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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du livre de M. Jacques Henripin (démographe, Université de Montréal), “L'inégalité sociale devant la mort: la mortinatalité et la mortalité infantile à Montréal.” Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 2, no 1, janvier-mars 1961, pp. 3-34. Québec: Les Presses de l'Université Laval. [Autorisation formelle accordée par l'auteur de diffuser cette oeuvre le 13 août 2004]. Introduction Autrefois grande faucheuse d'enfants, la mortalité infantile -c'est-à-dire celle des enfants de moins d'un an - a été réduite de façon étonnante, grâce aux progrès de la médecine et de l'hygiène publique. Alors qu'autrefois, le quart des enfants nés vivants mouraient avant d'atteindre leur premier anniversaire, aujourd'hui cette fraction est réduite à deux ou trois pour cent dans presque tous les pays développés. Ces progrès sont relativement récents et ils se poursuivent. À Montréal, par exemple, le taux se situait entre 100 et 140 pour mille, suivant les années et les épidémies, il y a à peine 35 ans. Aujourd'hui, il est inférieur à 30 pour mille. Le tribut que paient les jeunes enfants à la mort reste cependant élevé : il l'est à peu près autant que celui des personnes de 70 ans. Malgré la baisse qu'on a enregistrée, la mortalité infantile n'a pas cessé de retenir l'attention de ceux qui s'intéressent aux conditions de vie des différentes classes de la société. Ce phénomène est en effet très sensible aux conditions sociales. Ajoutons que les travaux qui ont porté sur ce problème ont permis d'isoler une catégorie de décès de moins d'un an qui sont encore plus intimement liés aux conditions du milieu où vit l'enfant. C'est ce que le démographe Jean Bourgeois-Pichat a appelé la mortalité infantile exogène. Nous reviendrons là-dessus plus loin. D'une façon générale, on peut dire que même aujourd'hui, au Canada, sur deux décès d'enfants de moins d'un an, l'un d'entre eux est imputable à une déficience du milieu où vit l'enfant et il pourrait être évité. Il n'est que de considérer les variations de la mortalité infantile, suivant les milieux sociaux, pour s'en convaincre. Ainsi, en France, pour les enfants nés en 1950 et 1951, le taux de mortalité infantile des enfants de manoeuvres était trois fois plus élevé que celui des enfants dont le père exerçait une profession libérale. Cependant, il ne s'agit pas uniquement de connaître les taux de mortalité infantile de différents milieux sociaux. Si l'on se propose d'agir pour corriger cette situation, il est important de savoir quels sont les facteurs principaux qui peuvent expliquer les différences constatées, quelles caractéristiques sociales particulières affectent surtout la mortalité des enfants de moins d'un an. Si nous avons choisi la ville de Montréal comme objet de cette étude, c'est d'abord que des informations précieuses nous y étaient accessibles [1] ; mais c'est aussi parce que, parmi les grandes villes canadiennes, Montréal présente des taux de mortalité particulièrement élevés. Les données rassemblées dans le tableau 1 illustrent cette situation. Les villes de Montréal et Québec occupent les deux derniers rangs. En général, la mortalité infantile est d'autant plus faible que les villes sont plus importantes. Au Canada, ce modèle n'est que très grossièrement suivi. Montréal présente, en tout cas, une exception notable. En 1958, le taux de cette ville dépassait de 40% celui de Vancouver. Remarquons aussi que les taux de Québec restent -malgré une baisse importante - beaucoup plus élevés que ceux d'Ottawa, ville d'importance comparable. Dans une première section, nous préciserons quelques définitions et les techniques de mesure employées. La deuxième section retracera l'évolution de la mortalité infantile à Montréal au cours des trente dernières années. La troisième section sera consacrée aux variations de la mortalité infantile suivant la profession et l'origine ethnique, d'après une étude des fiches individuelles des décès d'enfants en 1950. Enfin, nous essaierons d'évaluer l'importance de certains caractères sociaux dans l'explication des variations de la mortalité infantile enregistrées pendant les années 1950-1954, pour 39 régions de la ville de Montréal.
[1] Nous tenons à remercier le Dr Adélard Groulx, directeur du Service de santé de Montréal, le Dr Maillé, directeur de la Division de la démographie et son assistant M. Grandmaison, dont la collaboration patiente nous a été fort précieuse.
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