Une édition électronique réalisée à partir du livre de M. Jacques Henripin (démographe, Université de Montréal), “ L'exubérance démographique de l'Amérique latine ”. Un article publié dans la revue Socialisme 64. Revue du socialisme international et québécois, hiver 1964, no 3-4, pp. 89-94. [Autorisation formelle accordée par l'éditeur, Les Presses de l'Université de Montréal, 16 mars 2004].

Introduction

La révolution qui se prépare dans toute l'Amérique latine a une base évidente: l'écart croissant entre les besoins de la Population et les moyens de les satisfaire. Jamais statistiques n'ont exprimé avec autant de force la révolution sociale et politique dont nous ne sommes qu'au prélude.

Comme pour la plupart des pays sous-développés, le comportement démographique de l'Amérique latine est loin d'être favorable à la hausse du niveau de vie des 240 millions d'habitants qui s'y trouvent. Ce n'est pas qu'il y ait déjà trop d'hommes: cette population n'est guère plus nombreuse que celle de l'U.R.S.S. et elle dépasse d'assez peu celle des États-Unis. Les optimistes ont beau jeu de démontrer qu'en ce qui concerne le rapport de la population aux ressources, ce continent est loin d'être saturé. On évoque volontiers les espaces immenses qu'occupe une végétation luxuriante, la richesse du sous-sol, etc. Notons en passant que plusieurs biologistes - qui ont, plus que les techniciens, le sens de la fragilité des équilibres naturels - émettent souvent des doutes sur ce que pourraient donner les forêts équatoriales transformées en jardins.

Mais le problème n'est pas là: la population de ces pays n'est pas, en général, trop nombreuse; elle croît trop vite. Nous avons là, en effet, le continent dont le taux de croissance démographique est le plus élevé: environ 37, par an. À ce rythme, une population double en 23 ans. C'est à peu près, d'ailleurs, ce que les auteurs des dernières prévisions entrevoient. C'est dire qu'on ne s'attend pas à ce que le taux de croissance actuel se modifie beaucoup d'ici une vingtaine d'années.