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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise JODELET, “Culture et pratiques de santé”. Un article publié dans Nouvelle Revue de Psychologie, no 1, 2006, pp. 219-239. [Autorisation de l'auteure de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales le 4 juin 2007.]

Denise JODELET 

“Culture et pratiques de santé” 

Un article publié dans Nouvelle Revue de Psychologie, no 1, 2006, pp. 219-239.
 

Table des matières   

Rérumé/Abstract 
Introduction 
Raisons historiques de la prise en compte de la culture
Représentations sociales et santé
Évolution de la psychologie vers la culture
Développement d’une perspective multidimensionnelle
Trois questions pour l’approche de la culture
Des usages de la notion de culture
Modes d’influence de la culture
La culture dans le contexte des pratiques
L’expérience, espace de jeu de la culture
La culture dans la pratique scientifique 
Conclusion 
Bibliographie

 

Résumé

 

Depuis ses débuts en Europe, il y a plus de vingt ans, et contrairement à la contribution pionnière des sciences sociales, la psychologie de la santé n’a pas intégré de manière systémique dans ses modèles la dimension de la culture. Les raisons rendant nécessaire une telle intégration qui favoriserait un décloisonnement des disciplines sont examinées. Elles sont liées à l’histoire du champ de la santé, au développement de perspectives culturelles en psychologie et au besoin d’une approche pluridimensionnelle des phénomènes propres au champ de la santé. Trois questions sont posées pour avancer dans l’analyse de l’intervention de la culture : où, dans quel espace la situer ? Comment en concevoir les formes ? À quelles conceptions de la culture peut-on avoir recours en psychologie de la santé ? On tente d’y répondre en s’appuyant sur des travaux théoriques et empiriques et en introduisant un nouveau lieu d’observation : l’expérience vécue par les acteurs du système de santé. 

MOTS-CLÉS:

Psychologie de la santé, culture, représentations sociales, savoir, signification, pratique, expérience.

 

ABSTRACT

 

Since its beginnings in Europe, more than twenty years ago, Health Psychology has not integrated, in a systemic way, the cultural dimension in its models, as did the pioneer contributions of Social Sciences. This article investigates the reasons why such an integration is necessary and would help scientific decompartmentalization. These reasons are linked to : the history of the health studies field, the development of cultural perspectives in psychology and the need to promote a multidimensional approach of the phenomenons which are specific to health 238 Nouvelle Revue de psychosociologie - 1 studies field. In order to go further in the analysis of culture intervention within health practices, three questions are stated : where, in which space to locate culture ? how to conceive its forms of intervention ? what conceptions of culture can be applied in Health Psychology. We’ll try to answer these questions on the basis of theoretical and empirical contributions, and introducing a new place of observation : the experience lived by the actors of the health system. 

KEYWORDS:

Health Psychology, culture, social representations, knowledge, significance, practice, experience.

 

INTRODUCTION

 

La psychologie de la santé a connu, depuis les années 1980, un fort développement en Europe, faisant écho à l’expansion et l’institutionnalisation de cette discipline aux États-Unis, dix ans plus tôt. Dans ce mouvement, et malgré l’émergence de quelques réflexions critiques, les perspectives européennes se sont peu distancées des modèles anglo-saxons centrés sur l’exploration des facteurs et processus individuels ayant une incidence sur les comportements. De ce fait, la psychologie de la santé a curieusement été aveugle au jeu des dimensions collectives qui interviennent dans la gestion, individuelle et publique, de la santé et de la maladie. Parmi ces dimensions, la prise en compte de la culture est pratiquement inexistante. Or, elle était au centre des premiers travaux qui ont porté sur le binôme santé/maladie, et se trouve au coeur des contributions décisives que l’anthropologie, l’histoire et la sociologie apportent aujourd’hui à la compréhension des problèmes liés à la prévention, protection et promotion de la santé. En tant que psychosociologue s’inscrivant dans un courant de pensée particulier, celui des représentations sociales où la culture est tenue pour jouer un rôle essentiel, il me paraît important de réfléchir sur la place que l’on peut et doit accorder à la culture dans le champ de cette nouvelle discipline. 

La nécessité d’introduire aujourd’hui le thème de la culture dans notre réflexion tient à trois ordres de raison qui renvoient : à l’histoire des approches du binôme santé/maladie dans les sciences humaines ; à l’ouverture de la psychologie vers la culture ; au développement d’une perspective multidimensionnelle pour traiter des pratiques de santé. Après avoir examiné ces raisons, je me propose de dessiner, en m’appuyant sur quelques contributions empiriques et théoriques, les lignes d’une approche visant à intégrer la dimension culturelle dans la psychologie de la santé. 

 

RAISONS HISTORIQUES
DE LA PRISE EN COMPTE DE LA CULTURE

 

Avant que la psychologie de la santé ne s’établisse en champ disciplinaire autonome, le domaine d’étude des phénomènes rattachés à la santé et la maladie (pratiques, systèmes de savoirs et de croyances, institutions et agents thérapeutiques, relation patient/soignant, etc.) a été largement balisé par la sociologie et l’anthropologie [1]. Ces disciplines pionnières n’ont pas manqué d’intégrer dans leur approche un regard sur l’individu, en le situant dans l’horizon de ses inscriptions sociales et culturelles ou dans le cadre de ses rapports avec les institutions et les professionnels de la médecine. Il n’est qu’à rappeler le texte de M. Mauss (1926) sur « l’effet physique chez l’individu de l’idée de mort suggérée par la collectivité », et l’ouverture de la sociologie médicale, en 1948, avec la contribution de T. Parsons centrée sur les rôles sociaux du médecin et du patient. Ces disciplines ont même parfois considéré les représentations et pratiques relatives à la santé comme l’un des matériaux privilégiés pour l’investigation des systèmes culturels et sociaux et de leur articulation avec le niveau individuel. Ainsi, en sociologie, pour divers auteurs (entre autres H. Becker, E. Freidson, E. Goffman, R. Merton, A. Strauss), l’étude des pratiques et attitudes des acteurs au sein des systèmes liés à la santé « est apparue féconde pour la compréhension de problèmes et de processus sociaux plus généraux » (Adam et Herzlich, 2002). En anthropologie, comme il ressort de l’analyse de M. Augé (1984) dans Le sens du mal, la portée de ce domaine d’étude tient à ce que les « modèles intellectuels d’interprétation » de la maladie et de la thérapie et les institutions qui les sous-tendent et les expriment, ont à voir avec les structurations sociales et politiques, et peuvent y donner accès. Cette réciprocité de perspectives, pour aborder le rapport à la santé, ne se retrouve malheureusement pas en psychologie de la santé qui traite les dimensions collectives comme des variables externes intervenant parmi les antécédents ou modérateurs des stratégies adoptées par les individus pour assurer ou restaurer leur santé, affronter leurs maladies. Et l’on peut craindre que l’ignorance des perspectives ouvertes par l’anthropologie, l’histoire ou la sociologie, dans la formulation de ses problématiques, ne vienne renforcer les clivages disciplinaires si dommageables pour l’approche des phénomènes relevant du binôme santé/maladie. 

Par ailleurs, les recherches en sciences sociales ont souvent servi, en raison de leur posture critique, d’inspiration dans l’effort pour signaler et dépasser les limites d’une approche purement biomédicale, ou les insuffisances des institutions inspirées par le modèle technico-scientifique de la médecine. Or, ce sont précisément les attentes nées des changements introduits dans le système de santé par le déclin du modèle biomédical dominant, les dysfonctionnements du système médical lui-même et les insatisfactions des usagers devant les inégalités d’accès dues, entre autres, à un fonctionnement à plusieurs vitesses sociales, qui ont rendu nécessaire le recours aux apports d’une psychologie de la santé. Même si, comme le rappelle M. Santiago-Delefosse (2002, 9), celle-ci est venue également répondre, en tout cas aux États-Unis, aux demandes d’« amélioration du système de soins » dans une logique obéissant à « un modèle économique de prise en charge » spécifique, qui a eu une influence sur l’orientation de la recherche vers des études quantitatives et dans l’adhésion à la définition médicale de la santé. Notons cependant que le problème de la dépendance par rapport aux demandes des politiques sanitaires n’est pas propre à la psychologie. Les sciences sociales sont aussi confrontées à l’incidence, sur le plan épistémologique et méthodologique, des conditions de la recherche appliquée (Fassin, 1994). 

Toujours d’un point de vue historique, la place de la psychologie de la santé peut être également rapportée à l’évolution de la définition de la santé dans laquelle l’OMS a joué un rôle certain. C’est au Congrès d’Alma Mata en 1978 que la définition de la santé comme « absence de maladie et d’invalidité » a été remplacée par celle « d’état de bien-être complet, physique, mental et social », enregistrant la contribution de la psychologie de la santé. Plus tard, l’appel à la prise en compte de la culture dans le champ de la santé s’est formellement exprimé lorsque l’OMS, dans son congrès d’Ottawa, en 1986, a défini une nouvelle orientation au système de santé : la promotion de la santé, qui ajoutait à l’offre des services cliniques et curatifs, la prise en compte et le respect des besoins culturels. L’objectif fixé était alors de répondre aux demandes individuelles, sociales et groupales pour une vie plus saine et l’établissement d’échanges entre le secteur de la santé, et des aspects plus amples liés aux secteurs sociaux, politiques, économiques et à l’environnement physique [2]. La psychologie de la santé avait devancé l’OMS en 1978, elle ne semble pas vraiment l’avoir suivi après 1986, sauf dans un secteur de la psychologie sociale, celui des représentations sociales, étroitement associées à la culture (Jodelet, 2002).

 

REPRÉSENTATIONS SOCIALES ET SANTÉ

 

En effet, le champ d’étude des représentations sociales offre la double particularité d’être particulièrement en prise avec le thème de la santé et la perspective culturelle. J’ai déjà montré (Jodelet, 2000) la nature à la fois historique et logique du lien existant entre le champ de la santé et les représentations sociales. Lien historique puisque la théorie a été formulée autour d’un thème qui a relation avec la santé mentale, avec l’ouvrage de S. Moscovici, La psychanalyse, son image et son public (1961/1976), et puisque le premier des travaux qui mirent en oeuvre cette approche porta sur la santé et la maladie, avec l’ouvrage de C. Herzlich (1969), suivi par une importante cohorte de recherches menées en Europe sur le corps et la santé (voir entre autres Farr et Markova, 1994 ; Flick, 1992 ; Jodelet, 1984, 1989 ; Petrillo, 2000). Lien logique, dans la mesure où les représentations reçoivent dans les sciences sociales un rôle prééminent dans le traitement social ou culturel des questions relatives à la vie corporelle, et dans la mesure où la maladie, signifiant social, fait objet de discours qui, variant en fonction de l’histoire et selon les insertions sociales et groupales des acteurs, donne sens et orientations aux pratiques privées et institutionnelles. Comme le rappelle J. Pierret (1984), les systèmes d’interprétation de la santé qui organisent les pratiques sociales et symboliques renvoient non seulement à la maladie et à la médecine, mais aussi au travail, à l’éducation, la famille, et permettent de dégager des logiques de vie ou, du moins, des sens donnés à la vie. 

Illustrons ces propositions par un exemple soulignant l’importance du culturel. Lors d’un séjour au Mexique, j’ai fait un petit test sur les représentations de la santé, auprès d’un groupe de 80 personnes faisant une formation permanente à l’université de Guadalajara et appartenant à diverses professions et disciplines. M’appuyant sur les indications fournies sur les opinions et croyances de sens commun par M. Morin dans son ouvrage Parcours de santé (2004), j’ai proposé à ce public de donner des associations verbales au mot « santé » et de répondre à deux questions sur les signes manifestant un état de santé et observés sur soi-même et une personne proche. Ces questions avaient été posées lors d’une enquête menée en Angleterre par M. Blaxter (1990). Le traitement des réponses a utilisé les catégories dégagées aussi bien par C. Herzlich (op. cit.), J. Pierret (op. cit.) que M. Blaxter (op. cit). On retrouve effectivement la santé définie comme chez ces auteures : « non-maladie » et « produit d’une vie saine » (10% des réponses), « valeur de référence, énergie, vitalité » (11%), « bien-être, équilibre » (18%), « fonction, capacité de faire des choses » (22%). En revanche, la santé « capital ou réservoir » est pratiquement absente (1%), et la « santé-institution » inexistante. Or, ces deux catégories occupent une place importante dans les réponses européennes ; ce qui laisse penser que le rapport individu-société dont les sens du binôme santé/maladie sont, pour les auteures citées, une expression métaphorique, n’est pas conçu de la même manière chez les sujets européens et mexicains. Certes, ces indications de pourcentages ne veulent pas dire grand-chose, les échantillons et les quantifications n’étant pas comparables. Elles me servent seulement à repérer des similitudes et des différences, et surtout à illustrer une spécificité frappante des réponses mexicaines : le quart d’entre elles portent sur les dimensions relationnelles (notamment avec la famille et les amis), les dimensions affectives, émotionnelles et mentales, de la santé. Ces aspects sont totalement absents des données européennes. Il s’agit bien là d’un indicateur de santé décisif qui renvoie à l’importance de la participation sociale dans le milieu proche et communautaire, largement souligné, à propos de la culture mexicaine, rangée parmi les cultures « collectivistes », pour reprendre une catégorie de la psychologie interculturelle. 

On objectera que parmi les premiers résultats saillants des recherches en épidémiologie et en psychologie de la santé, figurent ceux qui ont mis en évidence l’importance du support social en matière de défense contre la maladie. Bien sûr, mais cela ne vaut pas pour ce qui est d’une définition positive de la santé, prise en tant que telle. Et l’on peut se demander si cette absence correspond à une zone vide de la sensibilité dans des cultures dites « individualistes », ou à une zone déniée ou occultée du fait soit de la prévalence des savoirs savants qui objectivent le corps, soit de la prééminence des normes de productivité et de performance sociale propres aux sociétés postmodernes. 

 

ÉVOLUTION DE LA PSYCHOLOGIE
VERS LA CULTURE

 

La référence à la culture, quand on touche au champ de la santé, semble devoir s’imposer aussi comme la résultante des tendances nouvelles qui se dessinent en psychologie. D’une part, les récents travaux en psychosociologie de la santé (Fisher, 2002 ; Morin, 2004 ; Petrillo, 2000) ont souligné les risques d’individualisation de l’approche des problèmes abordés en psychologie de la santé. Mais une resocialisation de l’analyse du rapport à la maladie et à la santé ne peut se contenter des propositions d’une sociologie qui insisterait sur la seule détermination par les positionnements dans une hiérarchie sociale. Un exemple en a été donné par l’échec des enquêtes menées sur l’allaitement maternel qui, en se centrant sur les déterminants sociologiques, se sont révélées incapables de rendre compte ni de la physionomie de cette pratique, ni du décalage existant entre ce que désirent les femmes et ce qu’elles font (Jodelet 1987, Jodelet et Ohana, 2000). Il est très tôt apparu nécessaire de prendre en compte, à côté du vécu psychologique de la pratique de nourrissage, les connaissances, modèles culturels régissant aussi bien la relation mère/enfant, les normes d’éducation que le statut de la femme et l’évolution des rapports de genre au sein de la famille. Conception plus ample qui inclut la culture et ses changements dans le monde contemporain. 

D’autre part, on constate l’émergence depuis une vingtaine d’années d’un fort courant de pensée centré sur la psychologie culturelle. La dimension culturelle y est abordée de diverses manières. Soit, comme le développe Bruner (1991), la psychologie devient l’étude des significations portées par l’action humaine dont l’intentionnalité est sous-tendue par les systèmes culturels d’interprétation ; soit elle est conçue comme l’étude des psychologies naïves propres à différents peuples se rapprochant en cela des psychologies indigènes (Heelas et Lock, 1981 ; Kim et Berry, 1993) ; soit comme l’étude du marquage culturel des processus cognitifs, se rapprochant en cela de la psychologie interculturelle aussi bien que des travaux menés en « anthropologie cognitive ». Se dessine ainsi un nouveau rapprochement entre psychologie et anthropologie dont pour certains auteurs (Bastide, 1965 ; Kluckhohn, 1965, ou plus récemment Jahoda, 1989 ; Camilleri et Vinsonneau, 1996), les affinités ont été plus marquées, au début du XXe siècle, que celles existant entre anthropologie et sciences sociales. On attribue le relâchement de ces liens, depuis la Seconde Guerre mondiale et la fin des colonisations, à la diversification des courants de pensée en anthropologie et à la multiplication des spécialisations en psychologie. 

Le regain d’intérêt pour la relation entre psychologie et culture correspond à l’apparition de nouvelles sous-disciplines en anthropologie (ethnosciences, anthropologie médicale, cognitive, etc.) ainsi qu’à l’attention portée aux processus cognitifs, au niveau individuel, et au rôle de la culture dans l’organisation de la connaissance (Holland et Quinn, 1987), particulièrement sensible dans les recherches interculturelles et l’étude comparative du développement et du fonctionnement cognitif. Un nouveau territoire d’anthropologie de la pensée (Shweder, 1977) s’ouvre ainsi à la psychologie et aux études de représentation. Il va de soi que ce mouvement de convergence ne pourra qu’être bénéfique à l’enrichissement de la psychologie de la santé où il trouve déjà un terrain d’exploration profus. 

 

DÉVELOPPEMENT D’UNE PERSPECTIVE
MULTIDIMENSIONNELLE

 

Un troisième ordre de considérations venant à l’appui de la réintégration de la culture dans les recherches sur la santé est argumenté, de l’intérieur même de ce champ, au nom de la complexité des phénomènes étudiés. Malgré la tentative d’élaborer des « modèles explicatifs à la fois multifactoriels et interactionnistes » (Bruchon-Schweitzer, 1992, 20), il apparaît, aux yeux de certains, que demeurent de fortes tendances au réductionnisme. Santiago-Delefosse (2002, 38) résume le malaise qui se fait jour chez les tenants du courant classique au vu de travaux centrés sur un individu solipsiste, n’articulant pas les variables environnementales, et de l’absence d’équilibre entre le courant biopsychosocial et les courants socioculturels et cliniques. C’est dans le même sens que vont les critiques passant en revue les contributions des sciences humaines (Bury, 1991 ; Good, 1994). Examinant les recherches menées dans le champ de la santé, ces auteurs enregistrent le succès d’un dépassement de la réduction biologique liée à un modèle uniquement biomédical. Néanmoins, ils pointent les risques que comportent des approches restant unidimensionnelles en ce qu’elles ne mettent l’accent que sur un seul aspect des questions touchant à la santé et la maladie. Par exemple, elles se focaliseront uniquement sur les conséquences sociales de la maladie (isolement social, stigmatisation, perte des rôles sociaux) ; ou sur les seuls aspects sémiotiques liés aux répertoires, codes et catégories de description des états de santé/maladie ; ou encore elles opéreront une psychologisation de ces états, ou n’accorderont d’importance qu’aux seuls facteurs sociaux déclencheurs de pathologies. Pour tous ces auteurs, seule une approche multidimensionnelle permettrait de rendre compte de la complexité des processus intervenant dans le rapport à la santé, de la diversité de l’expérience des individus et de leur participation aux soins. La culture devrait être intégrée dans une telle approche, mais dans des conditions qui préservent la subjectivité, donc le psychologique. 

 

TROIS QUESTIONS
POUR L’APPROCHE DE LA CULTURE

 

Se pose dès lors la question de savoir comment mener cette approche multidimensionnelle. Comment opérer la réconciliation entre perspective psychologique et culturelle et, en même temps, dépasser les écueils de l’unidimensionnalité ? Une solution serait de parcourir un par un les différents domaines étudiés par la psychologie de la santé, fort bien résumés dans les contributions récentes des psychologues français déjà cités, et d’y examiner les points d’intervention de la culture. Mais lister et analyser les champs de recherche serait ici une entreprise trop longue. Et de toute manière ce travail, qui mériterait d’être fait, devrait engager une réflexion théorique ayant comme préliminaire que l’on pose les cadres d’une approche de la culture. C’est pourquoi il me semble plus intéressant de répondre à une série de questions, ainsi résumées : et comment peut intervenir quelle culture ? 

La question du « où » renvoie aux domaines explorés au sein desquels on peut déceler une incidence différenciée de la culture. Compte tenu de l’ampleur des aspects auxquels l’approche psychologique de la santé peut se rapporter, comme je viens de le rappeler, je me bornerai à examiner ici ce qui concerne les personnes impliquées dans la gestion de la santé et leurs relations, au premier rang desquelles se placent les non-professionnels pour plusieurs raisons. Ils sont inscrits dans la société et porteurs de culture, et constituent le système d’accueil des évolutions de la médecine et des redéfinitions de la santé et la maladie. D’autre part, comme le dit Laplantine (1986, 22) : « À côté de l’acte d’objectivation par le savoir médical positif, il est non seulement “important”, “intéressant” mais scientifiquement nécessaire qu’une véritable anthropologie de la santé se tourne aussi du côté du malade qui non seulement peut être envisagé, à son tour, mais doit l’être, comme un authentique pôle de connaissances. » 

Le « comment » concerne la façon de conceptualiser l’incidence de la culture que l’on peut aborder soit dans une perspective causale de détermination des réactions, comportements et pratiques, soit dans une perspective compréhensive comme une mise en sens des pratiques étudiées, soit dans une perspective écologique comme milieu intersubjectif et transsubjectif de l’orientation des pratiques. Ces conceptualisations sont étroitement dépendantes des conceptions de la culture. J’y reviendrai après avoir examiné le troisième volet de l’interrogation qui porte sur le « quelle culture ». 

Ce « quelle » renvoie à la conception que l’on a de la culture, notion vague et polysémique s’il en est, et à l’adéquation de cette conception avec les problèmes de santé. La différenciation des approches que je ferai ici se base sur quelques-unes des tendances repérées dans les définitions de la culture dont on sait qu’elles sont nombreuses. La première tentative d’inventaire de ces définitions, faite en 1948 par Kroeber, en dénombrait plus de 150, auxquelles se sont ajoutées celles de courants plus récents, notamment en anthropologie. Mais il va de soi que, dans l’exercice d’une application rapportée au champ de la santé, bien des sens se recouvrent et se combinent.

 

DES USAGES DE LA NOTION DE CULTURE

 

Une première série de problèmes liés au rapport à la santé et à la maladie a trait aux connaissances mises en jeu et à leur négociation entre usagers et professionnels. On peut les faire correspondre à une vision encyclopédique de la culture recouvrant les savoirs et savoir-faire. Savoirs traditionnels, connaissances scientifiques, techniques et médicales, savoirs de sens commun transmis par le milieu familial, l’école, les médias, les canaux de communication informels, mais aussi construits à partir de l’échange avec les porteurs du savoir savant (experts, médecins, etc.) ou à partir des informations dispensées par les campagnes d’éducation pour la santé. Les travaux portant sur les savoirs profanes définissant les états normaux et pathologiques et leur incidence, dans le sens de l’empêchement ou la facilitation, sur l’assimilation des savoirs savants ou sur l’orientation des choix et comportements sanitaires, sont très nombreux et font généralement appel aux représentations comme formes de connaissance (Durif-Bruckert, 1994). À titre d’exemple, rappelons la contribution des études sur les représentations prototypiques ou sociales de la contagion dans la compréhension des résistances à la protection contre le sida (Bishop, 2000 ; Fabre, 1993). La prise en compte des savoirs a aussi donné lieu à d’intéressantes analyses sur la confrontation médecin/malade, ou les modalités d’utilisation concurrentielle ou complémentaire des ressources sanitaires traditionnelles et offres de services de santé publique dans les sociétés multiculturelles ou en voie de développement. 

Une seconde série de phénomènes rangés dans la culture met en jeu les valeurs, les normes, les modèles de conduite et de pensée d’un groupe. Deux traditions de pensée se dessinent ici. D’une part, une tradition sociologique qui ramène la culture soit aux systèmes de normes et valeurs qui, à côté du système de statuts et de rôles, régule l’action (Parsons, 1964). D’autre part une tradition ethnologique qui se centre sur les façons de dire, de faire et de penser dont rend compte la distinction entre ethos, mode de vie (life ways) et eidos, modes de pensée (thoughtways), très largement utilisée dans l’étude des psychologies indigènes (Trimble et Medicine, 1993). Rentreront dans ce schéma d’une part les systèmes de croyances, d’autre part les inculcations éducatives, les impositions sociales incorporées qui permettent de mettre en évidence, dans une ligne foucaldienne, la « gouvernementalité » appliquée aux corps dans le champ médical (Fassin et Memmi, 2004). 

À cheval sur cette distinction entre ethos et eidos et sur l’approche des savoirs, la culture peut être abordée, comme dans les ethnosciences, à partir des répertoires linguistiques, codes de langage, catégories de classement, etc. Tous ces éléments constituant les « outillages mentaux », chers aux historiens, qui autorisent la compréhension et la maîtrise des problèmes que pose la vie quotidienne. On peut en rapprocher le courant dit « classique » en anthropologie, qui ramène la culture à un phénomène mental, un bagage intellectuel commun que l’on doit acquérir ou croire pour agir de manière acceptable pour les membres d’un même groupe social (Agar, 1986). Ce qui amène à s’intéresser, en anthropologie cognitive, à la façon dont ceux qui sont « juste des gens ordinaires » (Just plain folks, Rogoff et Lave, 1984), sujets moyens d’une culture, acquièrent, mémorisent et appliquent le savoir culturel dans la vie quotidienne et dans différents contextes. 

Une autre perspective, de type interprétatif, se centre sur le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et sur les significations que revêtent pour ceux qui y participent, les institutions, les usages, les actions et les discours propres à un groupe localement défini. Deux grandes tendances se dégagent : celle qui dans la ligne de Geertz (1983) prend la culture comme un texte à interpréter en vue de relier les actions à leur sens plutôt que les comportements à leur détermination ; celle qui, dans la ligne de Bruner (op. cit.), voit la culture comme l’ensemble des significations qui servent de ressource à l’individu pour interpréter les situations où il se trouve. 

Une autre vision de la culture en fait un système symbolique qui met en lien et en loi les différents ordres (cosmique, économique, politique, religieux, individuel) constituant la réalité sociale. Dans cette perspective, fortement représentée en France dans le courant issu de la pensée de Lévi-Strauss, mais aussi chez un auteur durkheimien comme Mary Douglas, on postule une homologie entre l’organisation des rapports sociaux et celle des croyances et représentations. Une place importante y est réservée aux représentations de ces « symboles naturels », pour reprendre une expression de Mary Douglas (1973), que sont le corps et la maladie. Les conditions de production et d’inculcation des représentations fournissent une vision de l’ancrage des individus dans leur société. Deux exemples : celui de l’ouvrage de Godelier et Panoff (1998) sur la reproduction du corps montrant comment les sociétés produisent des représentations de la production du corps humain « dans l’intention de fabriquer un homme et une femme qui prennent leur place dans un certain ordre cosmique et social » ; celui d’Augé (1984) qui propose d’approcher les constructions sociales de la maladie, à partir d’une triple logique qui donne leur cohérence aux discours. La logique de la différence qui s’étaye sur une différence fondamentale, celle des sexes, reproduite dans les systèmes de classification binaire ; la logique de la référence qui fait place, dans les systèmes culturels, aux rapports sociaux et de pouvoir ; la logique du temps, ou chronologique, référant au positionnement des événements dans l’histoire des individus et des groupes. L’intérêt de ces perspectives est d’articuler les significations culturelles avec les dimensions historiques et sociales, et de repérer les effets de cette articulation dans l’intimité de chacun. Ces approches développées dans le cadre de sociétés traditionnelles ont également leur pertinence pour les sociétés contemporaines. 

À propos de ces dernières, il est une perspective particulièrement usitée qui fait équivaloir la culture avec les courants d’idées, les idéologies ou les épistémès au sens de Foucault, spécifiques d’un état de société et d’une période historique. Les uns et les autres modèleraient les sensibilités et les pratiques des acteurs. Ainsi, un modèle comme celui de Luhmann sur « les médias de communication généralisés sur le plan symbolique », dans ce cas l’amour (1990), a été appliqué au champ des relations intimes et aux pratiques sexuelles et de prévention du sida (Apostolidis, 1994). On pourrait aussi mentionner, au titre de cette perspective, la contribution d’Ehrenberg (2000) à l’analyse de la dépression et de l’addiction, montrant le changement solidaire des figures de la personne et du politique, la mise en place de formes d’accompagnement de la souffrance correspondant au déclin des dimensions conflictuelles du social et du psychologique. L’évolution historique des sociétés qui va dans le sens de la négation des conflits est mise en regard de celle de la psychiatrie qui élimine les perspectives de conflit, introduites notamment par la psychanalyse, au profit du bien-être social. Montrant le parallèle existant entre les problèmes de la maîtrise de la nature biologique et écologique et ceux de la maîtrise de soi, l’auteur pointe les bouleversements de la gestion de la santé mentale liés au fait que « l’action des antidépresseurs sur la personnalité se fait dans un contexte où aucun modèle de maladie ne peut servir de référence solide et où la nature elle-même n’est plus un socle » (p. 261).

 

MODES D’INFLUENCE DE LA CULTURE

 

Ces diverses conceptions font appel à des interprétations différentes de l’influence de la culture, du « comment ». Le recours à une causalité linéaire a longtemps marqué les recherches des anthropologues et des sociologues ; il reste toujours actif dans le champ de la psychologie de la santé. L’ouvrage présentant pour la première fois, en France, les recherches sociologiques (Herzlich, 1970) a mis en exergue les travaux prenant en compte la culture. Ces derniers s’attachent à l’effet de la variable « groupe ethnique » sur les réactions à la maladie, les comportements de soins, témoignant d’un apprentissage culturel de l’identification des symptômes, de la mise en forme des réactions émotionnelles et des pratiques médicales liées à des systèmes de croyances spécifiques. Les études réfèrent alors à des conditionnements précoces opérés dans le groupe familial. De tels constats ont incité à adopter de nouvelles approches psychologiques. Par exemple, privilégier l’étude des psychologies indigènes entendue comme l’étude des questions et des concepts qui reflètent les besoins et les réalités d’une culture particulière, en prêtant attention aux styles intellectuels où s’expriment la façon dont les individus définissent les situations, choisissent leurs interprétations et adoptent leurs méthodes d’intervention pour affronter leurs problèmes. Une autre alternative consiste à adopter une perspective d’ethnopsychologie comme le préconise le psychosociologue mexicain R. Diaz- Guerrero (1993). Il s’agit de dégager ce qu’il nomme « les prémisses historico-socioculturelles », c’est-à-dire les affirmations simples ou complexes, culturellement significatives, adoptées par une majorité de sujets dans une culture donnée et qui fournissent les bases pour la logique spécifique d’un groupe ethnique et orientent les manières de penser, de sentir et d’agir. 

Cependant, il est apparu aux observateurs que la variation des conduites pouvait être plus élevée à l’intérieur d’un même groupe ethnique qu’entre les différents groupes, que les membres d’un groupe ethnique pouvaient, selon les circonstances et les cas, recourir aux ressources de leur culture traditionnelle ou à celles offertes par le système de santé d’inspiration biomédicale. Ces constatations ont amené à s’interroger sur la validité d’une causalité linéaire imputée à la culture et sur la validité d’une variable aussi globale que la « culture » ou le « groupe ethnique ». 

De récents efforts ont été faits pour spécifier le jeu des significations culturelles dans la dynamique de l’ajustement psychologique à des situations locales. On en trouvera un exemple dans l’étude de Gervais et Jovchelovitch (1998) menée sur les pratiques de santé de la communauté chinoise en Angleterre. Les membres de cette communauté empruntent à la fois aux croyances et au système de soins traditionnels et aux ressources offertes par la santé publique anglaise. La prise en compte des degrés d’acculturation des membres de cette communauté oriente vers une interprétation des choix en fonction des significations prêtées aux savoirs et pratiques en termes de défense identitaire. Chez ceux qui, par acculturation, se ressentent, selon l’expression forgée par la communauté chinoise, des « bananes » (jaunes dehors et blancs dedans), l’adhésion au système de pensée chinois est requise pour signifier une identité dont on ne veut pas se déprendre, malgré l’assimilation à la société anglaise. Des processus psychologiques et sociocognitifs infléchissent les déterminations et orientent vers une interprétation des divers ralliements culturels, non en termes de causalité, mais en termes de construction de significations et de resignification donnant sens à l’expérience vécue. 

Cette posture engage aussi l’attitude du chercheur dont rend compte l’opposition entre les approches « emic » et « etic ». La première, similaire à celle de l’ethnoscience et de l’anthropologie culturelle, examine un système culturel du propre point de vue de ses membres. Son but est de trouver des unités d’analyse indigènes pour atteindre une compréhension systématique de sa structure. L’approche « etic » vise à établir un modèle universel d’un phénomène à partir de théories et méthodes établies à l’avance par le chercheur, et basées sur un critère absolu et standardisé (Berry, 1993). Celles-ci sont testées sur des cultures existantes – non sans courir le risque d’une « colonisation culturelle » – pour étudier la variabilité ou l’universalité de processus caractérisant les fonctionnements cognitifs, émotionnels, conatifs liés à la gestion de la santé et de la maladie. Il va de soi qu’une authentique sensibilité à la dimension culturelle intervenant dans les pratiques sanitaires privées et publiques ne s’accorde pas de cette dernière position. 

Une mise en cause de la causalité linéaire de la culture peut être également décelée dans les critiques adressées à certains modèles de la psychologie de la santé, qui réfèrent au facteur culturel, de façon directe ou indirecte, sous l’espèce de catégories diverses : croyances, contexte, catégorisation, codification des phénomènes pathologiques (voir, par exemple, le Health Belief Model, ou celui du KABP). Les critiques portent d’une part sur la limitation d’une conception qui fait de l’individu un calculateur rationnel des risques et des coûts et bénéfices, dans l’oubli des dimensions émotionnelles accompagnant le constat de maladie, la carrière ou la trajectoire de malade ; d’autre part sur l’absence de prise en considération des dynamiques psychosociales qui infléchissent les conduites individuelles. Quant à la variable culturelle, on pourrait dire qu’elle entre dans ces modèles comme une variable juxtaposée à d’autres variables, mais non spécifiquement explorée et surtout ne faisant pas l’objet d’une intégration systémique ou dynamique avec les autres processus analysés (comme la construction du rapport à la maladie, le choix des processus de coping, et des critères d’évaluation et d’ajustement aux situations de maladies, les relations soignant/patient). 

Plus qu’une causalité linéaire il semble donc nécessaire de repérer, à propos de la culture, différents modes d’incidence : la culture comme cadre d’interprétation (perspective compréhensive), comme cadre symbolique et matériel d’émission des conduites (perspective contextuelle), comme éléments de structuration des rapports au monde associant savoirs savants et courants de pensée, et surtout de prendre pour lieu d’observation les sujets qui la mettent en oeuvre dans leur expérience. Les auteurs qui défendent une approche multidimensionnelle de la santé invitent à se centrer sur l’expérience subjective des usagers du système de soin, expérience qui engage des dimensions cognitives et émotionnelles, en étroite dépendance avec le contexte social et culturel où vivent les gens. Prenons, pour illustrer cette intrication entre expérience subjective et contexte, deux espaces culturellement marqués : les communautés et les behavior setting qui permettent de toucher à deux modes de fonctionnement de l’inscription culturelle.  

LA CULTURE
DANS LE CONTEXTE DES PRATIQUES
 

 

En effet, et pour en finir avec cette longue énumération, la culture peut être observée comme un cadre de l’action, un écosystème des pratiques, comme dans le cas des études de communauté ou des espaces thérapeutiques. La santé communautaire, moins développée en Europe qu’en Amérique latine ou au Canada, est une orientation qui prend résolument en compte l’activité des usagers des systèmes de soins et la constitution d’une culture propre à un groupe défini par ses conditions sociales d’existence. La santé communautaire désigne le contexte et la manière en fonction desquels se matérialisent les transformations du champ de la santé. Elle cherche à dépasser les limitations des perspectives régissant la santé publique sur la base du modèle biomédical : unisectorialité, individualisme, privation de la responsabilité des usagers du système de soin, verticalité des prestations, sur un mode centralisé et bureaucratique. La santé communautaire met les professionnels de santé au service de la communauté et de ses membres, les usagers deviennent coresponsables et assument un rôle de participation active, s’érigeant en éléments fondamentaux du système de santé, les professionnels jouant un rôle de promotion, incitation, canalisation des activités sanitaires. Il s’agit d’un système ouvert, favorisant à travers des programmes d’éducation l’acquisition d’aptitudes à une gestion autonome des soins. 

Ce mouvement, qui promeut une véritable culture sanitaire, ne va pas sans difficulté ni sans conflit, comme le démontre le cas d’une action menée au Mexique qui donne une vue des conditions d’intervention dans un contexte culturel défini. Une de nos collègues mexicaines, en charge d’un service de santé maternelle et périnatale au ministère de la Santé, anime, dans la région des Chiapas où le taux de mortalité néonatale est très élevé et où les services de santé publique ne peuvent couvrir tous les besoins de la population, une recherche-action dans le cadre du programme national « Arrenque parejo en la vida [3] ». Cette intervention communautaire, qui a permis de réduire de plus de 52% la mortalité maternelle et néonatale en trois ans, obéit à un modèle innovateur (Quintanilla 2005). Ce modèle visant un changement intentionnel et non imposé par les autorités sanitaires est basé sur la mobilisation des habitants, leur appropriation des actions de santé dont ils bénéficient, leur organisation en services de soutien social qui appuient l’action des services de santé avec le concours des autorités locales. Il est assorti d’un travail interculturel pour sensibiliser les personnels de santé accueillant à l’extérieur les membres des communautés rurales. Cette sensibilisation les rend capables d’appréhender des perspectives différentes des leurs, de prendre en considération les valeurs, croyances et coutumes de la population indigène, de négocier avec elle des significations autres que celles portées par son contexte culturel, d’accepter la médecine traditionnelle. Le travail des sages-femmes traditionnelles, qui ont la confiance de la population, est particulièrement valorisé et assorti d’une formation leur permettant d’assurer le relais entre les populations et les services de santé publique et les hôpitaux [4]. Les savoirs et savoir-faire traditionnels des sages-femmes, fondés sur la transmission générationnelle et les croyances locales (Fagetti, 2003), sont reconnus, parfois corrigés [5]. Ils sont complétés par les connaissances médicales nécessaires à l’identification des risques de mortalité pour la mère et l’enfant. En cas de danger, les matrones sont amenées à prendre l’initiative d’acheminer, avec l’aide de la communauté, les femmes vers des centres des soins, ce qui n’est pas simple. Il faut parfois les transporter sur une civière à travers les forêts montagneuses jusqu’à une route où un camion peut les véhiculer jusqu’au village le plus proche pour qu’une ambulance les emmène à l’hôpital. Là, la sage-femme accompagne et soutient la parturiente tout au long de son séjour. Cette tâche, qui n’est pas mince, n’est pas la plus dure car ces accoucheuses se heurtent aux obstacles d’une tradition qui veut que la femme reste sous le contrôle de l’époux, ne quitte pas le foyer et que l’accouchement se fasse en présence de toute la famille. Le départ pour l’hôpital occasionne alors des sentiments d’insécurité et des mouvements de révolte. Et il arrive que ces auxiliaires de santé, quand elles ont réussi à convaincre les futures mères de la nécessité de recourir à la protection médicale, soient contraintes, pour les conduire à l’hôpital, de lutter même physiquement avec le mari et la belle-mère, allant jusqu’à attacher ces derniers pour qu’ils ne les empêchent pas de partir. 

Ce cas dessine bien le panorama de la prise en compte de la culture dans des actions de santé : s’appuyer sur les ressources locales pour introduire les systèmes de soins et réaliser les programmes d’urgence, compléter le savoir-faire traditionnel par des connaissances médicales élémentaires mais salvatrices, remplacer les croyances ou le fatalisme ambiants par un esprit d’autodéfense, forger chez les intervenants indigènes une volonté militante qui leur permette d’accomplir leur travail dans un contexte d’opposition. L’entreprise va bien au-delà d’une simple éducation pour la santé et souligne l’importance d’une formation globale, médicale, psychologique et culturelle des personnels et auxiliaires de santé, et plus largement une sensibilisation de la population aux chances offertes par les politiques de santé. Le second contexte auquel je souhaite faire référence est le Behavior Setting, particulièrement adapté à la culture hospitalière. La théorie du Behavior Setting de Barker (1968) permet de dégager les prescriptions normatives associées à des unités d’espace-temps institutionnellement définies. Cette orientation contextuelle permet d’analyser les processus qui adviennent dans un système social de petite échelle, les behavior-settings constituant des unités d’observation spatiotemporelles où toutes les composantes (psychologiques, sociales, organisationnelles, écologiques) sont intégrées sans que l’on postule a priori la hiérarchie des contraintes qu’elles exercent les unes sur les autres. Ce cadre a été utilisé dans une recherche menée en relation avec les responsables de deux services hospitaliers prenant en charge des malades du sida en fin de vie : un service des maladies infectieuses et tropicales et une unité de soins palliatifs (Jodelet et coll., 1998). Les normes définissant, dans ces deux contextes, les modalités de prise en charge, les postures des soignants, leur rapport aux patients, sont très sensiblement différentes. Les différences se situent sur le plan de l’éthique médicale en vigueur – curative vs palliative (Moulin, 2000) – des contraintes de fonctionnement des services, des rôles dévolus aux différents personnels. Cette situation a donné lieu à des cultures spécifiques dont l’un des effets marquants a porté sur la façon dont le personnel faisait face aux patients et vivait son expérience professionnelle. La coloration de cette expérience était marquée, dans le service régi par une visée curative, par la difficulté et la souffrance, pour plusieurs raisons : confrontation douloureuse avec l’état physique et moral des patients ; malaise face à leur mode de contamination et la marginalité de leur statut ; désarroi devant leurs demandes et leur souffrance et celles de leurs proches ; exposition répétée à la mort et au deuil, aux réactions affectives correspondantes chez les collègues et aux relations pénibles qui en résultent ; craintes devant les risques de contamination ; conséquences perturbantes de l’engagement professionnel sur la vie personnelle, familiale et sociale, etc. Cette coloration négative rendait compte des dysfonctionnements du service des maladies infectieuses et tropicales (conflits, burn-out, fort taux de turn-over chez les soignants, etc.). En revanche, dans l’autre service, le développement de l’optique palliative qui s’accompagnait d’une formation et d’un accompagnement des soignants, d’une modification des conceptions du rôle des médecins et des compétences des infirmier( e)s et aide-soignant(e)s, autorisait un investissement moins douloureux et plus approprié aux soins réclamés par les malades en fin de vie de la part de l’ensemble des personnels. Le transfert des orientations et pratiques de l’unité de soins palliatifs a permis d’améliorer le fonctionnement du service des maladies infectieuses et tropicales. 

Ces exemples ouvrent une voie pour concevoir l’espace de jeu des intrications de la culture dans les pratiques sanitaires : fondamentalement par le biais de la notion d’expérience, creuset de la rencontre entre les différentes dimensions constituant le rapport à la santé et à la maladie. Je m’arrêterai rapidement sur cette notion d’expérience à laquelle les sciences humaines accordent de plus en plus d’importance. 

 

L’EXPÉRIENCE, ESPACE DE JEU DE LA CULTURE

 

Mon attention a été attirée sur cette notion (Jodelet, 2004) au contact des chercheurs latino-américains qui s’y réfèrent, particulièrement dans le cas des maladies chroniques (Mercado Martinez, 1996), et des théories sociologiques du sens commun, en particulier l’ethnométhodologie (Garfinkel, 1967) et la phénoménologie (Schütz, 1987) qui a contribué à la définition de l’expérience humaine comme « monde de vie » (Lebenswelt). Cet intérêt est en phase avec la pensée sociologique contemporaine où l’on observe un retour à la notion d’expérience et d’expérience sociale (Dubet, 1994), sous l’effet du déclin des paradigmes déterministes. Le sujet ou l’acteur social cesse désormais d’être considéré comme un « imbécile culturel », selon l’expression de Garfinkel, tout entier soumis à la détermination du social. Sa définition ne se réduit plus ni à l’intériorisation de normes et de valeurs par la socialisation, ni à une articulation de rôles et de statuts. Il n’en reste pas moins soumis aux contraintes du social. Mais ces contraintes inscrivent son action dans des registres divers qui ne sont pas forcément congruents. D’où il résulte qu’un espace est laissé au jeu de la subjectivité pour élaborer, dans son expérience particulière, la multiplicité des perspectives qui s’offre à elle. 

On peut distinguer dans l’expérience deux dimensions : une dimension qui est de l’ordre de l’éprouvé, du vécu, mettant en jeu l’implication psychologique, l’affectivité, les émotions et la prise de conscience de la subjectivité ; une dimension cognitive dans la mesure où elle favorise une expérimentation du monde et sur le monde et concourt à la construction de la réalité selon des catégories ou des formes qui sont socialement données. Les termes dans lesquels se formule cette expérience et sa correspondance avec la situation où elle émerge, empruntent à des préconstruits culturels et à un stock commun de savoirs. D’une part, en effet, l’éprouvé subjectif, même s’il est difficilement exprimable, ne peut se connaître qu’à partir de ce dont témoignent les sujets dans leur discours. Or, ce dernier est structuré par des catégories sociales, des codes désignant les choses et les sentiments aussi bien que par des savoirs permettant d’identifier les objets en fonction de l’arrière-fond d’information disponible dans le champ culturel. De plus, cette expérience n’accède à l’existence que pour autant qu’elle est reconnue, partagée, confirmée par les autres. Ainsi l’expérience sociale est-elle marquée par les cadres de son énonciation et de sa communication. Elle a nécessairement un caractère intersubjectif et socialisé. D’autre part, l’expérience humaine comporte un volet qui participe à la construction du monde comme il ressort particulièrement bien de la psychologie historique défendue par Meyerson. Pour cet auteur : « C’est par l’expérience que l’homme est un animal historique : c’est en tant qu’expérience, suite d’expériences, enregistrement des expériences que l’histoire concerne la nature humaine, qu’elle entre dans la nature humaine et la fait » (1995, 125). Solidaire de son passé, l’homme est aussi agent, c’est-à-dire que son expérience « est initiative, intrusion dans le monde des choses et dans le monde des êtres, et modification incessamment active de ces mondes » (1987, 88). L’élément de transformation permet de donner un sens plus large à la notion de pratique et ouvre sur une dimension de créativité de l’expérience : « La science sociale et la pratique sociale savent aujourd’hui que toute expérience sociale apporte de l’imprévu et du nouveau et que ce nouveau est essentiel tant pour la pensée sociale que pour l’action » (op. cit. 90). Ainsi, l’expérience, sociale et socialement construite, devient constitutive du sens que le sujet donne aux événements, situations, objets et personnes meublant son environnement proche et son monde de vie. 

Largement appliquée dans l’analyse sociologique pour la compréhension des situations de changement, la notion d’expérience devrait être d’un grand secours pour l’approche du rapport à la santé, dans la mesure où elle renvoie à une totalité qui : inclut, à côté des aspects de connaissance, des dimensions affectives et discursives ; réclame fortement la considération des pratiques et des actions, ainsi que le prise en compte des contextes et du cadre de vie ; permet d’observer l’assomption de la subjectivité dans la négociation de sa nécessaire inscription sociale ; suppose, dans son expression et sa conscientisation, une mise en forme par des codes et des catégories de nature sociale, l’authentification par les autres. Produite dans la rencontre intersubjective, impliquant un fond commun de savoirs et de significations, elle autorise des interventions thérapeutiques ou correctives qui permettent une resignification des situations, un ajustement des conduites, la création d’un nouvel univers de sens. Fondée sur une approche qualitative, l’exploration de l’expérience enveloppe uniment les facettes sociales, culturelles et psychiques de la subjectivité et offre ainsi l’avantage d’épouser les perspectives cliniques en psychologie de la santé.

 

LA CULTURE
DANS LA PRATIQUE SCIENTIFIQUE

 

Pour terminer je voudrais aborder un dernier thème : celui de la formation de cultures distinctes dans la pratique scientifique. Il m’a été inspiré par mes contacts avec des chercheurs d’Amérique latine auxquels j’ai fait volontairement référence dans ce texte. En effet, l’expérience de plusieurs années de collaboration a eu un caractère révélateur pour ma pratique scientifique. Y référer est en quelque sorte la reconnaissance d’une dette. Cela donne aussi la possibilité d’introduire concrètement la dimension culturelle dans la réflexion sur un champ disciplinaire. À ce titre, il vaut la peine de s’arrêter sur leurs conceptions de la psychologie de la santé. 

La distanciation critique vis-à-vis des modèles venus de l’extérieur et la volonté de travailler en étroite liaison avec les réalités concrètes de leur pays amènent les psychosociologues latino-américains à porter l’accent sur la prise en compte des contextes historico-culturels et sociaux dans l’analyse des phénomènes. Les travaux se réfèrent, comme en Europe, aux paradigmes issus de la tradition anglo-saxonne. Mais ils s’en écartent, les modulent, les complètent dans une perspective holistique considérée comme relevant d’une culture intellectuelle différente qui emprunte à des courants de pensée dont la source est européenne : théorie critique, théorie de l’action, perspective historico-culturelle, etc. Cela donne lieu à ce que l’on revendique comme culture scientifique spécifique. Cette tendance, largement représentée dans la plupart des secteurs de la psychologie sociale, se retrouve également en psychologie de la santé qui est le plus souvent abordée par les chercheurs en psychologie sociale ou les personnels de santé qui s’en inspirent (notamment le personnel infirmier dont la formation est complétée par une activité de recherche, comme c’est le cas au Brésil). Cette culture va faire prendre en compte de façon plus organique qu’ailleurs la dimension culturelle, saisie essentiellement à partir des éléments cognitifs. Pour ne donner qu’une illustration : une psychologue brésilienne, professeur de psychologie expérimentale dans une université de l’état de Sao Paulo, examinant les indicateurs pour l’évaluation des interventions psychologiques dans le champ de la santé, pointe les éléments importants à explorer pour orienter l’action de prévention, protection et promotion de la santé. Leur étude paraît indispensable étant donné que « les données anglo-saxonnes relevant d’autres cultures, avec des concepts distincts et une valorisation de la santé qui prend une forme différente » (Kerbauy, 2003) ne sont pas des outils adaptés. Une telle étude comporte une évaluation des connaissances et un état des conceptions susceptibles d’interférer avec l’application de mesures préconisées en faveur de la santé dans l’espace local. 

On peut repérer cette différence de culture dans l’orientation des recherches menées en psychologie de la santé considérée comme un champ en construction. Je prends pour exemple un bilan de la production scientifique dans une université d’un autre état brésilien (Espiritu Santo). Les recherches en santé représentent 40% des mémoires de maîtrise et de thèse soutenus, entre 1995 et 2002 (Trindade, 2003). Ces recherches ont été réalisées, dans leur totalité, sous forme d’étude de terrain. Elles visent pour 83% d’entre elles l’identification des variables culturelles et psychosociales relatives à des domaines comme les stratégies de coping, les pratiques professionnelles, l’adhésion aux prescriptions médicales pour différentes affections (sida, hypertension, cancer, alcoolisme, diabètes, déficiences musculaires, sexuelles, stérilité, etc.). L’ensemble de ces travaux est inspiré par le postulat que « la santé et la maladie sont des conceptions construites dans des espaces sociaux délimités par les relations qui s’y nouent, et traversées par le processus productif, la religion, les croyances, les valeurs morales et éthiques, les conditions d’accès à la structure officielle de santé, entre autres facteurs ». Et il n’est pas imprudent de dire que cette perspective sous-tend la plupart des travaux latino-américains qui vont s’attacher surtout aux significations et resignifications conférées aux phénomènes propres au champ de la santé, rejoignant ainsi les perspectives de l’anthropologie.

 

CONCLUSION

 

Cet article avait pour but d’attirer l’attention sur l’importance de réintroduire la dimension culturelle dans l’approche des phénomènes étudiés par la psychologie de la santé. Il ne les a pas couverts tous, se centrant essentiellement sur les acteurs du système de santé. J’espère que malgré cette limitation, il a pu sensibiliser à l’urgence de renouer avec une tradition qui a marqué les premiers travaux menés dans le champ de la santé. Les quelques voies qu’il a tenté de tracer pour une recherche holistique vont dans le sens d’une approche qui rompe les barrières disciplinaires et autorise la collaboration avec les sciences sociales dans un domaine où elles ont joué un rôle décisif et continuent d’apporter, à côté de la psychologie, une contribution substantielle à l’analyse des problèmes liés à la gestion de la santé et de la maladie. Contribution qui ne saurait se passer des apports d’une psychologie pensant en termes sociaux les processus de la subjectivation.
 

 

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[1]    Malgré l’importance de la contribution apportée au champ de la santé par les études historiques, l’espace imparti à cet article ne permet pas de les prendre en considération. La diversité et la spécificité des articulations entre les niveaux individuels et culturels examinées dans ces études appelleraient un développement spécifique qui ne peut être abordé ici.

[2]    Rappelons que l’OMS avait pris en compte l’aspect culturel de la santé dès 1977, en reconnaissant l’importance d’une intégration des médecines traditionnelles dans les systèmes de santé. « La promotion et le développement de la médecine traditionnelle », Série des rapports techniques, 622, Genève.

[3]    Arrenque parejo en la vida peut se traduire par « un départ égal dans la vie ». Ce programme vise à donner aux populations pauvres et carencées des chances égales à celles des classes favorisées en matière de préservation de la santé maternelle.

[4]    Cette formation est authentifiée par un certificat de qualification qui renforce la reconnaissance des sages-femmes traditionnelles dans les unités de santé.

[5]    On apprend à éviter des gestes dangereux qui faisaient partie de la pratique traditionnelle (par exemple : exploration manuelle de la cavité utérine, massages pour redresser la position des foetus dans le ventre ou l’usage de certaines plantes qui contiennent de l’ocytocine).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 11 juin 2007 8:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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