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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly et Jocelyne Cesari, “Ostracisme, tolérance ou reconnaissance : les musulmans en Europe.” Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Altay Manço et Spyros Amoranitis, Reconnaissance de l’islam dans les communes d'Europe. Actions contre les discriminations religieuses, pp. 163-182. Paris : L’Harmattan, 2005, 200 pp. Collection compétences interculturelles. [Autorisation accordée par l'auteur le 13 mars 2013 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Denise Helly et Jocelyne Cesari

Ostracisme, tolérance
ou reconnaissance :
les musulmans en Europe
.”

Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction de Altay Manço et Spyros Amoranitis, Reconnaissance de l’islam dans les communes d'Europe. Actions contre les discriminations religieuses, pp. 163-182. Paris : L’Harmattan, 2005, 200 pp. Collection compétences intercuturelles.

1. La normativité religieuse dans les sociétés modernes
2. La liberté religieuse : droit négatif ou positif ?
3. De l'islam de l'Orient au musulman de l'Europe
4. Formes et sources de la discrimination
5. La discrimination envers les musulmans

5.1. Les crimes haineux5.2. Refus de mosquées
5.3. Non-respect par l'État d'accords et de lois sur le statut de l'islam
5.4. Discrimination indirecte, conflits de normes et obligation d'accommodement raisonnable
5.5. Discrimination indirecte et lutte contre le terrorisme

6. Reconnaissance symbolique et changement culturel
7. Réduction des inégalités socio-économiques
8. Conclusion

Références bibliographiques


1. La normativité religieuse
dans les sociétés modernes


Selon les thèses de la modernisation et du néo-libéralisme politique les individus sont portés à suivre une rationalité instrumentale, et un trait de l'histoire occidentale, le rôle important de la religion dans la vie sociale et publique, est passé sous silence. Pourtant, le statut accordé à la normativité religieuse constitue avec les idéaux de la citoyenneté, de l'égalitarisme et de la solidarité sociale, un des axes définissant chaque État moderne. Historiquement, les débats et affrontements autour de la liberté religieuse et de la séparation de l'Église et de l'État font partie intégrante de l'héritage politique européen et colorent le présent.

La liberté religieuse est la première liberté fondamentale inventée et ce avant l'instauration des régimes démocratiques. Au 16e siècle, la Réforme protestante mit en cause la suprématie de la religion catholique sur les États européens [1], des régimes monarchiques de droit divin, et les conflits soulevés par cette contestation furent si aigus qu'ils obligèrent à un compromis : l'octroi des libertés de conscience et de culte aux divers courants protestants. Au fil des siècles suivants, ce compromis fut entériné par tous les États européens et nord-américains et la liberté religieuse étendue à d'autres minorités, dont, au premier rang, la minorité judaïque (israélite) qui par son absence de hiérarchie centralisée, comme de liens à un État, contestait l'archétype catholique.

L'invention des libertés de conscience et de culte, fondatrice de la notion de liberté fondamentale, avait deux visées : protéger l'État et les institutions publiques de l'emprise d'une ou plusieurs religions, protéger les croyances et institutions religieuses d'une ingérence négative de l'État. Mais, si elle prescrivait une règle formelle inaliénable, la séparation de l'État et de l'Église, elle ne prescrivait pas de modalité précise de cette séparation. Selon la spécificité religieuse et historique de chaque pays, les relations entre État et religion furent codifiées au fil du temps pour donner lieu à quatre principaux régimes de relations entre État et religion :

1. Régime d'église nationale ou de religion d'État (Angleterre, Ecosse, Grèce, pays Scandinaves) ;

2. Régime de privilèges accordés par des ententes ou concordats à un ou plusieurs courants chrétiens, soit des droits particuliers majeurs comme le droit de prélever un impôt d'église, des avantages fiscaux ou l'enseignement religieux dans les écoles publiques (Allemagne, Autriche, Espagne [2], Italie, Luxembourg) ou des droits particuliers mineurs (Canada) [3] ;

3. Régime d'égalité des cultes (Pays-Bas, Belgique) ;

4. Régime laïc rejetant la normativité religieuse et le pluralisme juridique (France) ou au contraire reconnaissant la première et protégeant le second (États-Unis).

5. Cette diversité de régimes ne doit pas oblitérer une différence fondamentale des rapports entre État et religion : la liberté religieuse peut être définie comme droit négatif ou droit positif.


2. La liberté religieuse :
droit négatif ou positif ?


Envisagée comme un droit négatif (Berlin, 1959) - c'est-à-dire donnant la possibilité d'agir sans que quiconque n'ait le droit d'interférer - la liberté religieuse renvoie à deux prérogatives individuelles limitées uniquement par les droits d'autrui, l'intérêt général ou l'ordre public. La liberté de conscience permet de manifester publiquement une foi et ses préceptes, de les propager et de les enseigner sans entraves ou dommages. La liberté de culte permet de suivre les rites de son culte de manière privée et publique : se réunir pour pratiquer les rites de sa foi et détenir des lieux de culte. Cette conception signifie l'interdiction de toute immixtion d'individus ou de groupes dans l'expression d'une croyance religieuse, ainsi que de l'immixtion de l'État sauf, donc, pour des raisons de sécurité ou d'ordre public.

Peu nombreux sont les États occidentaux laïcs, c'est-à-dire qui appliquent une conception négative de la liberté religieuse : les États-Unis, la France et le Mexique. De plus, la laïcité française et la laïcité américaine développent une conception opposée du pluralisme normatif. L'État français a souvent dérogé au principe laïc pour asseoir son contrôle de la société civile (financement du secteur confessionnel) ou ses intérêts internationaux (respect du code personnel des pays des immigrés), alors que jusqu'à l'heure la Cour suprême américaine a veillé à un respect strict de la non-intervention de l'État en faveur de courants religieux. En outre, différence primordiale, si l'État français et l'État américain ne peuvent soutenir, établir, une religion, l'État américain a l'obligation de protéger l'autonomie des corps intermédiaires, communautés, associations, églises, créant leur normativité propre et réduisant son hégémonie culturelle. Subséquemment, il est le garant du droit de toute communauté de croyance d'exister et de se reproduire. Ainsi s'explique la reconnaissance à la communauté amish de droits particuliers, dont le contrôle d'un secteur scolaire séparé et l'exemption de service miliaire.

Envisagée comme un droit positif, la liberté religieuse n'est pas la simple capacité de manifester et pratiquer une foi en privé ou en public ; elle est le droit d'agir en toutes sphères selon les valeurs de cette foi et d'exiger une action positive d'autrui ou de l'État pour ce faire. Elle signifie que le croyant détient le droit de respecter ses valeurs dans les domaines de la vie sociale et que l'État doit, selon des modalités pouvant être diverses, contribuer au maintien de ces institutions (lieux de culte, réseau d'enseignement, associations caritatives, médias, etc.).

Deux arguments sont invoqués pour légitimer ce statut de la normativité religieuse, l'un social, l'autre politique. Selon le premier, la croyance et la pratique religieuse sont des faits communautaires, non simplement individuels, et ils forment un système de pensée et un mode de vie légitimes et utiles socialement. Quant à l'argument politique, démocratique, le Ministre des cultes du Luxembourg l'a résumé en ces termes récemment :

« Il y a des États comme le nôtre qui ont une neutralité bienveillante à l'égard des communautés religieuses parce qu'ils sont d'avis que les religions jouent un rôle public alors que d'autres en font une affaire privée [...] S'il existe des courants forts d'opinion, ils doivent s'exprimer et je trouve normal que les communautés religieuses puissent jouer un rôle d'opinion comme les autres » (entrevue, 30 janvier 2003).

Cette divergence de conception de la liberté religieuse a son importance pour l'acceptation et l'accommodement de religions minoritaires. Vu l'importance de la transmission pour la reproduction d'un univers culturel, deux sujets sont toujours sources de conflits entre les partisans des deux versions de la liberté religieuse : l'enseignement religieux à l'école publique et le statut du secteur scolaire privé confessionnel. Si l'on développe une conception positive de la liberté religieuse, on admet que chaque confession majoritaire ou minoritaire a le droit de voir sa doctrine enseignée à l'école publique, une demande inadmissible en régime laïc où seul l'enseignement de l'histoire ou de la culture des religions est possible. On admet encore qu'une minorité religieuse peut s'objecter à un traitement inégalitaire de son culte et à un ostracisme social et culturel qu'elle subirait au nom de sa foi, et, éventuellement, porter sa cause devant les tribunaux pour discrimination.

Si l'on développe une conception négative, laïque, de la liberté religieuse et si on ignore de surcroît le pluralisme culturel et juridique, ces possibilités sont hors d'atteinte et les débats sur la religion aisément politisés. L'illustre le cas français développé dans ce volume où un questionnement des modes d'aide à la construction de lieux de prières décents vu le faible capital financier des musulmans, porte à un affrontement sur les assises séculaires du régime républicain.

De fait, il ressort de l'observation qu'une conception positive de la liberté religieuse a ouvert le chemin à une insertion des minorités musulmanes plus favorable. Durant les années 1980-90, les musulmans belges, danois [4], néerlandais et britanniques ont pu manifester publiquement et pratiquer leur religion plus aisément que dans d'autres pays, ce grâce à l'ouverture de nombre de lieux de culte, parfois avec la contribution de fonds publics ou d'églises nationales (Pays-Bas), grâce à la facilitation de la venue d'imams de pays étrangers, à la fondation d'écoles islamiques et à l'introduction de cours de religion islamique dans les écoles publiques.

3. De l'islam de l'Orient
au musulman de l'Europe


Cependant, le régime des relations entre État et religion n'est pas le seul facteur d'une possible relégation sociale et symbolique d'une religion. Dans le cas actuel de la religion musulmane, dans la région du monde occidental où les musulmans constituent la population d'origine immigrée la plus nombreuse, l'Europe, plusieurs processus permettent de comprendre la remontée, dès les années 80, de courants nativistes prenant les immigrés et l'islam, en particulier, pour cibles. Lors de ces processus, les représentations populaires et majoritaires de l'islam ont été transformées. Sur l'image colorée de l'islam de l'Orient et sur l'image condescendante de ses fidèles, des immigrés pauvres, s'est imprimée l'image d'une religion et d'une culture musulmanes archaïques, engluées dans des traditions d'un autre temps et inaptes à penser l'individu, la modernité et la démocratie. Cette stigmatisation morale et politique est devenue la toile de fond expliquant et légitimant le traitement discriminatoire de l'islam. La circularité de tout discours essentialiste, réactionnaire, est ainsi accomplie.

Les processus en cause sont essentiellement au nombre de quatre : la transformation de la production et des marchés du travail sous l'impact de la mondialisation des échanges financiers et économiques, le chômage et la descension sociale des classes moyennes participent ainsi de la montée des mouvements ethnonationalistes. Cette précarisation économique, politique et symbolique des catégories sociales qui constituaient depuis l'après-guerre l'épine dorsale des États providence, est survenue alors même qu'accédaient à la scène publique de nouvelles générations musulmanes, nées et socialisées sur le sol européen : cette trame macrosociologique n'est pas étrangère à la montée de l'animosité populiste envers l'islam depuis vingt ans.

La visibilité dont il est question ne relève pas seulement de la simple présence multipliée d'Européens musulmans, mais surtout du contexte de leur apparition sur la scène publique. L'irruption des minorités dans des univers idéologiques définis par un réfèrent national, la légitimation de leurs demandes et leur constitution en nouvelles clientèles et objets d'intervention de l'État sont des faits politiques des années 1970-80 en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, mais elles n'ont gagné les cercles politiques et les opinions publiques du continent européen que durant les années 1980-90, alors même qu'une population de descendants d'immigrés socialisés en Occident savait user du précepte de l'égalité. De surcroît, cette nouvelle dynamique survenait dans un contexte de croissance de l'immigration, humanitaire, obligée, ou non-contrôlable, illégale. La concommitance de ces trois faits en période de restructuration économique n'a guère favorisé ladite gestion publique du pluralisme culturel, ni l'acceptation de la diversité culturelle et religieuse par les catégories sociales perdantes de la mondialisation et les idéologues de la nation.

Par ailleurs, l'échec de la démocratisation sociale et politique des pays musulmans, ainsi que la situation palestinienne, s'est traduite à partir des années 1970 par une réislamisation croissante des sociétés civiles, une multiplication de courants islamistes prônant la violence politique et le contrôle de l'État et une émigration des éléments les plus scolarisés et occidentalisés, vers l'Amérique du Nord et non l'Europe.

En sus, en vertu à la fois de la règle de la concurrence, de référents ethnonationalistes et d'incompétences, les médias de masse et d'autres ont largement contribué à alimenter l'animosité des opinions publiques à l'égard du flux d'immigrants illégaux, des minorités, des « musulmans » et à obscurcir la compréhension de la dérive politique des pays musulmans. Cette contre-information a apporté sa pierre à la construction d'une image négative de l'islam. Enfin, les attentats d'islamistes terroristes sur le sol américain en 2001 ont clôturé l'image de l'islam comme dossier problématique en Europe et rendu visible son existence en Amérique du Nord et en Australie où il est peu implanté. L'islam devint « le » dossier civilisationnel et sécuritaire en Occident et une image présente et populaire du troisième monothéisme lui dessine sans contextualisation sociologique et historique trois faces emblématiques d'incompatibilité avec la modernité : confusion entre pouvoirs politique et religieux, déni des droits individuels dont au premier rang ceux des femmes, religiosité intolérante et violente.

Aussi face aux amalgames, stéréotypes, omissions, faut-il rappeler les formes et bases de toute discrimination pour définir les modes de lutte contre celle-ci et faut-il aussi rappeler que si la tolérance religieuse est une valeur occidentale séculaire, la reconnaissance de tout résident comme membre à part entière de la société où il vit, est une valeur supérieure et plus efficace socialement et politiquement. L'illustre le cas canadien : ce pays n'est en rien « le » modèle occidental de l'insertion d'immigrés, mais depuis l'après-guerre, bien qu'issu d'une des cultures les plus racistes d'Occident, celle de l'Empire britannique, bien que recevant annuellement de hauts quotas de nouveaux venus [5], dont des musulmans depuis quinze ans, et bien que comportant un fort taux d'immigrés dans sa population (19% en 2001), il n'a jamais connu de violence liée à l'immigration, ni d'extrême droite xénophobe ayant droit de cité.

4. Formes et sources
de la discrimination


La discrimination est une distinction, intentionnelle ou non, fondée sur des critères illicites selon la loi, soit à l'heure actuelle les caractéristiques suivantes qui constituent des traits personnels d'un individu ou groupe d'individus : phénotype, origine nationale ou ethnique, religion, langue, âge, sexe, handicap physique ou mental, orientation sexuelle. Elle impose à cet individu ou à ce groupe des obligations ou désavantages non imposés à d'autres ou qui empêchent ou restreignent leur accès aux possibilités, bénéfices et avantages offerts à d'autres membres de la société, Elle est un déni d'égalité et met en cause le droit à l'égalité.

La discrimination peut prendre trois formes, directe, indirecte ou voilée, et avoir deux sources, une personne ou une institution, privée, publique ou étatique. Ces formes et sources peuvent se croiser mais selon le critère fondant la discrimination et l'enjeu du traitement discriminatoire (emploi, liberté de culte, acceptation symbolique, etc.), l'une ou l'autre forme et source sont plus présentes.

La discrimination est directe lorsqu'un ou plusieurs critères illicites selon la loi sont explicitement invoqués pour dénier un droit ou une liberté. Cette forme est la plus aisée à repérer et à sanctionner et de ce fait la moins répandue sauf en période de montée d'animosité contre des groupes culturels, religieux ou racialisés. Les dénis d'emploi ou les agressions corporelles ou sur des biens au nom explicitement d'un critère illicite sont des exemples de discrimination directe. Toute discrimination directe, quel que soit le critère fondant la discrimination, devrait donner lieu à une législation l'interdisant et la sanctionnant, à des campagnes périodiques et ciblées d'information publique sur les droits de tout un chacun face aux diverses formes d'ostracisme et à un soutien par les autorités publiques aux ONG aidant les victimes.

La discrimination est indirecte lorsqu'une mesure produit un effet inégalitaire pour un groupe de personnes identifiables selon un critère illicite sans que l'auteur de la mesure ait explicitement visé cet effet (Helly, 2004a). C'est une discrimination par effet préjudiciable. L'exemple illustratif est l'exigence d'un poids ou d'une taille pour l'obtention d'un poste de policier ou de pompier : exigence qui exclut nombre d'immigrés de l'Asie de l'Est.

Enfin, la discrimination est voilée, diffuse, quand des pratiques fréquentes et récurrentes au sein de la société civile assignent un statut inférieur ou un espace social clos à des groupes d'individus, par exemple une surreprésentation dans des zones d'habitat, dans des réseaux scolaires, des associations, des clubs et réseaux sociaux (de travail, de voisinage, d'amis, d'intermariages). Ces pratiques sont difficiles à prouver et à chiffrer et relèvent de plus du droit de choisir son mode de vie et ses relations sociales.

On distingue encore la discrimination selon sa source, une personne, un groupe de personnes ou une institution, soit une entreprise, une agence publique et l'État.

La discrimination institutionnelle est directe quand des lois, mesures publiques, réglementations d'entreprises, d'organisations, de corps constitués excluent intentionnellement des personnes de la jouissance d'un droit que les autres se voient reconnaître. Cette forme de discrimination par l'État semblerait inexistante en démocratie, elle est en fait fort présente. Des lois adoptées depuis 2001 en vertu de la sécurité publique et de la lutte contre le terrorisme en constituent souvent une preuve et les multiples litiges juridiques à leur propos en Amérique du Nord attestent de leur atteinte aux libertés fondamentales de membres de certains groupes. D'autres formes directes de discrimination par l'État existent comme la restriction d'accès des étrangers à certaines professions en France et dans le champ de la discrimination religieuse, nous en verrons ci-après quelques exemples par des États européens.

La discrimination systémique est, quant à elle, un exemple particulier de discrimination. Elle englobe toutes formes et sources de discrimination possibles et fait référence au cumul d'actes individuels ou collectifs, de mesures institutionnelles, passés et présents, qui seuls peuvent expliquer les statuts inférieurs de certaines catégories sociales, dont au premier rang, les minorités culturelles [6].

La discrimination systémique est déduite du contrôle des facteurs licites d'inégalité socio-économique, c'est-à-dire le capital humain : âge, scolarité, qualification professionnelle, expérience de travail et connaissance de la langue ou des langues officielles dans le cas d'immigrés. Quand ces traits de mérite personnel considérés comme des sources légitimes d'inégalité n'expliquent pas la distribution statistique des « places sociales », l'occupation, les secteurs d'activité, les lieux de résidence, l'inscription scolaire, telles que détenues par des catégories de personnes repérables selon un critère illicite de discrimination (genre, religion, ethnie, phénotype, ...), on parle de discrimination systémique.

Ainsi, la sous-représentation dans des occupations de femmes ou de personnes issues de minorités immigrées comparativement aux hommes ou personnes issues de groupes majoritaires est désignée de discrimination systémique quand les différences de mérite entre les individus n'expliquent pas cette distribution. Népotisme, pratiques d'évitement inter-groupes, modes sexistes, racistes, xénophobes de recrutement, d'évaluation, de gestion de la main d'œuvre, protectionnisme corporatiste, etc. semblent seuls pouvoir produire les différences de statut observées.

Les études sur la discrimination systémique n'ont aucune parenté avec la simple comparaison statistique de traits portés par des populations de différentes religions ou origines ethnoculturelles, tels qu'une concentration résidentielle, une ventilation au bas de l'échelle des revenus, une forte proportion de décrochage scolaire, une surreprésentation dans des occupations non qualifiées, un fort taux de chômage ou de morbidité. Ce type de comparaison ne permet pas d'affirmer que les déficits connus par des groupes sont l'effet de discriminations. Pour affirmer cela, le poids des facteurs de capital humain doit être contrôlé.

Au Canada, de pareilles études prenant en compte l'auto-identification ethnoculturelle des recensés ont montré que les minorités racialisées subissent un déficit de 8 à 10% de revenu, déficit entièrement attribué à la discrimination (Pendakur, 2000). Des études similaires de mobilité sociale intergénérationnelle et de ségrégation résidentielle pourraient illustrer les effets d'une discrimination systémique sur la base de la différence religieuse.

Des législations ou programmes étatiques visent à réduire les effets de la discrimination systémique. Les plus connues et efficaces sont les Affirmative Action Programs adoptés par l'administration de Lyndon Johnson durant les années 70 pour accroître la présence des minorités féminines et des minorités racialisées dans les collèges et universités et dans la fonction publique fédérale [7].

5. La discrimination
envers les musulmans


La discrimination religieuse est une atteinte à la liberté de conscience ou à la liberté de culte. Ces atteintes sont la plupart du temps non distinguables et peuvent prendre les trois formes et provenir des deux sources invoquées ci-dessus.

La discrimination religieuse directe envers les musulmans prend deux formes principales, que d'autres minorités religieuses, notamment israélite, ont subies fréquemment dans l'histoire occidentale. Ce sont les crimes haineux et le refus de lieu de culte. En Europe, elle prend aussi la forme de non-respect d'accords gouvernementaux ou de lois concernant le culte musulman, un fait montrant combien l'hostilité à l'égard des fidèles de l'islam pénètre les plus « hautes » sphères de sociétés européennes.

Quant au refus d'emploi, de promotion professionnelle, de logement, de service au guichet en vertu de l'appartenance religieuse qui sont des atteintes directes à la liberté de conscience, dans le cas des musulmans comme de tout groupe religieux, on n'en connaît nullement l'ampleur réelle quel que soit le pays, on n'en connaît que la présence, attestée par des témoignages et quelques plaintes aux tribunaux. Les sondages montrant un rejet des musulmans ne sont, quant à eux, ni des formes, ni des indicateurs fiables de discrimination directe. Ils concernent des attitudes et non des comportements et l'effet actuel de désirabilité ou de respectabilité sociale lors de réponses à des questions sur le racisme, la xénophobie ou l'intolérance fausse la teneur des réponses enregistrées.

5.1. Les crimes haineux

Les crimes haineux basés sur le rejet d'une religion sont le fait de personnes. Ils portent atteinte non seulement à la liberté de conscience et de culte, mais aussi aux droits à la dignité, la sécurité, l'intégrité et la jouissance paisible de biens. Quand dénoncés, ils sont aisément sanctionnables et de fait sanctionnés dans nombre de pays occidentaux. Ils consistent en des gestes hostiles à l'égard d'une personne ou d'un groupe, insultes publiques, incitation publique à la haine, attaques corporelles, autant de dénis directs de la liberté de conscience. Ils consistent encore en actes de vandalisme contre des mosquées et dans ce cas sont des atteintes à la liberté de culte.

Dans le cas des musulmans, les crimes haineux sont actuellement surtout des insultes verbales, des attaques contre des personnes dans la rue et des actes de vandalisme contre des mosquées. Toutefois, le rapport spécial des Nations Unies (Diène, 2003, 2 et 4) sur les formes d'hostilité à l'égard des personnes arabes et, en général, de confession musulmane, après septembre 2001, nota des récurrences dans certains pays : attaques de personnes en Grande-Bretagne et en Allemagne, là particulièrement contre des femmes portant le hidjab ; multiplication de conflits sur divers sujets entre les « musulmans » et le reste de la population au Danemark ; attaques de lieux de culte aux Pays-Bas (90 du 11 septembre au 2 octobre 2001, Association of Anti-discrimination Centers) ; attaques à la bombe de mosquées en Australie ; multiplication d'actes de malveillance contre des personnes, des tombes et des bâtiments en France (169 déclarés en 2002 dont un tiers dans le Nord et en Ile-de-France, Zappi, 2003) ; harcèlement verbal, attaques de personnes et graffiti hostiles sur les murs de mosquées aux États-Unis. Au Canada (Helly, 2004a) les crimes haineux prirent la forme principalement de menaces verbales dans la rue et d'attaques contre des lieux de culte.

En sus depuis 2001, les crimes haineux sous forme d'insultes de l'islam ne sont plus l'apanage des extrêmes droites. Aujourd'hui intellectuels, journalistes, hommes et femmes de culture expriment sans inhibition leur aversion pour l'islam (Geisser. 2003). Dans un entretien au magazine Lire en septembre 2001, l'écrivain Michel Houellebecq déclarait que « la religion la plus con, c'est quand même l'islam ». Le pamphlet d'Oriana Fallaci, La Rage et l'orgueil, vendu à plus d'un million d'exemplaires en Italie et en France, est une autre somme d'insultes contre la religion islamique et les musulmans, et il a valu à son auteur d'être poursuivie pour propos racistes en octobre 2003. Le 24 octobre de la même année, le fondateur du journal Le Point déclarait être « islamophobe » et associait l'islam à une « débilité d'archaïsmes divers » (Cesari, 2004, 100-113).

Le nombre de crimes haineux dénoncés est un indicateur utile de la discrimination à l'égard d'un groupe religieux, mais il est aléatoire. Les crimes haineux ne donnent que rarement lieu à des plaintes de leurs victimes et leurs témoins ne les rapportent pas. Selon une récente enquête en la matière, réalisée en 2002 en France, 48% des Français interrogés se dirent prêts à signaler un comportement raciste à la police [8]. De plus, la compilation des crimes haineux n'est pas obligatoire dans tous les pays et, quand elle l'est, elle est le plus souvent opérée selon des procédures inadéquates et dissemblables au sein même d'un pays.

Pour être fiable et servir d'indicateur qualitatif d'un climat de discrimination religieuse croissante, stable ou en régression, la compilation des crimes haineux exige deux conditions : l'une évidente mais non admise dans certains pays, le droit des services de police d'identifier les victimes selon le réfèrent religieux ; la seconde, l'imposition de modalités semblables d'enregistrement des plaintes année après année, de ville à ville dans un pays, voire de pays à pays, pour permettre des comparaisons (mention du motif invoqué pour la discrimination, forme de l'agression, etc.).

Pour être significative, la compilation des crimes haineux requiert encore une confiance des membres du groupe discriminé envers les services de police. Cette exigence implique des relations suivies entre ces services et le secteur communautaire et la sanction de tout mauvais traitement et profilage ethnoreligieux par les corps de police. L'exemple de la déficience du FBI en matière d'enregistrement de crimes haineux envers les musulmans montre combien des conditions sont nécessaires à la dénonciation d'actes de discrimination auprès d'organismes officiels. Depuis plusieurs années, des organisations musulmanes encouragent fortement les musulmans victimes de crimes haineux à en faire état aux services de police ou à des associations communautaires. Le résultat a été probant à la suite des attentats de septembre 2001. Alors que le FBI rapporta 481 crimes haineux en 2001, le Council on American Lslamic Relations (CAIR) en rapporta 1 700 de septembre 2001 à février 2002 (Abdelkarim, 2003).

Il découle de ces constats qu'une aide financière publique à la compilation des crimes haineux par les associations ethniques rattachées à un groupe religieux et défendant les droits individuels est une mesure utile tant que des balises méthodologiques de collecte des données sont imposées aux récipiendaires de fonds. Ces balises ne doivent pas faire oublier que toute hausse ou baisse de dépôts de plainte pour crime haineux n'est significative que si le poids d'éventuels facteurs exogènes est contrôlé, par exemple une campagne d'information contre la discrimination par des instances publiques, une cause célèbre arrivée à un terme positif, une mobilisation d'ONG, etc.

Tout État devrait disposer d'une législation définissant les crimes haineux et permettant de les combattre et de cibler la divulgation de la haine raciale et religieuse, notamment sur internet. Les crimes haineux constituent une des formes les plus violentes et traumatisantes de la discrimination. Faute de mesures législatives et administratives efficaces, l'impunité de leurs auteurs signe l'indifférence d'une société et de ses instances politiques à la victimisation de catégories de la population, en l'occurrence les musulmans et les judaïques, les principales victimes de crimes haineux à l'heure présente.

5.2. Refus de mosquées

Le refus de fondation de mosquées ou de leur rénovation, l'opposition à la création de carrés musulmans dans les cimetières, le déni d'octroi de salles de prières sur les lieux de travail, d'études, dans les services hospitaliers et pénitentiaires, par exemple, sont des atteintes directes à la liberté de culte ; elles sont perpétrées fréquemment par des institutions. Ce volume documente des cas de résistance illégitime plus ou moins forte à la construction de mosquées ou à leur réfection à Cheratte en Belgique (A. Manço et collaborateurs), à Schaerbeek en Belgique (U. Manço) et à Roubaix en France (Maronghi), et à l'octroi de carrés musulmans à Gand en Belgique (Zemni et Kanmaz) et à Grenade en Espagne (Raya Lozano).

La présence d'une mosquée, à la différence de salles de prières souvent invisibles ou anonymes, signe l'inscription d'une vie communautaire islamique dans l'espace urbain. La distinction entre les deux types de lieu de culte ne tient pas tant en effet à leur superficie qu'à cette mise en scène. Si les salles de prière ouvertes dans des arrière-boutiques ou des appartement peuvent être ignorées par les riverains non-musulmans et les autorités, la mosquée affiche une appartenance religieuse, est le lieu d'activités à la fois religieuses, éducatives, sociales et culturelles et une preuve vivante de la présence de l'islam dans un quartier, dans une ville. D'invisible, l'islam en devient souvent problématique et indésiré quand une demande de mosquée est formulée.

Tout projet de mosquée implique discussions et négociations avec différentes catégories d'acteurs non-musulmans et l'islamisation de l'espace urbain s'est très souvent heurtée et se heurte encore à une résistance de principe. Quelle que soit la revendication exprimée par des musulmans, la première étape d'un dossier de construction ou d'installation d'une mosquée a souvent été ou est encore un refus des interlocuteurs municipaux ou des riverains (associations de quartier). Cette résistance suit néanmoins un cycle lié au degré d'acceptation de l'islam dans le contexte national et local et ce cycle dépend de facteurs multiples qui ne permettent pas de généraliser.

Par exemple, dans des pays d'immigration ancienne comme la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas, la résistance à l'existence d'une mosquée s'est émoussée depuis les années 80. Mais si la situation semble stabilisée en France et en Grande-Bretagne, la récente montée d'hostilité populaire à l'égard des musulmans n'augure pas d'une même tendance en Belgique et aux Pays-Bas.

En France, des mosquées ont été construites (Lyon, Evry, Mantes-la-Jolie), d'autres sont en cours de construction et des négociations entamées entre la municipalité et les représentants du monde associatif. Les projets de mosquée à Marseille ou à Toulouse sont des exemples où la résistance du pouvoir local à l'édification d'une mosquée n'est plus à l'ordre du jour, les raisons actuelles du retard de construction relevant de la lutte d'influence entre associations musulmanes, lutte exacerbée par la politique de l'État français en matière d'islam.

En Grande-Bretagne, dans le cas de Bradford, Seán McLoughlin (2005) souligne cette dimension désormais non conflictuelle des constructions de mosquée et l'insertion de l'islam dans l'espace urbain. Selon lui, la concentration démographique de populations musulmanes dans Bradford est une des raisons de cet état de fait. Cependant, le caractère non conflictuel d'un projet de mosquée est toujours la conséquence d'une pratique de communication entre riverains, représentants des pouvoirs publics et responsables islamiques. À cet égard, l'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants associatifs éduqués, en particulier en France et en Belgique, se traduit par une compétence de négociation supérieure à celle de la première génération immigrée et explique la capacité à faire accepter la présence d'une mosquée. La paix sociale qui entoure les mosquées construites explique aussi la plus grande acceptation de nouveaux projets par les riverains et les pouvoirs publics, et les acteurs islamiques ne manquent de recourir à cet argument dans les discussions avec les autorités politiques.

En revanche, dans les pays d'immigration musulmane récente comme l'Espagne ou l'Italie, la résistance est encore et toujours forte. Par exemple, le projet de construction de mosquée à Lodi en 2001 a suscité une résistance de la population et des édiles locaux qui n'est qu'une illustration du refus de construction à l'échelle de l'Italie. Le délai de près de dix ans et les tergiversations des autorités espagnoles, andalouses et grenadines autour du tracé du carré musulman de l'Alhambra (Raya Lozano, dans ce volume ; Cesari, 2005, sous presse) sont une illustration pour leur part d'une animosité encore très forte envers les musulmans en Espagne.

L'Allemagne présente un autre cas de figure. L'immigration turque y est ancienne mais la reconnaissance du caractère définitif de son établissement récente. Les projets de mosquée continuent de rencontrer nombre d'obstacles. En atteste en 2001 le refus par la Municipalité de Berlin de l'érection de la mosquée « Mevlana » dans le quartier de Kreutzberg.

Le refus de la construction d'une mosquée était et demeure rarement formulé comme tel. Néanmoins les arguments avancés au niveau local pour justifier le refus de construction d'une mosquée s'avèrent partout identiques : nuisance en terme de bruit et de circulation, incompatibilité avec des projets d'aménagement urbains existants, non-conformité avec les normes de sécurité, etc. Un fait demeure significatif de la teneur des refus opposés. Par-delà les obstacles techniques, les refus sont partout liés à un méta-discours sur l'islam qui tend à associer systématiquement islam et menace de l'ordre domestique. Ce discours s'articule en Europe à une essentialisation de l'islam comme religion et civilisation qui a des effets directs sur les négociations entre pouvoirs publics et groupes musulmans dans l'espace urbain et cette essentialisation s'est renforcée après les événements du 11 septembre 2001. De menace nationale et problème international, l'islam est devenu menace internationale. Le refus par la Municipalité de Berlin de la construction de la mosquée Mevlana en 2001 est significatif de l'association entre islam, sécurité intérieure et problèmes internationaux qui fonde la résistance à la présence de cette religion dans le paysage urbain.

La résistance est aussi souvent justifiée par la condition socio-économique marginale des musulmans qui réduit leur capacité de lever des fonds pour l'édification de mosquées et les conduit souvent à rechercher des fonds à l'étranger. Cette contrainte est source supplémentaire de refus ou de méfiance des autorités publiques. La marginalité socio-économique des musulmans a une autre conséquence, la construction de mosquées en périphérie urbaine, sur des terrains moins onéreux et convoités, une contrainte considérée par les musulmans comme un signe supplémentaire de leur relégation.

Enfin, il convient de noter que la résistance à la construction d'une mosquée s'exprime quelle que soit la nature du projet enjeu. Tous les exemples (de ce livre, notamment) montrent que les acteurs islamiques ont été ou sont prêts à négocier des attributs architecturaux tels qu'un minaret ou un mode de fonctionnement (appel à la prière), et qu'aucun projet en cours n'ignore les contraintes liées à l'environnement urbain immédiat. Mais l'islamisation de l'espace urbain ne se limite pas à ces simples questions techniques. Une tendance actuelle - décelée dans les parties sur Rome, Grenade, Roubaix ou Cheratte - le montre. C'est, fait relativement inédit et souvent incompréhensible dans les espaces sociaux européens sécularisés, le déploiement d'activités sociales ou culturelles offertes à l'ensemble de la population du quartier est souvent intégré dans les projets de mosquée-association en cours de discussion actuellement (Cesari, 2005). A Berlin, par exemple, les promoteurs du projet de la mosquée Mevlana tentent d'obtenir des subventions publiques pour la mise en place de services sociaux et éducatifs offerts à tous les résidents du quartier.

5.3. Non-respect par l'État d'accords
et de lois sur le statut de l'islam


La discrimination institutionnelle directe envers l'islam par des instances gouvernementales est encore plus grave et incohérente quand il relève du non-respect de textes adoptés ou signés par l'État. Cette situation est souvent rencontrée en Europe. Elle devrait toujours donner lieu à un appel aux instances juridiques, car, en démocratie, les droits des minorités ne sont pas des gadgets électoraux mais des acquis incontournables. Il est inconcevable que des groupes minoritaires doivent se mobiliser et consacrer des ressources financières et humaines pour voir leur droit constitutionnel à l'égalité de traitement respecté par l'État. Cependant, en Europe, le rapport de forces entre minorités et majorités culturelles est si défavorable aux premières et l'esprit de défense des libertés fondamentales de tous encore si ténu que ces dénis de droit sont fréquents et fortement politisés. Dans les pays où la liberté religieuse est pourtant considérée comme un droit positif ou l'égalité de cultes affirmée, le déni d'égalité de l'islam avec les cultes majoritaires est fréquent : deux exemples actuels sont frappants.

L'immobilisme des pouvoirs belges en matière de soutien financier au culte musulman depuis 1974 est une atteinte grave à l'égalité des cultes. Il en est de même du non-respect, nullement justifié par de claires raisons de sécurité, des accords de 1998 établissant les règles de constitution de l'organe national représentatif des musulmans belges et l'ingérence depuis mai 2004 du gouvernement central dans l'élection de cette instance. L'un et l'autre contreviennent au principe de la liberté de culte et placent l'islam en situation d'inégalité par rapport aux autres religions organisées. Pareille ingérence dans la gestion des autres cultes reconnus en Belgique serait impensable, même si le début de l'année 2005 laisse entrevoir des changements lents et partiels, mais positifs dans le premier dossier signalé.

Le non-respect des clauses des accords gouvernementaux de 1992 reconnaissant l'islam en Espagne est un autre exemple de déni direct de droits par un État. La loi espagnole du 26 janvier 1992 a reconnu le culte musulman à travers la Commission Islamique d'Espagne (CIE) qui regroupe la Fédération espagnole des organisations religieuses islamiques (FEERI) créée en 1989 et l'Union de la communauté islamique espagnole (UCIE) fondée en 1990. Ces fédérations regroupaient les premières associations de convertis de Ceuta et Melilla et des personnes issues du Moyen-Orient, membres de professions libérales ou de corps diplomatiques.

La loi de 1992 confère des avantages fiscaux et juridiques aux lieux de culte musulmans et reconnaît leur caractère inviolable. Toutefois, elle n'est pas respectée par l'État espagnol, pas plus que par les administrations régionales et municipales ; certes les fortes dissensions entre convertis et immigrés musulmans ne favorisent pas son application (Cesari, 2004 ; Helly, sous presse).

5.4. Discrimination indirecte, conflits de normes
et obligation d'accommodement raisonnable


En termes de discrimination systémique, indicateur fiable du statut accordé à une catégorie sociale, on ne peut pas se prononcer dans le cas des musulmans, ni d'aucun autre groupe religieux. Les études statistiques du statut socio-occupationnel ou résidentiel selon le capital humain des individus et leur orientation religieuse sont absentes.

Par contre, une forme de discrimination indirecte peu reconnue en droit et très active dans le cas des minorités religieuses est visible, c'est la force des majorités culturelles. Lors de leur interaction sociale les individus ne cessent de mettre en acte des normes culturelles, morales, religieuses particulières et sur ces bases de créer des distinctions entre individus et groupes, des dissymétries, des hiérarchies entre individus productrices d'inégalités.

L'expression d'un choix culturel minoritaire est ainsi contrainte par les choix partagés par la majorité d'une population, d'un groupe, d'une institution. On parle à ce propos de majorités culturelles [9], de charter groups, de culture dominante pour désigner l'ensemble de ces interprétations rarement explicitées et prises pour acquises qui régissent les relations quotidiennes entre les personnes dans les principaux aspects de leur vie sociale.

Cette situation explique l'ignorance des préceptes des salariés issus de minorités religieuses au sein de la plupart des entreprises ; les dirigeants de celles-ci participent d'une culture majoritaire. Un autre exemple illustre les situations créées par cette « cécité culturelle » : il concerne les possibles interprétations du principe de la séparation de l'Église et de l'État par la Cour suprême américaine. Cette séparation peut simplement signifier l'interdiction pour l'État d'accorder des fonds à des institutions religieuses ou elle peut signifier une double interdiction, l'octroi de fonds à des institutions religieuses et l'interdiction dans tout établissement public de symbole ou pratique en appelant à une confession majoritaire et historique (croix, crèche, bible, etc.). Dans le premier cas, une règle générale, a-historique, abstraite, définit la portée de la loi ; dans le second, l'interprétation tient compte d'une réalité sociologique, la prégnance des traditions chrétiennes, et place minorités et majorités religieuses sur le même pied.

La question actuellement n'est plus en effet de simplement tolérer et protéger la manifestation d'une croyance religieuse et d'un culte mais de permettre l'expression sans préjudice social de croyances minoritaires, d'annuler les stigmates qui leur sont appliqués et de corriger toute discrimination indirecte créée par une norme chrétienne majoritaire. Elle est de reconnaître l'appartenance à part entière à la société des groupes religieux minoritaires et d'admettre leur droit d'être visibles sur la scène publique.

Dans le cas des fidèles musulmans, les différences de norme créant des situations de discrimination concernent des pratiques aisément gérables à travers l'adoption de mesures d'accommodement : diète de malades hospitalisés, d'enfants scolarisés, de personnes incarcérées ou d'enfants placés en famille d'accueil, ouverture de salles de prières sur les lieux de travail et dans les institutions d'enseignement, modes de punition des enfants qui mettent enjeu les lois de protection de la jeunesse et l'autorité parentale, port d'un costume différent pour les filles, dont durant les cours d'éducation physique, respect des jours de fête religieuse par les élèves [10] ou encore mode d'inhumation. Ces normes particulières soulèvent certes des conflits, car leur acceptation signifie la reconnaissance de la pluralité religieuse d'une société et la fin de l'hégémonie d'une religion et d'une culture dites et crues uniques, nationales.

Vu la centralité du précepte d'égalité et l'importance des nouvelles minorités religieuses issues de l'immigration au sein des sociétés occidentales, une législation devrait dans chaque pays, obliger à adopter des accommodements permettant le respect des normes culturelles et religieuses minoritaires, en autant évidemment que celles-ci ne portent nullement atteinte à des droits et libertés ou à la sécurité et à l'ordre public. L'accommodement culturel devrait être non pas une concession, une tolérance mais une obligation juridique selon le principe démocratique qu'aucune norme culturelle autre que celles du respect des libertés et droits individuels et de la démocratie ne saurait prévaloir (Helly, 2000a).

L'obligation d'accommodement doit être accompagnée de balises tenant compte de contraintes des individus, entreprises, institutions y étant assujettis. Pour exemple, la Cour suprême canadienne a statué que lors de l'adoption d'un accommodement visant à réduire un acte de discrimination indirecte motivé culturellement, aucune contrainte excessive ne pouvait être imposée à l'individu ou l'institution incriminés, soit un coût financier exagéré, des inconvénients importants (normes de sécurité) ou une atteinte aux droits d'autrui, dont aux conventions collectives [11]. De ce fait les juges de la Cour inventèrent la notion d'accommodement raisonnable précisant que pareil accommodement était « un inconvénient minime et le prix à payer pour la liberté de religion dans une société multiculturelle ».

5.5. Discrimination indirecte
et lutte contre le terrorisme


Dans tous les pays occidentaux, la lutte contre le terrorisme a donné lieu à des mesures qui se sont révélées sources d'atteintes à la liberté de conscience des musulmans. Toutes les lois antiterroristes ou mesures ayant le même objectif, adoptées depuis 2001 ou avant, portent atteinte à des libertés fondamentales de tous, vu les pouvoirs accrus accordés aux polices et agences de contre-espionnage en matière de recherche d'informations et de contrôle des citoyens. Néanmoins elles visent au premier rang les fidèles de l'islam et les assimilés par erreur, coptes, maronites et melkites, et elles ont permis de singulières confusions [12]. En atteste la loi française promulguée le 15 novembre 2001 sur la « sécurité au quotidien » dans laquelle a été introduite, lors des débats à l'Assemblée Nationale. Elle comprend une série de rubriques sur la lutte antiterroriste amalgamant sécurité intérieure, délinquance et terrorisme et contribuant à intensifier l'ostracisme vis-à-vis des jeunes des banlieues, souvent de culture musulmane. En particulier, deux mesures de la loi — celle concernant la tranquillité dans les halls des immeubles collectifs et celle établissant une peine maximale de six mois de prison pour les fraudeurs « habituels » dans les transports en commun — n'ont rigoureusement aucune relation avec le terrorisme et la grande délinquance et n'auront aucun impact en la matière (Cesari, 2004, 59-60).

6. Reconnaissance symbolique
et changement culturel


Les formes de discrimination décrites tiennent à la perception négative de l'islam par une portion significative des populations occidentales. Il s'agit du produit d'un cumul de stigmates liés à cette religion surtout en Europe où cette minorité fait historiquement partie des classes populaires et subit le préjugé de classe, à la différence des musulmans installés en Amérique du Nord. Ces stigmates sont un passé d'immigration défavorisée, la persistance d'un faible niveau de scolarité et de revenu, une différence religieuse perçue négativement depuis des siècles, une histoire coloniale dans nombre de pays, un personnel religieux peu formé et scolarisé et l'impact des conflits du Moyen Orient et du terrorisme islamiste.

De plus, en Europe occidentale, la socialisation des populations par l'école, les institutions publiques, les médias et les élites politiques à une spécificité nationale de l'histoire de leur pays et de la vocation de leur État a certes marqué le pas depuis une vingtaine d'années, mais elle a laissé des traces. La plus virulente de ces traces est la xénophobie des classes en mobilité descendante, véhiculée par les partis d'extrême droite en Allemagne, Autriche, France, Flandre et aux Pays-Bas. L'élargissement de l'Europe à des pays de forte tradition nationale et religieuse (Pologne) et où l'antisémitisme fait encore partie de la scène politique (Hongrie), constitue une autre facette de la difficile reconnaissance de la différence musulmane comme composante des sociétés européennes.

La reconnaissance des fidèles de l'islam comme membres à part entière de la société où ils vivent, suppose une intervention des pouvoirs publics en vue de transformer, d'une part, la définition de l'appartenance sociétale et, d'autre part, la culture institutionnelle publique. Ces interventions comprennent plusieurs volets :

  • Énonciation claire dans les discours publics de la présence légitime de la composante musulmane dans la société ;

  • Formation du personnel de la fonction publique à l'acceptation de la pluralité religieuse et sanction professionnelle de tout comportement discriminatoire ;

  • Formation des enseignants et inclusion dans le curriculum scolaire de l'éducation à la pluralité culturelle et religieuse ;

  • Formation du personnel des instances de contrôle social, police et tribunaux, à l'application des lois ou mesures anti-discriminatoires ;

  • Dans les manuels scolaires, élimination systématique des stéréotypes négatifs à l'égard de la religion musulmane, révision de l'histoire coloniale concernant les pays musulmans et autres, inclusion d'une description des relations internationales contemporaines et des religions les plus importantes ;

  • Recrutement par l'État d'immigrés et de leurs descendants sous forme de programmes d'action positive ou de programmes spéciaux afin d'élargir les voies de mobilité sociale des nouvelles générations de confession musulmane et de rompre leur enfermement réel ou perçu dans certains secteurs d'activité, ainsi que de réduire leur contestation à ce propos ;

  • Négociation avec le secteur des médias et avec les grandes entreprises de campagnes de lutte contre la discrimination et de mesures de recrutement de personnes issues de la population musulmane ;

  • Définition de normes afin de faciliter l'ouverture et la gestion de salles de prières et de mosquées et l'élargissement de lieux de culte existants, création de lieux de sépultures, contribution à un juste financement des cultes minoritaires là où la loi le permet ;

  • Habilitation des minorités  à défendre leurs  droits par l'octroi d'aides publiques  à leur secteur communautaire.  Il ne s'agit pas nécessairement de financer des organisations religieuses car il est possible de subsidier les associations non religieuses qui gèrent diverses activités, culturelles, éducatives, sociales, offertes dans les mosquées.

Pareilles interventions ont été adoptées en faveur du secteur communautaire ethnique par l'État canadien depuis les années 80 et ont fait leur preuve. Mises en oeuvre à travers des programmes fédéraux, dont le « Multiculturalisme », mais aussi des programmes provinciaux et municipaux, elles ont contribué à réduire le racisme et la xénophobie d'une des sociétés les plus empreintes de la supériorité de la « civilisation blanche » en une société acceptant la pluralité culturelle (Helly, 2004b).

Vu les fondements psychologiques de toute attitude intolérante [13] et la prégnance de la socialisation au nationalisme, on ne saurait viser l'élimination de la discrimination d'origine culturelle dont celle religieuse. Par contre, on peut viser son endiguement non seulement en la pénalisant, mais en la rendant socialement illégitime. En ce domaine, l'importance et la valeur symbolique des discours et des actions émanant de l'État demeurent centrales.

Dans une société démocratique, il est de l'initiative et de la responsabilité des citoyens de défendre leurs droits et l'on sait que la discrimination devient un handicap insurmontable quand les individus ou les groupes qui en sont les victimes ne disposent pas des moyens de répliquer. Aussi, l'habilitation au contrôle du respect de leurs droits par les minorités culturelles et/ou religieuses est-elle une mesure démocratique centrale. L'aide financière de l'État aux associations ethniques et non ethniques organisant une formation de leurs membres aux droits a été un des volets importants du Programme du multiculturalisme canadien. Les arguments contre cette forme d'aide à l'effet du non-respect des règles démocratiques ou des droits individuels par des organismes ethniques sont spécieux. Toute aide financière publique peut et doit être assujettie à des règles comptables et éthiques et il est aisé de commettre un personnel à la vérification des chartes des associations, des élections annuelles ou bi-annuelles de leur direction et au contrôle de leurs activités. Le cas canadien, pays où l'affiliation associative est le fait de 10% de la population d'origine immigrée, l'illustre encore une fois.

7. Réduction des inégalités
socio-économiques


On ne peut traiter de la discrimination religieuse comme du racisme ou de la xénophobie, sans aborder l'ensemble des conditions sociales des immigrés et de leurs descendants. La comparaison des conditions d'intégration des immigrés et de leurs descendants en Europe et en Amérique du Nord, qu'elles soient socio-économiques, symboliques ou institutionnelles, met aisément à jour des processus essentiels : les clefs de l'intégration des immigrés sont leur insertion sur le marché du travail dans des conditions égalitaires et la mobilité sociale de leurs descendants à l'égal des autres membres d'une société. L'une ne va pas sans l'autre et tout discours politique et étatique sur l'égalité sociale se révèle inefficace sans capacité d'insertion équitable au marché du travail et à l'école.

En sus des mesures anti-discriminatoires, de programmes d'action positive ou de programmes ciblant les immigrés et leurs descendants, les mesures utiles sont connues : elles font partie des politiques sociales de droit commun destinées à améliorer le sort de toute catégorie sociale défavorisée :

  • aide scolaire aux enfants en retard scolaire ; enseignement de la langue maternelle des immigrés vu son impact sur les apprentissages ultérieurs ; bourses d'études aux enfants issus de familles à faible revenu ; etc.

  • programmes d'habitat social mixte pour éviter la constitution de quartiers ethniques pauvres ;

  • programmes de formation professionnelle et de recyclage des adultes.


8. Conclusion

Dans le cas actuel des musulmans, il est significatif que la discrimination soit autant directe qu'indirecte et provienne souvent d'institutions publiques. Ce fait atteste d'un climat de tensions vives et d'une inaptitude ou d'un refus d'instances politiques à annuler ces tensions.

Les législations interdisant la discrimination et la pénalisant ne suffisent pas à endiguer les effets de ce climat, car elles participent d'une conception formelle des droits. Elles reposent sur l'idée que l'affiliation religieuse est un choix personnel libre puisque protégé par la loi. Elles participent d'une omission caractéristique de l'universalisme abstrait des droits, le passage sous silence de processus prégnants dans toute société, dont la dynamique de la prédominance des majorités culturelles qui sont à l'origine de maints dénis voilés de droits et de discrimination systémique.

L'égalité des droits prend quatre formes : égalité devant la loi, égalité lors de l'application de la loi, égalité de protection par la loi, mais aussi égal bénéfice de la loi. La notion d'égal bénéfice de la loi est centrale quand il s'agit de l'insertion des minorités musulmanes et de tous les groupes en position d'infériorité culturelle, sociale et politique. Elle permet de contrer les effets inégalitaires de la conception formaliste et abstraite de l'universalisme des droits et de l'égalité. Le traitement identique de tous par la loi peut provoquer une inégalité et le respect d'une véritable égalité exige souvent que des distinctions soient faites entre individus. Après vingt ans de débats universitaires et juridiques lancés par le livre de J. Rawls (Theory of Justice, 1971) et la réplique de M. Sandel (Liberalism and the Limits of Justice, 1982), ce constat est incontournable (Helly, 2000b, 2002).

Il en découle que toute politique publique visant une réelle intégration des populations musulmanes, comme d'autres populations n'appartenant pas à une cosmogonie européenne, doit suivre deux volets. Elle doit introduire ou renforcer les mesures et lois protégeant ces populations au titre de leur résidence dans un pays ; elle doit adopter des programmes visant la réduction de leur stigmatisation et l'éducation de la population générale à un nouveau conformisme social valorisant la pluralité culturelle.

Invoquer l'universalisme abstrait des droits pour réduire les déficits d'insertion de catégories défavorisées socio-économiquement et victimisées culturellement est incantatoire. Vu la décroissance des emplois non ou peu qualifiés depuis les années 80 sous l'effet de la mondialisation et la plus forte concurrence entre travailleurs qualifiés, refuser des programmes ciblant les nouvelles générations musulmanes afin d'élargir leurs voies de mobilité sociale et ne pas répondre à leurs demandes légitimes de respect de leurs croyance et culte ne peut qu'accroître leur marginalisation économique et leur aliénation politique et culturelle. Si. dans certains pays, le critère religieux semble ou est un critère illégitime d'intervention publique, le critère du pays d'origine ou de la culture de référence ou encore le cumul ou intersection de critères (statut socio-économique, langue maternelle, lieu de résidence, ...) peuvent être utiles.

Références bibliographiques

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[1] Les pays Scandinaves sont alors les seuls pays à ne pas connaître telle suprématie.

[2] L'islam est au nombre des religions reconnues par une loi de 1992 dont les clauses ne sont pas appliquées.

[3] Catholiques dans les provinces anglophones, protestants dans la province du Québec.

[4] Le Danemark, régime d'église nationale, étant le pays où l'ouverture d'écoles musulmanes est la plus aisée.

[5] Actuellement 230 000 environ par an pour une population de 30 millions d'habitants.

[6] Des mouvements noirs et féministes des années 1950-1960 ont montré comment des comportements au sein de la société civile, racisme, sexisme, assignaient des statuts inférieurs et des chances inégales aux Afro-Américains et aux femmes. Ils affirmaient que le racisme ou le sexisme n'était pas le fait de quelques individus mais un processus structurel de la société américaine et que sa simple pénalisation ne saurait suffire à réduire et compenser les déficits d'égalité et la marginalisation des Noirs. Actuellement, il suffit de penser aux conséquences pour les groupes ostracisés, du choix des classes moyennes de vivre en banlieue pour éviter les quartiers moins nantis, ou d'inscrire leurs enfants dans des écoles privées culturellement homogènes. Pour pallier à cette faille et réduire leur déficit historique de promotion sociale et politique, les Noirs américains ont réclamé des actions de l'État (Myrdal, 1944 ; Park, 1950 ; Moynihan, 1965 ; Parsons and Clark, 1965 ; etc.).

[7] Des programmes de réparation historique ou de discrimination positive ont aussi été adoptés au Canada, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas pour accroître l'accès égalitaire des membres de minorités racialisées ou linguistiques aux institutions d'enseignement et à l'emploi dans les institutions publiques.

[8] Zappi S., « 2002 : le racisme progresse, les actes antisémites se multiplient », Le Monde, 29 mars 2003.

[9] Construites à partir de divers référents (culture, langue, religion, orientation sexuelle, genre, phénotype, origine nationale) et donc multiples et changeantes au sein d'une société.

[10] Par création par exemple de journées pédagogiques mobiles permettant aux enfants de religions orthodoxe, copte, musulmane, chrétienne et autres de célébrer leurs principales fêtes à leurs dates respectives.

[11] Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson Sears Ltd, [1985]2, R.C.S., 536.

[12] Si en Amérique du Nord la situation est similaire, les critiques et la militance des organisations de défense des libertés et les organisations musulmanes visent explicitement et activement le profilage des « Arabes » et « musulmans » par les corps de police locaux et les agents de contrôle aux frontières.

[13] Notamment, l'insécurité identitaire due à la perte de référents d'appartenance collective dont, entre autres, la réduction de la protection sociale durant les années 90, la concurrence de la main d'œuvre immigrée, la non équivalence de la citoyenneté et de la détention des droits civils et sociaux depuis l'octroi de ces droits aux immigrés, le gain de droits par des catégories sociales mettant en cause des hiérarchies séculaires (femmes, homosexuels, etc.).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 27 octobre 2014 19:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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