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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Fanny Soum–Pouyalet, Annie Hubert, Jean–Marie Dilhuydy et Guy Kantor, “Prise en compte de l’entourage des patients atteints de cancer: Un aperçu mondial des programmes et des actions d’information et de soutien. Information and support programs for cancer patients’ family and friends: a world Survey.” Titre courant: “Information et soutien de l’entourage des patients en cancérologie.” Un article publié dans la revue Oncologie, June 2005, Volume 7, Issue 4, pp 323-328. [Jean-François Baré, époux de l'auteur et ayant-droit, nous a accordé le 28 août 2012 son autorisation de diffuser toutes les publications de l'auteur dans Les Classiques des sciences sociales.]

[323]

Fanny Soum–Pouyalet, Annie Hubert,
Jean–Marie Dilhuydy et Guy Kantor

Prise en compte de l’entourage des patients atteints de cancer:
Un aperçu mondial des programmes et des actions
d’information et de soutien.
Information and support programs for cancer
patients’ family and friends: a world Survey
.”

Titre courant:

Information et soutien de l’entourage des patients
en cancérologie
.”

Un article publié dans la revue Oncologie, June 2005, Volume 7, Issue 4, pp 323-328.

Résumé / Summary

Introduction

Cadre de l’étude
Définition de l’entourage du patient
Définition de la famille
Les besoins exprimés par les proches
Les proches et les soins
Le besoin d’information des proches
Les types de programmes de soutien selon les pays
En France

Conclusions
Bibliographie


Résumé

Une étude bibliographique sur les publications concernant la prise en compte de l’entourage des patients, montre que ce sont les pays scandinaves et anglo-saxons qui ont le plus avancé dans cette réflexion et dans la mise en place de programmes évalués destinés à apporter soutien, conseils et aide aux proches de malades atteints de cancer. L’entourage concerne les proches, c’est à dire la famille et les amis, et dans certains cas, l’équipe soignante. Il s’agit d’une vision très large dans le cadre d’une prise en charge globale.

Nous assistons en France depuis les premiers États Généraux des malades du cancer organisés par La Ligue Nationale contre le cancer en 1998 et en 2000 à une évolution irréversible des mentalités qui ne peut que déboucher, grâce aussi au Plan Cancer, à un meilleur soutien non seulement des patients mais encore de leur entourage.

Mots clés : cancer, patients, famille, proches, information, programmes de soutien.

[3]

A survey of published studies and programs concerning the family and friends of cancer patients, shows that Scandinavian and Anglo–Saxon countries are well ahead in the development of evaluated programs for information and help, considering the patient and his significant others, as well as the medical team as a whole, in a global approach to treatment and follow–up. In France, since the first « États Généraux des malades » (National meeting of patients) for cancer patients organised by the Ligue Nationale contre le cancer in 1998 and 2000 and the establishment of the « Plan Cancer », we witness an irreversible evolution of attitudes and mental process leading to a better support of patients and their families and friends.

Key words : cancer, patients, family, significant others, information, support programs.

[4]


Introduction

Cette étude situe le cadre de travail dans lequel nous avons réalisé l’état des lieux des programmes de soutien et d’informations destinées aux proches des malades atteints de cancer dans le monde. Cette recherche a abouti à la réalisation d’une étude bibliographique des différentes formes de soutien, recensant une soixantaine de publications référencées ou issues de programmes institutionnels. Il ne s’agit en aucun cas d’une analyse exhaustive des programmes de soutien et projets visant à aider les proches, mais bien au contraire d’une revue générale de la question, dans une perspective anthropologique. Son objectif est de faire état d’une évolution des mentalités sur la question, en tenant compte des différentes échelles : celle des sociétés d’une part et celle des institutions d’autre part.

L’analyse de ces travaux est en cours de réalisation aujourd’hui. Elle fera l’objet de plusieurs publications ultérieures amenant à une réflexion détaillée sur leurs contenus. En raison de l’ampleur de cette étude, nous n’en retraçons donc aujourd’hui que son cadre et ses lignes directrices. Ces éléments constituent néanmoins la trame contextuelle indispensable à la compréhension de cette problématique et de ses enjeux.


Cadre de l’étude

L’analyse de l’état des lieux sur les programmes de soutien et d’informations destinées aux proches des malades atteints de cancer dans diverses régions du monde s’avère une tâche titanesque et pratiquement impossible si l’on doit considérer tous les types de données sur ce thème.

Étant donné la très grande quantité de documentation informelle, émanant d’associations multiples, dont il est difficile de vérifier les sources, nous avons choisi de travailler sur des données publiées dans des revues référencées.

Nous avons mis en évidence 62 publications, la très grande majorité émanant du monde occidental. Les dates de publication s’échelonnent entre 1980, 82, 85, 87 pour les 4 plus anciennes et les autres se répartissent entre 1992 et 2004 avec une majorité d’articles pour les quatre dernières années.

Nous avons différencié les publications sur des programmes mis en place et réellement évalués et les études qui mettent en exergue les besoins des proches des malades.

[5]

Nous trouvons ainsi 19 programmes institutionnels d’aide et de soutien aux proches des malades, dont 15 avec une évaluation précise, et 35 études sur les besoins exprimés.

[6]

Pour l’ensemble des publications, la répartition par pays se présente comme suit :

Canada

3

USA

17

Finlande

6

Hong Kong

2

Suède

10

Australie et N.Z.

8

Japon

1

Pays Bas

1

Taiwan

1

Royaume Uni

5

Iran

1

Norvège

2

Inde

1

France

4


Une partie des programmes concerne les proches de malades en fin de vie et certains sont plus focalisés sur la période du deuil. De nombreux programmes concernent aussi les actions menées en faveur des parents d’enfants atteints de cancer. Il apparaît ainsi que ces deux problématiques sont traitées indépendamment du cadre général du soutien à l’entourage des patients atteints de cancer. Elles bénéficient de plus d’attention de la part des institutions et des associations et nécessitent donc une analyse spécifique.


Définition de l’entourage du patient

Dans nos cultures occidentales les proches sont le plus souvent le conjoint et, au sens plus large du terme, les enfants, c’est à dire la famille nucléaire, voire la famille élargie ; il faut aussi considérer les amis qui constituent, en quelque sorte, une famille d’élection. Il est intéressant de noter que la plupart des études publiées considèrent cet ensemble comme un tout. Le soutien s’adresse à tous les membres du groupe et parfois même à l’équipe soignante.

Pour les Australiens, l’entourage du patient est décrit comme : family AND friends… Pour certains aux USA et au Canada, le terme « significant other » est jugé plus politiquement correct. Mais ce qui frappe dans toutes ces approches, culturellement plutôt nord européennes, c’est que le patient n’est pas considéré isolément par rapport à son entourage et que l’équipe soignante peut être incluse dans l’entourage significatif. Il s’agit d’une approche globale, sociale et culturelle de la maladie et de son traitement, propre aux pays ayant développé une médecine communautaire ou parfois une « médecine de la famille ».

[7]

Définition de la famille

La composition de la « famille » et le fonctionnement du système familial sont différents selon les cultures et il est illusoire d’envisager un modèle unique. L’attitude du patient, dans son rôle de malade, et celle de son entourage en tant que « famille » peuvent varier selon l’origine culturelle des individus. L’exemple chinois est frappant : dans cette société fortement marquée par un système patriarcal de famille étendue, c’est l’ensemble du groupe familial qui va gérer l’information et les soins prodigués au malade. C’est la famille qui va prendre les décisions à la place du patient, surtout si celui–ci est âgé. La piété filiale s’en mêle et les enfants veulent éviter aux parents tout ce qu’ils peuvent considérer comme émotionnellement traumatisant. On le voit bien par l’étude publiée sur Taiwan [30] où la majorité des patients interrogés demande justement de se libérer de ce joug familial qui correspond toutefois au modèle culturel millénaire et ancestral. Il a par contre l’avantage de faire de la participation au soin du malade, particulièrement au domicile et en fin de vie, un acte de piété filiale ; ce type de soutien assumé par les proches n’est pas ressenti comme contraignant mais bien au contraire valorisant [18].

Il y a, plus particulièrement dans les pays en développement, des systèmes familiaux étendus, où de nombreuses personnes partagent un même espace. Les rôles de chacun sont définis compte tenu des représentations spécifiques de la maladie, des soins nécessaires à délivrer. La maladie est un évènement communautaire : c’est l’ensemble du groupe qui en est affecté et qui met en oeuvre des stratégies de prise en charge qui lui sont propres. De tels groupes peuvent aussi se retrouver aussi dans nos sociétés parmi des familles issues de l’immigration ; leurs spécificités ne peuvent être éludées.

La nécessité d’éduquer les soignants à la perception culturelle de l’ensemble patient/entourage a été soulignée par les Canadiens.


Les besoins exprimés par les proches

Une étude australienne a étudié l’impact du diagnostic d’un cancer sur tout le groupe familial et a montré que le fonctionnement du système familial conditionne le type de comportement du patient en particulier ses réactions anxieuses et dépressives [7]. Parallèlement, des Américains ont publié une étude sur la dépression et la santé physique de l’entourage de patients âgés avec un cancer [13]. Il ressort de ces études que l’annonce de la [8] maladie induit un fort besoin de soutien et d’informations à la fois pour les proches mais tout autant pour leur entourage. Dans la symbolique du cancer, la mort reste omniprésente et prend une dimension tangible. Dans le domaine de l’abstraction, elle prend place dans le champ des possibles. Cette réalité est tout aussi difficile à appréhender par les proches des malades que par ces derniers, ce qui explique leur fort besoin de soutien, de compréhension et d’appuis psychologiques dès l’annonce de la maladie.

Les besoins exprimés ne sont pas simplement d’ordre informatif et psychologique ; ils peuvent être aussi de nature matérielle voire logistique. La création de programmes appropriés requiert une équipe pluridisciplinaire avec une vision communautaire de la pratique médicale et une perspective d’implication des proches dans des rôles solidaires, responsables et dynamiques.

Nous en retrouvons de bons exemples dans les études australiennes où souvent les amis proches sont inclus dans les programmes destinés à aider « la famille » [32]. Nous sommes là devant un nouveau modèle de la société occidentale contemporaine.


Les proches et les soins

Certaines études mettent en évidence la possibilité et l’avantage de faire participer les proches aux thérapies proposées aux patients, en une sorte de « réseau thérapeutique ». Cette nécessité s’illustre d’ailleurs dans l’importance du nombre de publications sur les aides et programmes associant à la fois les malades et leurs proches. La partition entre les deux n’est pas toujours marquée. L’analyse approfondie de ces programmes et de leurs résultats permettra en l’occurrence d’étudier les avantages et les inconvénients de réunir proches et malades dans une même catégorie au lieu de les considérer indépendamment les uns des autres. Le problème qui se pose aujourd’hui dans la réalisation d’une telle analyse est le manque de données concernant l’évaluation de ces programmes. Ces lacunes ne permettent pas d’effectuer un retour critique satisfaisant sur leur réalisation.

Cette notion de « réseau thérapeutique » incluant les patients et leur entourage dans un même groupe souligne en outre la nécessité d’élaborer une formation spécifique des soignants [21]. Dans cette perspective, le « soin » des patients est considéré dans deux dimensions : une dimension plus particulièrement technique mais aussi relationnelle liée à l’activité des professionnels et une dimension qui relève des proches pour faciliter une qualité de vie optimale, en prenant en prenant en considération à la fois “le cure” et “le care”. Cette situation illustre la difficulté commune à plusieurs pays, occidentaux pour la plupart, dans la gestion [9] simultanée d’une rationalisation budgétaire et d’une nécessaire réponse aux attentes des malades en matière d’information et d’accompagnement. Les structures familiales traditionnelles qui assuraient le support affectif et humain complémentaire aux soins délivrés par l’équipe médicale ont peu à peu laissé place à un processus d’individualisation sociale. Dans ce contexte, les systèmes de soin (par exemple « l’État–Providence » français ) ont, pendant un temps, pallié les carences de ce manque de soutien social et familial. Aujourd’hui, le contrôle de l’activité et ses impératifs horaires laissent peu de marge aux équipes médicales pour gérer l’accompagnement humain des malades. Cette logique de « réseau thérapeutique » doit donc se comprendre aussi comme une tentative d’implication citoyenne et communautaire dans la gestion de la santé de tout un chacun.

Les Finlandais sont particulièrement intéressés par ce type d’approche qui implique tout un réseau thérapeutique dont l’entourage du patient fait partie intégrante [20].

Les Suédois ont initié des études sur le vécu des proches de patients en soins palliatifs à domicile et en phase terminale. Les difficultés du vécu tant matériel qu’affectif sont prises en compte par les équipes soignantes [34]. Les Australiens développent le même type de recherche. De manière plus surprenante, une seule étude japonaise concerne cette problématique : elle met en évidence l’insuffisance d’informations données tant au malade qu’à ses proches [9]. Une étude hollandaise montre la vulnérabilité des proches et décrit ses manifestations possibles même si elle n’est pas avouée [24]. Toujours dans ce thème de soins palliatifs, une enquête suédoise montre la nécessité pour les équipes soignantes de saisir les différences culturelles dans les approches et les représentations du corps et de la mort, afin de pouvoir mieux aider et guider les proches [1].

D’autres études concernent la perception de la douleur par le patient et par ses proches ; elles montrent bien que l’entourage, même s’il appréhende la présence de la douleur, ne peut saisir son intensité et surévalue les stratégies que les patients mettent en place pour y faire face [16].

Des programmes de prise en charge de la douleur destinés aux proches d’un patient hospitalisé à domicile se mettent en place. Ce type de programme existe maintenant dans certains centres en Australie.


Le besoin d’information des proches

Un article qui fait une revue générale de la littérature sur l’aide aux proches de patients atteints de cancer [10], montre que les proches n’ont pas accès à l’information qu’ils [10] souhaitent. Ce besoin d’information a été souvent ignoré ou mal perçu par les équipes soignantes. Cette insuffisance d’information affecte le patient comme ses proches avec un retentissement évident sur le bien être psychologique du groupe familial. Les auteurs recommandent de mettre en place des stratégies pour construire une plus large communication vers les proches [10].

Au vu de publications plus récentes [9, 15, 28] il semble que cette stratégie de communication se soit bien développée ou fasse l’objet d’une prise de conscience institutionnelle un peu partout dans le monde.

Aux États–Unis, un programme « Cancer Information Service » [17] a été mis en place : toutes les questions générales qui concernent la maladie, son traitement et les structures d’aides mises en place pour les patients et leurs proches trouvent une réponse adéquate par téléphone, soit par contact direct avec un soignant, soit par l’intermédiaire d’un programme informatisé où les réponses sont pré-enregistrées selon les questions posées. Ce service se développe également sur Internet où on trouve de nombreux sites informatifs dont le contenu devra un jour être évalué. Les auteurs montrent bien la nécessité de ce type de centre d’informations, tant pour les patients que pour leur entourage [17].


Les types de programmes de soutien selon les pays

La plupart des programmes d’aide aux proches, en présence ou non du patient, reposent sur une formation voire une éducation du groupe avec de véritables séances de travail. Il est aussi possible d’obtenir, par Internet ou par téléphone, des réponses aux multiples questions que les patients ou leur entourage peuvent se poser légitimement. Cette formation implique la collaboration d’une équipe pluridisciplinaire avec des cliniciens, des infirmiers, des psychologues et des spécialistes de l’aide sociale pour gérer les problèmes plus matériels [10].

Certaines équipes utilisent des vidéos ou des films pour illustrer et susciter plus facilement des commentaires au cours de la formation [3].

Des revues de bibliographie et des publications in extenso sont à la disposition des patients et de leurs proches qui souhaiteraient les consulter. Un support psychologique est prévu à la demande.

Ces programmes particulièrement bien développés en Australie et Scandinavie ont été évalués de façon très positive [23, 24, 26]. Notons qu’à de rares exceptions près, ils concernent les proches des patients non hospitalisés.

[11]

Les Suédois envisagent de mettre en pratique ces programmes de soutien autant pour les patients que pour leurs proches [34].

« Learning to Live with Cancer » est un autre programme innovant proposé au Royaume Uni. Basé sur des méthodes d’éducation validées, il a été diffusé et appliqué par la European Oncology Nursing Society (EONS). Il s’adresse aux patients, à leur famille et aux proches pour une meilleure compréhension de la maladie avec comme corollaire une prise en charge plus efficace. La formation qui correspond à une véritable éducation est réalisée par un cours hebdomadaire de deux heures pendant 8 semaines ; pendant cette formation des échanges peuvent se faire avec d’autres familles dans la même situation et des groupes de parole informels peuvent s’établir [33]. Ce type de programme s’est également développé en Australie. L’évaluation de leur impact parait nettement positive [22]. Les Suédois ont également des programmes d’information spécifiques réservés aux malades atteints de cancers gynécologiques et à leurs proches [2].

Les programmes d’éducation tendent à utiliser de plus en plus des méthodes audio–visuelles [3] avec des documents types proposés sans distinction pour tous les groupes. Cette « dépersonnalisation » de l’information peut–elle avoir un effet négatif ? Ou peux–t–on considérer ces documents comme une simple base de discussion ? En fait, on ne peut répondre à ces questions car il n’y a encore d’évaluation précise publiée.

Deux programmes concernent plus particulièrement les enfants, un programme Suédois [12] et un programme Australien [4]. Ils impliquent, là encore, la participation des jeunes patients, de leurs parents et de leurs amis.

Par ailleurs, il existe quelques programmes américains destinés aux professionnels de santé pour les aider dans la prise en charge des patients et de leurs proches [21]. Ils ont pour objectifs de les sensibiliser à une prise en charge personnalisée, d’améliorer leurs relations avec les patients et leurs proches, et de diminuer aussi leur propre stress.

Deux publications, une de l’Iran [19] et l’autre de l’Inde (Bengale de l’Ouest) [25] font le constat que les proches des patients, tout comme les patients eux–mêmes, ne sont pas du tout ou très mal informés, et surtout guère aidés. Les Iraniens ont tenté d’évaluer l’information donnée aux malades ou aux proches, avec des résultats très négatifs [19].

Cette absence d’information et de soutien semble bien être l’apanage de la plupart des autres pays dits du Sud.

Il faut garder aussi à l’esprit que dans d’autres cultures, le rôle du malade et celui de ses proches sont réellement complémentaires, que les proches ont un rôle primordial dans les soins, même dans le cadre d’une hospitalisation, en raison d’un manque de personnel, de [12] l’absence de traitements vraiment efficaces à des stades de la maladie souvent très évolués. Nous pouvons dire que dans ces aires culturelles différentes, la prise en charge du malade par son entourage est bonne ce qui permet d’améliorer son vécu mais que la prise en charge médicale relationnelle et technique fait particulièrement défaut.

Mis à part les États–Unis, l’Australie, le Canada, la Finlande et la Suède, où des programmes de soutien ont été mis en place, les autres pays en sont encore au stade d’enquêtes sur les besoins des proches et leur vécu.


En France

Pour l’instant, nous avons colligé parmi les travaux récemment publiés :

– un ouvrage édité à la suite des premiers États Généraux des malades atteints d’un cancer, organisés par la Ligue Nationale Contre le Cancer en 1999, qui témoigne en particulier de la nécessité de considérer et de prendre en charge l’entourage des patients [14] ;

– un article sur l’information de la famille des patients adultes traités pour un cancer [28] ;

– un article sur les problèmes posés par la prise en charge globale des femmes atteintes d’un cancer mammaire ou gynécologique et sur leurs incidences familiales et socioprofessionnelles [29].

Par ailleurs une étude (étude FACE) sur le vécu des conjoints et des enfants de patientes traitées pour un cancer du sein est en cours de publication. Le groupe pharmaceutique qui supporte cette recherche de Proximologie a élaboré sur Internet un site pour les proches des patients qui présentent des pathologies dégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, etc.) qui peut intéresser aussi les proches de patients atteints d’un cancer (www.proximologie.com).

À côté des travaux de recherche proprement dits, on ne peut que souligner une modification incontestable et majeure de l’état des lieux concernant les actions de soutien pour les proches.

Un guide de bonnes pratiques en Psycho–Oncologie a été publié en 1995 par la Fédération de centres de lutte contre le Cancer [27]. Le retentissement psychologique de la maladie sur le patient et sa famille est bien reconnue par les professionnels [26].

La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades a mis en exergue la notion de “personne de confiance” et a ainsi confirmé la possibilité pour toute personne majeure de [13] désigner une personne de son choix, qu’elle appartienne à la famille ou non, qui sera consultée au cas où la personne malade serait hors d’état d’exprimer sa volonté.

La Ligue Nationale Contre le Cancer a mis en place en mars 2004, dans le cadre du Plan Cancer, un centre d’information et d’écoute par téléphone au service de tous : cancer info service/n° Azur 0 810 810 821. Les appelants sont les patients et leurs familles. Cancer info service va servir d’« observatoire » et permettra de dégager les attentes des appelants, les questions les plus souvent posées et par–là les actions à entreprendre [15].

La Ligue en partenariat avec Sanofi Synthélabo Aventis est aussi à l’origine de la création des Espaces Rencontre et Information (ERI) qui petit à petit sont créés dans les centres de lutte contre le cancer et les hôpitaux. Le site pionnier de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif a reçu en 3 ans 2839 visites avec 65% de malades, 25% de proches, 8% de membres du personnel et d’associations ; pour l’ERI de Bordeaux, créé un peu plus tard fin 2002, on retrouve en 2004 un chiffre équivalent avec 22 % de visites par les proches des patients.

À l’image des « accueils cancer » de la ville de Paris, des lieux d’échanges et d’informations se multiplient actuellement avec des kiosques d’informations hors établissements de soins pour les patients, les proches et le public.

Parmi les 70 mesures et les 200 actions volontaristes prévues par le Plan Cancer (www.plancancer.fr) [23], il faut noter plusieurs projets particulièrement intéressants : le dispositif d’annonce qui s’adresse autant au patient qu’à l’accompagnant de son choix, le développement dans les institutions de départements interdisciplinaires (DISSPO) intégrant les soins continus, le soutien psychologique, le suivi médico–social et l’information permanente de la personne malade et de son entourage ; la prise en compte des problèmes sociaux qui retentissent sur la vie familiale fait l’objet de mesures particulières pour l’accès aux prêts, les modalités de reprise ou non du travail, la protection de l’emploi, les aides aux familles et les congés spéciaux. La coordination des soins de support se met progressivement en place dans les établissements de soins publics et privés [11].

Les guides d’information et de dialogue à l’usage des personnes malades et de leurs proches édités par la Fédération des Centres de lutte contre le cancer dans la collection des SOR SAVOIR PATIENT (SOR : Standards Options Recommandations), avec un panel très large d’experts relecteurs et l’avis d’un groupe de patients et d’anciens patients, sont destinés à clarifier et à faciliter l’information. Le dernier fascicule fait le point sur les démarches sociales nécessaires pour les patients et leurs proches [6]. Le concept de l’éducation des [14] patients et de leur entourage fait progressivement son chemin [5]. Un livret sur l’information des proches doit être édité en 2005.

Des groupes de parole pour les patients existent dans de nombreux hôpitaux en France pour les cancers et d’autres pathologies. Des groupes de soutien de parents d’enfants malades ont été mis en place dans les services d’Onco–Pédiatrie. La Ligue contre le Cancer a créé dans chaque comité départemental des groupes de parole pour les proches.


Conclusions

Les besoins mis en évidence par les différentes études sur les proches des patients sont par ordre d’importance : l’information sur la maladie et le pronostic vital, l’information sur les modalités des traitements et leurs effets secondaires, la possibilité de bénéficier d’un soutien psychologique avec une aide plus spécifique pour gérer des temps difficiles comme la fin de vie et le deuil, une aide sociale pour obtenir différentes allocations financières et un support logistique quand cela est nécessaire.

L’accent est souvent mis sur la particularité culturelle des groupes de proches. Certaines équipes soignantes expriment le besoin d’une formation pluridisciplinaire pour discerner les différences culturelles afin de mieux appréhender le fonctionnement des familles, de mieux comprendre les représentations différentes de la santé, de la maladie, du corps voire de la mort.

Les programmes d’information voire d’éducation déjà réalisés dans certains pays répondent à ces besoins et sont tous évalués de façon très positive.

Les groupes de soutien et les groupes de parole sont fort nombreux en France. Il est possible par Internet dans le cadre de sites officiels d’obtenir également des réponses adéquates de soignants aux divers questionnements. Il existe par ailleurs de nombreux « chats » sur Internet entre patients qui se soutiennent par le partage de leurs expériences en ayant conscience qu’ils appartiennent à un groupe particulier « les soignés du cancer » ; leurs amis n’en sont pas exclus.

Le soutien des proches des malades confrontés au cancer, qui sont bien les aidants naturels, mérite d’être développé de façon plus systématique dans le respect certes des exigences éthiques. Ce soutien le plus souvent pluridisciplinaire participe à l’amélioration de leur vécu et par–là à l’amélioration de la qualité de vie des patients.

[15]

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Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 16 janvier 2013 10:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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