Initiative Étudiante Internationale
pour l’Économie Pluraliste
“Manifeste pour une économie pluraliste.
Il faut renouveler l’enseignement de l’économie
Un mouvement étudiant lance un appel mondial
pour sortir cette discipline de la crise.”
Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du lundi, 5 mai 2014, page A7 idées.
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/407363/manifestepourune
L'économie mondiale n’est pas seule à être en crise. L’enseignement de l’économie l’est également. Les conséquences de cette crise-là vont bien au-delà des murs de l’université. Ce qui est enseigné aujourd’hui façonne la pensée des décideurs de demain et influence ainsi les sociétés dans lesquelles nous vivons. Nous, 22 associations et collectifs étudiants de 18 pays, croyons qu’il est grand temps de renouveler l’enseignement de l’économie.
Nous sommes particulièrement préoccupés par l’étroitesse croissante des cursus. Ce manque de diversité intellectuelle limite non seulement l’enseignement et la recherche, mais aussi notre capacité à penser les enjeux nombreux et divers du XXIe siècle de l’instabilité financière à la sécurité alimentaire en passant par le réchauffement climatique. Le monde réel doit revenir dans les salles de classe, de même que le débat et le pluralisme des théories et des méthodes. Cela est nécessaire pour renouveler la discipline et permettra de créer l’espace de discussion où pourront émerger les réponses aux défis des sociétés contemporaines.
Unis par-delà les frontières, nous appelons à un changement de cap. Nous ne prétendons pas avoir la solution parfaite, mais nous ne doutons pas que les étudiants en économie profiteront de l’accès à des perspectives et idées diverses. Le pluralisme n’aide pas seulement à dynamiser la discipline, à féconder recherche et enseignement, il porte la promesse d’une discipline économique utile à la société. Trois formes de pluralisme doivent être au centre des cursus d’économie : le pluralisme des théories, des méthodes et des disciplines.
Photo: Agence France-Presse (photo) Leon Neal De étudiants, chercheurs et praticiens en économie souhaitent que, partout à travers le monde, l’enseignement de l’économie intègre un plus grand pluralisme en matière théorique et méthodologique. L’économiste français Thomas Piketty, ci-dessus lors d’une présentation au King’s College de Londres, en avril dernier, est l’un de ceux qui soutiennent ce manifeste.
Le pluralisme théorique met l’accent sur la diversification des écoles de pensée enseignées dans les cursus. Il ne s’agit pas de rejeter une tradition établie ni de choisir un camp. Il s’agit d’encourager les débats fertiles et la confrontation critique des idées. Là où les autres disciplines embrassent la diversité et enseignent différentes théories même lorsque celles-ci sont incompatibles entre elles, l’économie est trop souvent présentée comme un corpus de savoirs unifiés.
Bien sûr, la tradition dominante a sa propre diversité. Néanmoins, il ne s’agit que d’une façon de pratiquer l’économie et donc d’analyser le monde. Cela serait inconcevable pour les autres disciplines : personne ne prendrait au sérieux un cursus de psychologie qui n’enseignerait que la tradition freudienne ou un cursus de science politique se focalisant uniquement sur le socialisme. Un cursus d’économie complet devrait favoriser la structuration intellectuelle des étudiants dans une variété de cadres théoriques, des approches néoclassiques largement enseignées aux écoles classique, postkeynésienne, institutionnaliste, écologique, féministe, marxiste et autrichienne entre autres toutes largement exclues. L’énorme majorité des étudiants en économie obtiennent leur diplôme sans avoir été exposés à cette diversité intellectuelle.
Aussi, il est essentiel que les cursus incluent des cours obligatoires fournissant une contextualisation et un regard réflexif sur la discipline économique et ses méthodes. Ces cours incluent particulièrement la philosophie et l’épistémologie économique, soit l’analyse de la construction des savoirs. En outre, parce que les théories économiques d’hier et d’aujourd’hui ne peuvent jamais se comprendre indépendamment de leur contexte historique d’élaboration, les étudiants devraient être systématiquement exposés à l’histoire de la pensée, aux textes fondamentaux ainsi qu’à l’histoire des faits économiques. Actuellement, de tels cours sont inexistants, ou relégués aux marges des cursus.
Le pluralisme méthodologique élargit les outils à la disposition de l’économiste. Il est évident que mathématiques et statistiques sont indispensables à la discipline. Néanmoins, les étudiants apprennent trop souvent à maîtriser ces techniques sans apprendre pourquoi et comment ils devraient les utiliser, sans discuter le choix des hypothèses d’un modèle ni l’applicabilité des résultats obtenus. Plus encore, des pans entiers de la réalité économique ne peuvent être appréhendés par l’utilisation exclusive de méthodes quantitatives : une analyse économique approfondie devra aussi s’approprier les méthodes des autres sciences sociales. Par exemple, la compréhension des institutions et des cultures serait largement améliorée si l’analyse qualitative jouissait du même statut que l’analyse quantitative en économie. La majorité des étudiants en économie obtiennent leur diplôme sans avoir été formés aux méthodes qualitatives.
Enfin, l’enseignement de l’économie doit inclure une perspective pluridisciplinaire et permettre aux étudiants de collaborer avec les autres sciences humaines et sociales. L’économie est une science sociale : les phénomènes économiques complexes ne peuvent se concevoir pertinemment s’ils sont présentés dans un vide sociologique, politique et historique. Pour discuter avec acuité des politiques économiques, les étudiants doivent comprendre l’impact social et les implications morales des décisions économiques.
Bien que les modalités du renouvellement de l’enseignement de l’économie soient fonction des réalités locales et nationales, certaines mesures favoriseraient la mise en oeuvre concrète du pluralisme :
- L’octroi de postes aux enseignants et chercheurs susceptibles d’apporter une diversité théorique et méthodologique dans les cursus ;
- L’élaboration de supports pédagogiques tels que des manuels d’économie pluralistes ;
- L’institutionnalisation de la coopération entre unités de formation et de recherche en différentes sciences sociales et la création d’unités interdisciplinaires mêlant l’économie avec ses disciplines soeurs.
Le changement sera difficile, il l’est toujours. En réalité, il est déjà en marche. Partout dans le monde, nous, étudiants, avons commencé à le mettre en oeuvre pas à pas. Nous remplissons des amphithéâtres entiers lors de cours hebdomadaires sur des sujets exclus de nos cursus, nous organisons des séminaires, des ateliers, des conférences ; nous analysons les cursus actuels et proposons des alternatives concrètes ; nous nous administrons à nous-mêmes et à d’autres les cours nouveaux que nous souhaitons voir apparaître dans les curricula officiels. Nous avons créé des groupes dans des universités du monde entier et construit des réseaux nationaux et internationaux, tels que l’Initiative étudiante internationale pour l’économie pluraliste.
Le changement viendra d’origines multiples. Nous appelons les étudiants, les économistes confirmés, les non-économistes, à nous rejoindre pour créer la masse critique nécessaire. Le site de l’Initiative étudiante internationale pour l’économie pluraliste (pluralisme.economieautrement.org) permet de se renseigner et de nous contacter. Le pluralisme en économie est une condition nécessaire d’un débat public honnête et ouvert. Le pluralisme en économie est une question de démocratie.
Les membres fondateurs
de l’Initiative Étudiante Internationale
pour l’Économie Pluraliste :
- Sociedad de Economía Crítica Argentina y Uruguay, Argentina
- Society for Pluralist Economics Vienna, Autriche
- Nova Ágora, Brazil
- Mouvement étudiant québécois pour un enseignement pluraliste de l'économie, Canada
- Det Samfundsøkonomiske Selskab (DSS) Denmark
- Post-Crash Economics Society Essex, England
- Cambridge Society for Economic Pluralism, England
- Rethinking Economics, England
- Better Economics UCLU, England
- Post-Crash Economics Society Manchester, England,
- Pour un Enseignement Pluraliste de l'Économie dans le Supérieur (PEPS-Économie), France
- Netzwork for Pluralistic Economics, Germany
- Economics Student Forum Haifa, Israël,
- Rethinking Economics Italia, Italy
- Oeconomicus Economic Club MGIMO, Russia
- Glasgow University Real World Economics Society, Scotland
- Movement for Pluralistic Economics, Slovenia
- Lunds Kritiska Ekonomer, Sweden
- PEPS-Helvetia, Switzerland
- Rethinking Economics New York, United States
- Sociedad de Economía Crítica Argentina y Urugua, Uruguay
Professeurs:
- Geoffrey Harcourt
- Marc Lavoie
- Mario Seccareccia
- Geoffrey M. Hodgson
- Sheila Dow
- Thomas Piketty
- John Komlos
- Thomas Palley
- Paul Davidson
- James Galbraith
- Engelbert Stockhammer
- Victoria Chick
- John Lodewijks
- Colin Richardson
- Siobhan Austen
- Tim Thornton
- Robert Dixon
- Jakob Brøchner Madsen
- Bruce Littleboy
- Alan Duhs
- Frank Stilwell
- Susan Schroeder
- Adam David Morton
- Jeremy Walker
- Bill Lucarelli
- Jakob Kapeller
- Rubens Sawaya
- Louis-Philippe Rochon
- Mogens Ove Madsen
- Poul Thøis Madsen
- Emil Urhammer
- Ole Bjerg
- Finn Olesen
- Laura Horn
- Nils Enrum
- Inge Røpke
- Katarina Juselius
- Klaus Nielsen
- Yannis Dafermos
- Andy Denis
- Stefanos Ioannou
- Julian Wells
- Alan Freeman
- Grazia Ietto-Gillies
- Matt Davies
- Pritam Singh
- Molly Scott Cato
- Miguel Martinez Lucio
- Paul Hudson
- Lizbeth Perez Fuentes Aleman
- Steve Rolf
- Tom Barker
- Tony Lawson
- Mark G. Hayes
- Ha-Joon Chang
- Ozlem Onaran
- Malcolm Sawyer
- Jala Qanas
- Gary Dymski
- Guiseppe Fontana
- David Spencer
- Neil Lancastle
- Rod Cross
- Jo Michell
- Jonathan Bishop
- Robert Guttmann
- Gilles Raveaud
- Dirk Ehnts
- Arne Heise
- Jack Reardon
- Oleg Komlik
- Guglielmo Forges Davanzati
- Francisco Louçã
- Manuel Couret Branco
- Yulia Vymyatnina
- Man-Seop Park
- Rasigan Maharajh
- Jorge Garcia-Arias
- Alfonso Palacio Vera
- Carlos Rodriguez-Fuentes
- Peter Söderbaum
- Ilker Aslan
- Ken Binmore
- Michael Perelman
- Tanweer Ali
- Tae-Hee Jo
- Mark Setterfield
- George Demartino
- Robert Pollin
- MIchael Ash
- Hongkil Kim
- Mathew Forstater
- Korkut Erturk
- Stephen Fazzari
Étudiants québécois:
- Dominique Lejeune
- Gabriel Salathé-Beaulieu
- William Samson
- Vincent J. Painchaud
- Étienne Lamy
- Philippe Allaire
- Charles-Éric Landry
- Marie-Pier Bernard
- Émilie Guillot
- Dominique Gagnon
- Hélène Durocher
- Maxence Joseph Fontugne
- Bastien Beauchesne
- Cédric Lehoux
- Lysandre R.-Théberge
- Vincent Baillargeon
- Randy Bonin
- Charles-David Cossette
- Félix Brochu
- Francois Ouellet Castro
- Nicolas Célant
- Louis Bélanger
- Raphaël Langevin
- David Prud'Hommeaux-Jean
- Philippe Blais
- Josué Desbiens
- Marc-Antoine Lafrance
- Justine Demers-Poitras
- Sandrine Bureau
- Jean-Philip Guy
- Ariane Fréchette
- Camille Brochu-Hamel
- Étienne Racine
- Hugo Leblond
- Charlie Drapeau Robitaille
- Stephanie Brochu
- Virginie Allard Goyer
- Jean-Philippe Roy
- Pierre-Alexandre Caron
- Éléna Drouin
- Lukas Alfonsson
- Alexis Bureau-Thibault
- Joel Chevarie-tremblay
- Hugo Couture
- Catherine Gagnon
- Renaud Gignac
- Ingrid Giguère
- Justine Grandmont
- Frédéric Jean-Germain
- Louis-Maxime Joly
- Valentin Juglair
- Pierre-Luc Lacombe Brosseau
- Marc Antoine Lapierre
- Samuel Major
- Julien Mc Donald-Guimond
- Geneviève Morency
- Hugo Morin
- Oualid Moussouni
- Manuel Paquette-Dupuis
- Viviane Renard
- Martin St-Denis
- Valérie Tamine
- Marc-André Tourangeau
- Louis-Philippe Véronneau
- Mahamadi Iria
- Claudia Fontaine
- Billal Tabaichount
- Nicolas Synnott
- Mathieu Parizeau-Hamel
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