assaut contre la bonne province de Québec et que la masse des esprits indifférents a besoin d'une discipline plus religieuse que politique pour résister aux insidieuses sollicitations des communistes, devant les abus cyniques d'un régime capitaliste qu'il faut garder, mais après l'avoir rechristianisé et recivilisé [17]. » Les mauvais capitalistes comptent, eux aussi, parmi les adversaires à abattre, ou plutôt à convertir.

La presse catholique de l'époque croyait devoir être d'autant plus sensible aux menées de ses nombreux ennemis, que la plupart des agences de nouvelles étaient, selon elle, sous l'emprise de ces mêmes adversaires et déformaient délibérément les nouvelles destinées à la consommation populaire. C'est une opinion dont l'Action catholique ne démordra jamais.

Ces diverses accusations désignaient la franc-maçonnerie et la juiverie comme les grands coupables. Ainsi que nous le verrons, l'Action croyait, à l'instar de bon nombre de gens à l'époque, que les deux organisations étaient étroitement liées, que la franc-maçonnerie était même un instrument de la juiverie internationale. On estimait qu'un des moyens dont les Juifs disposaient pour détruire la religion chrétienne, leur but présumé, consistait à s'emparer de la [9] presse, tentant ainsi de gagner la sympathie des masses pour les dresser contre l'Église.

En 1917, l'Action multiplie les mises en garde contre une domination possible de la presse par des groupements farouchement anticatholiques. Comme on le sait, c'est une année des plus mouvementées en Russie. L'Action juge les événements qui se produisent dans l'ancien empire tsariste beaucoup plus à la lumière de ses craintes qu'à partir d'une connaissance réelle des événements. Il reste cependant que la désorganisation complète de la vie en Russie dans tous ses aspects, la multitude de factions qui se combattent après la révolution de février, la difficulté de communications sûres et rapides à laquelle s'ajoute la confusion générale provoquée par les activités militaires, ne facilitent guère l'étude sereine et objective des faits. Les agences de nouvelles nous renseignent mal, se plaint l'abbé Nadeau dans sa chronique sur la guerre. « Contrôlées par la coalition judéo-maçonnique, [elles] passent leur temps à mentir sur ce qui se passe en Russie en nous montrant toujours les révolutionnaires comme de braves gens bons comme du bon pain et la bouche en cœur, la révolution comme une œuvre excellente toute à l'avantage des Alliés, et les choses allant là-bas pour le mieux dans le meilleur des mondes [18]. » Peu après, il s'en prend de nouveau à ces agences de dépêches « à la dévotion de la Haute Banque juive » et encore « toutes acquises à la cause maçonnico-révolutionnaire ».

En septembre 1917, le général Korniloff dirige une révolte (qui échoue) contre le gouvernement provisoire d'Alexandre Kerensky. Nadeau, qui ne dissimule pas l'objet de ses sympathies, met ses lecteurs en garde : « Il faut se défier des dépêches lancées à son sujet car on admet qu'il [Korniloff] représente la « réaction », c'est-à-dire l'ordre et la discipline, et de plus il fait la lutte à un Juif. Comme les grandes agences de nouvelles et la grande presse mondiale sont aux mains de la finance judéo-maçonnique et révolutionnaire, il ne faut pas s'étonner si la presse est contre lui [19]. »Puis, au début de 1918, l'Action constate que les nouvelles sur la Russie se font plutôt rares. L'abbé Nadeau laisse entendre que le silence s'explique du fait que les agences sont « peu disposées à étaler les crimes de leurs frères en Loges et en juiverie [20] ». Ce même genre de plainte revient assez fréquemment entre 1917 et 1939.

[10]

En plus de condamner les agences de presse de façon générale, l'Action court à la défense de certains personnages qu'elle estime maltraités dans les dépêches. Elle accuse les agences de toujours montrer Mussolini sous un jour défavorable. Elle constate la même attitude à l'égard de Hitler, de Salazar, du maréchal de Castelnau, de Franco, etc. Bref, elle décèle toujours chez les agences un esprit vivement hostile au catholicisme. Quand en France, en 1925, les évêques agissent en médiateurs pour mettre fin à une grève des employés de banque, les journaux, d'après l'Action, gardent le silence pour éviter de « rendre hommage à l'Église [21] ». Le peu de cas que fait la presse de la question mexicaine, si poignante à cause des violentes persécutions contre les catholiques, suffit pour ancrer l'Action dans sa conviction qu'il existe une conspiration anticatholique. Dorion dénonce la « main habile ou savante [22] » qui tripatouille les nouvelles et il conseille de se « méfier, et surtout de réfléchir ». Ferdinand Bélanger ajoute qu'il faut conserver un esprit critique en lisant les dépêches car « mieux que les catholiques, les habitués des loges savent utiliser le fil télégraphique et l'encre d'imprimerie [23] ».

Revenant à la charge, en 1929, Jules Dorion souligne le fait que « les principales agences de dépêches du monde sont entre les mains des Juifs » et que les Juifs « ont encore une influence prépondérante dans la grande presse [24] ». C'est là une conclusion dont les journalistes de l'Action catholique se souviendront durant les années 30, à l'occasion des persécutions des Juifs en Allemagne. En effet, on prétendra que les Juifs sont maîtres de la presse et qu'ainsi il leur est très facile de soulever tout l'univers en faveur de leurs coreligionnaires, et de le désintéresser complètement du sort des catholiques.

Pourquoi, demande l'Action, la grande presse demeure-t-elle sourde aux persécutions des catholiques, au Mexique et ailleurs, alors qu'elle condamne, avec grande véhémence et indignation, le moindre petit geste contre les Juifs ? Ses rédacteurs se posent souvent cette question et l'explication qui leur semble la plus commode est le contrôle des éléments anticatholiques. Si la presse lance « de la boue » à Hitler et à Mussolini, si elle les calomnie sans répit, c'est qu'elle suit obligatoirement les dictées des Juifs. Et si on s'acharne [11] contre le fascisme tout en glorifiant le régime stalinien, ou du moins en refusant de le condamner, c'est encore à cause de la domination toute-puissante de la ploutocratie juive.

Durant la guerre d'Espagne, la formule traditionnelle varie légèrement. Selon l'Action, il ne fait pas de doute que les dépêches favorables au gouvernement républicain sont truquées, déformées, bref faites sur mesure pour attirer les sympathies du public du côté des « rouges ». Cette fois, les coupables sont les communistes, et le docteur Roy les blâme pour avoir inventé les « pires nouvelles », afin de hâter l'avènement d'une guerre générale [25]. Analysant le célèbre bombardement de Guernica, le 26 avril 1937, par les troupes franquistes et allemandes, Roy déclare (sans donner d'autres précisions) qu'un document vient d'être découvert, qui établit que le bombardement a été « préparé et déclenché par les troupes du gouvernement [républicain] dans le but d'impressionner l'Angleterre et d'indisposer contre Franco ». En conclusion, il demande : « N'avons nous pas raison de filtrer les nouvelles émanées des sources gouvernementales « rouges » espagnoles [26] ? »

La conviction, sincère de toute apparence, que la plupart des agences de dépêches ainsi que la grande presse devaient obéissance aux ennemis jurés du catholicisme, suffit aux journalistes de l'Action pour croire à la nécessité d'une presse ouvertement catholique, sans quoi leur mission de propagation de la vérité serait irrémédiablement compromise.

C'est ainsi que l'Action conçoit son devoir. La période que nous étudions couvre vingt-trois années de publication. C'est donc un laps de temps suffisant pour que le journal lui-même soit en mesure de constater le degré de son succès. L'Action croyait-elle progresser ? Avait-elle l'impression que sa conception du monde gagnait de plus en plus de faveur ? Il serait probablement sage de conclure que le journal a connu et l'optimisme et le pessimisme. Les événements qui se déroulaient sur la scène internationale lui donnaient beaucoup moins de raisons de se réjouir que la tranquillité générale [12] au Canada et, surtout, au Québec. Une véritable hécatombe internationale entre 1914 et 1918 ; les manifestations anticléricales et la lutte contre l'Église en France, au Mexique, en Allemagne et ailleurs ; les activités révolutionnaires en Russie et le rayonnement de la propagande communiste à travers le monde ; la guerre civile en Espagne ; une deuxième guerre mondiale qui, dès 1934, menaçait d'éclater d'un moment à l'autre : autant de déceptions pour un journal qui espérait une amélioration, une rechristianisation de la société et le progrès de l'Église.

Du côté canadien, l'échec est peut-être plus mitigé. Durant toutes ces années, l'Action se fait l'avocat d'une Confédération basée sur une véritable égalité entre Anglo-Saxons et Franco-Canadiens. Cette égalité, malgré quelques progrès symboliques accueillis par le journal parfois triomphalement, parfois avec un sarcasme assez mordant, n'est cependant pas beaucoup plus près de se réaliser en 1939 qu'en 1920. Le problème de l'éducation des francophones catholiques dans les provinces anglaises, mises à part certaines concessions venant d'hommes de bonne volonté comme Mitchell Hepburn, premier ministre d'Ontario, demeure toujours aussi grave.

Au Québec, une société relativement stable se dresse face à un monde en révolution. Dans ce « coin tranquille » d'Amérique du Nord, l’Église jouit d'une position de prestige et de force ; les syndicats catholiques sont florissants ; le nombre des divorces est bien inférieur à celui des autres provinces ; les femmes n'ont pas encore le droit de vote ; la Loi du cadenas semble avoir réussi à réprimer le communisme et à limiter la diffusion de sa propagande, etc. Le Québec au moins, à l'encontre peut-être du reste du monde, n'a pas reculé, et l'Action n'hésite pas à en réclamer une bonne part du crédit. Dans une lettre d'hommage de l'A.C.J.C., lors du vingt-cinquième anniversaire du quotidien catholique, Louis-Philippe Roy félicite l'Action pour avoir contribué à faire échouer de nombreuses « campagnes diaboliques [27] ». D'autres témoignages semblables paraissent de temps à autre dans le journal. Pareilles convictions renforcent la détermination des rédacteurs de l'Action de poursuivre ce qu'ils croient être leur mission, dans les moments plus sombres, toujours fréquents entre 1917 et 1939, de crise et d'attaques inlassables des légions du Mal.

[13]


Méthodologie

Les idées, les opinions et les attitudes d'un journal sont relativement faciles à dégager. Certains journaux manifestent, mais souvent de façon moins évidente, des valeurs particulières qui paraissent influencer l'ensemble de leurs prises de position : ceux-ci, peut-on dire, ont une manière de voir les choses, une vision du monde. Lorsque cette conception est définie de façon plus systématique, lorsqu'elle comporte des notions assez précises sur le passé, le présent et l'avenir d'une collectivité, lorsqu'elle indique les moyens d'échapper à une situation non satisfaisante (celle du présent) et de parvenir à un état de choses plus satisfaisant (qu'on peut souvent qualifier d'utopie), on peut conclure qu'il s'agit d'une véritable idéologie.

Deux problèmes se posent à l'analyste. D'abord, comment peut-il dégager le point de vue du journal qu'il étudie ? Ensuite, connaissant ce point de vue, comment peut-il l'expliquer ?

Dans les journaux à caractère doctrinal, comme l'Action, c'est dans l'éditorial que se trouve définie le plus clairement l'orientation du journal. Le chercheur doit donc se diriger d'abord vers l'éditorial. Au cours de la période qui nous intéresse, l'Action en publie un et parfois deux par jour : ceux-ci traitent, le plus souvent, de sujets d'actualité ou de questions morales ou religieuses. Publié d'abord à la première page du journal, l'éditorial est déplacé à la troisième page en 1919, et à la quatrième en 1933. Peut-être se préoccupait-on d'améliorer la présentation de la première page en vue d'attirer une clientèle de masse, ou encore, suivant en cela l'évolution des journaux qui, au vingtième siècle, ont cherché à devenir des véhicules d'information plutôt que d'opinion, cherchait-on à donner préséance aux nouvelles mêmes. Comme nous le verrons, un journal d'information peut avoir une orientation aussi prononcée, quoique beaucoup plus subtilement présentée, qu'un journal d'opinion.

Moins importantes que les éditoriaux mais souvent plus piquantes sont les diverses rubriques de commentaires et de notes que l'Action publie sur les faits divers et les événements de moindre signification. Parmi elles, on trouve « En passant », « Information », « Idées et faits », « Petites notes ».

Diverses chroniques peuvent aussi apporter des renseignements précieux sur la pensée de l'Action catholique. Durant la Grande Guerre, l'abbé Jean-Thomas Nadeau se charge d'une « Chronique de la guerre » qui paraît presque quotidiennement. Non seulement [14] y discute-t-il des activités militaires mais il trouve encore à maintes reprises l'occasion d'y exposer sa propre philosophie de l'histoire. Une autre chronique importante, généralement intitulée « Chez les ouvriers », est assurée d'abord par l'abbé Maxime Fortin (de 1919 à 1920), ensuite, et très régulièrement, par Thomas Poulin (de 1922 jusqu'à sa mort en 1934), et finalement, mais à intervalles irréguliers, par Gérard Picard.

En quatrième lieu, il convient de faire mention des autres articles signés par les journalistes de l'Action catholique. N'étant pas de véritables éditoriaux, ces articles sont quand même beaucoup plus que de simples blocs-notes. C'est surtout Louis-Philippe Roy qui y aborde, durant les années 30, des sujets tels que la guerre d'Espagne, le Front populaire en France et le communisme au Canada.

Il ne faudrait pas négliger non plus le grand nombre d'articles tirés de journaux et de périodiques « amis » et reproduits dans l'Action sous des rubriques comme les « Échos de l'opinion publique » et « Chez les autres ». Le journal avait tendance à emprunter beaucoup plus fréquemment avant 1930, c'est-à-dire avant que les dépêches des agences de presse, parvenant aux bureaux de l'Action par l'entremise du télétype, ne lui permettent de remplir ses pages et de compléter ses informations. En plus de ces extraits de journaux étrangers, on y trouve un certain nombre de lettres en provenance des correspondants français du journal, notamment François Veuillot, rédacteur à la Libre Parole et neveu de Louis Veuillot, et Paul Tailliez, rédacteur à la Vérité.

Même la simple insertion de pages diverses apporte quelques renseignements sur l'orientation du journal. Ainsi les « Courriers de la province », qui ennuient certains lecteurs un peu trop snobs (disait-on), constituent, selon l'Action, le « miroir fidèle de la vie paisible et féconde de nos populations rurales, non encore contaminées par l'américanisation qui envahit nos villes ». La « Page agricole » est aussi un service important, aux yeux de la rédaction, car les Canadiens français « ne peuvent faire œuvre plus féconde et plus salutaire qu'en s'attachant à la terre ». Une autre page, la « Voix de la jeunesse », vise à soutenir de jeunes cœurs purs « à l'époque où tant d'autres trébuchent hors des sentiers de la délicatesse et du bien [28] ».

Que peut nous dire le contenu des nouvelles elles-mêmes ? Si, durant les premières années de publication, les journalistes rédigent eux-mêmes les nouvelles quand ils ne les empruntent pas ailleurs, [15] la situation change complètement vers 1928, alors que l'Action s'abonne aux services de la British United Press. Seule cette agence de presse semble échapper à ses soupçons inquisiteurs. L'Action loue la haute qualité des services de la B.U.P. et déclare qu'elle est « universellement reconnue pour l'excellence et l'impartialité de son information », parce qu'elle est « libre de toute attache avec les agences stipendiées par les gouvernements étrangers [29] ». Comme preuve d'objectivité, l'Action donne volontiers l'exemple des dépêches de la B. U. P. sur la guerre d'Espagne. Presque tous les journaux, dit-elle, « se sont laissés tromper alors que nos sources d'informations n'ont jamais été prises à défaut [30] ». Sceptique devant la plupart des agences de dépêches, elle est remarquablement crédule à l'endroit de la B.U.P. qui a presque toujours donné, durant la guerre d'Espagne, des nouvelles favorables à Franco et aux nationalistes. L'Action songe-t-elle à mettre en question le point de vue de la B.U.P. ? Il n'en est pas question, puisqu'elle en a fait sa propre interprétation.

L'analyste qui limite son étude à ce qui est dit par les rédacteurs peut très bien identifier les sujets et les thèmes exposés et développés dans le journal. Il aura de la difficulté, cependant, à les situer dans une perspective. S'il étudie, par exemple, les causes de la révolution soviétique d'après l'Action catholique, il peut conclure qu'il y en a plusieurs : le régime tyrannique, les visées dominatrices des Juifs, le déclin de la religion, les menées allemandes, le mécontentement du peuple, etc. Mais n'est-il pas utile de connaître l'importance relative de ces diverses causes ? Après une analyse quantitative de ce sujet, on découvre que les rédacteurs ont consacré 66 lignes (une seule référence) à la tyrannie de l'ancien régime ; 231 lignes (30 références) aux ambitions juives ; 536 lignes (5 références) à la crise religieuse ; 3 622 lignes (118 références) à la subversion allemande ; et 16 lignes (4 références) au mécontentement populaire [31]. On conclut aisément que l'Action préfère les causes « mystérieuses » [16] et morales (le rôle des Juifs et des Allemands ; l'influence de la religion), et ignore presque totalement les causes socio-économiques [32].

L'analyse quantitative peut s'appliquer aux nouvelles mêmes. Malheureusement, dans le cas présent, toutes les comparaisons susceptibles de nous aider doivent se faire à partir du même journal. Il serait peut-être intéressant de comparer le traitement accordé, en première page, au gouvernement républicain d'Espagne dans l'Action et dans le Globe and Mail. Le temps, cependant, ne nous a pas permis d'établir cette comparaison. Par contre, nous sommes en mesure de comparer l'espace accordé à Franco et aux nationalistes avec celui accordé au gouvernement républicain dans les pages de l'Action catholique. La voie de la comparaison est intéressante à suivre mais ses possibilités sont limitées quand nous n'étudions qu'un seul journal.

Une dernière remarque s'impose sur l'analyse quantitative. Nous pouvons considérer divers sujets : par exemple, nous pourrions comparer l'espace occupé par les questions internationales et celui consacré aux questions nationales ou locales. Nous pouvons considérer aussi des thèmes qui sont, en fait, des affirmations : Mussolini a sauvé l'Italie du communisme ; Mussolini a restauré les droits de la religion en Italie ; Mussolini ne veut pas la guerre, etc. Quant à nous, nous explorons les deux possibilités.

Si, dans la nouvelle elle-même, il n'y a rien d'original en ce sens que cent journaux, tous abonnés à la même agence de presse, peuvent reproduire le même article, il est non moins vrai que chaque journal conserve son entière indépendance dans la mise en valeur des informations. Jacques Kayser, dans son étude sur le Quotidien français [33], propose une méthode d'analyse de la mise en valeur des nouvelles par les journaux. Sa méthode ne s'avère utile pour notre travail que dans la mesure où les comparaisons avec d'autres journaux ne sont pas nécessaires.

Ceux qui sont chargés de la mise en pages d'un journal s'efforcent d'attirer l'attention du lecteur sur telle nouvelle plutôt que sur [17] telle autre, d'accroître l'intérêt porté à un sujet, au détriment d'un autre. La valorisation d'une nouvelle quelconque dépend donc de la signification particulière que le journal veut lui donner.

Kayser dégage trois aspects de la mise en valeur d'une nouvelle. D'abord, selon lui, il faudrait tenir compte de la place de l'article. Dans ce sens, la page à laquelle l'article apparaît est une indication assez juste de l'importance qu'on lui accorde. Si la place de choix pour la plupart des journaux est la première page, l'importance respective des autres pages varie sensiblement d'un journal à J'autre. Dans le cas de l'Action catholique des années 30, la page éditoriale (page quatre) vient probablement en deuxième lieu ; la page trois, avec les nouvelles nationales, provinciales et régionales, en troisième place ; et la dernière page, où figurent diverses nouvelles locales, en quatrième.

Il faut déterminer ensuite l'endroit précis de la page où l'article doit paraître. Généralement, le haut de la page donne une plus grande importance à l'article, puisque l'attention du lecteur est d'abord attirée par la manchette.

L'intitulé d'un article constitue un deuxième aspect de sa valorisation. Sans doute la réponse aux quatre questions suivantes peut-elle apporter les précisions nécessaires à ce sujet : sur combien de colonnes le titre s'étend-il ? quelle est la hauteur des caractères du titre ? quelle est la surface totale qu'il occupe ? et enfin, quels sont les caractères d'imprimerie utilisés ? Il est entendu que le caractère relatif des titres y est pour beaucoup : il faut donc comparer les titres entre eux et les comparer à ceux que le journal emploie habituellement.

Dans le cas de l'Action catholique, les titres ont connu une très grande évolution entre 1917 et 1939. Même si ce n'est qu'en raison de la quantité accrue des nouvelles à publier, ils assument, durant les années 30, un rôle beaucoup plus important qu'immédiatement après la guerre. C'est seulement en 1919 que le journal commence à utiliser les titres pour valoriser une nouvelle. Il lui faut, en effet, apprendre à surmonter une profonde méfiance à l'endroit des titres, comme l'explique avec clarté un des rédacteurs :


La fortune du journal moderne est dans l'art de libeller un titre de nouvelle. Bien souvent le lecteur ne va pas plus loin. Il est trop pressé !
Si au moins c'était au profit de la vérité ! La plupart du temps, le titre sert à la masquer et à tromper le lecteur.

[18]

Par le titre, on fait dire à la nouvelle tout le contraire de ce qui est, du moins on laisse sous-entendre une foule de choses qui n'existent pas [34].


Malgré la rigueur apparente de ses convictions, l'Action se ravise et commence à utiliser elle aussi cette nouvelle méthode pour valoriser les nouvelles importantes. Dès 1931, elle présente presque tous les jours une nouvelle en manchette sur sept ou huit colonnes.

Le contenu du titre est lui aussi significatif, car il donne le choc initial. S'agit-il d'un titre qui ne fait qu'indiquer un événement, ou d'un titre qui tente d'expliquer quelque chose ? Est-ce un titre orienté, qui laisse deviner un parti pris du journal ? Est-ce plutôt un titre à sensation, faisant appel à l'émotion du lecteur ? L'Action catholique se sert généreusement de tous les genres [35]. Même si elle méprise les journaux dits « jaunes », qui exploitent la curiosité malsaine du public au moyen de grosses manchettes à la une, elle emploie elle aussi, à plusieurs reprises, des titres et même des manchettes dont le caractère sensationnel ne laisse aucun doute.

Le troisième aspect de la mise en valeur d'une nouvelle, selon Kayser, porte sur la présentation qu'elle reçoit. Y a-t-il, par exemple, des illustrations susceptibles d'impressionner le lecteur et d'attirer son intérêt immédiatement ? Qu'y a-t-il d'autre sur la même page ? L'article est-il placé dans un cadre ? Est-il sectionné, le lecteur ayant à chercher la suite plus loin ?

Entre 1917 et 1939, la présentation des nouvelles dans l'Action catholique connaît une évolution marquée. En 1917, par exemple, les photographies sont très rares dans le journal et lorsqu'il y en a, [19] elles sont d'une qualité telle que le lecteur devait se féliciter quand il parvenait à en distinguer le sujet.

Kayser finit par proposer une formule de mise en valeur qui comprend ces trois éléments, à savoir : l'emplacement, le titrage et la présentation. Comme nous ne comparons l'Action à aucun autre journal et comme l'Action elle-même, durant cette période, fait l'apprentissage des méthodes de valorisation des informations, nous devons adapter à nos propres besoins la formule d'analyse mise au point par Kayser. Aussi ferons-nous quelques enquêtes [36] en vue d'étudier le titrage des articles. Après tout, les titres constituent pour l'Action une façon de montrer son propre point de vue et d'influencer ses lecteurs. Comme nous l'avons vu, l'orientation d'un journal peut être précisée dans les éditoriaux ; mais elle l'est aussi, moins consciemment, plus subtilement, dans la valorisation des nouvelles.

Après ces considérations méthodologiques sur la façon de cerner l'idéologie d'un journal comme l'Action catholique, ne faudrait-il pas tenter de définir les divers facteurs susceptibles d'influencer et d'expliquer son orientation ? Par exemple, le journal est-il lié, de près ou de loin, à un quelconque groupe d'intérêt, dont il se doit de représenter fidèlement les attitudes générales et les opinions particulières ? Est-il l'organe plus ou moins avoué d'un parti politique, d'un syndicat, d'une Église ou d'une autre organisation ?

Si les liens qui rattachent un journal à un organisme en particulier peuvent être plus ou moins lâches ou ténus, le seul fait qu'il y ait des liens impose nécessairement des bornes à la liberté des journalistes et limite l'indépendance du journal. Ces liens peuvent être d'ordre financier lorsque le journal reçoit une partie de ses revenus de son « parent ». Dans le cas de l'Action, l'aide financière de l'Archevêché est un secret de Polichinelle [37]. La lettre pastorale qui ordonne la création de « L'oeuvre de la presse catholique » dans le diocèse de Québec prescrit une quête annuelle dans toutes les églises du diocèse, la quête dite du Denier de la presse catholique [38]. Le produit de cette quête, et d'autres quêtes, devait être remis au journal. En dépit de ces dons, l’Action avoue librement que ses finances, [20] durant les premières années, se trouvent dans un état déplorable. Même plus tard, le journal ne vit guère à l'aise. Dans un appel urgent aux laïcs en faveur de l'aide à la presse catholique, René Chaloult, avocat et futur député de l'Assemblée législative, déplore que « jusqu'ici, les ecclésiastiques seuls, ou à peu près, [aient] alimenté pécuniairement la presse libre dans notre ville [39] ». Pourquoi l'Action, dont le tirage certifié se rapproche de celui du Soleil et le dépasse même un peu plus tard, souffre-t-elle davantage financièrement que son confrère (ou adversaire) ? Chaloult, président du Comité d'aide à l'Action catholique, apporte une réponse :


Il [le journal l'Action catholique] se prive volontairement de nombreux revenus. Le trésor des gouvernements lui est fermé, car il prétend demeurer au-dessus de tous les groupements politiques et des intérêts de partis. La bourse des grands financiers est également close, car il doit souvent dénoncer leurs combinaisons équivoques. Les annonces du théâtre et de l'alcool, les plus fidèles et les plus rémunératrices, lui sont interdites par son caractère particulier. Et de combien d'autres profits le journal catholique et national ne se prive-t-il pas, à cause de telle ou telle attitude d'intérêt public [40] ? Rien d'étonnant qu'il ait besoin du secours de ses amis pour subsister [41].


Les liens entre un journal et un groupe d'intérêt peuvent aussi être de caractère moral, la direction du journal n'ayant besoin d'aucune pression matérielle, d'aucune menace, pour soutenir de tout cœur la cause de ce groupe. Est-il besoin de faire remarquer que les liens moraux peuvent être tout aussi contraignants que n'importe quel lien matériel ? Tel semble être le cas, en effet, du journal l'Action catholique.

Mais la personnalité des rédacteurs à l'emploi d'un journal est en général, dans la définition de son orientation, un facteur beaucoup plus important que les influences extérieures possibles. Qui songerait à nier l'influence à cet égard d'un Bourassa, d'un Filion, d'un Laurendeau ou d'un Ryan au Devoir ? Le rôle d'une forte personnalité à la rédaction n'est donc pas à sous-estimer.

[21]

Ensuite, peu importent les prétentions à l'objectivité et à l'honnêteté intellectuelle qu'ils peuvent manifester, tous les journalistes se trouvent inéluctablement influencés par leur milieu, leur formation, la conjoncture dans laquelle ils vivent, etc [42]. S'ils appartiennent à la majorité ethnique ou religieuse ou sociale qui domine la vie de l'État, ne seront-ils pas portés à défendre l'ordre établi ? En revanche, sont-ils membres de groupements minoritaires, voire persécutés, qu'ils sont susceptibles de manifester tous les complexes qui affligent habituellement les minorités. Sont-ce des gens foncièrement satisfaits de la société à laquelle ils appartiennent, prêts à la défendre chaque fois qu'elle est menacée ? Ou sont-ils plutôt des mécontents qui se rangent facilement du côté de ceux qui espèrent le changement, par voie de réformes ou de révolution ? Quelques brèves remarques biographiques s'imposent donc quant au personnel de la rédaction de l'Action catholique.

Des prêtres et des laïcs ont collaboré à l'Action depuis ses débuts. Deux clercs, l'abbé Paul-Eugène Roy (alors curé de Jacques-Cartier à Québec et futur archevêque du diocèse) et l'abbé Stanislas-Alfred Lortie (du Séminaire de Québec) ont travaillé, en compagnie du juge Adjutor Rivard (de la Cour du banc du Roi), à fonder le journal qui parut pour la première fois le 21 décembre 1907. Mais tout au long de la vie du journal, des laïcs ont joué un rôle dominant à la rédaction, notamment Jules Dorion, Thomas Poulin, Eugène L'Heureux et Louis-Philippe Roy.

Le docteur Jules Dorion était l'une des personnalités les plus connues du monde journalistique québécois de l'entre-deux-guerres. Médecin de profession, il débute dans le monde du journalisme en 1904 : il participe, avec le notaire Alphonse Huard et d'autres, à la fondation d'un périodique de combat, la Libre Parole. Il y signe de nombreux articles sur l'intempérance, sujet qu'il continuera de traiter dans les pages de l'Action catholique. En 1907, Dorion quitte la Libre Parole et abandonne définitivement la pratique de la médecine pour se consacrer entièrement à l'œuvre de la presse catholique de Québec. Membre estimé de la bourgeoisie de la vieille capitale, Dorion est nommé président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec en février 1928. Il est aussi colonel-commandant des Zouaves pontificaux canadiens et Chevalier de [22] l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Ses éditoriaux dans l'Action traitent surtout de questions internationales et, bien entendu, de la campagne en faveur de la prohibition. Il jouit de la confiance des prêtres de l'Archevêché et quand il meurt, en 1939, le chanoine Cyrille Labrecque, directeur de la Semaine religieuse de Québec, fait l'éloge de l'illustre disparu en signalant « sa pensée toujours bien chrétienne [43] ».

À la fin de la guerre et au début des années 20, trois prêtres prennent une part active à la rédaction. L'abbé Jean-Thomas Nadeau entreprend une série de commentaires sur le déroulement de la guerre. Dans sa chronique, il se fait l'avocat - quoiqu'il s'en défende - d'un antisémitisme virulent. Le deuxième, l'abbé Édouard-Valmore Lavergne, est un des « experts » du journal en ce qui concerne la conspiration juive et bolcheviste qui viserait à anéantir la civilisation chrétienne dans tout l'univers. Rédacteur durant une période plutôt brève, de septembre 1917 à février 1920, il est nommé curé de la nouvelle paroisse de Notre-Dame-de-Grâce, à Québec, en 1924. En cette même année, il publie un volume, Sur les remparts, où il raconte ses expériences à l'Action catholique. Dorion salue le volume comme « un ouvrage qu'il faut lire et faire lire [44] ». Même après son départ de la rédaction, de nombreux articles rédigés par lui pour d'autres périodiques (dont la Bonne Nouvelle [45]) ainsi que des comptes rendus de ses fréquentes conférences paraissent dans l'Action. Le troisième prêtre, l'abbé Maxime Fortin, n'y reste que deux ans ; il signe la rubrique « Chez les ouvriers ». Après avoir quitté l'Action, l'abbé Fortin se consacre au syndicalisme catholique, comme aumônier. Finalement, il est nommé curé de Saint-Michel-de-Bellechasse.

Plusieurs laïcs font partie de la rédaction en cette première période. J.-Albert Foisy, à l'emploi du Droit (Ottawa) depuis 1914, devient rédacteur à l'Action catholique en juin 1920. Intéressé surtout par les problèmes des minorités catholiques et françaises dans les provinces anglaises et aux États-Unis, il quitte l'Action pour la Sentinelle de Woonsocket, Rhode Island, à la fin de 1923.

[23]

Thomas Poulin, qui se révèle un des esprits les plus ouverts de l'Action catholique, a débuté, lui aussi, au Droit. Prenant la relève de l'abbé Fortin, Poulin signe un grand nombre de commentaires et d'éditoriaux sur les questions sociales en général et syndicales en particulier. Il est l'un des fondateurs des Syndicats nationaux et catholiques à Ottawa et devient secrétaire de la Confédération des travailleurs catholiques à Québec. Il est aussi conseiller de la délégation canadienne à la Conférence internationale du Travail, tenue à Genève en 1926. Poulin meurt prématurément en 1934, à l'âge de 46 ans, et Gérard Picard assume sa succession, d'abord comme rédacteur de la chronique syndicale (qui, cependant, paraît beaucoup moins souvent), ensuite comme secrétaire de la C. T. C. C. à Québec. Il sera plus tard président du syndicat.

Deux autres laïcs jouent un rôle de second plan avant l'arrivée d'Eugène L'Heureux et de Louis-Philippe Roy au début des années 30. Ferdinand Bélanger signe assez régulièrement, durant les années 20, une rubrique de commentaires généraux, « En passant ». Inactif pour raisons de santé après 1930, il meurt en 1936. Le deuxième, Joseph Dandurand, écrit quelques éditoriaux sur des questions d'affaires étrangères entre 1929 et 1932, puis s'en va à la rédaction du Progrès du Saguenay, probablement pour compenser la perte de L'Heureux.

C'est en mai 1931 qu'Eugène L'Heureux entre à l'Action catholique après avoir passé près de douze ans au Progrès du Saguenay. Il entreprend une guerre impitoyable contre les abus criants du système capitaliste et, plus spécialement, contre le trust de l'électricité. À la mort de Dorion, en 1939, L'Heureux devient rédacteur en chef de l'Action.

Le docteur Louis-Philippe Roy, qui joue un rôle important d'abord dans l'A.C.J.C., signe son premier éditorial dans l'Action en août 1930. Ce jeune médecin devenu journaliste se croira appelé à une croisade contre le communisme : pendant la guerre civile d'Espagne, surtout, il se montre un défenseur intrépide du général Franco.

À partir de juin 1920, les éditoriaux et les commentaires sont presque toujours signés. On utilise parfois des pseudonymes, comme « Paul-Henri » qui écrit pour le journal en 1920, et « Le Glaneur » (probablement Joseph Dandurand) qui signe les « Petites notes » à la fin des années 20 et au début des années 30. Il est donc possible d'identifier les écrits de presque tous les rédacteurs importants et de tirer les conclusions qui s'imposent sur l'attitude de chacun.

[24]

Tous ces journalistes, les divergences personnelles mises à part, ont en commun certains traits qui permettent de comprendre leurs opinions sur telle ou telle question. Ils se voient, d'abord et avant tout, comme des catholiques. Pour eux, être catholique, c'est être « naturellement et logiquement pour tout ce qui peut aider la vérité, le vrai progrès, le bien des âmes et du peuple, et [...] non moins logiquement, contre tout ce qui peut égarer les esprits, contre tout ce qui peut nuire à notre peuple et à l'humanité [46] ». Après avoir percé les obscurités du langage à l'aide des opinions développées dans les pages du journal tout au long de ces vingt-trois années, on se rend compte que, durant l'entre-deux-guerres, le catholique est intégriste en matière religieuse, qu'il croit en la primauté de la religion dans la vie terrestre, qu'il est convaincu de la nécessité d'organiser la société civile sur des bases religieuses, qu'il craint les visées centralisatrices et dominatrices de l'État. Plus encore, le catholique de cette époque manifeste certains traits caractéristiques des partisans de toutes les idéologies : soulignons, entre autres, le penchant au dogmatisme, l'intolérance inflexible envers les autres croyances, l'étroitesse d'esprit, la méfiance vis-à-vis des compromis, la tendance à se voir comme un saint représentant les forces du Bien face à un adversaire qui est un véritable suppôt de Satan.

En tant que catholiques, les journalistes de l'Action sont influencés par la situation du catholicisme au Québec et dans le monde. Quoique la place de l'Église catholique dans la société québécoise ne semble pas, à l'observateur, sérieusement remise en question durant la période que nous étudions, tout ne va pas pour le mieux. Devant l'accroissement du nombre des divorces, les ravages de l'alcool et le déclin marqué des mœurs, les rédacteurs éprouvent un malaise profond, d'autant plus que la situation mondiale est de mauvais augure pour le statut de la religion et surtout de l'Église catholique. Des vagues d'anticléricalisme déferlent sur la Russie, la France, le Mexique, l'Espagne et l'Allemagne, pour ne citer que les exemples les plus connus. Les catholiques qui regardent au-delà des frontières de la paisible province de Québec - et le métier de journaliste convient à l'élargissement des horizons - ne peuvent manquer de ressentir de vives inquiétudes devant les dégâts de la révolution [47]. On comprend qu'ils se [25] méfient de tout changement menaçant, ou paraissant menacer, la place acquise par la religion, et surtout par l'Église catholique, tant au Québec qu'ailleurs dans le monde. Une mentalité d'assiégés n'est donc pas étrangère à la rédaction de l'Action catholique.

Fervents catholiques, les rédacteurs sont aussi des Canadiens français passionnément patriotes. En effet, les deux situations sont souvent complémentaires. Être catholique et francophone signifie qu'on est deux fois minoritaire, au Canada et, à plus forte raison, en Amérique du Nord. Ce ne sont pas des séparatistes, du moins au sens politique, tant s'en faut : l'idéal canadien les anime presque toujours. Mais ce ne sont pas non plus des aveugles, incapables de constater l'énorme écart entre leur idéal d'un pays binational et biculturel, et la réalité brutale de la persécution et de l'inégalité. Il n'en résulte pour eux que des déboires.

Ce sentiment d'assiégés, favorisé par la double appartenance à une Église en butte à des attaques qui semblent de plus en plus nombreuses et de plus en plus fortes, et à un groupe ethnique dont les relations avec le groupe majoritaire deviennent de plus en plus difficiles, se trouve renforcé par la situation sociale de ces journalistes, soit leur appartenance à la classe bourgeoise.

Entre 1917 et 1939, le prolétariat du monde occidental monte à l'assaut de la bourgeoisie. Une fois l'étincelle allumée en Russie, le feu se propage rapidement, à la fin de la guerre, en Allemagne, en Hongrie, en Autriche, en Italie et ailleurs. On sent que le péril devient vraiment universel. Après quelques années de paix sociale, la grande crise économique porte un nouveau coup au régime capitaliste. Les mouvements socialistes et communistes se développent rapidement et de multiples Cassandre annoncent une nouvelle conflagration.

Les rédacteurs de l'Action catholique ont nettement conscience d'appartenir à une classe menacée, d'autant plus qu'ils sont convaincus que la bourgeoisie traditionnelle, dans son ensemble, a gravement manqué à ses devoirs d'élite, a abdiqué ses responsabilités causant ainsi les abus trop nombreux du régime capitaliste. Ils peuvent lancer des appels vigoureux en faveur d'une renaissance bourgeoise avant que ne sonne l'heure fatale d'une révolution sanglante, mais la réalisation de leur rêve - et ils le savent bien - demeure très problématique.

Sur les trois plans, religieux, ethnique et social, les journalistes et les rédacteurs de l'Action catholique vivent donc dans un état de tension qui ne manque pas de transparaître dans leurs articles et dans [26] leurs éditoriaux. Cette insécurité foncière, cette vive crainte de la révolution devenue pour certains une véritable psychose, ne joue-t-elle pas un rôle déterminant dans l'orientation du journal ? Elle inspire toutes les opinions particulières exprimées par le journal durant notre période, toutes les luttes qu'il soutient, toutes les croisades qu'il lance. Elle est décidément un état d'esprit créé par une conjoncture dont l'élément fondamental est le changement ou, du moins, la menace de changement.

Si les journalistes sont fortement influencés par leur milieu et par leur culture, ils le sont aussi, bien entendu, par leurs lectures, leurs rencontres, les conférences et les colloques auxquels ils assistent...

Parmi les colloques qui offrent aux rédacteurs une multiplicité d'idées sur les questions sociales (la famille, l'État et son rôle, le travail, le capital, l'agriculture, l'autorité, etc.), on trouve notamment les Semaines sociales du Canada. Calquées sur des expériences européennes, elles sont organisées annuellement par des prêtres et des laïcs catholiques de l'École sociale populaire de Montréal. Le journal présente des comptes rendus détaillés des discours prononcés lors de ces Semaines [48] et leur accorde une place de choix. Le directeur de l'Action, Jules Dorion, fait partie durant de nombreuses années de la commission générale chargée de les organiser.

La lecture de journaux et de périodiques de langue française (surtout), canadiens et français, exerce une influence plus continue sur les rédacteurs. Il n'est pas nécessaire d'insister sur les rapports étroits entre les journalistes de l'Action catholique et les rédacteurs de la Semaine religieuse de Québec. L'abbé Jean-Thomas Nadeau et l'abbé Maxime Fortin sont tous deux attachés à la rédaction de la Semaine religieuse pendant quelque temps. Des articles de l'abbé Antonio Huot [49] et du chanoine Cyrille Labrecque [50] paraissent fréquemment dans les pages de l'Action, parfois comme éditoriaux. On cite souvent, aussi, Charles Gautier du Droit (Ottawa). De temps à autre, on publie des articles provenant du Progrès du Saguenay, du Messager de Saint-Michel (Sherbrooke), du Prévoyant (Ottawa), du Messager de Saint-Antoine (Chicoutimi), du Bien Public (Trois-Rivières), de [27] l'Action nationale, etc. America, revue jésuite américaine, mérite aussi plusieurs mentions.

S'il faut en juger par le nombre et la variété des articles tirés de journaux étrangers, les rédacteurs reçoivent un courrier abondant d'Europe. Sans doute partagent-ils les mêmes inquiétudes que leurs confrères catholiques en France. Le journal français jouissant de la plus grande influence sur l'Action demeure, durant ces vingt-trois années, la Croix de Paris [51]. L'Action reproduit, dans ses pages, un grand nombre d'articles du chanoine Edmond Loutil, curé de la paroisse de Saint-Augustin à Paris et mieux connu sous le pseudonyme de Pierre l'Ermite. « Franc », nom de plume du chanoine Bertoye (mort en 1929), directeur de la Croix durant vingt-cinq ans, et Jean

Guiraud [52], rédacteur en chef du même journal, reçoivent aussi beaucoup d'attention. Lors du cinquantième anniversaire de la fondation de la Croix comme journal quotidien, l’Action fait son éloge : « Son œuvre est des plus fécondes. Il n'y a aucun risque d'erreur à affirmer que si la Croix eût existé cent ans plus tôt, la France serait aujourd'hui plus ou moins indemne de maux qui la font souffrir douloureusement [53]. » L'auteur de ces paroles ne pèche certainement pas par excès de réalisme.

L'Action cite aussi, à plusieurs reprises, le journal l’Action française, quotidien de la droite monarchiste. Elle reproduit, en particulier, de nombreux articles de Jacques Bainville, de Charles Maurras et de Léon Daudet. La carrière bigarrée des deux derniers suscite (du moins jusqu'à la mise à l'Index de l'Action française en 1927) beaucoup de sympathie chez les rédacteurs du journal québécois.

Parmi les autres journaux français dont des extraits paraissent de temps en temps dans l’Action, on doit signaler l'Écho de Paris (les articles d'André Beaunier, de Paul Bourget - « Junius » - et de Maurice Barrès), la Victoire (avec Gustave Hervé), le Figaro (surtout les nombreux écrits de Georges Goyau et de Louis Bertrand, tous deux de l'Académie française), la Revue internationale des Sociétés secrètes [54], la Revue hebdomadaire (en particulier les articles de Louis Latzarus), les Études et la Bonne Nouvelle (Paris). Si tous ces journaux [28] n'ont pas été ouvertement catholiques, les auteurs cités en général le sont. Charles Maurras fait exception à cette règle, mais ses autres vertus le rachètent aux yeux des rédacteurs de l'Action.

Les nombreux tracts de l'École sociale populaire de Montréal ont été sans contredit matière à lecture obligatoire pour l'Action catholique. Fondée en avril 1911 avec l'approbation et sous les auspices de Mgr Bruchési, cette école d'éducation catholique publie, avant 1940, plus de trois cents brochures mensuelles sur diverses questions sociales dont le syndicalisme, le communisme, le corporatisme, le capitalisme, etc. Parmi les membres les plus connus de l'École, signalons seulement les noms du P. Joseph-Papin Archambault, s.j. (directeur de l'École), du P. Gustave Sauvé, o.m.i., du P. Georges-Henri Lévesque, o.p., et de l'abbé J.-B. Desrosiers, p.s.s. Plusieurs numéros méritent une attention spéciale de l'Action, comme, par exemple, l' « excellent petit tract [55] » du P. Archambault sur « La menace communiste au Canada » de même que l'enquête d'Édouard Laurent, journaliste à l'Action même, sur le communisme à Québec [56].

Mais l'activité de l'École sociale populaire ne s'arrêtait pas à la publication de brochures et de tracts. Durant les années 30, elle organisa des « Journées anticommunistes », avec expositions et conférences dans plusieurs villes du Québec. L'Action salue toujours très chaleureusement ces diverses initiatives. L'École publia aussi, avec la collaboration du P. Archambault, de Mgr Eugène Lapointe (de Chicoutimi), de Mgr Wilfrid Lebon (du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière), du P. Georges-Henri Lévesque et d'autres, un « Programme de restauration sociale », fondé sur les encycliques papales et destiné à servir de contre-poison au programme de la Co-operative Commonwealth Federation (C.C.F.) [57].

Pour ce qui est des personnalités, un seul homme a pu exercer une influence décisive sur la pensée des journalistes de l'Action. Ce fut, du moins durant les années 20, Mgr Louis-Adolphe Pâquet. En plus de ses nombreux articles, que le journal publiait en éditorial, sur des questions telles que la démocratie, la dispute territoriale entre le Pape et le gouvernement italien, le bolchevisme et [29] le socialisme, il rédigea de nombreux ouvrages qui constituaient la base de la bibliothèque de tout bon intellectuel catholique au Canada français.

En somme, il est évident que tous ces facteurs affiliations sociale, religieuse et ethnique, conjoncture de l'époque, formation générale, lectures, activités, etc. - contribuent à déterminer les attitudes et les opinions des rédacteurs et donc l'orientation du journal lui-même.


L'influence du journal

Comment pourrait-on mesurer l'influence d'un journal comme l'Action catholique sur la société québécoise ? Nous avons bien quelques statistiques sur le tirage du journal mais elles n'expliquent pas tout. Le journal le plus influent n'est pas nécessairement celui qui a le plus fort tirage. Un journal comme l'Action, lu probablement par une partie importante de l'élite traditionnelle de la région de Québec, a dû exercer une influence plus grande que le nombre de ses lecteurs ne peut le laisser supposer.

Durant l'hiver 1919-1920, l'Action organise une campagne d'abonnements très bien menée, offrant beaucoup de cadeaux. Vers la fin de février, elle annonce qu'elle a gagné « un bon nombre » de nouveaux abonnés, mais que ce nombre est « loin d'être celui [...] espéré [58] ». Le 4 mars 1920, pour la première fois, le tirage est indiqué : 20 157. Cinq jours plus tard, c'est 20 400, et le 19 mars, 20 700. Peu de temps après, l'Action annonce un « concours supplémentaire » qui lui vaut un « grand nombre de nouveaux abonnés [59] » : il y en a maintenant 21 200 [60], tirage qui se porte à 22 700 en octobre [61]. Par la suite, le recrutement ralentit et en septembre 1921, le tirage se stabilise à 22 900 [62] ; il ne faudrait pas oublier, cependant, que c'est un moment de crise économique. Encore dix-huit mois, deux autres concours, et le tirage grimpe à 23 700 [63], mais au mois de mai, moins de deux ans plus tard, on fait état d'un accroissement très considérable, indiquant un tirage total de 26 000 [64].

[30]

À ce moment, la situation du journal s'annonce moins bonne et le tirage pour mai 1924 est inchangé. Ensuite, pendant six ans, on ne donne aucun chiffre dans les pages du journal. Après cette longue pause, en juillet 1930, on indique un tirage de 30 150, tirage qui s'accroît à 30 423 en août puis reste stationnaire jusqu'à la fin de l'année [65].

La dépression économique se révèle une dure épreuve pour l'Action catholique. En effet, le nombre des abonnements en septembre 1932 est de 20 318, soit une baisse de plus de 10 000 abonnements en deux ans [66]. Ce chiffre, très bas, n'est rapporté qu'en avril 1937, lorsque, une fois de plus, le journal réussit à « décoller » et que le nombre de ses abonnés monte en flèche.

Les chiffres donnés ci-dessous [67] indiquent la montée foudroyante que connaît le journal après 1932. En mars 1937, le chiffre de 59 000 abonnés arrache un cri triomphal à « Pierre-Paul » : « Non, jamais l'indépendance de l'Action catholique n'a été reconnue aussi universellement qu'aujourd'hui [68]. »

Pendant cette période, on annonce plusieurs campagnes d'abonnements. La publicité en faveur du journal fait souvent appel aux inquiétudes les plus profondes des lecteurs. À côté d'un bulletin d'abonnement dans un numéro de mai 1937, on trouve l'opinion suivante : « Catholiques, vous abonner et aider au journal catholique, c'est protéger votre religion, votre famille, vos biens contre le monstre universel, le COMMUNISME [69]. » On utilise d'autres moyens pour accroître le tirage et, au début de 1938, le journal décide de publier une troisième édition, celle de cinq heures, parce qu'il « se passe tant de choses, entre midi et cinq heures, qui arrivent chez nous et dans le monde entier [70] ». (!)

[31]

Le moment de triomphe tant attendu arrive au début du printemps de 1938 lorsque l'Audit Bureau of Circulation annonce que, pour l'année écoulée, l'Action catholique avait un tirage de 55 243, et le Soleil, de 54 077 seulement. L'Action catholique en tête ! Fièrement, le journal proclame au-dessus de sa manchette à la une qu'il a maintenant le plus fort tirage de tous les journaux de Québec [71] et qu'il est aussi le deuxième journal français d'Amérique [72].

Mais qui sont les lecteurs de l'Action ? Sur ses 56 000 abonnés, en janvier 1939, seulement 13 000 résident en ville (donc, à peu près le double du chiffre de 1934). D'autre part, 43 000 abonnés demeurent à la campagne, le triple du chiffre de 1934 [73]. Ainsi non seulement l'Action catholique trouve-t-elle la grande majorité de ses abonnés en dehors de la ville de Québec, mais encore, comparativement aux chiffres de 1934, elle se « ruralise ».

Quoique le tirage soit l'indication la plus précieuse du rayonnement du journal, il existe d'autres indices utiles. Le « Courrier des paroisses » donne, en effet, le nom de la plupart des paroisses qui reçoivent le journal. Souvent, durant ses campagnes-concours d'abonnements, l'Action publie une liste de tous les concurrents et de leurs paroisses. Sa diffusion déborde les limites du diocèse de Québec : elle couvre en partie ceux de Rimouski, de Gaspé, de Nicolet, de Sherbrooke, de Saint-Hyacinthe, de Trois-Rivières, de Joliette et de Chicoutimi.

Une campagne organisée par l'Action en 1925 pour favoriser l'idée d'une fête nationale fériée (le 24 juin) donne aussi certains indices sur son rayonnement : 16 000 personnes signent la pétition et indiquent, en même temps, leur paroisse. De plus, lors des noces d'argent de l'Action, les paroisses et les communautés religieuses de toutes les régions touchées par le journal font publier des messages de félicitations.

*   *   *

En introduction, nous avons tenté de dégager la nature de la mission de l'Action catholique. Nous avons précisé aussi la méthodologie utilisée dans ce travail. Reste à voir maintenant comment un concours de circonstances, à la fin de la première guerre mondiale, a amené le journal à définir sa mission dans un sens nettement réactionnaire.



[1] Signalons la Renaissance, la Réforme protestante, la révolution américaine et la Révolution française, quant à la première étape, et les révolutions socialistes quant à la deuxième.

[2] Les linguistes que nous avons consultés donnent au mot « contre-révolutionnaire » un sens beaucoup plus précis qu'au mot « réactionnaire ».

[3] Nous ne disons pas que tous les éléments constituant l'idéologie de l'Action catholique ont le même caractère réactionnaire. Certes, il y a des aspects qu'un libéral qualifierait de « progressistes » - dont les campagnes menées contre les « mauvais » patrons et les critiques de la corruption électorale. Nous voulons montrer, cependant, que l'idéologie de l'Action, dans son ensemble, est réactionnaire.

[4] Un des rédacteurs de l'Action cite le comte Albert DE MUN qui définit la révolution comme n'étant « ni un acte, ni un fait, [mais] une doctrine sociale, une doctrine politique, qui prétend fonder la société sur la volonté de l'homme au lieu de la fonder sur la volonté de Dieu, et qui met la souveraineté de la raison humaine à la place de la loi divine ». Inversement, pour lui, la contre-révolution est une « doctrine qui fait reposer la société sur la loi chrétienne » (« L'esprit de vie », éditorial, 25 janvier 1918). L'Action interprète ici le mot « révolution » au sens large du terme. Selon elle, « la Révolution n'a pas commencé en 1789 ni même au dix-huitième siècle. Les doctrines et même les passions dont 89 fut le triste épanouissement remontent à la Renaissance, à la Réforme, à la substitution du droit païen au droit chrétien, à l'éloignement des hommes des sentiers où les gardait l'Église, pour la sauvegarde des sociétés autant que des âmes » (Ibid.). Plus spécifiquement, dans le cas soviétique, l'Action dit que la « contre-révolution » rallie « les éléments les plus sains de la nation » (12 décembre 1917). Quant à l'Europe de 1922, Ferdinand BÉLANGER assure que « la réaction s'opère contre les radico-démocratiques ou démocratico-socialistes » (« En passant », 13 décembre 1922). Pour le même rédacteur, l'avènement de Mussolini au pouvoir en Italie constitue une « révolution réactionnaire » (« En passant », 28 novembre 1922). Louis-Philippe Roy parle des « dictatures anti-révolutionnaires » de Mussolini et de Hitler (« Trois blocs se choquent », éditorial, 29 septembre 1936) et, saluant la victoire du général Franco en Espagne, le même rédacteur déclare que « la contre-révolution franquiste a eu raison de la révolution bolcheviste » (article, 29 mars 1939).

[5] Les définitions de l'Action catholique ne sont pas très rigoureuses. En effet, Joseph DANDURAND parle de la « révolution fasciste » en Italie (« L'expérience fasciste », éditorial, 30 mai 1929), et le directeur du journal, Jules DORION, qualifie Mussolini de « révolutionnaire d'un autre genre » (« Ce qui n'est pas chrétien n'est pas humain », éditorial, 31 décembre 1938). Habituellement, cependant, les révolutions sont néfastes, d'après l’Action, et elle emploiera d'autres mots pour désigner les « expériences » de Mussolini, de Hitler, etc.

[6] « Lettre pastorale sur l'Action Sociale Catholique et en particulier sur l'œuvre de la Presse catholique » (31 mars 1906), dans Mandements des évêques de Québec, Québec, Imprimerie générale, 1907, vol. X, p. 62.

[7] « Programme », éditorial, l'Action sociale, 21 décembre 1907.

[8] « Qui ne peut pas ? » éditorial, 14 janvier 1920.

[9] « Défenseur de la vérité », éditorial, 24 janvier 1917.

[10] « Cherchons la vérité », III, éditorial, 12 juillet 1920.

[11] « Quand un aveugle conduit un autre aveugle », éditorial, 9 mai 1936.

[12] « Les élections provinciales : un excellent résultat. Toutefois... », éditorial, 19 août 1936.

[13] E. L'HEUREUX, « Les débuts du gouvernement national : ce que nous en pensons », éditorial, 8 septembre 1936.

[14] Le mot est du cardinal Rouleau, alors qu'il accorde sa bénédiction au projet du nouveau concours d'abonnements lancé par l'Action, 13 mai 1930.

[15] 12 avril 1933.

[16] « Le communisme, c'est TROIS guerres », éditorial, 16 octobre 1936.

[17] E. L'HEUREUX, « Le Soleil et la presse catholique », II, éditorial, 4 janvier 1933. C'est l'Action qui souligne.

[18] « Chronique de la guerre », 18 avril 1917.

[19] Ibid., 13 septembre 1917.

[20] Ibid., 1er février 1918.

[21] J. DORION, « Une preuve nouvelle », éditorial, 22 septembre 1925.

[22] « Silence significatif », éditorial, 17 janvier 1928.

[23] « En passant », 25 avril 1927.

[24] « Les échauffourées de Palestine », éditorial, 29 août 1929.

[25] « Les communistes n'hésitent pas à inventer les pires nouvelles pour hâter la guerre », article, 5 février 1937.

[26] « Petites notes », 17 septembre 1937. Dans son excellent ouvrage, The Spanish Republic and the Civil War, 1931-1939 (Princeton, Princeton University Press, 1965), Gabriel JACKSON fait état du mythe, répandu par le gouvernement nationaliste à l'instigation de Hitler, selon lequel la ville de Guernica avait été brûlée par les « rouges » (pp. 381-382).

[27] 17 décembre 1932.

[28] « Nos pages », éditorial, 30 janvier 19 17.

[29] L'Action expliquait pourquoi elle était devenue « le 1er des quotidiens publiés à Québec et le 2e quotidien français d'Amérique » (5 mai 1939).

[30] Le journal a fait ces remarques dans le cadre d'une campagne d'abonnements, 29 novembre 1937.

[31] Il s'agit d'une étude de tous les éditoriaux et commentaires pour la période 1917-1920. Voir Appendice, tableau I, pp. 317-319.

[32] Sans doute le lecteur nous demandera-t-il : « Mais quelles furent les « vraies » causes ? Comment peut-on savoir dans quelle mesure l’Action déforme la « vérité » ? » Sans doute aussi nous posera-t-il la même question maintes et maintes fois dans le cadre de cette étude. Hélas ! Nous ne pourrons malheureusement pas rétablir la « vérité » quant à chaque événement dont elle fait mention. D'ailleurs ce n'est guère notre propos. Nous ferons quand même quelques remarques en vue de guider le lecteur.

[33] Jacques KAYSER, le Quotidien français, Paris, Armand Colin, 1963.

[34] « Dans le titre », éditorial, 21 février 1920.

[35] Les titres suivants, sur les événements de la guerre d'Espagne, donnent une idée des quatre genres de titres proposés par Kayser et utilisés par l'Action catholique :

a) indicatif : « Huit semaines de guerre civile » (manchette, 11 septembre 1936) ;

b) explicatif : « Franco admet que le Front Populaire résiste plus que l'on pouvait s'y attendre, mais assure que les Patriotes remporteront la victoire » (titre d'article, 14 octobre 1936) ;

c) orienté : « La délivrance de la garnison d'Oviedo » (manchette, 13 octobre 1936) ;

d) sensationnel : « Lutte à mort sous un soleil de plomb » (manchette, 26 juillet 1937).

Il est certain que les titres ne sont pas toujours très honnêtes, c'est-à-dire qu'ils ne représentent pas toujours l'idée de l'article. 1e 30 septembre 1937, l'Action annonce en manchette : « Armistice probable en Espagne ». En lisant les sous-titres de l'article lui-même, on voit que l'Angleterre et la France ont « suggéré » un armistice pour permettre aux volontaires de quitter l'Espagne... et qu'on ne croit pas que Mussolini accepte cette proposition !

[36] Voir Appendice, tableaux IV et V, pp. 328-339.

[37] Voir l'article de Louis-Philippe Roy, « Les préparatifs, la naissance et les tout premiers pas de l'Action catholique et de l’Action sociale », dans l'édition souvenir du journal lors de son cinquantenaire, 21 décembre 1957, p. 6. On y fait état d'emprunts à l'Archevêché, de souscriptions, etc.

[38] Mandements des évêques de Québec, vol. X, p. 69.

[39] Dans le numéro-souvenir de l’Action catholique à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa fondation, 17 décembre 1932.

[40] L'Action refusait, à ce moment-là, les annonces provenant de maisons de commerce juives. On laissa croire, à plusieurs reprises, que le Soleil et l'Événement étaient acquis aux intérêts juifs parce qu'ils acceptaient leur publicité.

[41] « Un appel aux amis », 17 décembre 1932. Dans l'Almanach de l'Action Sociale Catholique pour 1932, on estimait que la perte d'argent attribuable aux annonces refusées s'élevait à $50 000 par an (p. 87).

[42] Que les historiens se le tiennent pour dit. C'est peut-être malheureux (du moins pour la cause de l'objectivité), mais par leur formation, leur caractère, leurs goûts, leurs préjugés personnels, etc., ce sont des hommes comme les autres.

[43] Semaine religieuse de Québec, vol. LI, no 29 (16 mars 1939), p. 452. Voir aussi Jules Dorion, brochure avec lettre-préface de Lionel Groulx, Québec, Action catholique, 1939. Il s'agit d'un recueil de nécrologies de Dorion.

[44] Compte rendu de Jules DORION, 2 juillet 1924.

[45] Il s'agit du bulletin paroissial de Notre-Dame-de-Grâce, Québec. Lavergne y rédigea des articles sur la question juive en 1931-1932.

[46] « Notre dixième année », éditorial, 2 janvier 1917.

[47] Nous employons ce mot pour désigner tous les changements - pas seulement politiques - qui se sont produits, si rapidement, dans le monde occidental depuis 1789 et, surtout, depuis 1900. Nécessairement la place traditionnelle de l'Église se trouvait fortement remise en question.

[48] La première Semaine tenue au Canada, sur l'encyclique Rerum novarum, le fut à Montréal du 21 au 25 juin 1920.

[49] C'est l'auteur de nombreuses publications antimaçonniques et antijuives.

[50] Celui-ci fut nommé au poste de directeur de la Semaine religieuse de Québec à la mort de l'abbé Huot en 1929.

[51] Dorion dit en être un lecteur assidu ( « La Croix de Paris », éditorial, 28 juin 1933).

[52] Qualifié d' « homme de la droite nationaliste » traditionaliste » par Eugen Weber. Il sera finalement assassiné (par la Sûreté, affirme Léon Daudet).

[53]            2 décembre 1932.

[54] Mgr Ernest Jouin, curé de Saint-Augustin (Paris), a fondé la revue dans le but de « démasquer » les loges maçonniques.

[55] E. L'HEUREUX, « Petites notes », 29 avril 1935. Il s'agit du numéro 254-255 (mars-avril 1935).

[56] « Une enquête sur le communisme à Québec », no 303 (avril 1939).

[57] « Pour la restauration sociale au Canada », nos 232-233 (mai-juin 1933). Voir l'éditorial de Thomas POULIN, « Un programme », 17 avril 1933 ; celui de L'HEUREUX, « La crise persiste », 20 avril 1933 ; et encore celui de POULIN, « Une brochure », 6 octobre 1933.

[58] 23 février 1920.

[59] 1er juin 1920.

[60] 3 juin 1920.

[61] 11 octobre 1920.

[62] 2 septembre 1921.

[63] 17 mars 1923.

[64] 4 mai 1923.

[65] On donne le chiffre quotidiennement.

[66] 27 janvier 1938.

[67] Tirage net payé (d'après chiffres du 27 janvier 1938)

30 septembre

1932 - 20 318

"    "

1933 - 20 539

"    "

1934 - 24 564

"    "

1935 - 28 449

"    "

1936 - 44 166

"    "

1937 - 52 611

Tirage total pour décembre 1937 : 63 000 (30 décembre 1937)

Tirage net pour 30 septembre 1938 : 56 303 (19 novembre 1938)

[68] Le chiffre indiqué, 59 000, dépasse probablement le tirage net payé (« Petites notes », 13 avril 1937).

[69] 29 mai 1937.

[70] 4 janvier 1938.

[71] 4 août 1938.

[72] Après la Presse de Montréal.

[73] 24 février 1939.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 30 mai 2011 12:34
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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