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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

LE ROMAN HAÏTIEN. IDÉOLOGIE ET STRUCTURE. (1982)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Léon-François HOFFMANN, LE ROMAN HAÏTIEN. IDÉOLOGIE ET STRUCTURE. Sherbrooke, Québec: Éditions Naaman, 1982, 330 pp. Collection: Études. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation accordée par le Professeur Hoffmann le 29 novembre 2010 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

LE ROMAN HAÏTIEN.
IDÉOLOGIE ET STRUCTURE
.



Avant-propos

En 1859 paraît le premier roman haïtien : Stella d'Emeric Bergeaud. Les quelque cent cinquante œuvres qui l'ont suivi constituent un corpus que personne - à ma connaissance - n'a étudié systématiquement. Le roman haïtien mérite pourtant l'attention du critique littéraire et de l'historien des idées. Il offre à l'un comme à l'autre des sujets de recherches passionnants, et matière à des réflexions particulièrement fécondes.

Nombre de romans sont bien entendu mentionnés dans les diverses histoires de la littérature haïtienne dont nous disposons. Ils y sont groupés selon les différentes écoles littéraires qui se sont succédé en Haïti, et selon les générations auxquelles appartiennent leurs auteurs. Cette optique diachronique convient aux histoires et manuels de littérature ; la mienne sera, dans l'ensemble, synchronique. Cela pour plusieurs raisons. D'abord, parce que nous avons affaire à une période de temps relativement courte : vingt-huit romans seulement ont été publiés avant 1925. Ensuite, parce que les romanciers haïtiens, plus que les romanciers étrangers, s'attachent à scruter leur société et à la critiquer : or, les aspects de cette société qu'ils ont analysés n'ont que peu évolué depuis que le roman haïtien existe. Comme l'affirme René-A. Saint Louis dans La Présociologie haïtienne (2e éd., 1970) : « Depuis l'indépendance officielle - il y a 166 ans - peu de changements importants se sont produits dans la vie du peuple haïtien (11) *. » Ulrich Fleischmann précise :

[La question] de classe et de race, l'angoisse devant l'opinion de l'étranger, l'attitude devant la culture autochtone ainsi que l'écart entre le souhaité et le possible n'ont guère évolué pendant le siècle [8] et demi d'histoire d'Haïti. (Ideologie und Wirkliehkeit in der Literatur Haitis, 1969, 111 ; c'est moi qui traduis.)

Et dix ans plus tard Wilhem Roméus constate que rien n'a encore changé :

Voilà plus d'un siècle et demi que cela est. Plus d'un siècle et demi depuis que les structures sociales de ce pays, bien loin d'évoluer, se limitent à être.
(Les Racines du non-développement, 1981, 7.)

Voilà qui explique que des romans publiés il y a un demi-siècle ou plus n'aient pas perdu leur actualité et puissent être aussi percutants et même subversifs aujourd'hui que lors de leur parution.

Les problèmes purement littéraires qui ont trait à la production des ouvrages, à la composition du public, à la place et au rôle de l'écrivain dans la société, à la recherche obsessive d'une originalité littéraire nationale continuent par ailleurs à se poser au romancier contemporain autant qu'à ses prédécesseurs. En reproduisant un article de Dantès Bellegarde datant de 1898, Le Temps du 16 octobre 1937 voulait « montrer comment la jeunesse d'il y a quarante ans envisageait le problème littéraire haïtien... qui nous a tout l'air de n'avoir pas changé ». Quarante autres années plus tard, le chroniqueur aurait pu, à peu de choses près, porter le même jugement.

Du point de vue de l'art du roman, enfin, il serait malaisé de dégager une évolution significative. Le romancier haïtien a certes toujours été au courant des nouvelles techniques romanesques mises en œuvre en en France ou ailleurs. Mais elles ne semblent l'avoir intéressé qu'accessoirement. Dans sa quête d'une structure et d'une expression originales, dans son souci didactique et polémique, les modèles étrangers ne lui ont été que de peu de secours. Nous verrons que c'est d'eux-mêmes et de leur milieu que certains romanciers ont dégagé ce qui - à mon avis du moins - fait leur originalité. Originalité qui se retrouve tout aussi marquée chez un Justin Lhérisson en 1905 que chez un Francis-Joachim Roy soixante ans plus tard.

[9]

Les nombreuses citations sur lesquelles s'appuie mon argumentation sont tirées de romans médiocres aussi bien que de romans admirables. Plutôt que de plaider pour certaines œuvres qui méritent d'être mieux connues, j'ai considéré le roman haïtien comme une voie d'approche et de meilleure compréhension de la société qui l'a produit. Et ce, non seulement en relevant les observations explicites des romanciers, mais en essayant de dégager leur idéologie, elle-même fonction de ce milieu. Pour ce faire, les témoignages sont significatifs indépendamment de l'élégance de la prose ou de la valeur littéraire du contexte dont ils sont tirés. Ce sont souvent les moins subtils qui sont d'ailleurs les jugements les plus révélateurs ; ce sont souvent les écrivains secondaires qui illustrent le plus clairement leur idéologie de classe ou de caste.

Pour toutes sortes de raisons que j'aurai à signaler en temps voulu, Haïti a toujours été méconnue, sinon ignorée, à l'étranger. Le pays a beau appartenir à la Francophonie, la plupart de mes compatriotes seraient probablement incapables de le situer sur la carte :

... à l'inverse de ce que croient trop de gens, qui la confondent avec Tahiti, [la République d'Haïti] ne se trouve pas en Afrique, encore moins dans le Pacifique, signale Pierre Massoni au début de son médiocre reportage Haïti, reine des Antilles (1955, 11). Et la plupart des notions que peuvent avoir la majorité des étrangers sur son histoire, sa géographie ou son organisation sociale sont, le plus souvent, tirées d'élucubrations littéraires ou cinématographiques, aussi fantaisistes que malveillantes.

En contribuant à faire mieux connaître un aspect de cette littérature en langue française que de nombreux romanciers haïtiens ont brillamment illustrée, je voudrais en même temps faire mieux comprendre et mieux juger cette société haïtienne qui leur a été mère et marâtre.

La grande romancière Marie Chauvet a fort justement écrit :

[10]

On a raison de dire que les étrangers, si instruits soient-ils, arrivent difficilement à nous comprendre, même s'ils nous regardent vivre pendant cent ans. (Amour, Colère et Folie, 1968, 69.)

Que le lecteur haïtien se résigne à trouver, dans les pages qui suivent, des affirmations simplistes, des interprétations erronées. Il m'arrivera certainement de pécher par ignorance, par excès d'enthousiasme ou de sévérité. Mais si cela permet au moins d'engager le dialogue, j'aurai le sentiment d'avoir servi et la littérature haïtienne et son public. Servir œuvres et lecteurs est la meilleure justification de la recherche en littérature, et devrait inspirer ceux qui s'y consacrent.

*   *   *

Je voudrais remercier le Fonds de recherches et le Programme d'Études de l'Amérique latine de l'Université de Princeton, ainsi que l'American Philosophical Society, qui ont subventionné mes recherches dans les bibliothèques et les archives de Port-au-Prince et de Paris. Les frères Lucien et Constant m'ont aimablement ouvert les collections de l'Institution Saint-Louis de Gonzague. Messieurs Louis Jarno et Jacques Barros, directeurs de l'Institut français d'Haïti, ainsi que Monsieur Pierre Pingitore et Mesdemoiselles Milly Mc Coo et Eleanore Snare, directeurs de l'Institut Haïtiano-américains, m'ont permis de présenter, sous forme de conférences, certaines parties de mon travail au public haïtien, dont les critiques et les commentaires m'ont été précieux.

J'ai beaucoup profité des nombreux entretiens que j'ai pu avoir avec Alberte Bernier, Maritou Chenêt, Michelle Glémaud, Michèle Montas, Guy Alexandre, Sylvie et Jean-Claude Bajeux, Jean Dominique, Roger Gaillard, Marcus Garcia, Jean-Jacques Honorat, Rassoul et Micaëlle Labuchin, Férère Laguerre, Ira Lowenthal, Hervé Méhu, Philip Richter et Wilhem Roméus.

Avec une patience inlassable, John Logan a lu et relu mon manuscrit et y a apporté bon nombre de corrections et d'améliorations. Patricia Halliday a dactylographié en temps record un brouillon pratiquement illisible.



* Les chiffres entre parenthèses renvoient aux pages.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 7 mai 2014 10:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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