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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly, “Les politiques d'immigration au Canada de 1867 à nos jours.” In revue : Hommes et Migrations, n° 1200, juillet 1996, pp. 6-14. Numéro intitulé : “Canada. La « patrie du multiculturalisme » doute.” [Autorisation formelle accordée le 16 juin 2016 par l’auteure de diffuser ce texte en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[6]

Denise Helly

Anthropologue, Professeure chercheure titulaire,
Institut national de la recherche scientifique
Centre : Urbanisation, Culture et Société

Les politiques d'immigration
au Canada
de 1867 à nos jours
.”

In revue : Hommes et Migrations, n° 1200, juillet 1996, pp. 6-14. Numéro intitulé : “Canada. La « patrie du multiculturalisme » doute.”

Résumé [6]
1867-1918, une immigration de peuplement [6]
Les nativistes contre les immigrants [7]
1919-1946, la fermeture [8]
1947-1961, le contrôle par l'État : réunification familiale et immigration parrainée [9]
1962-1978, des critères universalistes et humanitaires [10]
L'adoption d'une politique d'asile [11]
1979-1989, les nouveaux contrôles et les demandeurs d'asile [12]
1990-1995, la situation actuelle [12]
Les trois modes d'entrée au Canada [14]

Résumé

Depuis 1867, une politique d'immigration sélective, d'abord au bénéfice des Européens et au détriment des « non-blancs », ainsi que des ressortissants des puissances ennemies à partir de la Première Guerre mondiale. Mais depuis les années 1960, la sélection des migrants sur des critères nationaux ou ethniques a disparu et la politique d'immigration repose sur trois principes : la réunification familiale, avec le système du parrainage, la protection des réfugiés et la sélection de travailleurs en fonction des besoins du marché du travail.


L’entreprise de peuplement de la Nouvelle France débute réellement à la fin du XVIIe siècle ; la population de la colonie passe de 3 000 personnes en 1663 à 10 000 en 1681 et 60 000 en 1760. Puis, la conquête anglaise, la fuite de milliers de Loyalistes durant la Révolution américaine et l'arrivée massive d'émigrants irlandais portent la population des colonies britanniques de l'Amérique du Nord à plus d'un million et demi en 1840. Les années suivantes, l'immigration de sujets britanniques se poursuit au rythme de 50 000 à 90 000 arrivées annuelles : en 1867, le Canada compte 3,5 millions d'habitants (un million d'origine française, 846 000 d'origine irlandaise, 706 000 d'origine anglaise, 550 000 d'origine écossaise et 400 000 d'autres origines). Cependant, les années 1860 marquent le début d'une nouvelle immigration, le Canada ouvre ses portes à des Juifs chassés par les pogroms en Europe de l'Est et à des membres de sectes persécutées ; durant les années 1860, 75 000 Ukrainiens, Doukhobors, Huttérites et Mennonites gagnent les régions de l'Ouest.

1867-1918,
une immigration de peuplement


Une vague d'immigration survient à la suite de la formation de la Confédération canadienne en 1867 et de la forte croissance économique de 1880 à 1919. L'organisation systématique de l'immigration est une des bases de la création d'un gouvernement des possessions britanniques de l'est de l'Amérique du Nord. De fait, alors que l'immigration et l'agriculture sont les seuls domaines de compétence partagée entre le gouvernemental central et les provinces, les initiatives en la matière demeureront fédérales, et jusqu'en 1930 le gouvernement d'Ottawa organisera seul la colonisation des territoires de l'Ouest. L'immigration est perçue comme la condition de l'expansion dans l'Ouest, de la croissance de la population canadienne et d'une hausse des exportations.

Un plan de recrutement de paysans européens est organisé par le gouvernement central, selon un mode de gestion propre à cette période. Des millions d'acres de terres arables sont données à des compagnies de chemins de fer, lesquelles sont autorisées à les vendre à des colons en vue de financer la construction de lignes de voies ferrées. Le Canadien Pacifique, par exemple, reçoit 31 millions d'acres de terres, met sur pied son propre service de colonisation et d'immigration, recrute à l'étranger des immigrants, accorde à ceux-ci des prêts en vue du voyage au Canada et de l'achat de fermes bâties par elle. Les compagnies ferroviaires et d'autres, surtout minières, recrutent aussi des travailleurs sous contrat. La voie ferrée transcontinentale, traversant le pays d'Est en Ouest et achevée en 1885, est [7] l'œuvre de 14 000 travailleurs sous contrat chinois, ainsi que de quelques milliers d'autres venus de l'Europe de l'Est. La crainte des dirigeants et des chefs d'entreprise de voir un prolétariat industriel se constituer en une force sociale, comme en Europe, favorise la création de cette catégorie d'immigrants ouvriers. Les travailleurs sous contrat reçoivent des salaires inférieurs à ceux communément payés et ne sont pas autorisés à demeurer au pays et à devenir citoyens.

De 1868 à 1890, cette politique n'apporte guère de résultats. L'émigration vers les États-Unis, où les terres vierges sont abondantes, prend le pas sur l'immigration, dont les niveaux sont pourtant conséquents : en moyenne 25 000 entrées par an de 1868 à 1880, 80 000 durant les années 1880 (Mennonites de Russie, Ukrainiens, Islandais, Scandinaves, Allemands, Juifs de Pologne et de Russie).

Le gouvernement libéral de W. Laurier, arrivé au pouvoir en 1896, réagit en diminuant quelque peu l'autonomie des compagnies ferroviaires et en centralisant l'administration de l'immigration à Ottawa. Il signe des ententes, parfois secrètes, avec des compagnies maritimes européennes, notamment allemandes. Il leur verse une commission pour chaque immigrant amené au Canada, créant des conflits avec nombre de pays européens hostiles à l'émigration de leur paysannerie. Les résultats sont visibles : de 17 000 entrées en 1896 dans un pays comptant près de cinq millions d'habitants, le flux migratoire passe à 141 000 en 1905, 272 000 en 1907, et les niveaux annuels d'arrivées les plus élevés de l'histoire canadienne sont atteints en 1911 (331 000) et 1913 (401 000), des niveaux qui ne baisseront guère durant les années de guerre (1914-1919). Cette politique est à l'origine d'une forte implantation des immigrants dans les provinces de l'Ouest canadien. En 1911, ceux-ci représentent plus de la moitié (57%) des populations de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, 50% de celle de la Saskatchewan, 20% de celle d'Ontario et moins de 10% de celles du Québec et des provinces maritimes.

Le Royaume-Uni demeure le pays d'émigration le plus représenté : 1 250 000 immigrants en proviennent de 1901 à 1911, alors qu'un million d'émigrants de l'Europe du Nord et de l'Est arrive des États-Unis, 100 000 directement de l'Europe du Sud (Grèce, Italie, Macédoine) et 50 000 d'Asie (Inde, Japon et Chine). Néanmoins, le mouvement d'émigration vers les États-Unis ou de retour d'immigrants vers leurs pays d'origine demeure important : entre 1901 et 1911, un million des 1 782 000 immigrés du Canada quitte ce pays. L'attraction des États-Unis sur la population canadienne, native ou immigrée, restera prégnante jusqu'à l'époque actuelle, provoquant une perte permanente de population au profit du voisin du Sud.

Les nativistes contre les immigrants

L'arrivée d'immigrants s'accompagne dès les années 1870 de violents mouvements racistes et xénophobes, notamment dans l'ouest du pays. Cette hostilité, qui culmine durant les années 1900-1910, est le fait de résidents d'origine britannique. Ils veulent réduire le nombre d'immigrants de l'Europe centrale et de l'Est et de l'Asie, car ceux-ci gagnent les manufactures et les villes en raison du manque de terres accessibles mais aussi de la fermeture des mines, de la fin de la construction des voies ferrées et de la demande de main-d'œuvre manufacturière dans les centres urbains. D'autres craintes d'une large fraction des habitants de souche britannique et canadienne-française concernent la non-assimilation culturelle d'éléments étrangers et polyglottes. Quant à la classe ouvrière blanche native et aux syndicats, ils redoutent la concurrence non contrôlée de cette nouvelle main-d'œuvre. Ce ne sera qu'à partir de la

DES IMMIGRANTS RACONTENT
au Musée de la civilisation à Québec
du 13 novembre 1996 au 19 octobre 1997

Ouvert au public depuis 1988, le Musée de la civilisation à Québec se définit comme un musée de l'aventure humaine. Sa programmation thématique lui permet de traiter tout autant des questions fondamentales, des grands enjeux sociaux de l'heure que des multiples aspects de la vie quotidienne.

Dès le 13 novembre prochain, le Musée inscrit à sa programmation une exposition ayant pour titre Des immigrants racontent. C'est une invitation à découvrir les difficultés et les joies d'un processus qui bouleverse sur plusieurs générations ceux qui s'y engagent. Avec des témoignages verbaux, des images de l'album familial, des objets chers et symboliques, l'exposition constitue une occasion unique de rencontrer et de partager les émotions d'une quinzaine d'immigrants établis au Québec. Une expérience transculturelle à ne pas rater !

Musée de la civilisation
85, rue Dalhousie
Québec (Québec)
G1K 7A6
Tél. : (418) 643-2158
Fax : (418) 646-9705
Courrier électronique : cqweb@riq.qc.ca
Site Internet : http://www.mcq.org


[8]

fin des années 1930 qu'un des principaux syndicats canadiens, le Coopérative Commonwealth Fédération (CFF), organisera des grèves incluant des Asiatiques.

L'hostilité à l'immigration asiatique, surtout chinoise mais aussi japonaise et indienne, devient l'enjeu d'affrontements politiques et l'objet de violentes manifestations de racisme dans l'Ouest. Ottawa cède aux pressions, notamment de la province de la Colombie-Britannique, en imposant aux Chinois une taxe d'entrée de 50 $ en 1885, 100 $ en 1900, 500 $ en 1903, et en adoptant, en 1906, de nouveaux critères d'exclusion (santé physique et mentale, moralité). Mais, quand, la même année, la législature de Colombie-Britannique, où un quart des travailleurs est asiatique, vote des lois d'exclusion contre ces résidents, le gouvernement fédéral refuse de les entériner. En 1907, les quartiers chinois et japonais de Vancouver sont dévastés par des émeutiers blancs et Ottawa tente de limiter l'immigration asiatique. Similairement, il tente, en 1911, d'interdire l'immigration noire, mais la législation ne sera jamais adoptée ; en fait, les immigrés noirs sont très rares : quelques centaines sont entrés clandestinement des États-Unis à la suite de l'échec de la Reconstruction [1].

Le mouvement nativiste trouve un nouveau terrain avec l'entrée en guerre, en 1914. Près d'un demi-million d'individus, par naissance ou par ascendance, sont liés à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie ; naturalisés ou non, ils sont considérés comme des ennemis intérieurs, accusés de sabotage, malmenés par l'opinion publique, certains d'entre eux sont internés. L'Acte des élections de 1917 prive du droit de vote les immigrés, citoyens ou non, nés dans un pays ennemi, ainsi que les membres de groupes immigrés pacifistes, doukhobors et mennonites.

1919-1946, la fermeture

À la suite de la réduction de l'activité économique à la fin de la Première Guerre mondiale, l'immigration est quelque peu réduite, puis drastiquement diminuée durant la dépression des années 1930. De 1921 à 1931, 1 200 000 immigrants (surtout ukrainiens, polonais, hongrois et Scandinaves) arrivent au Canada, tandis que, de 1931 à 1941, seulement 149 000 immigrants entrent sur le territoire. De plus, des programmes de rapatriement d'immigrés dans leur pays d'origine sont mis en place. La part de la population d'origine non britannique, canadienne-française ou autochtone, diminue de 22% en 1921 à 18% en 1931 et 17% en 1941. Depuis lors, les immigrants ou les personnes nées à l'étranger représentent une part stable de la population canadienne, soit quelque 15% à 18%.

La législation est à plusieurs reprises modifiée de 1919 à 1945. Si le droit de vote des immigrés nés en pays ennemi est restauré en 1920, l'animosité de l'opinion publique à leur égard continue. Certains regroupements demandent l'expulsion « des ennemis intérieurs », leur obligation de travailler dans certains secteurs à salaire réduit ou d'autres brimades. En 1919, à la suite d'une grève d'ouvriers immigrés européens à Winnipeg, le gouvernement fédéral se donne le droit d'expulser tout immigré favorable au renversement du gouvernement, qu'il soit naturalisé ou non. Plus de 28 000 personnes sont expulsées de 1930 à 1935 [2] et les immigrants ukrainiens, allemands, russes, finlandais et juifs qui ont fondé des organisations de gauche sont particulièrement visés. La même année, l'immigration de groupes immigrants pacifistes, mennonites, huttérites et doukhobors, est interdite, puis celle des Chinois en 1923. De plus, la qualité de sujet britannique est désormais accordée aux seuls ressortissants de pays du Commonwealth à prédominance blanche. Cependant, en 1922, la Loi sur la colonisation de l'Empire permet à plus de 100 000 Britanniques de s'établir au Canada en recevant diverses indemnités [3].

Mais, en 1925, le gouvernement capitule face à deux compagnies ferroviaires qui, à la recherche d'agriculteurs, n'acceptent pas ses limitations de l'immigration issue de pays ayant été des ennemis du Canada durant la Première Guerre mondiale. Il permet l'entrée de 185 000 immigrants venant de ces pays jusqu'alors proscrits (Railway Agreement). Cette immigration est très mal accueillie. Les syndicats dénoncent le maintien d'une politique d'immigration à large échelle et la réduction des salaires qui s'ensuit ; des Eglises et des groupuscules nativistes d'extrême droite (Native Sons of Canada, Ku Klux Klan, National Association of Canada) s'inquiètent de la « survie » de la culture britannique au Canada et la dépression des années 1930 ne fait qu'accentuer ce nativisme canadien. Le Canada ferme ses portes aux réfugiés de la Crise et à ceux du régime nazi.

En 1930, les critères d'admission des immigrants sont changés : sont désormais seuls éligibles les agriculteurs disposant du capital utile à leur établissement immédiat et les parents proches d'immigrés. Durant les années 1930, le flux migratoire oscille de 11 000 à 27 000 par an. Deux groupes subissent particulièrement les effets de cette restriction de l'immigration : les réfugiés juifs et les immigrants japonais. En raison de la faible performance économique du Canada à la fin des années 1930 et de mouvements antisémites en Ontario, au Québec et dans les Prairies, seulement 4 000 victimes du régime nazi sont admises de 1933 à 1939 [4].

L'entrée en guerre en 1939 donne lieu aux mêmes mesures que celles adoptées en 1917. Si seulement [9] 800 immigrés allemands et 700 italiens sont arrêtés et internés, les Huttérites d'Alberta se voient refuser le droit de créer de nouvelles colonies, et 23 000 résidents d'origine japonaise, dont plus de la moitié sont nés au Canada (13 300), sont délestés de leurs biens et internés dans des camps. Cependant, le Coopérative Commonwealth Fédération (CFF) s'oppose à l'évacuation des Japonais par la Colombie-Britannique durant la Seconde Guerre mondiale. A la fin de la guerre, un sur cinq (4 000 personnes) « acceptera » le plan du gouvernement canadien destiné à les rapatrier au Japon. Similairement, le parti communiste, implanté parmi des immigrés ukrainiens, est interdit en juin 1940, ainsi que des associations ukrainiennes qui lui sont rattachées. Cependant, durant la guerre, l'immigration au Canada est quasi nulle : quelque 80 000 entrées de 1939 à 1946.

Passagers sur le pont du SS Empress of Britain, vers 1910
ANQ-Fonds APC. Coll. Menier.

1947-1961, le contrôle par l'État :
réunification familiale et immigration parrainée


En mai 1947, les multiples pressions internationales sur le Canada relatives à son refus des réfugiés, les besoins de l'économie nationale, une opinion publique plutôt favorable à l'immigration ont convaincu le Premier ministre, W.L. Mackenzie King, de la nécessité d'une politique visant à accroître la population tout en tenant compte des capacités d'assimilation de l'économie et de la société.

Le Canada va alors connaître une troisième vague d'immigration, similaire à celle survenue au début du XXe siècle mais entièrement organisée et gérée par les autorités gouvernementales fédérales. Les grandes compagnies privées n'ont plus aucun rôle direct en la matière, bien que le gouvernement tente, sans grand succès, d'orienter l'immigration vers les secteurs agricole et minier. En effet, ces secteurs se mécanisent et leurs besoins en main-d'œuvre se réduisent, et il est désormais impossible d'imposer un système de travail sous contrat dans une société devenue plus démocratique. Aussi l'immigration devient-elle largement urbaine et non plus rurale comme auparavant, elle gagne de plus en plus la province de l'Ontario, qui comprend alors un quart de la population canadienne. Elle est subséquemment de plus en plus composée de travailleurs très qualifiés.

En 1947, des équipes sont donc envoyées en Europe pour sélectionner des réfugiés dans les camps : 186 000 personnes sont admises entre 1947 et 1950, sous l'égide du gouvernement (100 000) ou de leurs parents résidents permanents. La même année, l'Acte d'exclusion de l'immigration chinoise est abrogé ; toutefois, les résidents chinois demeurent assujettis à une clause discriminatoire, annulée seulement en 1956 : alors que les immigrés d'origine européenne peuvent parrainer l'ensemble de leurs collatéraux (sœurs, conjoints, frères, parents, enfants, neveux, cousins), quel que soit leur âge (voir encadré p. 10), les Chinois doivent être citoyens canadiens et ne peuvent faire venir que leurs conjoints et enfants de moins de 18 ans. En 1951, des négociations bilatérales permettent aussi l'entrée de 150 Indiens, 100 Pakistanais et 50 Ceylanais (Sri Lankais) par an. Enfin, en 1952, les restrictions à l'entrée des ressortissants des anciens pays ennemis, Allemagne, Italie et Japon, sont annulées.

Comme le montrent certaines de ces mesures, le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté, réorganisé en 1950, perpétue une politique discriminatoire à l'égard des immigrants non blancs, politique consolidée par l'Acte d'immigration de 1952 afin que, selon les dires du Premier ministre, ne soit pas altérée la composition fondamentale de la population canadienne. De plus, par le même Acte, le gouvernement canadien s'alloue des pouvoirs discrétionnaires en matière de sélection des immigrants, sans qu'aucun appel de ses décisions ne soit [10] possible. D'autres règlements sont adoptés en 1956, selon lesquels « la Loi sur l'immigration n'est qu'une Loi d'interdiction assortie d'exemptions ». L'établissement au Canada est interdit, si ce n'est pour les parents de résidents canadiens et pour quatre catégories d'immigrants, classées par ordre préférentiel :

1. Immigrants non parrainés, sujets britanniques de la Grande-Bretagne et des pays blancs du Commonwealth (Australie, Nouvelle-Zélande, Irlande), ou Américains et Français ;

2. Immigrants non parrainés des autres pays de l'Europe de l'Ouest, sévèrement sélectionnés, néanmoins, dans le cas d'individus provenant de pays où sont implantés de puissants partis communistes (France, Italie) ;

3. Immigrants non parrainés originaires de l'Europe de l'Est, d'Amérique centrale et du Sud, d'Egypte, d'Israël, du Liban et de Turquie ;

4. Immigrants non parrainés originaires d'Asie, selon des quotas annuels pour les pays du Commonwealth jusqu'en 1962 (Inde : 150, Pakistan : 100, Ceylan : 50) [5].

La discrimination la plus visible s'exerce à l'égard des personnes pouvant être parrainées. Un citoyen ou résident permanent peut parrainer ses enfants, frères, sœurs, parents et conjoint si ceux-ci sont citoyens de pays situés hors de l'Afrique et de l'Asie. Dans le cas de pays de ces continents, seuls les conjoints, parents et enfants sont éligibles au parrainage.

Durant les années 1950, en dépit d'une opinion publique dont la moitié veut réduire ou stopper l'immigration, le gouvernement fixe de hauts niveaux d'entrées pour la décennie. Ceux-ci varient selon diverses conjonctures internes et externes : 73 000 en 1950, 194 000 en 1951, 154 000 en 1954, 282 000 en 1957, 72 000 en 1961 (population canadienne en 1951 : 14 millions). De 1947 à 1961, 2 500 000 individus immigrent. Malgré les mesures adoptées et l'accent mis sur la réunification familiale, l'émigration ne provient pas des pays préférés par le gouvernement, mais essentiellement d'Europe de l'Est, alors que celle venant d'Europe du Sud augmente fortement : 250 000 Italiens sont admis au Canada durant cette période. Par contre, l'immigration en provenance du sous-continent indien et de la Chine augmente peu, et seulement un millier d'Antillais obtiennent le droit de résidence en raison de restrictions discriminatoires.

Durant les années 1950, une querelle permanente oppose les ministères de l'Immigration et du Travail à propos du système de réunification familiale. Des immigrants sont choisis selon leurs compétences professionnelles et les besoins du marché, mais de un tiers à la moitié du flux migratoire annuel demeure composé d'immigrants parrainés.

1962-1978,
des critères universalistes et humanitaires

Des changements de politique fondamentaux sont opérés durant les années 1960 et 1970, alors que les niveaux sont maintenus élevés, en moyenne à 140 000 entrées par an, pour être progressivement abaissés à la fin des années 1970, en raison de la conjoncture économique, de la montée du chômage (86 000 en 1978), et d'une opinion publique de moins en moins favorable à une forte immigration.

Le parrainage

Les immigrants parrainés sont des personnes que des parents, immigrés résidents ou citoyens canadiens, acceptent de prendre en charge financièrement durant dix ans (nourriture, logement, soins). Les parents éligibles sont les conjoints, fiancés, enfants célibataires de tout âge, les parents, les grands-parents et les frères, sœurs, neveux, nièces, petits-enfants âgés de 18 ans et célibataires.

À l'origine, aucune limitation du nombre de personnes parrainées par un résident ou un citoyen n'était prescrite. Selon ce système, les frais de l'intégration des immigrants sont transférés aux familles des candidats et aux institutions communautaires de leur groupe ethnique de référence. Ce système est fortement soutenu et réclamé par les groupes ethniques immigrés les plus importants, car ils y voient non seulement un programme humanitaire mais aussi un moyen d'élargir leur assise politique. Au fil des années 1950, le nombre des parrains s'est accru et, en 1959, les immigrants parrainés représentaient 59% du flux migratoire canadien.

On peut dire que la polarisation de la population immigrée canadienne en deux catégories sociales date de cette période. Le système du parrainage permet l'entrée de personnes peu scolarisées, souvent âgées, à charge des familles, alors que le système de sélection induit l'entrée de personnes ayant une compétence professionnelle. Cette polarisation ne fera que s'accentuer au fil des années 1960 et 1970 et entraînera des limitations du système de parrainage, c'est-à-dire du nombre de parents admissibles.


[11]

En 1974, comme durant les années 1950, un tiers seulement des Canadiens accepte les niveaux d'immigration décidés par le gouvernement et la majorité s'oppose à la croissance du nombre de réfugiés.

Au début des années 1960, le ministère de l'Immigration est fusionné avec celui du Travail, et l'immigration devient officiellement une composante essentielle du marché du travail. En 1962, les restrictions d'entrées de personnes de certaines origines nationales sont levées, les privilèges accordés aux ressortissants britanniques et français annulés et les immigrants indépendants admis en vertu de leurs compétences et non de leur origine nationale ou de leur « race ». Mais tous les immigrants ne détiennent pas le droit de parrainer des proches, car des restrictions demeurent pour les Asiatiques et les Noirs. Selon les recommandations du Livre blanc sur l'immigration de 1966, un système de sélection attribuant des points en vertu uniquement des compétences professionnelles, du niveau de scolarité et des ressources est introduit en 1967.

L'adoption de la Déclaration canadienne des droits de l'homme en 1960 sous la pression du contexte idéologique international et le besoin de main-d'œuvre pointé par le Conseil économique du Canada en 1964, ont forcé le gouvernement à lever ses restrictions raciales. Dès lors, le flux migratoire change totalement de composition et vient désormais d'Asie, des Caraïbes, d'Afrique et d'Amérique latine. En outre, en 1968, une loi sur la Commission d'appel de l'immigration est votée, qui étend les possibilités d'appel des décisions concernant le droit d'immigrer et instaure un contrôle parlementaire à travers la création d'un Comité du Travail, de la Main-d'œuvre et de l'Immigration, chargé de l'examen annuel des niveaux proposés et de la politique en vigueur. De plus, comme le permet la Constitution, une province, le Québec, se dote d'un ministère de l'Immigration en 1968.

Le nouveau mode de sélection est formalisé lors du vote, en 1976, d'une loi d'immigration qui entre en vigueur en avril 1978 et le demeure à l'heure actuelle. Cette loi vise à augmenter la population canadienne, à assurer la réunification des familles d'immigrés, à enrichir socialement et culturellement la société canadienne, à interdire toute discrimination raciale, ethnique, nationale, religieuse ou sexuelle des immigrants, à respecter les engagements internationaux du Canada en matière d'accueil de réfugiés et de personnes déplacées, à maintenir l'ordre et la sécurité au sein de la société canadienne et, enfin, à encourager la justice au niveau de l'ordre international en refusant tout immigrant s'étant adonné à des activités criminelles [6]. Cette politique doit être appliquée après consultation obligatoire des provinces, des syndicats, des experts et du patronat. En fait, une seule province exerce réellement ses prérogatives, le Québec, qui participe à la sélection des immigrants depuis 1978.

Les migrants émargent moins que les natifs à l'assistance sociale, payent plus d'impôts qu'ils ne consomment de services publics



L'adoption d'une politique d'asile

Enfin, fait majeur, le Canada, selon le Livre blanc sur l'immigration, admet sa responsabilité envers les réfugiés et adhère à la convention de Genève en 1969. Bien qu'il maintienne une position de faible ouverture aux réfugiés jusqu'en 1979 [7], ces faits permettent l'entrée de 7 000 réfugiés asiatiques d'Ouganda en 1972. Entre 1973 et 1975, une position aussi favorable n'est pas adoptée à l'égard des réfugiés d'un régime de droite, celui du Chili : seulement 188 réfugiés chiliens sont admis au Canada durant ces deux ans avant que le gouvernement canadien ne change sa position, permettant l'entrée de près de 7 000 de ces réfugiés. Sa position est plus ouverte dans le cas de réfugiés du Liban dont 11 000 sont admis entre 1976 et 1979.

Mais en 1976, fait nouveau, une réelle politique à l'égard des réfugiés est adoptée ; ceux-ci ne sont plus considérés au cas par cas. Selon une définition plus large que celle de la convention de Genève, la loi de 1976 crée une catégorie distincte d'immigrants, celle des réfugiés et des personnes désignées, c'est-à-dire provenant de pays considérés comme régions de réfugiés. De plus, des particuliers, s'ils forment un groupe d'au moins cinq individus, et des associations ou corporations peuvent parrainer des réfugiés dont ils s'engagent à assurer l'établissement durant un an. La catégorie des réfugiés comprend quatre classes :

  • les réfugiés selon la définition de la convention de Genève, soit des individus craignant avec raison d'être persécutés en raison de leur appartenance à certains groupes sociaux, de leurs opinions politiques, de leur nationalité, de leur race, ou de leur religion, qui se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité et ne peuvent pas y retourner ;

  • les personnes désignées, c'est-à-dire se trouvant dans une situation analogue à celle des réfugiés mais ne satisfaisant pas à la définition de la convention, [12] telles que les prisonniers politiques et les personnes opprimées (Chili, Salvador, Guatemala, Pologne), ainsi que les personnes pour lesquelles on veut éviter une appréciation individuelle du statut de réfugié, comme les Indochinois, les exilés volontaires (Urss, Europe de l'Est sauf Yougoslavie) ;

  • les réfugiés demandant au Canada le statut de réfugié et pour lesquels un processus juridique d'octroi de ce statut, incluant appel, est mis sur pied ;

  • les personnes ayant des parents au Canada et acceptées pour des raisons humanitaires, c'est-à-dire dont le pays est en proie à des troubles politiques ou à des catastrophes naturelles.

En 1978, est aussi mis en place le programme des immigrants d'affaires comprenant les travailleurs autonomes devant créer leur propre emploi et les entrepreneurs devant créer au moins un emploi pour un Canadien (voir François Crépeau, p. 16).

1979-1989,
les nouveaux contrôles et les demandeurs d'asile


Entre 1981 et 1984, en raison de la récession, le gouvernement diminue les niveaux d'immigration, de 129 000 en 1981 à 84 000 en 1985, notamment des deux catégories d'immigrants dont il peut contrôler l'entrée, les immigrants dits indépendants, c'est-à-dire soumis à une sélection selon la compétence professionnelle, et les réfugiés des quatre classes. L'immigration par réunification familiale n'offre en effet guère de marge de manœuvre. En 1984, seulement 7 000 travailleurs sélectionnés sont admis sur un total de 90 000 immigrants. Cependant, la récession ayant pris fin en 1986, les niveaux d'immigration sont progressivement relevés les années suivantes de manière significative : 99 000 en 1986, 160 000 en 1988, 192 000 en 1989.

Par ailleurs, des réseaux d'immigration clandestine sont mis à jour, à Toronto notamment. En 1982, l'estimation du nombre d'immigrants illégaux oscille entre 50 000 et 200 000 [8]. Une commission est formée en 1983 en vue d'examiner les cas d'individus demeurant illégalement dans le pays depuis au moins cinq ans selon divers critères : raison d'entrée, capacité d'intégration au Canada et présence d'enfants. Seulement 4 500 personnes se présentent pour cet examen et la majorité d'entre elles est acceptée ; 50 % sont des femmes, pour les trois quarts employées comme domestiques, souvent à Toronto [9].

Dans le cas des réfugiés, le contrôle n'est pas aisé. En 1979, à la suite d'une conférence de l'Onu sur les réfugiés à Genève, le Canada avait accepté de recevoir 50 000 réfugiés de l'ex-Indochine et prévu l'accueil de 10 000 autres. Il admet effectivement 60 000 réfugiés indochinois entre 1979 et 1980 mais les plans annuels suivants sont réduits. Ils visent l'accueil de 21 000 réfugiés en 1981, 14 000 en 1982 et 12 000 en 1984. Néanmoins, ces prévisions sont dépassées, bien que l'opinion publique s'oppose en majorité à l'acceptation d'un fort nombre de réfugiés indochinois [10]. Sur le million de réfugiés de l'Asie du Sud-Est, quelque 100 000 personnes entrent au Canada de 1979 à 1985, dont la majorité parrainée par des particuliers.

Mais le flux croissant des demandeurs d'asile est un dossier qui préoccupe dès 1986 les responsables de l'immigration ; d'une centaine en 1979, leur nombre est passé à 18 300 en 1986 et 20 185 en 1989 [11]. En 1987, le nombre d'arriérés de demandes atteint le chiffre de 80 000 et le délai de leur traitement s'allonge, exigeant de trois à cinq ans.

Mettant à profit la position très négative de l'opinion publique face à l'afflux de demandeurs d'asile, le gouvernement restreint les conditions d'obtention de ce statut par une loi entrée en vigueur le 1er janvier 1989. Les agents d'immigration aux points d'entrée décident désormais de l'éligibilité au statut de réfugié ; les délais d'audience des demandes sont écourtés et les démarches réduites ; les dossiers en attente doivent être examinés en moins d'un an ; les demandeurs ayant obtenu le statut de réfugié dans un autre pays sont passibles d'expulsion ; les considérations humanitaires sont éliminées lors de l'examen des demandes, des amendes sont imposées aux compagnies maritimes et d'aviation transportant des immigrants illégaux ou ne contrôlant pas les documents d'identité et de voyage des passagers se rendant au Canada ; le droit d'appel à la Cour fédérale n'est plus automatiquement permis et les groupes bénévoles (ONG, églises) ne disposent plus du droit d'aider des individus à formuler des demandes d'asile politique. Conséquemment, le nombre d'acceptations de ces demandes diminue les années suivantes : 80% en 1983, 75,7% en 1989, 70,4% en 1990, 65% en 1991 et 60% en 1992.

1990-1995, la situation actuelle

En 1990, une nouvelle hausse des niveaux d'immigration est décidée et un plan prévoit l'entrée de 250 000 immigrants par an de 1991 à 1996. Un objectif démographique justifie cette décision : le taux de fécondité est de 1,7% et ne suffit pas au remplacement de la population (29 millions en 1991) ; seule l'immigration permet de maintenir le taux de croissance démographique le plus élevé du monde occidental, soit 1,5%. En effet, si l'immigration cessait, la population canadienne plafonnerait durant les années 2010, puis déclinerait.

[13]

L'impact d'une telle hausse des niveaux d'immigration décidée par un gouvernement conservateur est néanmoins amplement questionné, vu les nouvelles conditions de la productivité de l'économie canadienne qui ne repose plus sur l'exploitation de ressources naturelles, le taux de chômage et la concentration géographique des immigrants qui veut que depuis l'après-guerre, ceux-ci s'établissent dans les régions les plus peuplées. De 1990 à 1992, 50% environ des immigrants s'installent en Ontario (autour de 120 000 par an), 20% au Québec (entre 40 000 et 50 000 par an), moins de 10% en Colombie-Britannique (en moyenne 18 000 par an), comparativement à moins de 10 000 ou à quelques centaines dans les autres provinces.

De manière générale, les immigrants arrivant de l'Asie et des États-Unis s'installent en plus grande proportion en Colombie-Britannique, ceux provenant d'Europe en Ontario, et ceux nés dans les Antilles et en Amérique centrale ou du Sud en Ontario et au Québec. Cette dernière province reçoit aussi la majorité des immigrants venus du Maghreb. Par ailleurs, 60% des nouveaux immigrants s'installent dans les métropoles de Toronto, Montréal et Vancouver. En 1991, les immigrants composent 38% de la population de Toronto, 30% de celle de Vancouver, environ 20% d'autres villes importantes de l'Ontario (Kitchener, London, Hamilton) et de la Colombie-Britannique (Victoria), et 17% de celle de Montréal. Dans le cas du Québec, ils résident essentiellement dans la métropole montréalaise (88%).

Famille russe sur le pont d'un bateau, entre 1890 et 1914

Quant à leur coût économique, selon les données du recensement de 1991 et une enquête sur la consommation des ménages en 1988 [12], les immigrants sont moins susceptibles que les natifs d'émarger au programme d'assistance sociale et pas plus exposés au chômage que les natifs. De 1971 à 1986, ils ont payé plus d'impôts qu'ils n'ont consommé de services publics, et, en 1991, selon le Conseil économique du Canada [13], leur contribution économique par an s'élevait en moyenne à 2 000 $ par individu et pour tout emploi existant qu'ils occupaient, ils en avaient créé un nouveau.

Le gouvernement libéral élu en 1993 a adopté des positions plus restrictives. Les niveaux d'immigration annuels seront abaissés de 1995 à 2000, passant à 215 000 ou moins et inclueraient de 24 000 à 32 000 réfugiés par an, ainsi qu'une proportion plus élevée d'immigrants indépendants et un pourcentage moins élevé d'immigrants familiaux. Le gouvernement vise un rééquilibrage des admissions de ces deux catégories d'immigrants et veut renverser la tendance actuelle pour voir passer d'ici à l'an 2000 [14] la proportion d'immigrants indépendants de 43% à 53% et celle des immigrants parrainés de 51% à 44%. Pour ce faire, entre autres mesures, la connaissance de l'anglais ou du français deviendrait un critère de sélection incontournable, les compétences professionnelles seraient examinées en fonction de l'évolution des besoins en main-d'œuvre très spécialisée, les normes du programme de réunification des familles resserrées, donnant priorité à l'admission des conjoints et enfants à charge et le respect par les immigrants d'affaires de leurs obligations en matière d'investissement contrôlé plus sévèrement. D'autres mesures viseraient à induire les immigrants à s'établir en dehors des grands centres urbains.

Les arguments invoqués pour justifier ces changements sont la réduction des demandes d'immigration au Canada et le coût pour l'État de la formation linguistique des immigrants et de l'assistance aux immigrants parrainés démunis. Quelque 14% des parrains ne respectent pas leur engagement de subvenir aux besoins des parents dont ils demandent l'admission au Canada, et cette situation oblige le gouvernement à assumer des coûts d'hébergement, d'assurance sociale, de maladie et d'assistance sociale pour un montant annuel de 750 millions de dollars.

Émigrante écossaise et ses enfants, à l'arrivée à Québec vers 1911


Par ailleurs, durant les années 1990, le Canada s'aligne sur la position de nombre de pays européens en matière de contrôle des demandes d'asile politique, comme le montre sa demande de durcissement des clauses de la convention de Genève lors de la réunion des pays occidentaux au HCR à Genève, à l'automne 1991. De plus, par une loi entrée en vigueur le 1er février 1993, il vise à diminuer de 40 % le nombre de demandes d'asile politique [14].

Les trois modes d'entrée au Canada

La politique d'immigration canadienne repose donc actuellement sur trois principes : la réunification familiale, la protection des réfugiés et la sélection d'immigrants en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1988, 43% des immigrants sont entrés au titre d'indépendant, 39% dans le cadre du regroupement familial et 18% comme réfugiés. En dépit de la hausse du pourcentage des immigrants indépendants, le regroupement familial direct compose toujours un mode important d'entrée au Canada, sauf pour les Polonais ou les Vietnamiens, admis surtout comme réfugiés [15]. Toutefois, comme les personnes à charge des immigrants indépendants sont classées, lors de la sélection, comme leurs répondants, les immigrants entrés réellement au titre d'un lien de parenté composèrent 60% du flux durant les années 1980.

Ainsi, plus des deux tiers des immigrants sont admis sans sélection, pour des raisons dites humanitaires. La politique en vigueur ne permet qu'un contrôle restreint des catégories dites humanitaire et familiale et les changements proposés par le gouvernement libéral ne modifieront guère la situation : le Canada continuera, selon le nouveau plan de 1995-2005, à sélectionner réellement de 17% à 20% des immigrants uniquement.



[1] La Reconstruction de l'Union, qui, aux États-Unis, a suivi la guerre de Sécession (NDLR).

[2] Reg Whitaker, La Politique canadienne d'immigration depuis la Confédération, Saint John, Keystone Printing Ltd, 1991, p. 13.

[3] Ibid., p. 12.

[4] Irving Abella et Harold Troper, None is Too Many : Canada and the Jews of Europe, 1933-1948. Toronto, Lester and Orpen Dennys. 1982.

[5] Reg Whitaker, op. cit., p. 18 ; D. Corbett, Canada's Immigration Policy. A Critique, Toronto : University of Toronto Press, 1957. p. 46.

[6] Whitaker, op. cit., p. 20.

[7] François Crépeau, La Condition du demandeur d'asile en droit comparé. Droit international, droit français, droits canadien et québécois, Thèse de doctorat, La Sorbonne-Université de Paris I, 1990, p. 70.

[8] Freda Hawkins, Critical Years in Immigration : Canada and Australia Compared. Montréal. McGill-Queens University Press, 1989, pp. 206-208.

[9] Monica Boyd, Les Immigrantes au Canada. Profils et politiques, Ottawa, Emploi et Immigration Canada, 1987.

[10] Howard Adelman, Canada and the lndochinese Refugees, Regina, Weigl Educational Associates, 1982, p. 2.

[11] F. Crépeau, op. cit.. p. 78.

[12] Ather Hussain Akbari, « The benefits of immigrants to Canada : evidence on taxes and public services », Canadien Public Policy, 15 (4), 1989, pp. 424-435.

[13] Conseil économique du Canada, New faces in the Crowd : Economic and Social Impacts of Immigration, Approvisionnements et Services, Ottawa, 1991.

[14] Voir aussi, dans ce même numéro, l'article de François Créneau, pp. 17-18.

[15] Sopemi (Système d'observation permanente des migrations), Tendances des migrations internationales, rapport annuel, OCDE, Paris, 1993, p. 23.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 21 novembre 2019 19:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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