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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean-Marc Fontan, “ De l'intellectuel critique au professionnel de service, radioscopie de l'universitaire engagé. ” (2000). Un article publié dans la revue Cahiers de recherche sociologique, no 34, 2000 [Les universitaires et la gauche], pp. 79-97. Montréal: département de sociologie, Université du Québec à Montréal. [Autorisation accordée par l'auteur le 23 juin 2003]

Yannick Jaffré

Des maladies sur et sous la peau”.

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Yannick JAFFRÉ et Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, La construction sociale des maladies, pp. 321-337. Paris : Les Presses universitaires de France, 1999, 376 pp. Collection : Les champs de la santé.

Introduction
Quelques représentations des maladies de peau en pays songhay-zarma
Quelques représentations des maladies de peau en milieu mandingue 
La construction des représentations des maladies de peau
Ouvrages cités
Annexe

Introduction

Les affections dermatologiques, représentent un des principaux motifs de consultation des services sanitaires des pays en voie de développement [1]. D’un point de vue de santé publique, et bien la plupart de ces affections ne soient pas létales, il s’agit d’une priorité (Mahé & Prual 1994). Cette forte prévalence s’explique, très largement, par des facteurs écologiques (chaleur et humidité) et socio-économiques (approvisionnement en eau, type d’habitat) entraînant de mauvaises conditions d’hygiène (Gentilini 1993). Sur ce terrain, se développent alors de nombreuses pathologies principalement représentées par l’impétigo, les furoncles, les surinfections d’autres dermatoses, la gale, la teigne, l’eczéma, la bourbouille, les ulcères, etc. Enfin, de grandes endémies, comme la lèpre, l’onchocercose ou la dracunculose se caractérisent par diverses expressions dermatologiques : taches dépigmentées, lésions de grattage, ulcères, etc. (Mahé 1994.). En résumé, d’un point de vue sanitaire, deux traits principaux caractérisent le paysage général des affections dermatologiques en zone sahélienne : leur nombre et leur complexité [2], chaque symptôme observé étant susceptible d’évoquer diverses pathologies.

Dans l’expérience profane et quotidienne, la peau est avant tout ce qui s’offre au regard. Elle est principalement vécue comme une surface, permettant l’inscription de multiples signes soulignant des relations et conduites sociales : identités et scarifications, séduction et maquillage, expression de la honte, révélation ou dissimulation de l’âge, etc. Visible, chacun peut reconnaître sur son propre corps, ou sur celui de l’autre, des modifications de coloration ou de texture. Offerte au regard mais oubliée comme organe, cette enveloppe extérieure du corps entre dans le champ de la douleur et de la maladie par des symptômes tels que des irritations, des brûlures, des démangeaisons.

Bien qu’observables en “surface” et d’apparences semblables, les maladies de peau sont complexes. Leur définition biomédicale oblige, par exemple, à de fines discriminations prenant en compte les modifications de la coloration cutanée, les diverses sensations ressenties, les formes (annulaire, groupée, linéaire, circinée, etc.) et les types d’éruptions (macule, papule, nodule, etc.), les localisations des lésions (cuir chevelu, tronc, aisselles…) etc. Les représentations populaires classent ces affections d’une autre manière. Elles unifient ce qui s’inscrit en un même lieu et regroupent, par exemple, sous une même “étiquette“ diverses affections de la peau proprement dite et des pathologies n’ayant qu’une expression dermatologique (rougeole notamment). C’est pourquoi, hors de toute référence à une classification biomédicale, nous présenterons successivement les principales affections telles qu’elles sont nommées et décrites en milieux songhay-zarma et mandingue (bambara et malinké), avant de nous demander ce que signifie l’expression de “maladie de peau“ pour les populations sahéliennes.

Quelques représentations des maladies de peau
en pays songhay-zarma
 [3]

En milieu songhay-zarma, la plupart des maladies de peau sont ordonnées autour du terme de kajiri désignant une sensation de démangeaison. Cette entité, dont la racine kaaji signifie “démanger” et “se gratter”, désigne tantôt un symptôme, tantôt une maladie. On en distinguera parfois deux principales formes spécifiques [4]. Kajri kwaaray (litt. démangeaison blanche) se caractérise par une suppuration blanchâtre ayant l’aspect du coton et se manifeste principalement sur les doigts et les yeux. Kajiri bi (litt. démangeaison noire) est considéré comme plus dangereux. Cela consiste en une éruption de boutons (fitte ize) sanguinolents qui apparaissent sur tout le corps, et notamment sur les organes génitaux et les orteils, avec un risque d’amputations. Kajiri est du, entre autres, à la saleté mais, pour certains, son origine est aussi imputée à une araignée (daddara) ayant contaminé l’eau de boisson ou un plat, voire à des génies. Cette forme est dangereuse “parce que kajiri se trouve dans le ventre”.

Kursa, se manifeste sur le corps par des boutons, gros ou petits, sanguinolents, et qui démangent de façon intermittente. Une forme de kursa noircit considérablement la peau. Une autre forme, au contraire, provoque des douleurs articulaires et des démangeaisons qui éclaircissent la peau. Les démangeaisons sont vives, et certains, quand kursa commence à démanger, se grattent à l’aide d’un couteau. C’est une maladie qui se transmet et se contracte notamment si l’on utilise la même éponge de bain qu’un malade ou un génie, ou encore en empruntant le même chemin qu’un génie malade. Le traitement relève du zimma [5] si l’action d’un génie est incriminé. Dans les autres cas, le traitement le plus commun consiste à enduire le corps du malade avec un mélange de graines d’oseilles et de déjections de chèvre (acibir).

Kasama se présente sous deux formes : kasama taya (litt. kasama mouillé), et kasama koga (litt. kasama sec). Les symptômes consistent en une forte fièvre suivi par l’apparition de démangeaisons entre les doigts, entre les orteils ainsi que dans les replis cutanés. Après quelques jours, les boutons deviennent sanguinolents, notamment sur les parties génitales. Le manque d’hygiène est principalement incriminé, mais aussi une transmission par contact : en s’asseyant ou en mangeant à coté d’une personne contaminée.

Nyorse évoque nyasum yan  qui signifie “griffer“. Cette maladie se manifeste, avant tout, par le prurit, et est à ce titre définie comme faisant partie de l’entité kajiri. Ses principaux symptômes consistent en des “grumeaux” (gude) apparaissant en divers lieux du corps. Elle n’a pas de traitement spécifique et relève d’une libre automédication.

Jiray taray est le terme le plus explicite pour désigner [6] la lèpre. Cependant, la gravité de cette maladie, et les stigmates qu’elle entraîne, incitent à utiliser divers euphémismes tels samiya, kajiri beero (grand kajiri), curo beero (grand oiseau), gaa wani (litt. corps à part), doori ciro (maladie rouge), cini haray doori (maladie de nuit), etc. Selon les représentations locales, cette maladie débute par une forte fièvre. La personne malade ressent ensuite des brûlures “et comme une sensation de marche de fourmis” à l’intérieur de son corps, puis - mais toujours au début de l’affection - le corps démange en divers endroits particuliers et enfin le prurit atteint tout le corps du malade. Après, une fièvre intense, accompagnée d’une odeur nauséabonde qui ressemble à celle du poisson, signe véritablement l’entrée dans la maladie. Une plaque rouge (tambari) apparaît sur le corps en commençant par le visage. Enfin “la maladie coupe les doigts ou les orteils”.

Diverses interprétations, peu stabilisées, sont proposées pour expliquer l’origine de cette maladie. L’affection peut être contractée si l’on urine sur une tombe, si l’on mange un poisson silure que l’on accompagne de lait, ou encore si l’on consomme certaines viandes comme de la chèvre. D’autres imputent le mal à la conduite sexuelle des parents : un lépreux serait le fruit de rapports sexuels entrepris alors que la femme est en période de règles. On incrimine aussi une transmission (sambuyan) par le lait maternel[7]. Il est alors dit que l’on “hérite” de la maladie et qu’elle peut atteindre tous les enfant d’une même famille sauf si des mesures de prévention sont prises, consistant notamment à donner à boire aux enfants en bas âge un décocté fait à partir d’un arbuste (sabara).

Les traitements sont aussi fort divers. Les plus courants consistent à aspirer par le nez une poudre d’herbes et à se laver le corps avec une décoction de plantes médicinales, à utiliser, avec l’aide des zimma, des charmes magiques (jandi ize), ou à se traiter grâce à des dilutions de versets coraniques mélangés à des poudres de plantes. En d’autres circonstances, le guérisseur peut procéder à une “saignée/ scarification” (cense yan) de son patient afin de lui enlever du sang noir supposé être du “sang gâté” par la maladie. Enfin divers conseils peuvent accompagner ces thérapeutiques, comme celui proscrivant tout aliment sucré supposé aggraver le mal.

Samiya se présente sous deux formes. Le samiya du lait est parfois nommée sirra. Le samiya du sang est aussi appelée kurkunubugay (le “bugay” du vers de Guinée) et humburubugay (le “bugay” du mortier), ce dernier évoquant l’urticaire.

La première de ces entités, samiya sirra, est une maladie qui a son origine dans le ventre avant de se manifester sur le corps. Elle se déclare tant chez la parturiente que chez son enfant. Lorsqu’elle affecte la mère, cette pathologie se présente comme de la bourbouille (sungari). Elle provoque des démangeaisons sur l’ensemble du corps. Ce faisant, elle atteint la poitrine qu’elle fait se dresser et altère la qualité du lait, qui dès lors s’écoule sous une apparence diluée. Pour le nourrisson, la maladie débute par des maux de ventre et des diarrhées. L’enfant vomît, il est fiévreux, et ne grandit ni ne grossit. Il est conseillé à la femme enceinte de boire préventivement diverses décoctions de plantes durant sa grossesse. Comme traitement on peut s’enduire les seins avec la sève d’une plante (barre), ou consommer, mélangée à de la “boule“ de mil, un autre végétal nommé hammi.

Le samiya du sang se caractérise par des démangeaisons et l’éruption de “gros boutons“ ou de “plaques“ sur la corps sur l’ensemble du corps. Après quelques jours ces lésions disparaissent “comme si elles se dissolvaient dans le corps du malade”. Cette entité provient, elle aussi du ventre, et se manifeste si le sang est “gâté”.

Quelques représentations des maladies de peau
en milieu mandingue
 [8]

Korosakorosa (ou kurusakurusa) se manifeste par de nombreux petits boutons qui percent et piquent la peau. Cependant la principale caractéristique de cette maladie sont les intenses démangeaisons (ngènyè) qu’elle provoque, notamment, sur les organes génitaux et autour. L’extension de la maladie sur toute la surface corporelle est pensée comme une contamination de proche en proche : l’eau, échappée d’un premier bouton percé, en produit un autre par simple contact avec la peau. C’est une maladie contagieuse (a bè yèlèma) qui se transmet par les ustensiles de bain - éponge, serviette - ou par des vêtements contaminés. Enfin, plus marginalement, dans des milieux urbains ou ruraux où la peau est agressée en permanence par des mouches et des moustiques, certains incriminent des piqûres d’insectes (ngobon) comme pouvant être à l’origine de l’affection.

Deux traitements populaires sont proposés. L’un consiste à s’enduire le corps d’huile de frein de voiture. L’autre, plus douloureux et d’origine plus ancienne, consiste à “arracher“ tous les boutons et à laver la peau ainsi rendue vive.

Cette représentation est largement partagée. Certains, cependant, distinguent deux types de maladies. L’une est dite “petite“ (fintinin), l’autre nommée, “aux gros boutons” (kuru kunmabaw). La première forme est située sur la peau (wolo kòròla). Elle est sanguinolente (o jolilaman dòn) et provoque des plaies (ka bèè kè joli ye), semblables à des écorchures (bunaki), sur toute la surface du corps. La seconde de ces formes, est au contraire, “sous la peau” (wolo jukòrò), sa “force” est grande (a fanga ka bon), et s’exprime par des démangeaisons (syèn) qui “mordillent“ (kinkin) sous la peau.

Ces entités ne sont pas immobiles, et tout autant que leur localisation, le sens de leur déplacement est important. Deux trajets de maladies sont possibles. Premièrement la maladie peut venir de l’intérieur et s’exprimer à la surface de la peau sous la forme de boutons, plaies et démangeaisons. Ainsi l’exprime un vieux guérisseur du Mandé :

La cause de la maladie, c’est quelque chose qui vient dans ton ventre. De l’eau ou un aliment abîmé, ou encore un fruit non lavé, peuvent entraîner la maladie. Ils gâtent ton sang et sortent sur ton corps. Alors tu te grattes à n’en plus finir.

Un deuxième trajet est à l’inverse de ce premier. La maladie qui était en surface s’introduit dans le sang (a bè “pase joli fè), puis dans le corps, en profitant des lésions de grattage. Elle s’installe ensuite sous la peau. Ces distinctions concernant le lieu d’implantation de la maladie sont l’objet d’inquiètes observations. En effet, une “vraie maladie“ (bana yèrè yèrè) est une maladie qui se situe sous la peau (a bè mògò wolo jukòrò), ou, plus précisément encore, entre les “membranes” et la chair (a bè mògò wolo falaka ni sogobu cè). De là le nom parfois donné à cette maladie de “démangeaison de sous la peau” (wolojukòrò ngènyè) et la difficulté à se soigner puisque l’action de se gratter ne permet pas d’enlever - d’arracher - la maladie, d’en atteindre la racine (ju).

Nyònisan (misèmanin, litt. minuscule) désigne la rougeole (tout au moins dans sa phase éruptive). C’est une maladie contagieuse (a bè yèlèma), “épidémique” (finyè de b’a lase mògòw ma, litt. le vent la transmet aux personnes) et qui se manifeste tout d’abord par une petite toux, un écoulement nasal, une infection oculaire et de la fièvre. Après deux à trois jours, des boutons, qui ressemblent à des “petits boutons de chaleur” ou de la bourbouille, apparaissent sur tout le corps (tile fila, tile saba, a bè fari kè i komi tilanin). Ils démangent et peuvent rendre aveugle. Ils apparaissent jusque sur les yeux et la langue et peuvent défigurer les enfants qui sont nombreux à en mourir. En résumé, et très logiquement, parce qu’elle fait des boutons sur la peau, la rougeole est inclue dans les maladies de peau [9].

Mais cette maladie est aussi “en mouvement“ et les boutons sont susceptibles d’effectuer divers “trajets”. Le premier conduisant de l’intérieur à l’extérieur est considéré comme normal. La maladie commence dans le corps avant de s’exprimer sous la forme de boutons. Par contre le retour de ces boutons vers l’intérieur du corps est interprété comme extrêmement dangereux parce que la maladie risque alors de s’attaquer à des organes essentiels qui, comme les intestins ou le foie, sont des composants du “moteur du corps” (a bè i “moteur“ kèlè) Ainsi dissimulée l’affection n’offre plus de prise à un éventuel traitement. Elle continue d’agir et se manifeste par divers symptômes comme le manque d’appétit, des ballonnements, des diarrhées sanglantes, ou fétides. Pour ces raisons la phase interne de la maladie est redoutée. Il faut rechercher un médicament qui agisse à l’intérieur et puisse, comme en un combat de proximité, “rencontrer”, affronter la maladie.

Bagi et kunan sont deux maladies liées, au sein de l’entité banaba (litt. grande maladie), mais cependant différenciées dans leurs formes. Bagi se manifeste par des traces rouges qui apparaissent sur le corps. Parfois nommée bagi bilèman (bagi rouge), elle “coupe” les doigts (a bé bolongònin tigè). Kunan, ou kurunin bagi, se déclare par des boutons dans le nez, et conduit à la mort. Ces deux pathologies, bien que s’attaquant à la peau, correspondent à des “maladies de l’intérieur” (kònòna bana don a bè wolo tiyèn). Deux modes, non contradictoires, d’intériorité sont attestés. Ces affections, demeurent dans le sang, parfois transmises (yèlèma) par simple contact avec un malade. Cependant, le plus souvent, elles sont “héritées”, du père ou de la mère (banaba ye juruya[10]). “Que l’un des parents soit porteur de la maladie, l’enfant en sera aussi affecté”. Il en résulte que ces maladies, consubstantielles à la personne, “commencent” dans le corps avant de “passer” ou de “surgir“ (poyi) à la surface de la peau.

Kaba est une large entité différenciée en plusieurs sous ensembles, “façons”, ou manières d’être (suguya) qui ne peuvent se transformer l’une en l’autre. La forme “rouge“ de cette maladie est dite “légère” (o ka finyen), la blanche ni “lourde ni violente” (o girimanba tè, o man fari kosèbè), la noire [11] est au contraire “lourde” (o ka girin).

Kaba wulen (ou bilen litt. rouge) est caractérisé par l’apparition sur la peau de taches rouges bien cernées (a bè i fari yòrò dò kori [12] k’o bilen). Ces taches hypochromiques (a b’a nyègèn [13] litt. elle colore quelqu’un) ressemblent à celles que provoque la lèpre (kaba bileman bè surunya banaba la). Elles sont  rouges et altèrent inégalement la peau en plusieurs endroits (banaba bè mògò fari kalangalan [14] cogo min na, kaba wulen bè mògò kè ten. A b’i farinyè jabajaba). Aussi - souvenir des campagnes antilèpres, ou savoir empirique local - la différence entre ces deux affections doit être confirmée [15] par le ressenti de la douleur : dans la lèpre cette tache est insensible, elle est au contraire douloureuse lorsqu’il s’agit de kaba. Cette maladie se transmet, notamment par le linge de toilette.

Kaba jè, est une maladie fréquente chez les enfants. Elle n’est pas considérée comme dangereuse (a tè ko tiyèn na). Les principaux symptômes consistent en des tâches blanchâtres et bien cernées, apparaissant préférentiellement sur le cuir chevelu des enfants, et qui produisent une poudre blanche lorsqu’on les gratte (n’i y’a syèn a mugu jèman bè bò). Leurs contours (a kèrèféla) sont parfois cernés de boutons (o bè jè ka dalaminin kisè kisè). Ces lésions sont prurigineuses et démangent considérablement (i b’ a syèn k’a terekè terekè). La transmission se fait par le linge ou par des lames servant à raser les cheveux des enfants.

Kabafin (ou nyanyafin, ngènyèfin, litt. démangeaison noire) est une maladie invasive commençant, le plus fréquemment par les pieds avant d’atteindre les organes génitaux, puis la tête, après une rapide progression sur toute la surface de la peau. Le parcours de cette affection se matérialise par des traces noires, des cicatrices sèches (k’i wolo ja), dures et épaisses (k’i wolo girinya), semblables “à de la pâte de céréale collée sur la peau” (a bè kè, i komi to sèmè nòròlen do mògò fari la) qu’elle laisse sur le corps du malade. Enfin, chacune des étapes de cet envahissement morbide est visible : chute des cils (i nyèsi bèè bè burumburun), des cheveux (a bè kusingi bèè bò), etc. Cette maladie démange énormément (a ta ye ngènyè yèrè yèrè), et au prurit s’ajoutent des plaies de grattage sanguinolentes (fo k’a joli bon). Puis l’irritation est telle que les ongles ne suffisent plus (i sòni tè se k’a ngènyè tigè). Certains, alors, utilisent un couteau pour se gratter.

Le traitement de cette maladie est extrêmement difficile et l’issue en est incertaine. En effet son origine et sa “force” réside en une “petite eau” qui sourd entre la peau et la chair, “monte jusqu’à la tête” et parvient à “gâter” le sang du malade (k’i joli tiyèn). A ce stade, il devient très difficile “d’atteindre” la maladie pour la combattre (a ka gèlèn k’i sòrò i bolo la), et même les injections, pourtant réputées d’une grande efficacité, “passent sur elle” sans pouvoir l’atteindre (ni ye pikiriw k’a la, o tè fen nyè a la, o bè tèmè a kan). En effet, la maladie, qui avait commencée à l’extérieur est maintenant “descendue” à l’intérieur (a bè jigin kònòna), rejoignant le sang qu’elle infecte (a bè jigin fo joli fè, a b’a “infecter), ainsi que la chair, et le réseau des nerfs et des tendons où elle se manifeste alors par de multiples douleurs, notamment abdominales.

Si l’accord est général quant aux descriptions sémiologiques, les opinions divergent par contre quant au pronostic. En effet, pour certains, kaba est une maladie de la surface de la peau (kaba bè ko kan). De ce fait, quelle que soit son évolution, elle ne “descend” pas dans le corps (a juguyera cogo o cogo a tè jigi kònòna na), et ne peut donc entraîner la mort de celui qui en est affecté. Cette pathologie se limite à faire souffrir le malade (a bè mògò tooro), à abîmer son corps (a bè farikolo kòkana bèè tiyèn), et à le rendre méconnaissable, même à ses propres yeux (k’i kè yeko fila ye, litt. te faire toi-même deux).

Pour d’autres, cette maladie peut, au contraire, évoluer vers l’intérieur du corps et s’aggraver dès lors qu’elle atteint des organes essentiels, “transformant notamment les intestins en une graisse jaunâtre”, et en “faisant gonfler le ventre qu’elle emplit d’eau”. L’issue de cette maladie est alors fatale (a bè mògò faga).

Ces différentes évolutions correspondent très largement à deux étiologies. La première attribue l’origine du mal à des éléments du quotidien : des mouches, de l’eau sale, ou interdite (ji tanama), voire des génies ou leur trace (ni tèmèna jinè kafiri tèmènòna, ni funtenin dara i kan i b’a sòrò) ou encore une transmission par la mère (dòw bè wolo ni kaba ye, u b’a soro u ba fè). La seconde évoque, par contre, une humaine volonté de nuire par des poisons (a bè sòrò dabali [16] de fè). Seule cette étiologie est dangereuse et peut provoquer la mort de la personne.

Outre ces grandes entités, d’autres désignent des états limites entre maladie et symptômes. Il en est ainsi de goro ou dondo (litt. c’est gros), maladie infantile et peu dangereuse qui se manifeste par des boutons qui apparaissent fréquemment sur le ventre des enfants, noircissent et restent sans “pourrir ou se décomposer” (a bè fin, a bè mèn a tè toli). Ils collectent du pus (a bè nèn ta), grossissent (ka kunbaya) et sont douloureux notamment lorsqu’ils “éclatent“ (a fara tuma mana se a bè kè dimi ye) en exprimant du sang, ce qui cependant indique une proche guérison.

Sensensenin en malinké (zanfala en bambara), apparaît en des circonstances particulières, comme par exemple la grossesse (ni muso ye kònò ta a bè bò o la, litt.sort sur les femmes enceintes). Cette maladie “ayant peu de force” disparaît dès lors qu’une autre, plus violente, comme par exemple la lèpre se déclare : “si banaba qui est plus fort est dans ton sang, tu ne connaîtras pas sensensenin”.

Nyamaba [17] produit de petits boutons couverts de petites peaux blanches (a bè folo bo) qui laissent des traces sur le corps (nyama de b’a kè, a bè nyoro [18] ten). Cette affection s’étend de proche en proche, la contamination progressant par “l’eau qui s’échappe des boutons“.

Nparanca se manifeste par de gros boutons qui démangent et provoquent de petites plaies dans la bouche. Cette maladie “part” de l’intérieur du ventre pour ensuite monter à la surface de la peau.

Caco - terme maintenant utilisé pour désigner les femmes qui se “blanchissent” la peau - désigne des traces blanches qui peuvent apparaître en divers lieux du corps. Il ne s’agit pas vraiment d’une maladie mais de “l’œuvre de Dieu dont l’homme est l’esclave” (o tè bana ye, o ye jon da cogo ye Alla bolo).

Sumunin est une maladie qui se manifeste de deux manières. L’une correspond à de “petits boutons semblables à des grains de mil” (nyò kisè sumunin) l’autre consiste en une plus large éruption (sumuninba, litt. gros sumunin). La “force de cette maladie réside sous la peau“, aussi lorsque le pus est exprimé, la force de la maladie décroît, le bouton sèche, annonçant ainsi la guérison.

Nous limiterons ici, pour deux raisons, la description de ces maladies de la peau : en songhay-zarma et en bambara [19], il en est d’autres et chaque langue dispose d’un vocabulaire précis pour distinguer les uns des autres les symptômes cutanés, et pour les regrouper en entités multiples et distinctes. Tout d’abord, il n’est pas certain qu’une longue et fastidieuse énumération puisse rendre compte des multiples entités générées par la combinaison des termes désignant les couleurs, formes et évolutions des lésions de la peau. Ensuite, il nous semble plus utile d’essayer de comprendre la spécificité de ces affections, et en quoi leur situation, en surface du corps, influe sur les représentations dont elles sont l’objet.

La construction des représentations
des maladies de peau

Globalement, les représentations des maladies de peau se construisent en combinant quatre types de données [20] : des signes visibles, des sensations, des localisations, des déplacements.

1 - Les signes visibles sont l’objet de deux principales opérations. Tout d’abord, ils permettent de discriminer un ensemble de traits, ensuite ils sont regroupés en ensembles, plus ou moins fermés, subsumés sous le nom particulier d’une affection. Dans le cas des maladies de peau ces différenciations s’opèrent grâce à l’utilisation d’une terminologie fine qualifiant les lésions en fonction de leur forme (cernée, bombée et contenant de l’eau, sèche, épaisse, etc.) et de leur couleur [21] (rouge, dépigmentée, sombre, etc.). Les diverses dénominations des “boutons”, et les formes d’éruption [22], mobilisent ainsi un vocabulaire riche et spécifique, usant de plus, de termes dérivés de leur définition habituelle lorsqu’il s’avère nécessaire d’exprimer les caractéristiques précises d’une lésion [23]. Par ailleurs, le regroupement de ces symptômes en entités - en syndromes ressentis - s’effectue grâce à quelques opérations de comparaison et confrontation entre les signes de maladies apparemment proches. Par exemple l’affection nommée kaba est différenciée de la lèpre par l’opposition, pour une même tache claire, entre une sensation douloureuse ou au contraire une expression indolore.

2 - Les sensations - et paradoxalement, même pour des maladies non prurigineuses comme la lèpre - sont principalement évaluées et graduées selon la violence du prurit. Certaines maladies, comme kaba jè, ne provoquent qu’un inconfort passager [24] d’autres sont insupportables (kaba fin). Cependant, dans l’ensemble de ces représentations, une maladie de peau est une maladie qui se signale, avant tout, par des démangeaisons (kaji en zarma, ngènyè en bambara).

3 - Les localisations servent plus à évaluer la “profondeur“ de l’affection que la surface de peau envahie par la maladie. Tant qu’une maladie est superficielle, elle est supposée bénigne. Ainsi localisée, elle ne peut ni “rencontrer“ (kunbèn), ni attaquer à des organes internes essentiels. Elle est, de plus, maîtrisable parce que visible et directement traitable par des produits thérapeutiques. Une maladie grave - “une vraie maladie“ - est une maladie qui affecte la chair et le sang et se situe donc “sous” la peau (même si elle se manifeste aussi “sur” la peau).

4 - Les déplacements sont basés sur cette combinatoire du dessus et du dessous. Certaines maladies naissent et restent en surface, d’autres proviennent de l’intérieur et s’expriment sur la peau (kajiri bi, kaba fin), d’autres enfin, d’origine interne ou externe, entrent dans le corps et peuvent atteindre le ventre et s’y installer (s’y planter, turu, en bambara ; s’y asseoir, goro, en zarma). Leur action pathogène se manifeste alors par des douleurs et par des diarrhées, attestant de manière ambivalente, l’aggravation et/ou la “sortie“ de la maladie. C’est pourquoi tout traitement doit associer des soins externes - se laver avec - et internes [25] - boire -.

En fait, dans les interprétations locales, la peau est avant tout une membrane poreuse parfois franchie par les maladies internes et externes. C’est pourquoi une maladie de peau, plus qu’une affection proprement dermatologique, est avant tout une maladie qui s’exprime par, sur et/ou sous la peau [26].

À cette différence de localisation correspond une différence des lexiques et des conceptions. En effet, à la surface s’applique une sémiologie fine, usant d’un vocabulaire précieux et précis, permettant de distinguer la souplesse ou la sécheresse des lésions, les aspects des bords et des formes des éruptions, les lieux d’expression et d’extension de la maladie, etc. À la profondeur du corps sont appliquées, par contre, les mêmes opérateurs cognitifs qu’aux autres pathologies : la maladie “dure”, se “disperse”, “gâte” le sang, etc. Cette caractéristique atteste, certes, d’une constance des représentations de la maladie mais peut être témoigne-t-elle aussi des limites d’une observation qui, pour diverses raisons, s’est privée du geste d’“ouvrir les corps” (Foucault 1963), et construit de ce fait, une subtile description malgré les incertitudes d’une explication.

Ouvrages cités

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Bibeau G., 1981, The circular semantic network in Ngandi disease nosology, Soc Sc Med Vol 15 B, 3, 295-307

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Gentilini M., 1993, Médecine Tropicale, Flammarion Médecine-Sciences, Paris

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Mahé A. & Prual A. 1994, Epidémiologie des maladies de peau, in L’enfant en Milieu Tropical, N°214-215, CIE, Paris, 7-12

Mallart Guimera L., 1977, Médecine et pharmacopée evuzok, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Nanterre

Tidjani A., 1996, Dossier : les maladies de peau in Quelques entités nosologiques populaires, Programme de recherche “Concepts et conceptions populaires relatifs à la santé, à la souffrance et à la maladie (Sahel Ouest-Africain) Vol III, SHADYC - EHESS, Marseille, 81-91

Swartz M. H. 1991, Manuel de diagnostic clinique, Maloine, Paris

ANNEXE

Ce qu’évoquent biomédicalement quelques entités bambara (d’après Diakité, et Huizinga & Kèita)

Termes bambara

Évocations biomédicales

Bagi

Lèpre à pustule

Eruptions cutanées, hypertrophie des lobès auculaires qui semblent fermer l’orifice du conduit auditif.

Banaba

Lèpre, éruptions nodulaires sur tout le corps, hypertrophie des lobès de l’oreille, amputation des doigts et des orteils.

Goro

Molluscum contagiosum, éruption nodulaire de nombre variable, au centre ombiliqué qui finissent par se cicatriser sans traitement.

Kaba

Mycose, teigne, dysmélanie (hyperpigmentation, hypopigmentation), dermatoses sèches et squameuses.

Chez l’enfant, lèsions cutanées arrondies de taille glabre à contour vésiculaire surélevé, sur le cuir chevelu chute des cheveux (teigne) plus ou moins complète.

Chez l’adulte toute lésion cutanée d’hypopigmentation, sèche et/ou squameuse.

Kababilen

Taches lépreuses, dartre, lupus érythémateux, nævus.

Kabafin

Lichen plan

Kabajè

Vitiligo

Kuna

Lèpre amputante, lèpre tuberculoïde

Nparanca

Varicelle

Nsanfala

Dartre

Nson

variole

Sumunin

Furoncle, clou, abcès



[1] À Bamako, l’Annuaire statistique édité par la Division Epidémiologique du Mali attribue 6% du total des consultations déclarées à des maladies de peau, une étude menée dans plusieurs centre de santé montre que 10% des consultations ont pour motif ces maladies (cité in Mahé & Prual 1994)

[2] Selon Swartz (1991), il y aurait “plus de 2500 diagnostics dermatologiques identifiés”.

[3] Nous nous appuyons ici sur le travail de Tidjani Alou (1996) ; sur ce même thème voir aussi Jaffré (1994).

[4] D’autres distinctions existent comme par exemple kajiri kayna (petite démangeaison) évoquant l’eczéma ou la gale, kajiri bèero (grande démangeaison) évoquant paradoxalement la lèpre, etc. (Cf Jaffré 1994 op cit. ).

[5] zimma : “prêtre“ des génies de possession (holle), responsable des cérémonies qui leur sont consacrées, et aussi “guérisseur”. (Olivier de Sardan 1982).

[6] Pour toute pathologie évolutive, le terme “désigne” est bien évidemment un abus de langage. Les entités locales et médicales ne se recouvrent en général que dans la phase terminale de la maladie lorsqu’apparaissent des signes pathognomoniques (cf annexe).

[7] Selon Olivier de Sardan “le rôle symbolique du lait est très grand. Le lait est en effet le signe par excellence de la parenté, et de ce fait est devenu en outre celui de l’alliance. Tout d’abord c’est par le lait que se transmettent les pouvoirs magiques. Les sorciers (cerkow) acquièrent leur sorcellerie par le lait maternel : c’est pourquoi on se méfie des mariages avec une inconnue dont on est toujours prêt à soupçonner qu’elle est sorcière et contaminera ainsi automatiquement sa descendance…” (op cit. 1982)

[8] Nous renvoyons pour les identifications médicales de ces pathologies à Diakité (1989) et Huizinga & Keita (1987).

[9] Dans d’autres contextes la rougeole est aussi “classée“ comme étant une maladie de peau : ainsi, en milieu évozok, “cette affection est décrite comme une petite gale qui apparaît dans le corps par éruptions saccadées” (Mallart Guimera 1977 : 78).

[10] Au sens strict, il s’agit de la “dette“ ; dans ce contexte, et dans ce milieu malinké, ce terme désigne ce dont on hérite de ses parents (en bambara : cèn ou ciyèn). Ces termes de cèn, ou de juruya, habituellement traduits par “héritage”, sont proches de celui de dankama traduit par destin. Globalement ces termes servent à désigner des maladies provenant d’une “fabrication de Dieu” (Ala ka dali) et s’appliquent, par exemple, dans le domaine de la dermatologie à l’albinisme (yefuge). Très banalement ces termes servent aussi à souligner une ignorance face à des mécanismes biologiques complexes. Ainsi, toujours à propos de l’albinisme, nos interlocuteurs soulignent qu’ils n’en comprennent pas le mécanisme : “un homme et une femme albinos font un enfant noir, on ne comprend pas, personne n’y comprend rien“.

[11] Sur les couleurs en langue bambara cf l’article sur sayi dans le même ouvrage.

[12] S’utilise pour cerner entourer un puit, etc.(ka lakoli), ou pour indiquer une idée de “rondeur” (a korilen don).

[13] Signifie colorer, dessiner, faire des taches

[14] Peut s’utiliser par exemple pour désigner une voiture dont la peinture est de diverses couleurs, ou des femmes “blanchies“ dont la couleur de peau n’est pas homogène

[15] Soulignons que ces incertitudes étaient aussi, il n’y a pas si longtemps celles des médecins coloniaux. Bado parle à ce propos du “temps des confusions dans les diagnostics” (1996)

[16] dabali peut désigner un empoisonnement, une emprise sorcière, un sort dont on est victime. Cet état est alors nommé dabalibana, maladie du sortilège

[17] Le radical de ce terme nyama désigne la force supposée habiter chaque végétal et être vivant et qui “peut dans certaines cas, s’attaquer à celui qu’elle considère comme responsable du décès” (Dieterlen 1951 : 63).

[18] Ce terme est notamment utilisé pour désigner une personne sale qui ne s’est lavée qu’en se mouillant. Lorsqu’elle sèche des traces restent visibles sur son corps.

[19] Ainsi en bambara, bòn désigne un ulcère “causé par un genie”, tilanin la bourbouille, nsòn la varicelle, etc. Comme le soulignait un de nos informateurs : “les maladies sur la peau sont diverses, elles ne finissent pas”.

[20] Le problème des classifications des affections cutanées a déjà été abordée notamment par Bibeau (1981). Selon cet auteur, les Angbandi de l’ancien Zaïre utilisent divers critères : la localisation, la ressemblance, la représentation, l’étiologie, la thérapeutique, et les données socio-culturelles (300).

[21] En zarma comme en bambara, ces termes de couleurs sont utilisés de deux manières différentes. De manière métaphorique le blanc, le rouge et le noir, indiquent une graduation dans l’intensité. Ces mêmes couleurs désignent aussi plus concrètement les diverses teintes des lésions.

[22] En zarma (Jaffré & Moumouni 1994) - toli toli et lom lom (vésicules), dolle dolle (tache), etc. -  comme en bambara - sonin sonin et falen falen (rebondir, apparaître), dulon dulon (enfler), etc. - la multiplicité des boutons est le plus souvent linguistiquement rendue par le redoublement du radical.

[23] Il en est ainsi par exemple du terme bambara furukufuruku qui dans son acception la plus courante signifie se mettre en colère et manifester son agacement par des gestes désordonnés et qui peut être dérivé pour désigner précisément l’infection d’une lésion.

[24] D’autant plus qu’il s’agit d’une maladie d’enfant décrite par des adultes, cf nos remarque dans l’article sur le thème de “la fontanelle” dans le même ouvrage.

[25] Les soins externes, parce que la maladie est visible et à portée du médicament, sont supposés plus simples et rapides que le traitement interne (kènèmata, o furakè ka di ni konata ye).

[26] En bambara, la traduction littérale du terme français “maladie de peau” (wolo bana) n’a pas de sens et induit, de plus en erreur. Wolo, signifiant “naissance”, n’étant distingué que par un ton sur la première syllabe de wolo (peau), certains de nos interlocuteurs ont compris notre question comme portant sur des maladies de naissance. Les termes naturellement utilisés sont wolo kan bana, wolo sanféta bana ou wolo kunata bana (maladie sur la peau), et wolo jukòrò bana (maladie sous la peau)



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 13 janvier 2009 7:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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