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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marie McAndrew, Denise Helly et Caroline Tessier, “Pour un débat éclairé sur la politique canadienne du multiculturalisme : une analyse de la nature des organismes et des projets subventionnés (1983-2002).” Un article publié dans la revue Politique et Sociétés, Printemps 2005, 24 (1), pp. 49-71.. [Autorisation accordée par l'auteur le 13 mars 2013 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[49]

Marie McAndrew, Denise Helly
et Caroline Tessier

Pour un débat éclairé sur
la politique canadienne du multiculturalisme :
une analyse de la nature des organismes
et des projets subventionnés (1983-2002)
.”

Un article publié dans la revue Politique et Sociétés, Printemps 2005 24 (1) : 49-71.

Résumé / Abstract [51]
1. Problématique et présentation de la recherche [49]
2. Méthodologie [55]
3. Résultats [59]

3.1. La nature des organismes subventionnés [59]
3.2. La nature des projets subventionnés [64]

4. Conclusion [67]


[51]

RÉSUMÉ.

Cet article vise à éclairer les débats relatifs à la Politique canadienne du multiculturalisme par une analyse de l’évolution de l’attribution des subventions du programme du multiculturalisme, selon la nature des organismes et des projets sélectionnés pour la période 1983-2002. Les résultats montrent que, dans un contexte de réduction radicale des sommes attribuées pendant cette période, les organismes multiethniques, notamment ceux issus des minorités visibles, se sont imposés comme les principaux bénéficiaires. Par ailleurs, dans la foulée des changements d’orientation de la politique, les initiatives visant la compréhension interculturelle, l’adaptation institutionnelle et la sensibilisation du public au racisme dominent clairement les objectifs plus traditionnels de maintien des langues et des cultures d’origine, ou de soutien aux besoins spécifiques des communautés.

ABSTRACT.

This article aims at shedding light on debates relative to the Canadian Multiculturalism Policy by an analysis of the evolution of the attribution of grants by the multiculturalism program, according to the nature of the organizations and projects selected for the 1983-2002 period. Results show that, in a context of drastic reduction of the amounts granted during that period, multiethnic organizations, notably those associated with visible minorities, have been the principal recipients. In addition, along with the changes in the orientation of the policy, initiatives aiming at intercultural understanding, institutional adaptation and raising public awareness to racism clearly dominate over more traditional objectives, such as the maintenance of heritage cultures and languages, or support to communitiesʼ specific needs.

[49]

1. PROBLÉMATIQUE ET PRÉSENTATION
DE LA RECHERCHE


Depuis son adoption en 1971, la Politique canadienne du multiculturalisme, la plus ancienne prise de position normative d'un gouvernement occidental en faveur du pluralisme comme mode de gestion de la diversité ethnoculturelle, a connu une évolution constante [1]. Celle-ci, qu'on peut percevoir à travers les redéfinitions diverses des programmes soutenus en vertu de la politique ainsi que dans les rhétoriques gouvernementales qui les justifient, peut être, au risque de simplifier une réalité plus complexe, schématisée sous trois grandes phases. Malgré le caractère multidimensionnel de la proclamation de 1971, elle a été caractérisée, à ses origines, par la marque de commerce du Songs and Dances, soit l'accent mis sur les aspects les plus folkloriques [50] des cultures d'origine, associée aux communautés plus anciennes qui avaient résisté au rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme [2]. Durant les années 1980, elle a graduellement accordé plus d'importance, en partie sous l'effet du déplacement du leadership communautaire vers les minorités visibles, aux enjeux de la participation, de la lutte contre le racisme, de l'adaptation institutionnelle et de la sensibilisation des Canadiens majoritaires, une évolution concrétisée par l'adoption de la Loi sur le multiculturalisme en 1988. Enfin, au milieu des années 1990, suite aux pressions de la nouvelle droite canadienne anglaise et à la menace sécessionniste renouvelée au Québec, la promotion d'un sentiment d'appartenance au Canada ainsi que la cohésion sociale y occupent de plus en plus d'espace, comme buts ultimes auxquels les objectifs, renouvelés en 1995, de participation civique, de justice sociale et d'identité sont appelés à contribuer [3].

Toutefois, malgré ou peut-être en partie à cause de ces mutations multiples, la Politique canadienne du multiculturalisme n'a cessé de susciter le débat, tant chez les universitaires et les décideurs qu'au sein de l'opinion publique [4]. Les critiques à cet égard émanent tant des opposants à toute prise en compte de la diversité dans la sphère publique, que des partisans d'une telle reconnaissance qui dénoncent alors, non pas cette position normative en elle-même, mais plutôt les limites de définition et de mise en œuvre de la politique. Sans prétendre ici faire œuvre exhaustive, on peut, à des fins heuristiques, synthétiser le débat relatif aux effets de la politique du multiculturalisme sous cinq grandes critiques qu'à des degrés divers, les auteurs cités plus haut ont recensées et parfois partagées.

[51]

Les trois premières, qui sont plus anciennes mais continuent à être exprimées, concernent davantage les conséquences de la politique sur les membres des minorités eux-mêmes alors que les deux dernières, plus récentes, remettent en question ses effets plus larges sur la société et la qualité de la vie démocratique qui y prévaut.

1. Le multiculturalisme, sous couvert d'une politique de reconnaissance de la diversité, encouragerait les pratiques de mise à distance ou même d'exclusion des membres des minorités ou, pour reprendre la rhétorique populaire, leur « ghettoïsation ». La promotion de la différence y serait donc indûment privilégiée aux dépens de l'égalité.

2. Le multiculturalisme mettrait de l'avant une conception folklorique et statique de la culture et de l'identité qui ne correspond pas au dynamisme de ces phénomènes en contexte migratoire. L'accent sur la culture d'origine (« Tailleurs » et « autrefois ») servirait davantage les intérêts d'une élite ethnique désireuse de garder le contrôle sur sa « base » que ceux des membres des minorités eux-mêmes vivant une acculturation de fait (« l'ici » et « maintenant »).

[52]

3. Le multiculturalisme, en privilégiant indûment la dimension culturelle des rapports ethniques, masquerait les enjeux de pouvoir au sein des sociétés pluriethniques, notamment ceux qui sont liés au racisme et aux inégalités socio-économiques. Ce serait donc une politique de légitimation des injustices.

4. Le multiculturalisme subordonnerait la liberté individuelle à l'appartenance communautaire. Il imposerait une identité culturelle ou même une « racialisation » à certaines personnes qui ne le désirent pas et attribuerait indûment le statut de représentantes et de représentants des membres de leur groupe à des leaders non élus. Il serait ainsi contraire aux principes mêmes de la démocratie libérale.

5. Le multiculturalisme, en mettant de l'avant une rhétorique, irréaliste sur le plan politique, d'égalité des cultures et de relativisme des valeurs, inhiberait le développement du consensus nécessaire à la vie publique et au respect des droits et libertés de la personne. Il favoriserait, à moyen terme, le morcellement de la société.

Au-delà du degré de pertinence théorique variable de chacune de ces objections, le débat des trente dernières années, tant chez les partisans que chez les détracteurs de la politique, a été marqué par de nombreuses limites qui, à toute fin pratique, en inhibent largement l'utilité au plan de la prise de décision. En effet, l'essentiel des prises de position ne s'appuie pas sur une analyse des programmes et initiatives poursuivis en vertu de la politique ni de son évolution mais sur une évaluation, largement qualitative et personnelle, de son impact idéologique indirect, voire sur une série d'anecdotes illustrant ses effets pervers ou ses mérites potentiels [5]. Le multiculturalisme devient alors un archétype, une construction commode permettant de cristalliser, en un seul modèle ou contre-modèle, les forces et faiblesses de courants et d'initiatives distincts et parfois contradictoires menés par divers niveaux de gouvernement - voire des institutions internationales - et une variété de groupes de la société civile. L'éventail des maux sociaux ou bénéfices qu'on attribue alors à une politique, dont le budget total n'a jamais dépassé les 25 millions, laisse rêveur : il devrait pour le moins réconforter une bureaucratie fédérale souvent accusée de ne pas maximiser l'impact des dépenses publiques.

Les quelques études davantage étayées [6], qui constituent des sources appréciables et fiables sur l'évolution des orientations officielles et leur traduction en des programmes précis ne sont pas sans limites. [53] Elles pèchent souvent par le manque de finesse des balises relatives à l'évaluation de l'impact d'une politique. Ainsi, chez nombre de détracteurs, la non-résolution ou la résolution insuffisante de problèmes sociaux ou de tensions interethniques qui préexistaient à la mise en œuvre de la Politique du multiculturalisme lui sont imputés. À l'inverse, certains de ses partisans lui attribuent des effets que tout observateur quelque peu attentif sait relever, en tout ou du moins en partie, d'autres politiques fédérales, provinciales ou locales (notamment en matière de sélection de l'immigration) [7].

De plus, on y effectue rarement l'examen du degré où les changements de politique se sont reflétés sur le terrain lors des décisions relatives au type d'organismes et de projets financés en vertu de la politique. La recherche sur la mise en œuvre et l'évaluation des politiques [8] nous apprend pourtant que le lien de cause à effet est loin d'être univoque à cet égard. Cette discipline, qui relève davantage de l'archéologie que de l'étude des révolutions, révèle, en effet, que les différentes phases d'une politique ont davantage tendance à se superposer qu'à se succéder. Cette situation, imputable à la résistance des fonctionnaires et des groupes de pression associés aux phases antérieures, pourrait expliquer en partie, au-delà de la résilience des légendes urbaines, la pérennité de certaines critiques, apparemment dépassées lorsqu'on s'en tient aux seuls orientations officielles et programmes.

Une véritable étude des effets directs et indirects de la Politique canadienne du multiculturalisme supposerait, pour ne pas tomber dans les travers esquissés plus haut, une équipe multidisciplinaire disposant de ressources majeures ainsi qu'une perspective comparative avec des [54] sociétés similaires ayant adopté des modèles normatifs opposés. La recherche présentée ici visait plus modestement à mieux comprendre à quelle fin et au profit de quels groupes de citoyens les fonds, relativement limités, consentis par les pouvoirs publics à la réalisation de cet objectif social ont été, et sont encore, utilisés. Cette démarche n'épuise évidemment pas le sujet [9], mais elle nous apparaît nécessaire à toute poursuite d'un débat éclairé sur les enjeux décrits plus haut. En effet, à moins de sombrer dans la métaphysique, on peut sérieusement questionner toute démarche évaluative qui n'examinerait pas critiquement le changement réel des programmes mis en œuvre afin de concrétiser une politique gouvernementale. Plus spécifiquement, trois grands objectifs ont guidé cette étude.

1) Cerner, à diverses périodes, l'adéquation entre les orientations officielles du programme et le type de projet subventionné, notamment, l'évolution des projets visant le soutien aux langues et aux cultures des groupes minoritaires ; la compréhension interculturelle et l'adaptation institutionnelle ; la lutte contre le racisme, ainsi que l'appui aux communautés en vue d'une meilleure intégration à la société.

2) Cerner, à diverses périodes, l'importance relative du financement consenti aux organismes issus d'un seul groupe ethnoculturel, aux organismes regroupant plusieurs groupes ethnoculturels et aux organismes à vocation universelle, ainsi que l'évolution du soutien aux groupes d'origine européenne et aux minorités visibles.

3) Repérer d'éventuelles différences régionales dans la mise en œuvre de la politique, telles que révélées par le type d'organismes et de projets soutenus [10].

Dans le cadre de cette note de recherche, après avoir brièvement décrit la méthodologie du projet, nous présenterons les résultats relatifs aux deux premiers objectifs, en tentant d'illustrer, en conclusion, leur apport potentiel tout en cernant les limites de notre démarche dans la poursuite du débat cerné plus haut. Nous nous demanderons, notamment, si certaines critiques apparaissent aujourd'hui plus fondées que d'autres, à la lumière de nos données et de l'évolution potentielle de la politique qu'elles semblent indiquer.

[55]

2. MÉTHODOLOGIE

Idéalement, notre étude aurait dû s'appuyer sur un examen de l'ensemble des dossiers de demandes de subvention, acceptées ou non, durant les trente années d'existence du programme. Cependant, la masse de documents en cause [11], l'aspect non systématique du système de classement et d'archivage, ainsi que les exigences de la Loi d'accès à l'information qui auraient nécessité un examen préalable de chaque dossier par un fonctionnaire bénéficiant du pouvoir discrétionnaire d'en écarter certains éléments, nous ont amenées à cibler davantage l'utilisation des ressources dont nous disposions. Deux décisions ont ainsi été prises.

Il s'agit, d'une part, de nous limiter à la Liste des demandes de subvention ayant reçu un soutien financier en vertu des divers volets du programme. Ce document, contenant des informations à caractère public, est informatisé depuis la fin des années 1980 et nous a été fourni par le ministère du Patrimoine canadien. On y retrouve la région administrative qui a traité le dossier, le nom et l'adresse de l'organisme dont la demande a été acceptée, le titre et une brève description du projet financé ainsi que le montant qui lui a été alloué. D'autre part, à l'intérieur de ces listes, nous avons choisi d'échantillonner certaines années correspondant à des périodes charnières où les changements d'orientations officielles adoptés précédemment étaient susceptibles d'avoir commencé à se manifester. Pour chaque période, deux années subséquentes ont été sélectionnées afin d'assurer une plus grande fiabilité des données [12]. Deux périodes ont été ainsi couvertes, 1991-1992/1992-1993 et 1999-2000/2001-2002 [13]. Le début des années 1990 est susceptible d'illustrer les retombées concrètes de la réforme des programmes suite à l'adoption de la Loi sur le multiculturalisme en 1988 qui, comme on l'a vu plus haut, consacrait elle-même la [56] période plus sociale de la politique. Quant aux années 1999-2002, elles correspondent aux nouvelles orientations mises de l'avant en 1995, insistant sur la cohésion sociale et la citoyenneté partagée ainsi qu'avec la mise en œuvre de nouveaux critères d'admissibilité au programme en 1999-2000.

De plus, afin de pallier, en partie, le manque d'informations quant à la nature des subventions et des récipiendaires durant les années antérieures à l'informatisation des données, nous avons, après avoir exploré diverses avenues qui se sont révélées sans issue, compilé manuellement certaines données émanant d'un répertoire faisant l'historique du financement de l'ensemble des organismes demandeurs de 1983-1984 à 1993-1994. Le choix de cette première année, la plus ancienne pour laquelle existent des données exhaustives au sein du ministère, s'est imposé de lui-même. Conjuguée à 1984-1985, elle donne un aperçu des tendances qui prévalaient au début des années 1980, soit non pas à l'apogée de la période Songs and Dances mais lorsque diverses critiques à l'égard du programme avaient commencé à avoir un impact limité sur l'évolution de la politique [14]. Toutefois, les données qu'on retrouve sur ce répertoire ne permettaient pas de cerner la nature des projets soutenus (seul y figurait le titre) : c'est pourquoi nous avons dû nous limiter, pour cette période, aux résultats concernant le type d'organismes.

Au total, 5 271 demandes ont été retenues puis traitées (voir tableau 1), soit l'ensemble des demandes acceptées pour les six années concernées, à l'exception des demandes portant sur des subventions de recherche ou le soutien aux écoles ancestrales, qui ont été écartées dès l'origine du projet, d'une part, à cause de leur caractère très particulier qui empêche de les classer sous l'un ou l'autre des objectifs de la politique et, d'autre part, de l'abolition de ce programme en 1990, soit avant la période touchée par nos analyses relatives au type de projet soutenu. Pour chaque année, nous avons également vérifié l'exhaustivité des listes auprès de personnes ressources actuellement actives ou ayant été actives au ministère ainsi que le réalisme du budget total impliqué, lequel présente parfois de légères mais non significatives différences avec les données globales disponibles dans les rapports annuels ou les blue books de chacune de ces périodes [15].

[57]

Tableau 1.
Nombre de demandes et budget total des années étudiées

1983-1984

1984-1985

1991-1992

1992-1993

1999-2000

2001-2002

Nombre de demandes

1 064

1 107

1 104

1 264

551

182

Budget total ($)

10 820 405

13 436 455

21 353 316

25 792 651

12 153 978

6 898 304


Tant dans les listes informatisées que dans le répertoire historique, le mandat de l'organisme récipiendaire n'est pas décrit. C'est donc à partir de son nom et de son adresse et, dans les cas litigieux, d'une vérification dans divers répertoires, que le classement à cet égard a été établi. Les organismes dits monoethniques sont ceux dont le nom indique clairement qu'ils desservent une communauté spécifique ; les organismes dits multiethniques, ceux qui se présentent comme une coalition de groupes ethnoculturels divers, alors que les organismes dits à vocation universelle (traduction libre de mainstream) sont ceux qui desservent l'ensemble de la population et dont le mandat principal n'est pas l'intégration des immigrants ou les relations intercommunautaires [16].

Dans le cas des organismes monoethniques, nous avons également distingué les trois sous-catégories suivantes :

1) les organismes représentant un groupe d'origine européenne, essentiellement des membres des vagues migratoires plus anciennes ;

2) les organismes représentant une minorité visible, telle que définie par la Loi fédérale d'équité en emploi qui sont, à quelques exceptions près (exemple : Chinois et Autochtones), représentatifs des vagues migratoires récentes ;

 3) les organismes pan-ethniques qui rassemblent plus d'un groupe ethnoculturel (par exemple, les Sud-Asiatiques, les Noirs, les Hispanophones, les Musulmans) mais se définissent comme des représentants d'une communauté spécifique définie par un marqueur plus large (par exemple, religion, race, continent d'origine, langue).

Au sein des organismes à vocation universelle, nous avons distingué ceux dont le mandat est à caractère culturel (par exemple, les maisons d'édition) et ceux qui visent des objectifs de nature sociale (par exemple, [58] les hôpitaux, municipalités, services de police). Les quelques demandes individuelles, généralement dans le domaine des arts et des lettres, ont également été incluses dans cette catégorie.

Par ailleurs, les noms des volets de financement ayant souvent changé au fil des ans et les listes les plus récentes (1999-2002) n'indiquant pas à quel objectif ou volet du programme du multiculturalisme référait chacune des demandes, il a été jugé préférable de déterminer la nature des projets à partir du résumé de leur description selon nos propres critères de classification reflétant à la fois l'évaluation du vocabulaire gouvernemental et l'état de la littérature dans le champ. La grille à cet égard a été produite en trois étapes. Dans un premier temps, à partir des données dont nous disposions sur l'évolution des orientations officielles et leur concrétisation dans des programmes particuliers, nous avons produit une grille préliminaire. Celle-ci a ensuite été testée à la lumière de l'analyse concrète des projets d'une année, lors de sessions où les trois membres de l'équipe et une personne ressource ayant œuvré plus de trente ans au programme du multiculturalisme ont confronté leurs points de vue. Cette stratégie a permis de finaliser la production d'une grille selon quatre grandes catégories également subdivisées en sous-catégories :

1) Soutien des langues et des cultures minoritaires :
• maintien ou valorisation des langues
• maintien ou valorisation des cultures

2) Compréhension interculturelle et adaptation institutionnelle
• sensibilisation du public à la diversité
• résolution des conflits interethniques et rapprochement interculturel
• adaptation institutionnelle

3) Lutte contre le racisme
• sensibilisation du public au racisme
• accès égalitaire et élimination des barrières systémiques

4) Intégration et participation à la société
• acquisition de compétences nécessaires à l'intégration
• analyse de besoins et résolution de problèmes vécus par les groupes
• participation communautaire et politique et implication sociale
• soutien de fonctionnement aux organismes

De plus, elle a assuré la fiabilité du processus même de classement de chacun des projets sous l'une ou l'autre des quatre grandes catégories, notamment en ce qui concerne les cas présentant davantage d'ambiguïté [17].

[59]

3. RÉSULTATS


3.1. La nature des organismes subventionnés

Comme on peut le voir au tableau 2, trois tendances caractérisent l'évolution de la mise en œuvre de la Politique du multiculturalisme, ces vingt dernières années, en ce qui concerne la nature des organismes subventionnés. On note, d'abord, un accroissement notable de la part des organismes multiethniques qui s'effectue, à toutes fins utiles, aux dépens des organismes monethniques. De 1983 à 2002, leur pourcentage respectif passe de 41,2% à 56,0% et de 36,0% à 17,7%. Cependant, étant donné les soubresauts du financement total, cet accroissement ne se traduit pas globalement par un ajout de moyens pour les organismes multiethniques. De 1983 à 2002, leur moyenne annuelle de financement est très similaire (respectivement 4 986 699 $ et 5 308 602 $) et lorsqu'on compare la situation actuelle avec la période de « vaches grasses » 1991-1993 (11 149 748 $), il s'agit, en fait, d'une décroissance de plus de 50%. Quant aux organismes monoethniques, leur financement décroît de plus de moitié entre 1983 et 2002 et de 75% de 1991-1993 jusqu'à aujourd'hui (respectivement 6 317 817 $ et 1 641 497 $). De plus, leur situation est sans doute encore plus précaire puisque, tel que mentionné plus haut, les associations dites pan-ethniques sont classées sous cette catégorie, alors que certains pourraient arguer qu'elles relèvent autant d'une logique de coalition multiethnique.

À cet égard, et ceci constitue la seconde tendance d'importance durant la période visée par l'étude, on constate aussi, comme on pouvait s'y attendre, qu'au sein des organismes monoethniques, les associations qui desservent des populations d'origine européenne connaissent une décroissance drastique, alors que les organismes issus des minorités visibles ou regroupant des communautés spécifiques mais définies à partir d'un marqueur plus large que la seule origine ethnique préservent leurs acquis, malgré la décroissance globale de cette catégorie [18]. De 1983 à 2002, la part totale des organismes d'origine européenne dans les programmes de subventions découlant de la Politique du multiculturalisme passe de 13,2% à 1,2% alors que celle des organismes de minorités visibles.

[60]

Tableau 2.
Pourcentages et valeurs absolues du financement consenti selon la nature des organismes.
Moyenne annuelle des trois périodes visées par l’étude.

Nature du programme

Période de financement

1983-1985

1991-1993

1999-2000/2001-2002

%

Budget annuel
moyen ($)

%

Budget annuel
moyen ($)

%

Budget annuel
moyen ($)

Total organismes monoethniques

36,0

4 345 048

26,8

6 317 817

17,7

1 641 497

Minorités d’origine européenne

13,2

1 608 548

6,6

1 576 152

1,2

124 131

Minorités visibles

14,3

1 714 226

11,2

2 623 149

9,8

920 187

Panethniques

8,5

1 024 524

9,0

2 117 517

7,0

597 179

Total organismes multiethniques

41,2

4 986 699

47,4

11 149 748

56,0

5 308 602

Total organismes à vocation universelle

22,9

2 794 934

25,8

6 106 419

27,0

2 576 043

Organismes à mandat culturel

11,0

1 338 439

8,3

1 971 448

6,5

706 999

Organismes à mandat social

9,3

1 146 450

16,1

3 786 160

18,0

1 734 926

Individus

2,6

310 043

1,4

348 812

1,5

134 068

Budget annuel moyen

12 126 181

23 573 984

9 526 542


[61]

panethniques passe respectivement de 14,3,% à 9,5% et de 9,8% à 7,0%. Il est également intéressant de noter que si la dominance des minorités visibles et/ou organisées à partir d'un marqueur religieux, racial ou linguistique large s'est nettement accentuée ces vingt dernières années, elle se manifestait déjà en 1983-1985, ce qui indique bien que, dès le début des années 1980, le programme avait commencé à évoluer. Au plan des ressources allouées, les tendances cernées au niveau de la catégorie globale sont exacerbées. Pour les organismes issus des minorités visibles ou panethniques, celles-ci décroissent globalement de 86% et 185% entre 1983 et 2002 et de 72% et 255% entre 1991-1993 et 1999-2000/2001-2002. Quant aux groupes d'origine européenne, dont le financement annuel moyen passe de 1 608 548$ en 1983-1985 à 124 131 $ en 1999-2000/2001-2002, soit une décroissance de 100%, on peut presque parler d'une disparition du radar des pouvoirs publics.

Les organismes universels, quant à eux, connaissent un léger accroissement de leur part de financement, de 22,9% en 1983-1985 à 27,0% en 1999-2000/2001-2002. En valeur absolue, cet accroissement leur permet de limiter les dégâts, puisqu'ils ne connaissent qu'une décroissance de 2 794 934 $ à 2 576 043 $ (8%). Toutefois, plusieurs de ces organismes publics ou de la société civile doivent regretter la période des « vaches grasses » de 1991-1993 où leur financement annuel moyen s'était établi à 6 106 419 $. On note également, au sein de cette catégorie, une redistribution des fonds consentis aux organismes à mandat social (éducation, santé justice, police, etc.) aux dépens des organismes à mandat culturel (arts, édition, spectacles, média, télé) (respectivement 9,3% et 11% en 1983-1985 versus 18,0% et 6,5% en 1999-2000/2001-2002). Les organismes à mandat social voient leurs ressources s'accroître légèrement entre 1983-1985 et 1999-2000/ 2001-2002 (de 1 146 450 $ à 1 734 926 $) avec un sommet de 3 786 160 $ durant la période 1991-1993 alors que les organismes à mandat culturel connaissent une décroissance globale sur l'ensemble de la période de 89% et plus spécifiquement de 179% entre 1991-1993 et 1999-2000/2001-2002.

Comme nous l’avons déjà mentionné, diverses vérifications ont été menées afin de nous assurer de la représentativité et de la fiabilité de ces tendances pour chacune des périodes ainsi que pour tenter d'isoler l'impact d'autres variables à cet égard. Signalons tout spécialement d'abord, l'analyse de cohérence des données annuelles que nous avons regroupées sous une période commune. À cet égard, il nous est ainsi apparu que les années 1983-1984 et 1984-1985, d'une part, et les années 1991-1992 et 1992-1993, d'autre part, présentaient une grande homogénéité et peu de variations sous l'ensemble des catégories et sous-catégories étudiées. Toutefois, comme nous l'avions prévu, puisque des problèmes méthodologiques nous ont forcées à choisir ici deux années plus éloignées, l'année 2001-2002, bien que similaire à plusieurs égards à l'année 1999-2000, présente, entre autres, des particularités intéressantes. Comme on peut le voir au tableau 3, il s'agit d'une légère remontrée des subventions aux organismes [62] monoethniques, qui coïncide avec une progression de plus de 50% pour les organismes panethniques, parallèlement à la presque disparition des subventions aux organismes d'origine européenne et de la chute de 75% de la part des organismes à vocation universelle à mandat culturel, qui ne représentent plus que 3,3% des subventions consenties en vertu du programme. Le premier élément est sans doute imputable à l'impact du 11 septembre suite auquel on voit se multiplier les projets présentés par des organismes issus de la communauté musulmane, quant au second, il demeure difficile à expliquer à cette étape-ci de la démarche. Toutefois, dans les deux cas, il faut se demander si 2001-2002 est une année atypique ou si, au contraire, on pourrait percevoir là la poursuite ou l'émergence de tendances qui se poursuivraient durant la prochaine décade.

Nous avons également voulu vérifier jusqu'à quel point l'évolution de la nature des organismes financés pouvait avoir été influencée par les changements des priorités, notamment la mise en veilleuse des projets de soutien aux langues et cultures minoritaires (voir 3.2). Des analyses complémentaires effectuées à cet égard ont toutefois montré que, si cette tendance semble avoir eu un impact dans la décroissance du financement des organismes à vocation universelle à mandat culturel, elle ne saurait expliquer la diminution du financement consenti aux organismes monoethniques et plus spécifiquement aux organismes monoethniques d'origine européenne. En effet, durant les années où cet objectif jouait encore un rôle important au sein du programme, les organismes des minorités visibles y étaient tout autant représentés que les organismes d'origine européenne. De plus, globalement, le soutien aux langues et cultures minoritaires représentait moins du cinquième du budget total consenti à ces derniers. Il semble donc que la raison du déclin de la part des organismes représentant des groupes d'origine européenne soit à rechercher dans d'autres éléments de l'évolution du programme ou de la dynamique même des flux migratoires.

Par ailleurs, il conviendrait sans doute de s'interroger, ce que nous tenterons de faire en conclusion, sur les facteurs qui sont à l'origine de la relative stagnation du soutien aux organismes à vocation universelle, alors même que la rhétorique dominante voudrait aujourd'hui que les institutions publiques, dites de la société d'accueil, soient la principale cible des interventions du programme du multiculturalisme.


Tableau 3.
Pourcentages et valeurs absolues du financement consenti
selon la nature des organismes (2001-2002)

Nature du programme

2001-2002

%

Budget annuel moyen ($)

Total organismes monoethniques

19,4

1 340 400

Minorités d'origine européenne

0,8

55 000

Minorités visibles

9,5

653 381

Panethniques

9,2

632 019

Total organismes multiethniques

56,7

3 906 350

Total organismes à vocation universelle

23,9

1 651 554

Organismes à mandat culturel

3,3

225 818

Organismes à mandat social

18,7

1 286 786

Individus

2,0

138950


[63]

Tableau 4.
Pourcentages et valeurs absolues du financement consenti
selon la nature des projets
Moyenne annuelle des deux périodes visées par l'étude

Nature des projets

Période de financement

1991-1993

1999-2000/
2001-2002

%

Budget annuel moyen ($)

%

Budget annuel moyen ($)

1.

Soutien des langues et des cultures minoritaires

5,4

1 265 427

1,3

131 053

Maintien ou valorisation des langues

4,1

945 983

1,2

129 553

Maintien ou valorisation des cultures

1,3

319 445

0,1

1 500

2.

Compréhension interculturelle et adaptation institutionnelle

38,6

9 123 346

47,8

4 485 546

Sensibilisation du public à la diversité

23,6

5 530 674

20,3

1 878 773

Résolution des conflits interethniques

et rapprochement interculturel

0,7

173 510

2,0

205 718

Adaptation institutionnelle

14,3

3 419 162

25,6

2 401 056

3.

Lutte contre le racisme

9,6

2 253 690

29,1

2 242 359

Sensibilisation du public au racisme

6,3

1 475 052

23,4

2 167 145

Accès égalitaire et élimination

des barrières systémiques

3,3

778 639

5,8

575 214

4.

Intégration et participation à la société

46,2

10 895 755

21,1

2 092 433

Acquisition des compétences nécessaires à l'intégration

7,1

1 631 570

2,4

278 645

Analyse de besoins et résolution de problèmes vécus par les groupes

7,0

1 674 680

7,5

680 191

Participation communautaire et politique et engagement social

1,8

398 807

6,7

657 140

Soutien de fonctionnement aux organismes

30,5

7 190 748

4,5

476 457

Projets spéciaux

0,2

34 716

1,5

36 798

TOTAL DU SOUTIEN

23 538 217

8 951 389


[64]

3.2. La nature des projets subventionnés

Comme on peut le voir au tableau 4, quatre tendances caractérisent l'évolution de la mise en œuvre de la Politique du multiculturalisme ces dix dernières années, en ce qui concerne la nature des projets subventionnés. On note, d'abord, un accroissement notable des initiatives visant la lutte contre le racisme dont la part du budget total passe, entre 1991-1993 et 1999-2000/2001-2002, de 9,6% à 29,1%. Dans un contexte de diminution drastique du budget annuel moyen du programme (de 23 538 217 $ à 8 951 389 $), cette catégorie de projet est la seule qui réussit à maintenir sensiblement son niveau de financement (soit autour 2 200 000 $). Il est toutefois important de noter qu'à l'intérieur de cette catégorie ce sont bien davantage les initiatives qui visent la sensibilisation que celles qui tentent d'assurer l'égalité qui dominent. Les premières représentent, en effet, 23,4% du budget total de la période 1999-2000/2001-2002 et les secondes, 5,8%. En fait, le budget annuel moyen consenti aux initiatives visant l'accès égalitaire et l'élimination des barrières systémiques connaît même une diminution de 1991-1993 jusqu'à aujourd'hui.

Ce clivage, entre des initiatives plus ou moins radicales quant à leur impact sur les pratiques quotidiennes, se retrouve également, mais selon une logique inversée, dans la seule autre catégorie de projets qui connaît une progression durant cette période, soit celle de la compréhension interculturelle et de l'adaptation institutionnelle. L'accroissement proportionnel (de 38,6% à 47,8%) est toutefois ici nettement moins marqué ce qui ne permet pas le maintien d'un financement équivalent : celui-ci décroît de 103% durant la période (9 123 346 $ versus 4 485 546 $).

Au sein de cette catégorie ce sont les subventions aux initiatives d'adaptation institutionnelle qui croissent (14,3% versus 25,6%) alors que celles qui visent la sensibilisation du public à la diversité diminuent légèrement (23,6% versus 20,3%). On peut penser qu'une partie du soutien visant la sensibilisation du public est passée à la catégorie « lutte contre le racisme » : les organismes, spécialisés dans des interventions de ce type, auraient simplement adapté leur vocabulaire aux nouvelles priorités. Par ailleurs, il est possible que le langage du racisme systémique effraie encore et qu'on préfère présenter les initiatives visant la levée des barrières à la participation des membres des minorités et/ou des groupes d'origine d'immigrante comme des efforts d'adaptation des institutions à la diversité. Quoiqu'il en soit, dans les deux cas, les budgets annuels moyens ont clairement diminué, drastiquement en ce qui concerne la sensibilisation du public à la diversité (5 530 674 $ versus 1 878 773 $) (194%) et légèrement en ce qui concerne l'adaptation institutionnelle (3 419 162 $ versus 2 401 05 $) (42%).

Quant aux projets visant la résolution des conflits interethniques et le rapprochement interculturel, de presque inexistants en 1991-1993, ils croissent légèrement, passant à 2% du budget total en 1999-2000/2001-2002. Il faut toutefois noter que peu de demandes [65] visent exclusivement cette dimension et que le budget qui leur est attribué est souvent la résultante de notre propre analyse de projets qui visaient plus d'un objectif. On peut donc considérer, qu'à toutes fins utiles, cette dimension n'est pas dominante au sein du discours des demandeurs.

La troisième tendance d'importance concerne la diminution drastique des projets qui visaient l'intégration et la participation à la société des membres des minorités par le biais, entre autres, du soutien au fonctionnement de leurs associations. Le financement consenti à cette catégorie de projets passe de 46,2% en 1991-1993 à 21,1% en 1999-2000/2001-2002. Quant au budget total dont pourraient bénéficier les organismes intéressés à mener de tels projets, il diminue de 421% (10 895 755 $ versus 2 092 433 $). Toutefois, cette évolution doit être analysée à la lumière des sous-catégories que regroupe ce type de projets dans notre analyse.

Pour l'essentiel, on assiste, durant cette période, à la disparition presque totale du soutien de fonctionnement aux organismes qui se mobilisent pour offrir des services à divers groupes ou pour lutter en faveur de leur participation à la société. Celui-ci passe de 30,5% en 1991-1993 à 4,5% en 1999-2002 et, en valeur absolue, connaît une diminution totale de 1 409% (soit de 7 190 748 $ à 476 457 $). Le fait d'attribuer l'ensemble de cette sous-catégorie entièrement à la catégorie 4 - Intégration et participation à la société - induit probablement un biais dans nos données. Il est probable, en effet, que ces organismes aient également été actifs dans le domaine du soutien des langues et des cultures minoritaires et, de manière moins importante, si l'on tient compte de la période visée, dans des initiatives de compréhension interculturelle et d'adaptation institutionnelle et même de lutte contre le racisme. Il n'en demeure pas moins que c'est, d'abord et avant tout, la complétude institutionnelle des groupes, étroitement liée à leur participation à la société, qui semble atteinte.

Parmi les autres sous-catégories, l'« acquisition des compétences nécessaires à l'intégration » diminue drastiquement, tant en ce qui concerne le pourcentage dans le financement total que sa valeur absolue (7,1% versus 2,4%) (1 631 570 $ versus 278 645 $), ce qui pourrait, en partie, être expliqué par la plus grande implication d'un autre ministère, Citoyenneté et Immigration Canada dans ce dossier, ces dix dernières années. Les projets consistant en une analyse de besoins en vue de résoudre des problèmes vécus par les groupes se maintiennent, en proportion, et connaissent donc une diminution marquée de budget, alors que ceux qui visent la participation communautaire et politique et l'implication sociale, un des objectifs de la révision de 1995, semblent, de fait, plus souvent financés. Ils représentent désormais 6,7% du financement total (contre 1,8% en début de décennie) et leur budget, toutefois modeste (657 140 $), a doublé en dix ans.

[66]

Finalement, comme on pouvait s'y attendre, les subventions aux initiatives qui visent le soutien des langues et des cultures minoritaires, déjà menacées en début de la décennie, ont presque totalement disparu dix ans après. De 5,4% du financement total en 1991-1993, elles ne représentent en 1999-2000/2001-2002 plus que 1,3% et, avec un budget annuel moyen de 131 053 $, on peut considérer qu'elles ont presque totalement disparu du radar des fonds publics. Le sort des langues apparaît un peu plus favorable que celui des cultures mais il est clair que cet argumentaire n'est plus utilisé par les organismes ou par les pouvoirs publics dans la recherche de fonds ou l'approbation de projets découlant de la Politique du multiculturalisme.

Nous avons, ici encore, réalisé une analyse de cohérence des données annuelles regroupées sous une période commune. Dans ce second cas, nous n'avons pas noté de différence entre les deux périodes de financement (1991-1993 et 1999-2000/2001-2002) quant à l'homogénéité et au degré de variation entre chacune des années considérées dans l'ensemble des catégories et sous-catégories étudiées. Pour l'essentiel, à l'opposé de la spécificité qu'elle manifestait quant à la nature des organismes subventionnés, l'année 2001-2002 se situe clairement dans la foulée des tendances constatées pour la période 1999-2002, dont elle corrobore la pertinence par une légère accentuation de chacune des conclusions. En effet, comme on peut le voir au tableau 5, la progression des initiatives visant la lutte contre le racisme se poursuit, toujours axée sur la sensibilisation du public. Les subventions aux initiatives visant la compréhension interculturelle et l'adaptation institutionnelle dominent toutefois, ici encore avec un fort accent sur l'adaptation institutionnelle qui continue de progresser. La catégorie « intégration et participation à la société d'accueil » ne cesse de perdre du terrain, le soutien de fonctionnement aux organismes et l'acquisition des compétences nécessaires à l'intégration ayant, pour ainsi dire, disparu du programme, alors que le soutien à des analyses de besoins visant à résoudre des problèmes vécus par les groupes et aux initiatives favorisant la participation communautaire et politique ainsi que l'implication sociale se maintient. Finalement, la disparition du soutien des langues et des cultures minoritaires, qui ne représente plus que 0,7% du financement total, se confirme.

[67]

Tableau 5.
Pourcentages et valeurs absolues du financement consenti
selon la nature des projets (2001-2002)

Nature des projets

Période de financement
2001-2002

%

Budget annuel
moyen ($)

1.   Soutien des langues et des cultures minoritaires

0,7

45 105

Maintien ou valorisation des langues

0,6

42 105

Maintien ou valorisation des cultures

0,1

3 000

2.   Compréhension interculturelle et adaptation institutionnelle

50,4

3 479 249

Sensibilisation du public à la diversité

2,2

1 529 479

Résolution des conflits interethniques et rapprochement interculturel

1,2

82 805

Adaptation institutionnelle

7,0

1 866 965

3.   Lutte contre le racisme


30,2

2 082 499

Sensibilisation du public au racisme

25,5

1 756 291

Accès égalitaire et élimination des barrières systémiques

4,7

326 208

4.   Intégration et participation à la société d'accueil

17,9

1 236 449

Acquisition des compétences nécessaires à l'intégration

0,6

44 171

Analyse de besoins et résolution de problèmes vécus par les groupes

8,9

614 076

Participation communautaire et politique et engagement social

5,9

407 706

Soutien de fonctionnement aux organismes

2,5

170 496

Projets spéciaux

0,9

55 000

TOTAL DU SOUTIEN

6 898 302

4. CONCLUSION

Que peut-on retenir de cette analyse de la manière dont les fonds disponibles, en vertu de la Politique canadienne du multiculturalisme, sont attribués, tant en ce qui concerne la nature des organismes que celle des projets subventionnés ? En quoi les données décrites peuvent-elles [68] éclairer le débat public relatif à la pertinence de l'action publique en ce domaine et répondre, en tout ou en partie, aux diverses critiques énoncées plus haut ? De notre analyse ressortent clairement trois constats sur l'état actuel de la mise en œuvre de la Politique du multiculturalisme. Le premier concerne la stagnation, depuis dix ans, des fonds qui lui sont attribués. Après avoir réagi aux critiques négatives des années 1990 par le développement d'un discours axé sur la cohésion sociale et la participation, mieux arrimé à l'air du temps, on peut se demander si, au cours des années 2000, le gouvernement n'est pas en train de faire lentement sombrer la politique dans un demi-sommeil, propice à l'oubli, sans qu'aucune annonce officielle n'ait été faite à cet égard. Il est aussi surprenant de constater que divers groupes ethnoculturels ou de minorités visibles, si mobilisés, depuis trente ans, contre les changements qui semblaient susceptibles de les affecter spécifiquement, aient si peu réagi à la décroissance marquée des budgets. On peut se demander si ce manque de réactions n'est pas, en partie, lié à la disparition presque totale du soutien de fonctionnement aux organismes qui les plonge dans une course perpétuelle à la recherche de fonds pour des projets spécifiques et leur donne peu l'occasion de se positionner sur des enjeux moins immédiats bien que plus essentiels. Au-delà de ce constat quelque peu pessimiste sur l'avenir de la politique, nos données permettent de faire ressortir deux tendances, apparemment contradictoires, de sa mise en œuvre. D'une part, il est désormais clair, vu la nature des projets soutenus, que le récipiendaire principal d'un éventuel impact du soutien gouvernemental au multiculturalisme est, d'abord et avant tout, la société dans son ensemble, que celle-ci soit définie comme les institutions publiques, parapubliques et privées ou le grand public. Ainsi, en 2001-2002, plus de 80% des fonds consentis visaient à transformer soit l'opinion publique, soit le fonctionnement institutionnel face à la diversité culturelle ou « raciale ». Mais, à l'inverse, en ce qui concerne la nature des organismes subventionnés, ce ne sont pas, d'abord et avant tout, ceux qui ont un mandat universel qui reçoivent des fonds, mais plutôt des coalitions d'organismes ethnoculturels ou définis à partir d'un marqueur plus large que celui de la seule origine. En 2001-2002, plus de 65% des fonds vont à de tels regroupements, alors même que les organismes qui ne représentent qu'une seule communauté comptent pour à peine plus de 10%. Pour schématiser, il semble que l'on ait graduellement donné mandat à des communautés qui, dans le passé, étaient d'abord et avant tout préoccupées par la survie de leur langue et de leur culture et/ou la résolution de problèmes spécifiques, de former de larges alliances en vue de transformer la société majoritaire, notamment, en soutenant le gouvernement dans sa gestion de l'opinion publique. Rappelons, [69] à cet effet, que les initiatives de sensibilisation (à la diversité ou contre le racisme) reçoivent, en 2001-2002, 47,7% des fonds consentis au programme de subventions.

On peut juger plus ou moins positivement la stratégie d'engineering social dans laquelle la Politique du multiculturalisme semble désormais engagée et également questionner l'origine intentionnelle ou fortuite d'une telle évolution. Certains pourraient faire valoir qu'il s'agit d'un détournement des ressources limitées des groupes ethnoculturels qui délaissent leur propre complétude institutionnelle et leurs propres priorités pour jouer, en partie, un rôle qui devrait être celui des pouvoirs publics. D'autres, à l'inverse, y verront l'épitomé d'une perspective qui valorise l'interaction, voire le conflit, comme des stratégies nécessaires, à court terme, à l'intégration des groupes minoritaires et, à moyen terme, au développement d'une société inclusive. D'autres enfin, sans prendre position pour l'un ou l'autre camp, questionneront le réalisme même de cette approche dans le contexte de décroissance des ressources globales décrit plus haut.

Quoi qu'il en soit, ces tendances, appuyées par notre analyse de la nature des organismes et des projets subventionnés, ébranlent sérieusement les deux premières critiques que nous évoquions dans la problématique développée plus haut. Celles-ci plaident, en effet, clairement contre l'hypothèse d'un effet de ghettoïsation de l'action gouvernementale, les communautés ayant été, plus que jamais, incitées, d'une part, à entrer en contact avec l'ensemble des autres groupes et, d'autre part, à interagir avec la société globale. De même, l'idée que la politique en serait encore à une phase de Songs and Dances et mettrait l'accent sur Y ailleurs et autrefois est contredite, d'une part, par la disparition presque totale de tout soutien aux langues et cultures minoritaires et, d'autre part, au sein des organismes à vocation universelle, par le remplacement des organismes à mandat culturel par les organismes à mandat social [19]. Certains pourraient, certes, arguer que même en l'absence d'une action gouvernementale en ce sens, l'idéologie du multiculturalisme pourrait continuer à avoir des effets de ghettoïsation des groupes et de folklorisation des cultures d'origine. Toutefois, si le débat à cet égard demeure ouvert, le fardeau de la preuve, jamais faite rigoureusement jusqu'à aujourd'hui, serait alors dans leur camp.

[70]

La troisième critique, qui fait du multiculturalisme une politique de légitimation des injustices, paraît également partiellement ébranlée par nos résultats, du moins dans son argumentaire. Il est clair que l'action gouvernementale a désormais intégré la lutte contre le racisme comme un axe prioritaire : le soutien à de telles initiatives qui représente, en 2001-2002, 30% du budget total, n'a, en effet, cessé de croître. Le remplacement presque total des minorités d'origine européenne au profit des minorités visibles, au sein des organismes monoethniques récipiendaires de fonds, montre également une sensibilisation accrue à cet enjeu. Toutefois, il n'est pas clair, et seule une analyse approfondie des modalités de réalisation et des résultats des projets menés pourrait permettre de se prononcer à cet égard, jusqu'à quel point les enjeux de pouvoir et les inégalités socioéconomiques sont centraux dans cette lutte au racisme. Le peu d'importance qu'y jouent les dimensions relatives à l'accès égalitaire et à l'élimination des barrières systémiques, compensé en partie par l'importance des actions visant l'adaptation institutionnelle, pourrait constituer un indicateur négatif à cet égard, comme la portion congrue qu'occupe, dans l'ensemble du programme, les analyses de besoins visant la résolution de problèmes vécus par les groupes et le soutien à l'acquisition des compétences nécessaires à l'intégration. La disparition du soutien de fonctionnement aux organismes est aussi inquiétante à cet égard. En effet, plus ceux-ci dépendent de projets ad hoc, plus on peut douter qu'ils adopteront une position radicale dans leur rôle de groupe de pression.

En ce qui concerne la réponse aux critiques plus récentes, qui questionnent non plus les conséquences de la politique sur les membres des minorités eux-mêmes mais sa compatibilité avec les principes mêmes de la démocratie libérale, nos données sont nettement moins éclairantes. En effet, ici encore, il faudrait réaliser des analyses plus approfondies des pratiques réelles générées par les projets, ce que le seul examen du résumé du projet ne permet pas. De plus, la possibilité d'un effet indirect de l'idéologie gouvernementale sur cette dimension qui met en jeu des concepts polysémiques et porteurs de dérives potentielles apparaît davantage fondée.

Au regard de la quatrième critique, soit l'effet d'assignation communautaire qu'accentuerait le multiculturalisme, il faut d'abord signaler, en amont même de notre étude, que toute politique visant à subventionner des groupes, que ceux-ci soient définis en fonction du genre, de la classe sociale, du handicap, de l'origine géographique ou de tout autre critère, est susceptible d'avoir un tel impact [20]. Toutefois, à moins de remettre radicalement en question le rôle que jouent les groupes de [71] pression au sein des démocraties libérales, l'évaluation d'un effet, spécifiquement négatif, de la Politique du multiculturalisme sur cette dimension nécessiterait un examen que nous n'avons pas réalisé. Il faudrait cerner, d'une part, la présence ou non de courants contradictoires parmi les organismes d'une même communauté qui sont subventionnés et, d'autre part, analyser les positions idéologiques adoptées quant à l'aspect abscriptif ou électif de l'appartenance communautaire lors des pratiques de terrain. Cependant, on peut mentionner, d'ores et déjà, que l'interaction de groupes ethnoculturels différents au sein de larges coalitions multiethniques ne paraît pas représenter un terrain propice au maintien d'identités rigides pour les individus qui y participent. De plus, la légitimité du leadership est susceptible, davantage que dans les organismes monoethniques, d'y être pesée et contestée.

Quant à la cinquième critique, soit que le multiculturalisme nourrit le relativisme et nuit au respect des droits et libertés de la personne, les mêmes limites quant à la pertinence de notre analyse à y répondre doivent ici être formulées. La description de la plupart des projets financés sous les catégories « compréhension interculturelle et adaptation institutionnelle » et « lutte contre le racisme » ne permettent pas de savoir jusqu'à quel point les balises nécessaires au respect des valeurs fondamentales y sont respectées, voire même débattues. Le fait que très peu de projets se réfèrent à l'éducation aux droits, notamment dans la sous-catégorie « acquisition des compétences nécessaires à l'intégration » comme l'impossibilité de distinguer une catégorie « promotion de la cohésion sociale », dans la version finale de la grille, pourraient indiquer que les orientations de 1995 n'ont guère essaimé au-delà du discours gouvernemental.

Cette hypothèse quelque peu pessimiste a cependant besoin d'être nuancée, d'une part, à cause de l'importance des institutions de la société civile au sein des bénéficiaires des actions financées en vertu du programme et, d'autre part, du rôle non négligeable que les organismes à vocation universelle y jouent comme récipiendaires de fonds. On peut, en effet, douter que, lors des quelque 80% d'interventions dont le public cible est la société d'accueil et des quelque 23,4% de celles-ci qui sont menées directement par des organismes à vocation universelle, où les groupes féministes ou de défense des droits sont très présents, la question des limites à la prise en compte de la diversité ne soit pas abordée. Par ailleurs, il est clair que par l'interaction accrue que la Politique du multiculturalisme a généré et continue de générer entre divers groupes tant majoritaires que minoritaires le développement du consensus nécessaire à la vie publique ne peut qu'être favorisé, à moins que l'on conçoive celui-ci comme un rapport de pouvoir exclusif et univoque de la société dominante envers des communautés qui en seraient exclues.



[1] Voir, entre autres, M. Me Andrew, 1995a, « Multiculturalisme canadien et interculturalisme québécois. Mythes et réalités », dans Pluralisme et éducation. Politiques et pratiques au Canada, en Europe et dans les pays du sud. L 'apport de l'éducation comparée, sous la direction de M. Mc Andrew, O. Galatanu et R. Toussaint, tome 1, Montréal/Paris, Les publications de la Faculté des sciences de l'éducation/Association francophone d'éducation comparée, p. 33-51 ; D. Juteau, M. Me Andrew, et L. Pietrantonio, 1998, « Multiculturalisme à la canadian et intégration à la québécoise : transcending their limits », dans Blurred Boundaries Migration, Ethnicity and Citizenship, sous la direction de R. Bauboeck et J. Rundell, The European Centre, Vienna Ashgate, p. 95-110 ; 1998 ; Helly, 2000) ; D. Helly, 2000, « Primauté des droits ou cohésion sociale. Les limites du multiculturalisme canadien, 1971-1999 », dans La différence culturelle. Une reformulation des débats, sous la direction de M. Wierviorka et J. Ohana, Paris, Colloque de Cerisy, p. 514-427.

[2] Voir Gouvernement du Canada, 1970, Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre IV - La contribution des autres groupes ethniques, Ottawa, Imprimeur de la Reine.

[3] Voir Gouvernement du Canada, 1989, Le multiculturalisme... être canadien, Ottawa, Ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté ; 1991, Le point sur le multiculturalisme, Multiculturalisme et Citoyenneté, Ottawa, Approvisionnements et Services ; 1995, Faire la lumière sur l'identité comme objectif en matière de politique, Ottawa, Ministère du Patrimoine canadien ; 1997, Multiculturalisme. Respect, égalité, diversité, Ottawa, Ministère du Patrimoine canadien.

[4] Voir, entre autres, Y, Abu-Laban et C. Gabriel, 2002, Selling Diversity. Immigration, Multiculturalism, Employment Equity and Globalization, Peterborough (Canada), Broadview Press ; Y. Abu-Laban, Y. et D.K. Stasiulus, 1992, « Ethnic pluralism under siege : Popular and partisan opposition to multiculturalism », Canadian Public Policy, vol. XVIII, no 4, p. 365-386 ; J.W. Berry, R. Kalin et D.M. Taylor, 1977, Multiculturalism and Ethnic Attitudes in Canada, Ottawa, Approvisionnements et Services ; N. Bissoondath, 1994, Selling Illusions : The Cult of Multiculturalism in Canada, Toronto, Penguin Books ; C. Corbo, 1992, Mon appartenance, Québec, VLB Éditeur ; P. Li, 2003, « Deconstructing Canada's discourse of immigrant integration », Revue de l'intégration et de la migration internationale, vol. 4,no 3, p. 315-334.

[5] M. Mc Andrew, 1995b, « Le procès actuel du multiculturalisme est-il fondé ? Une analyse de la politique ontarienne d'antiracisme et d'équité ethnoculturelle dans les conseils scolaires ». Éducation et Francophonie, vol. 23, no 2, p. 26-33.

[6] J. Burnet, 1993, « L'état des minorités au Canada vingt-cinq ans après l'adoption de la Loi sur le bilinguisme et du multiculturalisme », Séminaire du Conseil international d'études canadiennes, Ottawa, 1er juin ; B.S. ; R. Breton et J.K. Reitz, 1994, The Canadian Mosaic and the American Melting-pot : There Really a Difference ? Toronto, CD. Hall Institute ; Kordan, 1997, « Multiculturalism, citizenship and the Canadian nation : A critique of the proposed design for program renewal ». Canadian Ethnie Studies, vol. XXIX, no 2, p. 136-145 ; W. Kymlicka, 1995, The Impact of Multiculturalism on the Integration of Immigrants Groups. Paper no 1, dans la série « Accomodating Ethnocultural Diversity in Canada » remis au ministère du Patrimoine canadien, 25 septembre, 52 p.

[7] Ainsi, par exemple, il est évident que les résultats relativement favorables de la population immigrée au plan socio-économique sont, d'abord et avant tout, influencés par notre politique d'immigration planifiée et sélective, bien différente de celle qui prévaut en Europe ou même aux États-Unis, où l'immigration illégale est beaucoup plus importante. De même, l'ensemble des programmes et pratiques d'éducation multiculturelle ou interculturelle des élèves d'âge scolaire relève exclusivement des provinces, dont certaines, comme le Québec et, plus récemment, sous le gouvernement Harris, l'Ontario se sont opposés à plusieurs orientations de la politique fédérale et ont développé leurs propres approches. L'action des villes en matière de rapprochement interculturel est également loin d'être négligeable.

[8] Monnier, E. 1992, Évaluations de l'action des pouvoirs publics (2e édition revue et augmentée), Paris, Economica, 245 p.

[9] Signalons à cet égard, que les programmes menés à l'intérieur du gouvernement fédéral par d'autres ministères suite à la concrétisation du mandat horizontal du Secrétaire d'État au ministère du Multiculturalisme n'ont pas été examinés. Il faut toutefois rappeler que l'impact de ce mandat, qui se traduit par l'obligation de tous les ministères fédéraux d'inclure cette dimension dans leur rapport annuel a été, dans le faits, plutôt limité, vu le statut « junior » du porteur de dossier et les ressources réduites du ministère.

[10] Cette dimension, qui est le sujet d'un autre article, n'est pas présentée ici.

[11] Durant la décennie 1970, le nombre de demandes de subvention varie annuellement de 200 à 500, de 1980 à 1998, de 1 200 à 2 000 et, depuis 1998, de 200 à 500.

[12] II s'agissait surtout de limiter l'impact potentiel de la sélection inappropriée, mais imprévisible, d'une année atypique qui aurait coïncidé avec la mise en place, au niveau national, d'une intervention majeure induisant la sur-représentation d'un type de projets ou d'organismes (par exemple, la création d'un centre de langues patrimoniales).

[13] Le choix de ne pas retenir deux années consécutives s'est imposé ici à nous lorsque nous avons pris conscience, et vérifié auprès des autorités du ministère, du caractère incomplet, et inexpliqué encore aujourd'hui, des documents relatifs à l'année 2000-2001. L'année 2001-2002, la plus récente que nous ayons pu obtenir au moment de réaliser l'étude, n'est toutefois pas non plus sans limites. Son budget est, en effet, particulièrement réduit suite à l'opération majeure de consolidation des dépenses du ministère par le Vérificateur général qui a bloqué, durant plus de 18 mois, une grande partie des opérations relatives aux programmes de financement externe.

[14] C'est notamment à cette époque qu'aux activités traditionnelles de maintien des langues et des cultures viennent s'ajouter celles de la section des relations raciales.

[15] Tel que mentionné plus haut, le budget particulièrement réduit de 2001-2002 n'est pas représentatif de la période concernée. Suite à la reprise du fonctionnement normal du ministère, celui-ci a, en effet, été de 11 208 955 $ en 2003-2004.

[16] Pour citer des exemples de chaque type de la région administrative d'Ottawa, respectivement, le Vietnamese Canadian Community Council of the National Capital Région (monoethnique), le Multicultural Council of Professional Woman (multiethnique) et le Canadian Mental Health Association/Ottawa/Carleton Branch (à vocation universelle).

[17] Notons à cet effet que dans le cas des projets qui visaient plus d'un objectif c'est la nature même de l'intervention qui a été prise en compte pour déterminer la dominante principale de l'activité proposée. Cependant, une minorité de projets a été classée sous plus d'une catégorie, le budget étant alors réparti également sous chacune d'entre elles Pour une description plus approfondie à cet égard, on peut se référer à l'annexe 1 du rapport Mise en œuvre du multiculturalisme canadien : analyse de l'évolution des projets et des organismes subventionnés, 1983-2002. Voir C. Tessier, D, Helly et M. Me Andrew, 2003, Mise en œuvre du multiculturalisme canadien : analyse de l'évolution des projets et des organismes subventionnés 1983-2002, Rapport non publié, INRS Immigration et Métropoles, 2003.

[18] Une étude qualitative de la composition des groupes pan-ethniques révèle qu'ils sont, pour l'essentiel, à l'exception des Juifs, constitués de groupes d'implantation récente et issus totalement ou partiellement (ex. : Latino-américains) des minorités visibles ou

[19] Mentionnons que ce remplacement du paradigme culturel par le paradigme social n'a pas été sans effet pervers, notamment ce qui concerne la problématisation presque totale du champ qu'il a généré, face à la perspective antérieure où l'argument d'enrichissement culturel n'avait pas que des effets folklorisants. On note, d'ailleurs, récemment, dans le discours public relatif à la diversité, un retour en grâce des effets positifs des perspectives qui mettent l'accent sur les dimensions culturelles.

[20] G. Paquet, 1989, « Multiculturalism as a national policy », Journal of Cultural Economics, vol. 13, no 1, p. 17-34.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 27 octobre 2014 18:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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