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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jack Jedwab, “Le Québec est-il vraiment un État interculturel ? L’intellectuel Gérard Bouchard l’affirme, mais sa démonstration n’est pas fondée sur des preuves quantitatives ou qualitatives.” In Le Devoir, Montréal, édition du 25 février 2015, page A7—idées.

Table des matières

1. Jack Jedwab, “Le Québec est-il vraiment un État interculturel ? L’intellectuel Gérard Bouchard l’affirme, mais sa démonstration n’est pas fondée sur des preuves quantitatives ou qualitatives.” In Le Devoir, Montréal, édition du 25 février 2015, page A7—idées.

2. Micheline Labelle, Interculturalisme et multiculturalisme. Pourquoi la manière canadienne n’est pas la panacée.” In Le Devoir, Montréal, édition du 5 mars 2015, page A7—idées.

3. Gérard Bouchard, “Précisions au sujet de l’interculturalisme québécois. Gérard Bouchard répond à Jack Jedwab et Micheline Labelle.”  In Le Devoir, Montréal, édition du 12 mars 2015, page A7—idées.

4. Jack Jedwab, “Il y a plus qu’une définition de l’interculturalisme.” In Le Devoir, Montréal, édition du 21 septembre 2016, page A6—Libre opinion.

Jack Jedwab

Président de l’Association d’Études canadiennes

Le Québec est-il vraiment un État interculturel ?
L’intellectuel Gérard Bouchard l’affirme,
mais sa démonstration n’est pas fondée
sur des preuves quantitatives ou qualitatives
.”

In Le Devoir, Montréal, édition du 25 février 2015, page A7—idées.

J'ai déjà soutenu en ces pages (Le Devoir, 24 mai 2011) qu’il est faux de prétendre que le Québec pratique l’interculturalisme alors que le Canada pratique une politique multiculturelle. C’est cependant l’idée que Gérard Bouchard défend sans équivoque dans son ouvrage L’interculturalisme : un point de vue québécois (Boréal, 2012). Avant même que Bouchard ne propose sa propre définition de l’interculturalisme, des fonctionnaires et des élus québécois — tous partis politiques confondus — décrivaient l’approche de l’État québécois comme étant « interculturelle ». Le Québec serait interculturel, répètent-ils souvent, mais se sont-ils assez interrogés sur ce que cela implique ?

M. Bouchard souligne que le Québec se distingue du reste du Canada par la présence d’une culture majoritaire en interaction avec les nombreuses minorités ethniques. Plusieurs observateurs prétendent que le multiculturalisme prévoit la préservation des expressions culturelles alors que l’interculturel donne priorité aux échanges entre les cultures. Bouchard maintient qu’au Québec, « la réflexion sur la diversité y a été traditionnellement structurée […] par le paradigme de la dualité, plaçant au premier rang l’articulation majorité-minorités ». Est-ce à dire que l’État devrait accorder plus de légitimité à des échanges entre membres de la majorité culturelle et personnes issues de minorités ? La réponse de Bouchard demeure ambiguë.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir. Le Québec se distingue du reste du Canada par la présence d’une culture majoritaire en interaction avec les nombreuses minorités ethniques.


Toutefois, dans leur désir d’entamer des contacts entre différents groupes, les Québécois ne semblent pas être plus interculturels que ne le sont d’autres Nord-Américains. La population ne met aucune pression sur l’État pour investir dans les échanges. Le gouvernement du Québec offre peu de ressources pour les favoriser, à l’exception peut-être d’une semaine annuelle donnant lieu à des programmes relevant davantage d’un festival multiculturel, mais en français. Parmi les activités de la récente Semaine interculturelle de l’UdeM, il y avait une foire alimentaire aux mille saveurs, une danse libanaise, du balafon africain et de la musique yiddish. Dans les institutions publiques du Québec, la formation interculturelle est très similaire à la formation multiculturelle ailleurs au Canada, mais en français. En regardant ce qui se passe sur le terrain, on reconnaît peu la vision de l’interculturalisme telle qu’articulée par Bouchard. Or il offre peu de preuves quantitatives ou qualitatives pour soutenir la thèse d’un Québec interculturel. Nulle surprise : nous ne sommes interculturels qu’en théorie. Malgré cela, nos dirigeants prétendent qu’il existe un consensus chez les Québécois en faveur de l’approche dite interculturelle. Ils se demandent rarement auprès de qui ce présumé consensus existe.

À ceux qui remettent en question l’idée, M. Bouchard répond que leur point de vue est influencé par une perspective « canadienne ou fédéraliste », catégorie dans laquelle il me situe dans son ouvrage. Ceux qui analysent ici le multiculturalisme canadien seraient capables d’impartialité ; vertu inaccessible aux fédéralistes québécois.

Pendant que certains intellectuels s’engagent dans une discussion assez vague sur la notion de l’interculturalisme, le débat public sur les modèles de gestion de la diversité — ici ou ailleurs — se recentre sur le degré auquel les sociétés devraient accommoder les différences ethniques et religieuses. Depuis plusieurs années, M. Bouchard a fait preuve d’un leadership exemplaire qui a aidé les Québécois à mieux aborder ces grands défis auxquels nous faisons face dans la gestion de la diversité.

Dans le débat sur les accommodements raisonnables et plus récemment dans celui du projet de charte des valeurs, plusieurs sondages ont révélé une nette différence dans l’opinion des Québécois par rapport au reste du Canada quant à la place qui devrait être accordée aux symboles religieux dans la sphère publique. Souvent, les défenseurs de la charte traitent de « multiculturalistes » ceux qui critiquent leur projet. Paradoxalement, en raison de ces mêmes critiques, M. Bouchard semble se trouver dans le camp des défenseurs du multiculturalisme.

Voir les commentaires à cet article sur Le Devoir.

Professeure associée au Département de sociologie à l'UQAM

Interculturalisme et multiculturalisme.
Pourquoi la manière canadienne
n’est pas la panacée
.”

In Le Devoir, Montréal, édition du 5 mars 2015, page A7—idées.

Ici, récemment, Jack Jedwab se demandait si le Québec est vraiment un État interculturel et reprochait à Gérard Bouchard de ne pas en fournir les preuves quantitatives et qualitatives. Curieuse façon de poser la question.

L’interculturalisme comme le multiculturalisme renvoie soit à une philosophie politique de reconnaissance de la diversité, soit à une politique publique visant la gestion de la diversité, soit à un strict fait démographique ; trois niveaux d’analyse à ne pas confondre. M. Jedwab, on s’en doute bien, parle de politique publique. Mais a-t-il lui-même des preuves valides et fiables que le multiculturalisme canadien fonctionne si bien ? Il est vrai que sur le site de Citoyenneté et Immigration Canada, le philosophe Will Kymlicka tente de démontrer que le multiculturalisme joue un rôle positif dans le processus d’intégration. Il utilise les indicateurs suivants : l’identification au Canada, l’acquisition de la citoyenneté canadienne et la participation politique (État actuel du multiculturalisme au Canada, 2010) ; indicateurs qui ont
fait l’objet d’interprétations divergentes par de nombreux spécialistes.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir. Les sondages sur les accommodements raisonnables menés depuis 2006 démontrent de nettes convergences entre Québécois de toutes origines.


Pour prouver que l’interculturalisme québécois fonctionne moins bien que le multiculturalisme canadien, il faudrait à tout le moins utiliser des indicateurs similaires, ce qui est impossible compte tenu du statut politique du Québec. Pourtant, pour des raisons plus politiques qu’intellectuelles, M. Jedwab répète sur toutes les tribunes qu’il n’y a pas de différences entre ces deux politiques. Je ne suis pas la seule à soutenir le contraire. Rappelons qu’en 1971, le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau a fait adopter la politique du multiculturalisme, à laquelle tous les gouvernements du Québec se sont opposés au nom de la protection du français, langue officielle du Québec, ainsi que des caractéristiques politiques et culturelles de la nation québécoise. Les peuples autochtones ont fait de même pour ne pas être classés comme grands « groupes ethniques ».

Jusqu’ici, il est vrai, le gouvernement du Québec s’est contenté de parler de rapprochement interculturel, de compréhension interculturelle, de culture publique commune, hésitant à aborder le thème de la citoyenneté, sans adopter une loi sur l’interculturalisme. Si c’est cela que M. Jedwab met en évidence, il a raison. Mais comme le souligne le constitutionnaliste Louis-Philippe Lampron, l’article 27 de la Charte canadienne a pour effet de « court-circuiter toutes possibilités d’interprétation interculturelle des droits et libertés fondamentaux protégés sur le territoire québécois » puisqu’il prévoit « que l’interprétation des droits fondamentaux doit “concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens” ».

Nouvelle politique

Québec a récemment déclaré sa volonté de faire adopter une nouvelle politique pour remplacer l’Énoncé de 1990. La Commission des relations avec les citoyens a procédé à des consultations sur le document intitulé « Vers une nouvelle politique québécoise en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion ». Les audiences ont porté sur les fondements, les choix de société et les principes directeurs qui devront guider la nouvelle politique. Ainsi, le ministère de l’Immigration affirme que : « Le Québec constitue une nation qui exerce sa liberté à titre de société d’accueil. Le Québec est déterminé à promouvoir la vitalité de son caractère distinct et francophone et il entend faire de l’immigration une composante essentielle de sa vie collective. Il agit librement en matière d’aménagement de sa diversité ethnoculturelle selon ses propres aspirations tout en respectant le partage des compétences constitutionnelles du régime fédéral canadien. » L’interculturalisme est défini comme une approche originale « s’appuyant sur les principes de la reconnaissance mutuelle, de l’équité et de l’engagement partagé ainsi que sur les pratiques citoyennes participatives valorisant les contacts et le dialogue interculturels. Ces principes et ces pratiques visent à concrétiser les convictions profondes de la société à l’égard de l’égalité et de la dignité humaine et son aspiration à solidifier les liens de solidarité entre l’ensemble des Québécoises et des Québécois ».

Convergences entre majorité et minorités

M. Jedwab a raison : il faut aller plus loin qu’une Semaine interculturelle. Mais ce n’est pas en affirmant que « les sondages ont révélé une nette différence dans l’opinion des Québécois par rapport au reste du Canada quant à la place qui devrait être accordée aux symboles religieux dans la sphère publique » qu’on fera avancer le débat. Que veut dire ici le mot « Québécois » ? Comprend-il aussi les citoyens issus de l’immigration ? Ce n’est pas en opposant la majorité aux minorités, comme le laisse entendre M. Jedwab ou comme le fait carrément Gérard Bouchard avec son « principe de préséance de la majorité » (posée comme inquiète et flageolante au sein de la fédération, faisait remarquer Guy Rocher) que l’interculturalisme sur le terrain, cette fois, va avancer.

Il faut au contraire faire ressortir les convergences entre majorité et minorités sur les grandes questions de l’heure que sont une charte de la laïcité, l’égalité des hommes et des femmes, la défense d’un nationalisme civique ouvert à la différence, la lutte contre les intégrismes menant à la radicalisation violente, la lutte contre le racisme et toute autre question relevant de la vie en démocratie. Les sondages sur les accommodements raisonnables menés depuis 2006 démontrent de nettes convergences entre Québécois de toutes origines. La majorité et les minorités n’étant pas des blocs homogènes, il y a aussi des divergences au sein de la majorité, au sein des minorités, entre les minorités elles-mêmes. Il m’apparaît que le rôle de l’État est fondamental pour briser tout discours entretenant cette division et pour démontrer la « diversité au sein de la diversité », afin que ce discours soit relayé dans les médias et dans la population.

Voir les commentaires à cet article sur Le Devoir.

Gérard Bouchard

Sociologue-historien, Université du Québec à Chicoutimi

Précisions au sujet de l’interculturalisme québécois.
Gérard Bouchard répond à Jack Jedwab
et Micheline Labelle
.”

In Le Devoir, Montréal, édition du 12 mars 2015, page A7—idées.

Jack Jedwab me corrige en démontrant que le Québec actuel n’est pas interculturel. Je suis bien d’accord, car je n’ai jamais affirmé qu’il l’était. Dans mon ouvrage de 2012 (L’interculturalisme, un point de vue québécois, Boréal), je concluais que, même après des années de promotion dans la société civile, les gouvernements qui se sont succédé à Québec ont très peu fait pour traduire en politiques les idées essentielles de ce modèle.

On comprend ainsi que la comparaison des programmes mis en oeuvre à l’échelle canadienne et à l’échelle québécoise fait voir peu de différences.

Identique au multiculturalisme ?

Le modèle québécois diffère du modèle canadien sur des points importants, notamment l’insistance qu’il met sur l’intégration, les rapprochements interculturels et la formation d’une culture commune. Une autre différence importante tient à l’existence au Québec d’un rapport majorité-minorités que l’interculturalisme ne peut ignorer. Le multiculturalisme, de son côté, statue qu’il n’y a pas de majorité culturelle au Canada. Or, depuis longtemps, ce rapport imprègne profondément l’imaginaire politique québécois, il structure notre pensée sur la diversité ethnoculturelle et, d’une manière explicite ou non, il est au coeur de nos débats.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Gérard Bouchard. Dans deux textes parus récemment dans ce journal (et signés respectivement par Jack Jedwab et Micheline Labelle), on a mis en cause ma conception de l’interculturalisme en se basant sur des interprétations erronées. Je présente donc ce rectificatif. Le Québec est-il interculturel ?


La grande finalité de l’interculturalisme est d’orchestrer ce rapport d’une manière conforme au droit et au pluralisme. Il s’agit a) de l’arbitrer de façon à ce qu’il ne dégénère pas en simple rapport de domination, b) de l’atténuer autant que possible pour éviter la formation d’un clivage néfaste, c) de favoriser le développement de communs dénominateurs, et d) d’établir le maximum d’harmonisation entre les droits et les aspirations légitimes de la majorité et des minorités ethnoculturelles.

La « préséance »

Dans toutes les sociétés (dont celles réputées comme les plus respectueuses des droits et de la diversité), les majorités dominantes pratiquent systématiquement des formes de préséance en faveur de la culture fondatrice. Ces formes sont souvent bénignes, mais souvent aussi, elles portent sérieusement atteinte au principe du pluralisme. C’est le cas lorsqu’un État-nation octroie à une religion le statut d’Église officielle (l’Angleterre), insère une référence à Dieu dans le préambule de sa Constitution (le Canada) ou associe le rituel de la vie politique à la religion majoritaire (États-Unis).

On m’a fait dire bien des choses au sujet de la préséance. Je rappelle ma position, qui tient en quatre points :

1) Même si la pratique des préséances en faveur des cultures dominantes est un fait généralisé même dans les sociétés démocratiques, elle n’attire pas beaucoup d’attention, ce qui est aussi surprenant que malsain.

2) Dans de nombreux cas, les formes de préséance sont inadmissibles.

3) Il faudrait mettre en place des critères clairs pour discipliner cette pratique.

4) Dans bien d’autres cas, les formes de préséance sont admissibles à la condition de conserver un caractère ad hoc, contextuel. Elles ne doivent en aucun cas conduire à établir une hiérarchie formelle entre la majorité et les minorités, ce qui créerait deux classes de citoyens.

Pourquoi la préséance ad hoc ? Pour opérer et se développer, toute société doit pouvoir s’appuyer sur un fondement symbolique (langue commune, valeurs, croyances, symboles, identités, traditions…). Il est normal que l’État se soucie de le maintenir et de le protéger quand il est menacé. Et comme ce fondement symbolique est forgé dans l’histoire, il est davantage associé à la culture fondatrice ou majoritaire. Au Québec, le principe de la préséance ad hoc se traduit de diverses façons. Les plus familières consistent dans une tolérance en faveur de l’héritage chrétien : le calendrier des fêtes, les symboles de Noël dans les édifices publics, la croix sur le drapeau, les calvaires le long des routes rurales, etc.

La préséance ad hoc, ainsi conçue, me paraît légitime en même temps qu’inévitable ; c’est ce qui fait qu’elle est universelle. Pourquoi le Québec devrait-il faire exception ?

Selon Micheline Labelle qui s’appuie sur l’autorité de Guy Rocher, le Québec n’aurait pas besoin de cette mesure qui serait en quelque sorte destinée aux faibles. Il me semble au contraire qu’elle convient parfaitement à la situation d’une majorité culturelle qui est en même temps une minorité sur son continent. Qu’on le veuille ou non, cette situation est la source d’un coefficient (variable) d’insécurité chronique.

La loi 101, dont tous les francophones québécois se réjouissent (et dont M. Rocher fut l’un des artisans principaux), n’est-elle pas une application du principe de préséance ad hoc, destinée à contrer l’insécurité linguistique de la majorité ? Et que dire des sondages qui, depuis quelques années, révèlent une insécurité renouvelée eu égard à l’avenir du français et une grande inquiétude concernant le sort des valeurs québécoises ?


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Jack Jedwab

Président de l’Association d’Études canadiennes

Il y a plus qu’une définition
de l’interculturalisme
.”

In Le Devoir, Montréal, édition du 21 septembre 2016, page A6—libre opinion.

En tant que défenseur de la notion du multiculturalisme, je peux comprendre la frustration de Gérard Bouchard qui prétend que l’interculturalisme, tel qu’il le conçoit, est l’objet d’un faux procès par certains penseurs (« Le faux procès de l’interculturalisme », Le Devoir, 15 septembre). J’ai souvent le sentiment que le concept du multiculturalisme est déformé par ses détracteurs. Cela dit, je ne suis pas de l’avis qu’une défense dogmatique du multiculturalisme contribue à faire avancer le débat sur la gestion de la diversité.

En fait, il y a plus qu’une façon de définir le multiculturalisme et l’interculturalisme. Et contrairement à ce que prétend Gérard Bouchard, certains types d’interculturalisme ne sont pas incompatibles avec le multiculturalisme. Ainsi, le candidat à la direction du Parti québécois Jean-François Lisée n’a pas tort quand il dit que l’interculturalisme est semblable au multiculturalisme. Théoriquement, les deux concepts se rejoignent dans leur valorisation de la diversité, leur rejet de l’assimilation ainsi que dans l’importance accordée à l’interaction entre les personnes issues de diverses cultures.

L’interaction entre les individus ou les communautés est au coeur de l’interculturalisme. Selon certains de ses adeptes, le modèle se distingue du multiculturalisme dans l’accent qu’il met sur l’interaction entre diverses cultures. Pourtant, être contre le dialogue entre cultures est comme s’opposer à la vertu, et c’est pourquoi très peu de Canadiens en sont, quel que soit leur modèle préféré de gestion de la diversité.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir «Il y a plus qu’une façon de définir le multiculturalisme et l’interculturalisme», selon Jack Jedwab.


Trois approches

Pour ceux qui suivent les débats sur l’interculturalisme, il semble y avoir au moins trois approches en matière d’interaction. Les distinctions sont basées sur le type d’interaction qui est favorisée par l’État et les règles qui les accompagnent. Appelons le premier modèle l’interculturalisme multiculturel, le deuxième, l’interculturalisme bilatéral ou biculturel, et le troisième, l’interculturalisme univoque ou unidimensionnel.

Dans le cas de l’interculturalisme multiculturel, il n’y a pas de règles strictes en matière d’interactions qui peuvent inclure des individus de plusieurs communautés, peu importe leur origine ou leur statut minoritaire ou majoritaire. Selon le programme fédéral intitulé Inter-Action, le but premier est de créer des occasions concrètes permettant la production d’interactions, entre les collectivités culturelles, religieuses ou ethniques, favorisant la compréhension interculturelle, la commémoration et la fierté civiques, de même que le respect des valeurs démocratiques ancrées dans notre société.

L’interculturalisme bilatéral ou biculturel présume qu’il y a interaction entre deux groupes sur un pied d’égalité « relatif » et que chaque participant vise un rapprochement ou une meilleure compréhension de l’autre. L’interaction ne se produit pas dans un espace social et l’impact est très souvent influencé par le contexte démographique à l’intérieur duquel l’échange a lieu pour ne pas rendre explicite l’identification des participants avec le groupe minoritaire ou majoritaire.

L’interculturalisme univoque ou unidimensionnel se rapproche le plus de la vision avancée par Gérard Bouchard, qui propose « la reconnaissance des éléments de préséance ad hoc à la culture majoritaire (par exemple en matière d’histoire nationale et de valeurs patrimoniales), en accordant une primauté contextuelle au noyau francophone et à la tradition chrétienne ».

Dans cet échange, le statut des participants dans l’interaction est plus explicite et c’est le devoir des minorités d’en apprendre plus sur la culture majoritaire telle qu’elle est définie par l’hôte de l’interaction. Cette approche est destinée à rassurer une majorité concernée par la pérennité de sa culture. C’est autour de cette vision de l’interculturel qu’il existe un terrain d’entente entre Lisée, et Jacques Beauchemin et Gérard Bouchard, malgré les nuances en matière d’accommodement des cultures minoritaires évoquées par ce dernier.
 

En matière d’interactions entre diverses cultures, il y a un écart important entre la théorie et la pratique dans la capacité de l’État à orienter les interactions entre individus et groupes sur des bases formelles. Il y a beaucoup plus d’échanges informels et non structurés dans nos sociétés (à l’école et en milieu de travail) que des échanges formels qui sont plus souvent sous les auspices des élites. Par conséquent, les théories qu’on avance rassurent de manière illusoire plutôt que de présenter de façon sereine la réalité sur le terrain.

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 9 octobre 2016 13:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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