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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“L'idéologie: un mode de connaissance. Note de recherche. ” (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gilles Houle, sociologue, “ L'idéologie: un mode de connaissance. Note de recherche. ” Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. XI, no 1, avril 1979, pp. 123-145. Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal. [Autorisation accordée par l'auteur de diffuser cet article le 8 février 2004]

Introduction

La question du développement culturel ou de la culture tout simplement offre des difficultés sans nombre au sociologue qui tente de l'aborder. La question de l'idéologie, généralement posée dans une perspective différente ou qui se veut telle, n'est guère plus facile (1). Ces problèmes sont relatifs, nous semble-t-il, à un travail de construction théorique et méthodologique quelle que soit la perspective privilégiée dans l'état actuel des choses. Si la question est politique, elle est surtout affaire de stratégie: par quel bout prendre le problème pour que la construction théorique soit explicative; elle est aussi méthodologique: la construction opératoire d'un tel concept offre-t-elle un degré de validité satisfaisant, tel que les résultats puissent être infirmés? Ces questions sont l'objet de prises de position contradictoires chez les tenants d'une sociologie qualitative, chez les anthropologues particulièrement qui ont des problèmes de terrain, aussi bien chez les quantitatifs qui ne se hasardent guère à ces questions tant cette fois le formalisme n'y trouve guère de prise. Quant au débat autour de la question générale d'une méthodologie sociologique, l'on peut avancer sans crainte qu'il débute à peine (2).

Le problème de fond demeure celui d'une explication sociologique (3) dont les assises soient claires: du concept au réel, l'objet du sociologue dans son articulation théorique et méthodologique apparaît et reste sociologique. L'obstacle théorique majeur pourrait se résumer à celui d'une théorie du sujet où la psychanalyse a fourni et fournit encore la voie de solution à ces difficultés (4); quels sont en effet les fondements sociologiques des activités de l'individu, d'une psychologie ou d'une psychanalyse, dont le besoin est urgent et que ces disciplines ne peuvent nous fournir pour la raison très simple que cet objet n'est pas le leur. L'obstacle méthodologique n'est pas moins important, il s'agit de savoir, de définir la nature réelle des contenus dont le sociologue procède. En clair, que vaut la connaissance de sens commun dont le sociologue se sert de toute façon dans ses explications, qu'il s'agisse d'entrevues, de questionnaires ou de ses propres observations participantes; de manière plus radicale, que valent les explications du sociologue en regard des explications de l'homme de la rue. Les acquis de la linguistique (5) à ce propos ont surtout permis de mieux délimiter le champ du problème. La réponse nous semble-t-il, doit se retrouver ailleurs que dans une problématique de classes dont la légitimité est incontestable, mais non moins problématique pour autant du fait de la situation même du sociologue.

La culture ou l'idéologie peuvent être définies dans un premier temps comme l'expression multiple, diverse du rapport au monde et à la nature qu'une société établit dans son histoire, comme son reflet aussi suivant le mot de Marx. Il nous faut cependant reconnaître que d'une société à une autre, qu'il s'agisse d'une société féodale ou capitaliste, occidentale ou orientale, la culture puisse varier comme mode d'expression et dans les modalités d'expression de ce rapport au monde. C'est dire aussi la nécessité de concepts dont la généra-lité n'épuise pas le fait d'une seule société.

Ces différences apparaissent au mieux dans la connaissance en général comme condition générale de ce rapport, mais surtout dans l'explication de la nature de cette connaissance comme expression et mode d'expression de ce rapport à la réalité, que l'on pense au mythe, à l'idéologie ou encore à l'apparition des sciences exactes ou non comme modalités de cette expression, sans oublier la littérature. De telles différences pour être expliquées exigent une théorie de la connaissance, de l'idéologie ainsi qu'on la dénomme généralement, dont il faut définir la spécificité. La difficulté essentielle d'un tel travail reste néanmoins celle-ci: comment se donner une telle théorie de l'idéologie sans une théorie générale de la société qui l'explique, dont elle est le fondement puisqu'à la base même de la connaissance sociologique. Autrement dit, comment expliquer la manière dont une société s'explique à elle-même sans une théorie de cette société, objet de la connaissance en général comme de la connaissance sociologique. Cette contradiction est le nœud du problème, sa résolution pourra permettre de dépasser la fausse opposition de la science et de l'idéologie, du vrai et du faux dans la mesure même où le sociologue s'y trouve lui-même enfermé comme produit culturel. Reste à construire ce rapport au monde et de ce point de vue paradoxal qu'est celui d'une sociologie de la connaissance. La réalité ou la société pour le sociologue est d'abord et essentiellement la connaissance qu'il en a; ce rapport est constitutif de la connaissance et des modalités de connaissance par lesquelles il l'appréhende, il est aussi constitutif de la place, du rapport social qui le définit dans cette société, il est constitutif enfin, il importe de l'ajouter, de sa propre personnalité «culturelle». Tous les «modèles» de connaissance en procèdent de quelque manière, une théorie de l'idéologie se donne précisément pour objet d'expliquer ce rapport dans ces modalités, pour visée, la «transparence» des rapports sociaux (6). La possibilité d'une telle explication nous renvoie au fond au problème classique du sociologue qui est à la fois sujet et objet de son travail, il nous renvoie au cercle de la connaissance si familier à l'herméneute (7) dont nous voudrions moins faire le tour que tenter de construire la relation de connaissance qui le fonde.

C'est dans cette perspective que nous allons illustrer et tenter d'expliquer dans une analyse empirique, le rapport au monde et à elle-même qu'une société, le Québec, a pu établir dans son histoire; de le saisir dans son développement comme processus objectif à l'aide d'un matériau assez peu connu en sociologie, l'histoire de vie.


Notes :

(1) Sur ces deux questions, voir Joachim Israël, L'Aliénation, de Marx, à la sociologie contemporaine, Paris, Anthropos, 1972; aussi Z. Bauman, Culture as Praxis, London, Routledge & Kegan Paul, 1973, le chapitre premier particulièrement, «Culture as Concept».

(2) Sur ce sujet, cf. «La mobilité sociale: pour qui, pour quoi?», Sociologie et sociétés, Vol. 6, no 2, où ces questions commencent d'être posées par Paul Bernard, Muriel Garon-Audy et Jean Renaud. Voir notamment le texte de Muriel Garon-Audy, «La logique de l'acte de classification: postulat ou question pour l'analyse de la mobilité», pp. 37-61.

(3) G.-G. Granger, «L'explication dans les sciences sociales», dans Informations sur les sciences sociales, avril 1971, vol. X, no 2, pp. 31-44.

(4) Cf. par exemple le dernier article de Eliseo Vénon, «Semiosis de l'idéologie et du pouvoir», Communications, no 28, 1978, pp. 7-21.

(5) Voir le bilan des rapports de la linguistique et de la sociologie sur ce, cf. E. Véron, «Vers une «logique naturelle des mondes sociaux», Communications, no 20, 1973, pp. 246-279.

(6) Godelier, Maurice, «Considérations théoriques et critiques sur le problème des rapports entre l'homme et son environnement», Informations sur les sciences sociales, vol. 13, no 6, p. 36.

(7) Sur ce, voir H.G. Gadamer, le Problème de la conscience historique, Publications Universitaires de Louvain, 1968.

Retour au texte de l'auteur: Gilles Houle, sociologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le lundi 28 mai 2007 14:34
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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