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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Revue des études ethniques au Québec, 1977-1996. (1997)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly, Revue des études ethniques au Québec, 1977-1996. Montréal : Étude préparée pour Politique, planification et recherche stratégiques et le projet Métropolis, Citoyenneté et Immigration Canada et pour Immigration et Métropoles, Centre de recherche interuniversitaire de Montréal sur l’immigration, l’intégration et la dynamique urbaine, novembre 1997, 310 pp.. [Autorisation accordée par l'auteur le 13 mars 2013 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[15]

Revue des études ethniques au Québec,
1977-1996.

Introduction

PLURALITÉ CULTURELLE ET IMMIGRATION :
TRAITS GÉNÉRAUX


[16]

Pour évaluer la différenciation culturelle de la population québécoise, nous ne disposons que d'un outil inadéquat, les données des recensements canadiens qui demandent aux résidents de s'identifier selon l'origine nationale, ethnoculturelle, ethnoreligieuse, voire raciale [1], de leurs ascendants. Ce type de statistiques porte à confondre différence culturelle et ascendance généalogique, à ignorer les processus d'acculturation et de métissage culturel et à surévaluer la pluralité culturelle d'une société. Seules des enquêtes de grande envergure permettraient de cerner les différences culturelles réelles et significatives entre résidents, mais elles sont inexistantes. Aussi la brève description qui suit, comporte-t-elle le biais inhérent à tout commentaire reposant sur des données des recensements canadiens concernant l'orientation culturelle.

1. Les origines ethnoculturelles les plus anciennes
et les plus nombreuses


En 1991, la population d'origine ethnoculturelle autre que française, britannique ou autochtone au Québec est de 790 590 personnes ; elle représente 11,7% [2] de la population québécoise. Ces personnes sont majoritairement d'origine européenne (61,7%, Tableau 1) et celles s'identifiant plus spécifiquement comme italiennes, juives et grecques, proportionnellement les plus nombreuses.

Historiquement, le premier courant migratoire d'origine non française ou britannique est composé de personnes provenant de l'Allemagne, de la Pologne, de la Hongrie et de l'Ukraine, dont nombre d'origine juive durant les années 1880. D'autres de même origine arrivent en grand nombre durant les années 1900-1920, ainsi qu'un faible nombre d'immigrés italiens et grecs. Seules, quelques centaines de personnes d'origine non européenne, soit chinoise et syro-libanaise, immigrent au Québec durant cette période. Les années 1930-1945 correspondent à un très net ralentissement de l'immigration en raison de la Dépression et des hostilités en Europe ; puis une vague d'immigration suit la fin de la Deuxième guerre mondiale pour se poursuivre durant les années 1950-1960. Les groupes immigrés entre 1880 et 1920 voient alors leur nombre augmenter alors que s'amorcent deux nouveaux courants migratoires, l'un important, portugais, deux moins conséquents, antillais et espagnol. Par la suite, durant les années 1970-1980, arrivent en nombre important des personnes provenant de régions du Tiers Monde, particulièrement du Moyen Orient, du Maghreb, de l'Asie de l'Est, des Antilles et de l'Asie du Sud-Est (Tableau 2). Ce nouveau courant est généralement dénommé "nouvelle immigration".

[17]

Ce courant ne transforme pas radicalement le visage ethnoculturel de Montréal et ne fait qu'en diversifier le caractère cosmopolite ; il n'est pas numériquement suffisant pour réduire le poids démographique des groupes immigrés établis depuis la fin du XIXe siècle. Une remarquable constante apparaît au Québec : les descendants des immigrés des années 1880-1960, majoritairement d'origine européenne, demeurent démographiquement les plus nombreux en dépit de l'accroissement des mariages interethniques [3]. Les personnes d'ascendance immigrée [4], italienne, ashkhénaze, allemande, grecque, polonaise, ukrainienne, chinoise et libanaise composent, en 1991, les groupes les plus nombreux au sein de la population d'origine ethnoculturelle autre que française ou britannique. À ce noyau historique se sont ajoutés, durant les années 1950-1960, des immigrés en provenance du Portugal, des Antilles et de l'Espagne et, depuis une vingtaine d'années, du Vietnam, de l'Inde et de pays arabes.

2. La "nouvelle immigration"

L'augmentation des courants migratoires en provenance du Tiers Monde s'amorce durant les années 1970-1975. Jusque dans les années 1960, les pays d'Asie, des Antilles, d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l'Amérique latine ne figurent pas parmi les quinze principaux pays de naissance des immigrés du Québec, à l'exception de la République populaire de Chine (Tableau 2). Puis, des pays du Tiers Monde (Haïti, Vietnam, Maroc, Égypte) apparaissent comme des lieux de provenance significatifs (11,6% des immigrants recensés en 1976 et 15,4% en 1986) et les entrées de ressortissants de pays du Moyen Orient, du Maghreb, d'Asie du Sud et de la Chine se multiplient. En 1986, les immigrés d'origine européenne représentent 56,6% de la population immigrée de la province et ceux provenant des cinq régions du Tiers Monde 36,2% (Tableau 3). Cette proportion augmente durant les années suivantes. En 1991, les personnes nées en Asie, en Afrique, dans les Antilles ou en Amérique latine et centrale composent 46,2% de la population immigrée dont 22,3% provient d'Asie, 10% des Antilles et 8% du Moyen Orient. L'évolution du courant migratoire vers le Québec demeure néanmoins lente car, entre 1971 et 1991, l'Italie, la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Grèce demeurent au premier rang des pays d'origine des immigrants. Durant cette période, la moitié des 15 principaux pays sources fait encore partie du continent européen.

[18]

Cette tendance se maintient après 1991, bien que l'Asie apparaisse comme la région de naissance de plus de 40% de la population immigrée au Québec entre 1992 et 1995.

En raison du changement des courants migratoires depuis 1970, la durée de résidence des immigrés au Québec diffère selon leur lieu de naissance. En 1991, 70% ou plus de la population née en Italie, en Hongrie, en Grèce, au Royaume Uni, en Allemagne ou en URSS est arrivée au Québec avant les années 1970. La proportion est de 50% à 70% dans le cas des personnes nées en Pologne, en Belgique et en France. À l'opposé, plus de 80% de la population née au Sri Lanka est arrivée entre 1986 et 1991, ainsi que 63% des personnes nées au Liban et en Iran, alors que le poids relatif des immigrés entrés entre 1986 et 1991 s'élève à 58% dans le cas du Salvador et à 53% dans celui de Hong Kong (Tableau 4).

À partir de 1975-1976, notamment de 1979, date de l'exode de l'Asie du Sud-Est, les raisons d'émigration des individus déterminent le plus souvent leur statut d'admission et leur mode d'établissement au Québec. Nombre de nouveaux arrivants fuient une guerre ou un régime autoritaire ou désirent faire venir leur famille restée dans un pays en proie à des troubles politiques. Des 182 372 immigrants admis entre 1980 et 1988, 16,4% sont des réfugiés, 35,6% des personnes parrainées par des résidents et 6,8% des "parents aidés". Les individus admis au titre de "réfugié", de "parent aidé" et de la "famille" constituent 59% du flux immigrant et les individus admis comme "indépendants", 41% [5]. Ces derniers sont sélectionnés à la fois selon leur niveau de scolarité, leur expertise professionnelle, leur âge, leur connaissance linguistique et les besoins du marché de l'emploi, contrairement aux autres immigrés. La reprise économique amorcée en 1986 et l'augmentation du nombre d'admissions à partir de 1988 permettent néanmoins une croissance du nombre d'immigrants "indépendants" (Tableau 5). De 1989 à 1993, 46,6% des immigrants admis au Québec le sont à ce titre.

3. La connaissance du français

Au Québec, depuis plus de vingt ans, la connaissance du français par les personnes immigrées ne cesse d'augmenter, passant de 50% en 1971 à 71,4% en 1991 [6]. À cette date, il reste toutefois 173 300 Québécois qui ne peuvent pas communiquer en français, au nombre desquels se trouvent 40 400 allophones, i.e. des personnes dont la langue maternelle n'est ni l'anglais, ni le français. Les personnes ne parlant ni l'anglais, ni le français [19] à la maison composent, en 1991, 11% de la population de la région métropolitaine de Montréal, comparativement à 19% de personnes parlant l'anglais et 71% de personnes parlant le français.

La proportion des femmes immigrées qui ne connaissent pas le français est plus forte que celle des hommes [7]. Ces femmes sont majoritairement résidentes de la ville de Montréal, et elles demeurent au foyer ou travaillent dans des secteurs économiques précaires. À ce propos, on peut noter que les quatre cinquièmes des allophones de la région métropolitaine résident sur l'île de Montréal. Toutefois il s'agit là d'une proportion inférieure à celle que l'on retrouve dans les deux autres métropoles d'immigration du Canada. En 1991, la région montréalaise comprend 14% des résidents allophones établis au Canada, celle de Vancouver 16% et celle de Toronto 40%.

La méconnaissance du français et de l'anglais par des immigrés n'est pas un fait sans importance. En effet, les personnes ne sachant pas parler l'une ou l'autre de ces langues, ont tendance à se regrouper et à s'organiser en réseaux fermés pour faire face aux obstacles de leur insertion sur le marché du travail et au sein de la société globale. Cette forme d'insertion peut se perpétuer si elles n'ont pas accès à un apprentissage linguistique. En 1991, la moitié environ des personnes allophones résidant au Québec était arrivée dans la province, depuis plus de dix ans.

L'augmentation de la proportion d'immigrés connaissant le français entre 1971 et 1991 s'explique par un apprentissage plus fréquent de cette langue au Québec. En effet, depuis la fin des années 1970, l'arrivée importante de réfugiés en provenance du Tiers Monde et d'immigrants entrant au titre de la réunification de la famille a comme conséquence une augmentation sensible du nombre de nouveaux arrivants ne connaissant pas le français ou l'anglais. Une grande proportion des immigrants admis au Québec de 1980 à 1993 et ne connaissant pas ces langues sont, en effet, des réfugiés, des parents aidés ou des individus parrainés. De manière globale, 40% des immigrants admis durant les années 1980-1988 déclarent connaître ni l'anglais ni le français, 24% l'anglais ou le français et 12% les deux langues (Tableau 6). Puis, la proportion d'immigrants connaissant le français passe à 34,6% en moyenne entre 1989 et 1993.

[20]

Selon le Plan d'action de 1991 (Québec, 1991), l'objectif du gouvernement est de recruter 40% d'immigrants francophones d'ici 1995, soit de 45% à 50% d'immigrants indépendants, les seuls assujettis à une sélection linguistique, les immigrants demandeurs d'asile politique et admis au titre de la réunification familiale étant sélectionnés selon d'autres critères.

Par ailleurs, en 1991, des groupes d'immigrés majoritairement arrivés durant les années 1970-1980 présentent un fort pourcentage de membres déclarant pouvoir soutenir une conversation en français ou en français et en anglais. C'est le cas des groupes marocain (97,7%), haïtien (96,8%), vietnamien (78,4%), cambodgien (76,9%), chilien (90,6%), salvadorien (79,3%) et laotien (84,2%) (Tableau 7). Ce fait peut tenir à une scolarisation ou à une socialisation en français dans le pays d'origine, ou à la mise en place des mesures de francisation pour les immigrants au cours des années 1970-1980.



[1] Dans le cas des origines dites noires (Tableau 1).

[2] 625 575 et 9,7% en 1986.

[3] La prise en considération des origines multiples déclarées lors des recensements de 1986 et de 1991 ne change guère l'ordre d'importance démographique des origines déclarées. Quelle que soit leur origine, les personnes montrent une tendance similaire à l'endogamie.

[4] Faute d'autre terminologie, nous adoptons celle des recensements canadiens concernant l'auto-identification culturelle des résidents. Par personnes d'ascendance immigrée, sont ainsi désignées les personnes nées au Québec, de parents immigrés ou d'ascendants arrivés après les années 1870, alors que les pays de provenance des flux migratoires vers le Québec ne furent plus exclusivement la France et le Royaume Uni. L'insertion de la minorité anglophone d'ascendance britannique n'était pas incluse dans le mandat donné à l'auteure par Citoyenneté et Immigration Canada.

[5] La situation est similaire à l'échelle canadienne.

[6] Les données du recensement de 1996 en la matière ne sont pas disponibles lors de la rédaction de ce texte.

[7] 40% en 1986, contre 29% dans le cas des hommes.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 28 octobre 2014 12:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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