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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly, “Occidentalisme et islamisme: leçons de guerres culturelles pour la recherche.” Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Gérard Bouchard et Yvan Lamonde, Le choc du 11 septembre 2001: immigration, frontières et relations ethniques. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, septembre 2002. [Autorisation formelle accordée le 18 janvier 2008 par l’auteure de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Denise Helly

Anthropologue, chercheure, INRS culture - société 

Occidentalisme et islamisme:
leçons de guerres culturelles
pour la recherche
”. [1] 

Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Gérard Bouchard et Yvan Lamonde, Le choc du 11 septembre 2001: immigration, frontières et relations ethniques. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, septembre 2002.
 

Introduction
 
1. L’occidentalisme ou l’humanité en pôles
2. Les blocs islamique et islamiste
3. L’incompatibilité de l’islam et de la modernité
4. L’anti-américanisme islamique
 
Conclusion
 
Bibliographie

Introduction

 

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, la vision négative de l’islam montrée par de larges fractions des opinions publiques et de la presse occidentale [2] rappelle la fonction première de la recherche : cerner les fondements de la construction de tout objet qu’elle étudie, que cet objet soit des comportements, des politiques ou des discours. Si la recherche n’est pas auto-réfléxive, elle n’est pas ; elle doit connaître les paramètres selon lesquels sont constitués ses objets d’étude. 

Pour illustrer l’utilité de cette réflexivité de la recherche, on examinera la construction de l’image négative de l’islam divulguée dans les pays d’immigration occidentaux avant et à la suite des attentats de septembre 2001. Cette construction montre que sans changement d’échelle et d’objet de la recherche, on participe à la reproduction d’une islamophobie. Certes, il ne faut pas omettre de rappeler que d’autres images moins stéréotypées et négatives de l’islam existent dans ces pays, mais elles ne circulent guère dans les médias de large audience. Par ailleurs, cette dynamique ne concerne pas seulement l’islam. L’examen de cas d’autres populations immigrées aurait le même effet de mise en cause de la manufacture d’images défavorables les concernant ; il suffit de penser à la présentation du génocide rwandais, des guerres civiles en ex-Yougoslavie, au Caucase, en Algérie, ou encore à la présentation de la performance économique de la Chine communiste et des régimes politiques africains et maghrébins [3] d’où proviennent actuellement nombre de demandes d’asile politique déboutées. 

La présentation biaisée de l’islam s’enracine dans deux logiques : l’occidentalisme qui permet de présenter l’islam comme un bloc, un bloc inapte à la modernité, et le cumul d’omissions et de silences qui préside à la description des relations, présentes et passées, entre les puissances occidentales et les pays de culture islamique, notamment arabes. Deux logiques qui fondent un sentiment d’aliénation et d’exclusion des populations de ces pays.

 

1. L’occidentalisme ou l’humanité en pôles

 

L’affirmation d’une différence inaliénable et pérenne entre des civilisations a permis de construire l’idée d’une opposition entre trois blocs civilisationnels selon l’idée, fausse, que les civilisations et les cultures qui les composent auraient une cohérence et une permanence séculaire. Les trois blocs sont l’Europe (Occident), l’Orient (Moyen-Orient) et l’Extrême-Orient dont la Chine au premier plan depuis le 18e siècle. L’univers latino-américain est rattaché à l’Ouest tandis que les cultures africaines et autochtones sont ignorées ou renvoyées à une ère d’avant la Civilisation. 

Toute affirmation d’une différence implique un jugement et un classement hiérarchique. Jusqu’au 19e siècle, l’Empire chinois représenta le modèle de société étatisée, notamment en France, et l’image de l’Orient islamique était positive, exotique. Puis, à la faveur de l’expansion européenne, une supériorité des systèmes occidentaux fut affirmée en raison de leur développement des idées de citoyenneté, de rationalité, d’urbanité (liberté de pensée et de recherche de confort, de plaisir et de sécurité, mixité des milieux sociaux) et d’égalité des droits. 

Un refus de cet héritage européen est imputé à l’islam. Pourtant, diverses formes de ce refus ont été le fait autant d’« Occidentaux » que de « non-Occidentaux » [4]. La « guerre » entre « the rule of law.. respect for women.. private property.. free speech .. equal justice.. religious tolerance » et « axis of evil » [5] n’est en rien la preuve d’une supériorité de l’« Occident », d’une guerre de cultures et de religion, mais un conflit politique historique, qu’il concerne la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak ou même les organisations terroristes islamistes. Toute omission de ce fait et toute inscription de ce conflit à tout jamais dans l’histoire moderne ne sont que des figures discursives, idéologiques, à vocation politicienne, et non une description de cultures. Quant à l’opposition entre barbarie et civilisation que véhicule aussi ce discours, elle se reproduit au sein de l’univers européen, comme l’ont illustré les régimes nazi et stalinien. 

Goody (1999), Saïd (1979, 1997) et d’autres auteurs ont fait leur part pour dénoncer cette idéologie de la supériorité de l’héritage de l’« Occident », notamment vis-à-vis de l’« Orient ». Mais, depuis qu’une autre polarité, celle entre les deux blocs de la guerre froide, a disparu il y a dix ans, cette idée est reprise par des universitaires, principalement américains : Lewis (1990), Barber (1996), Fukuyama (1994, 1999), Landes (2000) et Huntington (1996), le seul toutefois à avancer une argumentation serrée, ainsi que par des politiciens [6] qui parlent de guerre culturelle, principalement entre l’Islam et l’« Occident ». La montée des attentats islamistes contre des biens et soldats américains durant les années 1980, la présence immigrée islamique en Europe (15 millions de personnes), l’importance de la population de culture islamique dans le monde (1,2 milliards) et les conflits au Moyen-Orient expliquent la nouvelle divulgation de cette idée. Il est à remarquer, en contrepoint, que si la démocratie est dite l’apanage de l’« Occident », la persistance d’un régime répressif en Chine communiste n’est pas analysée avec autant d’intérêt, ni en référence exclusivement à un héritage, en l’occurrence confucéen.

 

2. Les blocs islamique et islamiste

 

Le recours à l’imagerie d’une humanité tripolaire produit l’image d’un bloc islamique, alors qu’il ne saurait exister de discours sur L’islam, pas plus que sur LE catholicisme, LE protestantisme ou LE judaïsme. L’islam a été et demeure multiple, traversé de multiples courants rivaux, conservateurs, laïcisants, contestataires, radicaux, modernistes. On ne peut s’étendre sur ces faits mais seulement en rappeler quelques-uns primordiaux pour comprendre l’image déformée de l’islam qui s’ensuit. 

L’islam est actuellement constitué de deux principaux courants formés à la suite de l’absence de successeur mâle de Muhammad [7], ainsi que de courants mystiques [8] (soufisme, autres confréries) ou piétistes [9], dont l’influence spirituelle et intellectuelle n’est pas négligeable. 

Les chiites, « chiat Ali » ou partisans d’Ali, estiment que l’autorité du prophète a été entièrement transmise au calife Ali, son gendre, et à sa descendance, les imams (guides en arabe) auxquels ils vouent un culte. Ali est le premier imam pour tous les chiites. 

Le courant chiite comprend plusieurs branches qui se distinguent à propos de la question de la personne du dernier imam. La branche la plus suivie, dite des imamites, implantée en Iran, en Irak, au Liban et au Pakistan, reconnaît une lignée de douze imams, dont le dernier, le douzième, al-Mahdi, n’est pas mort mais disparu [10]. Dans l’attente de son retour, la responsabilité de la communauté des croyants et le pouvoir politique sont assurés par des jurisconsultes [11] dont une des premières fonctions est d’assurer la justice. Une croyance qui explique pourquoi le combat politique est un enjeu premier dans cet univers chiite. Le chiisme imamite dispose d’un corps de modèles ou sources d’imitation, des ayatollahs qui forment une hiérarchie pluraliste et dont le prestige et le respect tiennent à leurs compétences morales et intellectuelles et à aucun autre critère (appartenance à un groupe, une tribu, une famille, etc.) Chacun de ces personnages modèles peut émettre des opinions en matière théologique mais des opinions uniquement suivies par ceux qui se veulent ses disciples. Il peut devenir fort influent et reconnu, mais son autorité demeure fragile, instable, sujette à débats. 

Le courant sunnite [12], de loin le plus nombreux dans le monde et dans l’émigration en Europe, est souvent assimilé à un courant orthodoxe de l’islam. Selon l’histoire de ce courant, les quatre premiers successeurs de Muhammad, des califes, furent des chefs politiques et religieux qui ont guidé la communauté des croyants (« oumma ») vers plus de justice. Puis une séparation fut opérée durant la dynastie des Omeyyades. Les califes furent des chefs politiques en charge de la stabilité de l’autorité politique, de l’État, et ils désignèrent des chefs religieux, les mufti, assurant leur légitimité religieuse et détenant le droit de décision théologique. Le courant sunnite comprend quatre écoles principales [13] qui s’opposent sur la question du statut du Coran, livre révélé, a-historique [14], ou livre sujet à interprétations. 

Le monde islamique apparaît fort différencié et trois faits sont à retenir. 1. Chaque fidèle peut choisir son école religieuse et l’autorité religieuse est fragile. 2. Il n’existe pas d’Église détenant un monopole affirmé d’interprétation de la doctrine, ce qui, entre autres, se concrétise actuellement par la possibilité pour Al Quaeda d’avancer sa propre vision de l’islam. 3. L’« unité » de l’islam repose sur quelques dogmes, piliers (Allah, Muhammad, l’archange Gabriel), des préceptes cultuels et un trait caractéristique par rapport aux autres monothéismes. Dans l’univers musulman, l’incarnation d’un Dieu dans l’univers humain est une idée impossible, alors qu’elle est centrale dans les religions chrétiennes ; pour l’islam, il ne saurait exister d’intermédiaire humain, de médiateur, entre Dieu et les croyants. L’idée d’une « oumma » est un mythe, certes persistant, celui d’unir les musulmans en une seule communauté comme lors des origines de l’islam. En réalité, depuis des siècles, les musulmans sont divisés par des courants religieux divers, des appartenances nationales, ethniques, voire tribales dans quelques pays. 

La mouvance islamiste est tout autant différenciée et l’on doit distinguer très clairement, notamment pour l’avenir, les islamismes nationaux et l’islamisme transnational d’Al Quaeda organisée durant les années 1990. Une affirmation répandue veut que l’Iran soit le foyer de l’islamisme. L’islam dit politique ou encore radical est sunnite, violemment anti-chiite et socialement et politiquement conservateur. Toute empreinte de religion qu’ait été la Révolution en Iran, un pays chiite, elle a été une lutte contre les privilèges et contre l’immixtion étrangère, américaine et européenne. Elle n’a pas établi un califat islamique mais une république avec élections au suffrage universel. Le Satan américain était tout autant politique que religieux et la permanence des luttes internes entre conservatisme religieux et social et réformisme démocrate et laïcisant en atteste [15]. 

L’idéologie de la mouvance globaliste est unilinéaire. Elle se caractérise par une absence de toute vision de transformation politique progressiste (réforme, opposition institutionnelle au pouvoir en place ou révolution) et a deux projets complémentaires : la destruction du pôle « Ouest », America, selon l’idée que « l’Islam » a déjà détrôné trois Empires, la Perse, Byzance et l’Union soviétique, et la constitution d’un califat mondial, opposé à tous les préceptes avancés pour affirmer une supériorité de l’Occident : égalité des femmes et des minorités et raciales, métissage de toutes formes, libertés artistique, sexuelle, scientifique, intellectuelle. Elle semble favoriser un idéal de société agraire, religieuse, respectueuse de l’autorité et aux mœurs non corrompues par la vie urbaine et ses licences. 

Par contre, les mouvements islamistes nationaux, implantés depuis des décennies, sont fort divers et politisés. Ils sont devenus visibles sur la scène internationale en 1983 lors d’une attaque contre des soldats américains et français au Liban. Certains soutiennent des jihads locales contre des régimes en place, qu’ils considèrent corrompus et inégalitaires et qu’ils veulent transformer en États islamiques, et adhèrent à la violence (en Algérie GIA ou Groupe islamique armé [16] et GSPC ou Groupe salafiste pour la prédication et le combat, Djihad égyptien, Harakat Al Ansar au Cachemire, Hamas palestinien créé en 1987 par les Frères Musulmans, Gihad islamique palestinien, Hizbollah, Talibans). D’autres ont les mêmes adversaires mais sont pacifiques et tentent de participer à la vie politique institutionnelle (FIS, Refah turc, Frères Musulmans fondé en 1928 en Égypte). Ils ont été successivement soutenus contre l’opposition de gauche [17] (Égypte années 1970 : El Sadate ; années 1980 : Moubarak), soumis à une répression brutale (Syrie, 1982 : quelque 20 000 Frères Musulmans tués, Irak ; Égypte à la fin de la guerre anti-URSS en Afghanistan : 20 000 opposants actuellement incarcérés sans procès), interdits (Algérie, Tunisie), ou ils participent à la vie politique institutionnelle (Liban, Jordanie, Koweit, Yémen, Pakistan). Aussi parler d’islamisme en bloc ressort de la désinformation, car les objectifs, les modes d’action, les alliances et les sorts des mouvements islamistes nationaux sont variés. 

Autre clivage non rapporté actuellement dans les médias de large audience : nombre de ces mouvements estiment que les attentats d’Al Quaeda depuis dix ans ne font que rendre leur action plus difficile en amplifiant la répression à leur égard et un débat existe présentement sur l’échelle de la lutte islamiste à mener [18], débat qui pourrait saper l’influence d’Al Quaeda mais non sa capacité d’action terroriste. 

Autre fait peu rapporté : les mouvements islamistes semblent avoir des audiences fort différentes. Dans sa version internationale de croisade anti-occident, Al Quaeda rallie davantage des éléments de classe moyenne et des jeunes éduqués d’Arabie saoudite et d’Égypte [19] ; dans leur version de contestation politique interne, les mouvements islamistes nationaux rallient autant les populations très défavorisées que les classes moyennes. 

Enfin, illustration des biais de présentation des mouvements islamistes nationaux. Le premier concerne la forte diffusion, par les médias, du soutien américain à certains de ces mouvements durant les années 1980-1990. L’administration de G. Bush a donné son appui au parti islamiste pakistanais (Jamaat-I-Islami) pour intervenir en Afghanistan contre l’URSS, jetant les bases pour la création, lors de la retraite soviétique, du réseau Al Quaeda implanté au Pakistan et en Afghanistan. Cette information est divulguée en raison du débat américain sur l’efficacité d’une guerre technologique [20] contre l’islamisme et le recours à des intermédiaires lors d’opérations de la CIA, recours qui lui est refusé depuis 1995 à la suite de la révélation d’assassinats d’opposants, au Guatemala, par de tels intermédiaires. 

Par contre, n’est pas rappelé le soutien à des partis islamistes (ou régimes répressifs) par l’« Occident » : appui aux Frères Musulmans contre Nasser, à Sarekat-I-islam contre Sukarno, à Jamaati-islam contre Bhutto, d’Israël à Hamas contre l’OLP durant les années 1980. N’est pas plus diffusée une information rapportée en Europe : l’existence de négociations entre les administrations Clinton et G.W. Bush et les Talibans. Était en cause l’acceptation par les Talibans de la construction d’un oléoduc traversant l’Afghanistan et provenant de la mer Caspienne, en échange de leur reconnaissance comme régime légitime afghan et d’une aide financière. Les Talibans rompirent les négociations en août 2001 et furent menacés de guerre par l’administration américaine.

 

3. L’incompatibilité de l’islam
et de la modernité

 

Une autre facette de la fabrication du discours négatif actuel sur l’islam est une représentation de l’islam, présente dans l’histoire intellectuelle moderne occidentale, européenne et américaine. Le pivot de cette image est l’« incapacité » de l’islam à s’adapter à la modernité, soit à distinguer communauté, société civile et pouvoir étatique et à attribuer à la « tradition » un rang second, privé. Les preuves de cette incapacité sont l’échec d’un développement économique égalitaire, une emprise du religieux et la présence de systèmes politiques non démocratiques. L’échec de la modernité politique dans les pays islamiques n’est pas tant, en fait, économique, soit la pauvreté ou la misère d’une large part de leurs populations, que la difficulté de réforme politique permettant d’y remédier, notamment depuis trois décennies en intégrant les classes sociales montantes et nombreuses, créées par la rente pétrolière, l’urbanisation et le clientélisme d’État. 

Cependant, sur le point de l’échec économique, si l’on s’attache aux indicateurs actuels pour juger d’une performance économique (taux de scolarisation, revenu moyen par habitant, taux de fécondité, espérance de vie), les différences entre pays musulmans et non musulmans ne sont pas notables quand on observe des pays voisins tels que la Malaisie et la Thaïlande, le Pakistan et l’Inde, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. On constate plutôt des problèmes ou des crises par grande région : Afrique subsaharienne et non-Afrique musulmane, Asie de l’Est et du Sud-Est en 1997, Moyen-Orient (Cohen, 2001). Une spécificité islamique n’est pas le fondement d’un développement économique « raté ». Quant à l’explication du retard du monde arabe en raison de l’explosion démographique [21], elle n’a pas plus de pertinence, le Brésil se trouve dans une situation similaire par exemple. De plus, cette explosion se termine (Fargues, 2002). 

Quant à l’argument de l’intransigeance religieuse intrinsèque à l’islam, il est spécieux. On ne peut confondre État islamique disposant d’un système de représentation populaire (parlementarisme par exemple) et respectant les minorités religieuses, et État théocratique, imposant un droit islamique. On doit rappeler à ce propos le kemalisme laïc (Turquie) qui ne peut pas être simplement une aberration historique, la laïcité historique du Kosovo et celle des régimes syrien et irakien. Il faut aussi se souvenir que les sociétés musulmanes ont été parmi les plus tolérantes de l’histoire et que le sort des chrétiens et des juifs y a été longtemps plus enviable que dans les pays européens (Espagne à partir du 16e siècle et Europe en général aux 19e et 20e siècles). Il faut plutôt se demander quand et pourquoi cette tolérance s’est effritée ou a disparu et pourquoi les interprétations fascisantes de l’islam connaissent une influence à l’époque actuelle. On peut de la même manière s’interroger sur les fondements d’interprétations radicalement conservatrices actuelles du catholicisme et du protestantisme [22] ou de la thèse de la supériorité de l’hindouisme par le BJP en Inde, ou encore de mouvements millénaristes dans l’histoire du protestantisme et du judaïsme (Armstrong, 2000). Cependant demeure un point  souvent rappelé dans les écrits : aucun régime arabe n’a déclaré une séparation officielle de la religion et de l’État comme le kemalisme de 1923. Un contre-argument peut aisément être donné : la Grande-Bretagne, démocratie parlementaire par excellence, est un État anglican. La question n’est pas constitutionnelle (Gray, 2001). De plus, la séparation de l’Église et l’État a été « inventée » en raison d’une histoire particulière de l’Europe, les guerres de religion qui ont opposé de manière meurtrière catholiques et protestants durant un siècle et plus. Une des solutions à ces guerres a été l’imposition du sécularisme. 

Quant au fait que les sociétés civiles soient fortement imprégnées de religiosité, deux constats sont à faire. Leur transformation laïcisante n’a certainement pas encore eu lieu cinquante ans après la création des États « modernes » d’après guerre. Cependant, le processus de laïcisation a duré plus d’un siècle, notamment dans la France d’après 1789, pour ne s’achever qu’en 1905 ; la religiosité de la société civile américaine demeure l’un de ses traits spécifiques [23]. La religion musulmane, quelle que soit sa forme, est un héritage qui ne saurait disparaître ou se transformer en cinquante ans d’histoire. De plus, la répression, par les régimes nationalistes des pays islamiques, des contestations des élites et milieux religieux à leur égard n’est pas un des moindres facteurs de leur influence depuis les années 1950. 

En effet, la question n’est pas essentiellement la religiosité des sociétés civiles des pays islamiques, mais les relations avec les gouvernements et les États. L’important rôle social qu’ont acquis les institutions islamiques, dont les mosquées, dans les sociétés civiles tient aux failles des États qui ne soutiennent pas de politiques sociales. Ce sont ces institutions, ainsi que d’autres non religieuses, qui assurent une couverture sociale et une redistribution à travers des écoles, hôpitaux, agences de services sociaux, associations d’entraide, et les unes et les autres en ont acquis une influence politique (mairies, organisations politiques). Ce rôle a notamment permis à des courants islamistes participant à ces ONG ou les ayant créés, d’acquérir une influence politique quand ils sont interdits ou une influence similaire au-delà de leur représentation officielle quand ils participent à la vie politique institutionnalisée. Il est flagrant que l’influence du « Islamic Ulema Party » dans la société civile pakistanaise va au-delà des deux sièges qu’il obtint au Parlement en 1997, et la population palestinienne soutient actuellement à 30% Hamas. 

Sur le point de la démocratie en pays islamique, tout d’abord les régimes politiques de ces pays sont plus que variés, allant de dictatures militaires, séculières (Irak, Syrie, Pakistan avant Zia Ul Haq, Algérie) à des monarchies autocratiques à légitimité religieuse (Arabie saoudite, Maroc), des monarchies constitutionnelles (Jordanie) et des systèmes parlementaires plus ou moins démocratiques (Koweit, Tunisie, Iran, Indonésie, Yémen). Et l’incapacité du monde islamique de s’ouvrir au débat et à la critique politiques semble être contredite par l’existence de la chaîne de télévision Al Jazeera, créée en 1995 par l’émir du Qatar. D’autre part, s’il demeure une absence de réforme démocratique, elle n’est pas le propre des pays islamiques ; les pays latino-américains et les Philippines, tout empreints de catholicisme et dans l’orbite occidentale, l’ont connue ou la connaissent encore [24]. Par ailleurs, toute relation entre islam, non-démocratie et terrorisme est à observer à l’aune de la présence d’organisations terroristes aux États-Unis (Timothy McVeigh) et en Europe (IRA, ETA, etc.). 

En fait, le chemin vers la démocratie a été long et divers en Occident [25], et l’on pourrait le considérer accompli à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec l’expansion des États providence et l’universalité du droit de vote, soit quelques siècles après les premières transformations politiques. Néanmoins, si la démocratie n’est pas simplement la démocratie parlementaire et l’accès à des droits sociaux mais l’égalité sociale, cette affirmation est sujette à débat vu la pauvreté existante dans les pays occidentaux. Huntington (1996) rappelle aussi que modernisation économique et politique ne signifie pas forcément implantation du modèle de libre marché et de démocratie parlementaire. L’impact d’une urbanisation rapide et incontrôlée, de l’implantation de modes de consommation étrangers et de la pauvreté pourraient en induire plus d’un à penser le contraire dans les pays autrefois dits du tiers-monde. 

Quant à l’expérience historique européenne et américaine, elle peut se révéler totalement inadéquate pour deux raisons si l’on suit l’argumentation fort fondée de Huntington (1968, 1996) ; cet auteur pense que l’imposition du projet universaliste libéral dans toutes les sociétés est impossible et erronée. En effet, cette expérience porte à superposer progrès social, croissance économique et stabilité politique, alors que, par exemple, un haut taux d’analphabétisme en Inde a longtemps servi une stabilité politique, les populations rurales illettrées ne soumettant aucune demande au gouvernement. De plus l’expérience américaine et européenne consista à limiter un pouvoir politique et une bureaucratie d’État établis à la suite d’une longue période de débats, d’une lente urbanisation et d’une reconnaissance du pouvoir des villes-États ; elle ne consista pas à construire un État de toutes pièces en quelques décennies, voire des années, comme l’illustrent les missions de state-building ou nation-building de l’ONU au Timor Oriental, au Cambodge, au Kosovo et en Afghanistan actuellement. 

L’histoire du faible développement de la démocratie dans les pays islamiques a ses racines : la nature sociale et politique des États nationalistes qui prétendirent l’implanter, la force de la contestation islamique à leur égard qui s’ensuivit (Kepel, 2000) et la période de leur implantation. Les causes de ce phénomène sont amplement discutées dans les travaux universitaires mais jamais abordées dans les discours médiatiques et politiciens. 

L’accès à la modernité politique s’est jouée, comme dans d’autres pays colonisés, à la faveur de mouvements nationalistes visant à renverser des tutelles politiques. Comme d’autres régimes s’inspirant d’un nationalisme, les régimes nationalistes dans les pays islamiques, notamment arabes, ont créé des bureaucraties d’État basées sur le clientélisme et appuyées par des éléments de l’armée, un des rares lieux de mobilité sociale dans les sociétés dites sous-développées [26], ou encore ils se sont créés à partir de mouvements armés d’indépen­dance. Ces régimes, comme d’autres, ne se sont donc révélés propices qu’à certaines couches de la population et ont réprimé toute contestation, démocrate et islamique, enclenchant dans ce dernier cas, une demande de réislamisation de la société. Nombre d’opposants aux régimes nationalistes ont demandé dès leurs origines de mettre fin à l’éclipse de l’islam dans leur société, que ce soit dans les programmes scolaires et universitaires, dans la narration de l’histoire, c’est-à-dire à la subversion de l’islam comme base des relations sociales et d’un mode de vie pour n’en garder que des aspects cultuels et rituels. Ils demandaient et demandent encore un respect d’une morale « tradition­nelle ». L’individualisme, par exemple, ne s’impose pas comme valeur et pratique largement répandues puisque n’existe pas de possibilité élargie de mobilité sociale personnelle, ni de droit d’expression politique critique même d’intellectuels parlant en leur seul nom [27], et la « tradition », l’islam, demeure une des sources de contestation et des bases de mobilisation communautaire. 

Mais fut aussi en cause une temporalité spécifique. Les états nationalistes dans le monde islamique, notamment dans les pays arabes, se sont constitués alors que le Moyen-Orient devenait un enjeu pour l’Occident pour être ensuite un objet de rivalité entre les deux Blocs de la Guerre froide. Et toute application d’un programme de contrôle des ressources (terres de culture d’exportation, produits miniers mais aussi et surtout pétrole) s’est heurtée à une forte opposition interne et occidentale, accentuant leur autoritarisme, centralisme et anti-occidentalisme, donnant lieu parfois à des coups d’État armés et souvent à une montée de mouvements communisants et à une alliance avec l’URSS (Égypte, Syrie, Irak). Dans le cas de régimes ancrés dans une autre légitimité, religieuse notamment, furent conclues des alliances internes, pas plus démocratiques, et internationales, avec les pays européens ou/et les États-Unis. 

Autre aspect très actuel de l’argumentation sur l’incompatibilité de l’islam et de la démocratie, le silence des émigrants de pays de culture islamique à propos des attentats de septembre 2001. Leurs principales organisations, religieuses ou non, ont pourtant pris position contre les attentats et Al Quaea partout dans les pays d’émigration occidentaux. Par exemple, Khalid Mahmood, un député du Labour britannique, a clairement défendu les mesures prises contre ben Laden et ses alliés (The Observer, Sunday November 11, 2001). De plus, comment expliquer la participation d’immigrés de culture islamique à la vie politique dans les pays d’établissement si islam et démocratie sont antithétiques ? En Grande-Bretagne notamment, ils sont maires, députés et fonctionnaires. 

Par ailleurs, les demandes par les instances de contrôle de voir ces immigrés donner des informations sur des personnes suspectes ne sont guère propices à l’affirmation de leur opposition à l’islamisme. Elles ne font qu’accroître leur crainte des instances de police et de renseignement et l’hostilité à leur égard si leur réponse est inefficace ou négative. Comme tout autre citoyen, ces immigrés ont le droit de refuser de répondre à de telles demandes. Enfin, les personnalités arabo-musulmanes ne jouissent guère d’une écoute généreuse pour s’imposer dans le débat public ; on le voit dans la couverture médiatique qui n’en tient guère compte.

 

4. L’anti-américanisme islamique

 

Le soutien des populations des pays de culture islamique à Al Quaeda diverge selon les pays et semble le fait des personnes les plus jeunes si l’on en croit un sondage, fait en janvier 2002 en Arabie saoudite : 95% des personnes âgées de 25 à 41 ans manifestaient un tel soutien (rapport américain cité par le New York Times). En outre, il est davantage l’expression d’une opposition à la politique occidentale, au premier rang américaine au Moyen-Orient, ou d’une demande de réislamisation de la société au sens de développement prenant en compte une morale sociale et politique, plutôt que l’expression d’un retour piétiste ou d’une volonté de guerre contre l’« Occident ». 

L’histoire n’est guère conviée pour comprendre la rage, selon l’expression de B. Lewis (1990), à l’égard de l’« Occident » et de l’anti-américanisme dont font montre une large partie des populations de culture islamique. Pour comprendre ce sentiment, on peut rappeler très schématiquement quelques événements marquants concernant les États-Unis, oubliés dans les discours médiatiques mais faisant partie de la mémoire de ces populations, notamment dans les pays arabes.

Les États-Unis ont joui d’une image fort positive dans les pays arabes de la fin de la Première guerre mondiale aux années 1950. À la fin de la Grande Guerre, le président Wilson promit l’émancipation des peuples colonisés et les États-Unis furent à l’écart de la transformation qu’allait connaître le Moyen-Orient. Lors du démantèlement de l’Empire ottoman, les puissances occidentales admirent la création d’un vaste État indépendant arabe, le royaume arabe de Damas avec un descendant de Muhammad à sa tête, Hussein du Hedjaz. Cet État réunissait la Syrie, le Liban, la Palestine (Israël et Jordanie actuels) et l’Irak et dura d’octobre 1918 à juillet 1920 quand la France, en accord avec la Grande-Bretagne, le brisa par les armes pour créer une multitude d’États [28]. De cette immixtion naquit le mouvement nationaliste panarabe, fondé sur la langue arabe et non sur l’islam, qui connaîtra son apogée de 1957 à 1967. 

En 1948 est créé l’État d’Israël. Cette création, dénommée Nakba ou catastrophe, est perçue comme une imposition par les puissances occidentales, peu désireuses d’ailleurs de créer un foyer juif sur leurs propres territoires. En 1953, la nationalisation des ressources pétrolifères iraniennes par le gouvernement démocrate de Mossadegh suscite une violente réaction. Un coup d’état monté par les USA (CIA) contre Mossadegh réussit et s’accompagne d’une répression faisant 80 000 morts. Un régime monarchique peu démocrate pour le moins est implanté sous protection américaine et l’image des USA comme régime meurtrier, hostile au nationalisme et à la démocratie, se forme, bien que l’Iran soit un pays non arabe. 

En 1956, survient la crise du canal de Suez. Nasser, alors chantre du nationalisme arabe, établit en 1953 une république tout en interdisant tous les partis politiques pour les regrouper en un Rassemblement de la Libération et réalise, en 1952, une réforme agraire contre l’aristocratie foncière. En juillet 1956, il nationalise le canal de Suez et en octobre 1956, commence, selon l’expression de Tariq Ali (2002), la première guerre du pétrole [29]. L’armée israélienne, sur demande secrète de la France et de la Grande-Bretagne, avance dans le Sinaï et les deux puissances européennes exigent le retour de leur contrôle sur le canal, sous menace d’invasion. Face au refus de Nasser, elles bombardent des bases militaires. Les États-Unis, non avisés des opérations, parlent de guerre coloniale, demandent une solution pacifique à travers l’ONU et exigent le retrait des troupes. Ils soutiennent une issue au conflit proposée par le Canada (Lester Pearson) en novembre 1956, soit l’intervention d’une force multinationale de l’ONU, la première de l’histoire de cette institution. Toutefois Israël envahit le Sinaï et s’empare de la Bande de Gaza. L’URSS menace la France et la Grande-Bretagne d’attaque nucléaire ; celles-ci acceptent un cessez-le-feu et les troupes de l’ONU entrent en Égypte. Israël, qui retarde le retrait de ses troupes du Sinaï, replie son armée sous menace des USA.

Puis, la défaite de l’Égypte, durant la Guerre des six jours de 1967, signe, aux yeux d’une large fraction de l'opinion arabe, l’impossibilité ou l’incapacité des régimes nationalistes d’assurer l’indépendance politique, alors que leur performance sociale et économique demeure en dessous de leurs programmes. Elle signe aussi une influence croissante de la contestation islamiste au Moyen-Orient, ainsi que de l’Arabie saoudite, et elle supporte l’idée d’un fort soutien des USA à Israël, alors que s’amorce le boom pétrolier. La Guerre de Yom Kippour en 1973 renforce cette perception et l’œuvre diplomatique américaine en vue d’une réconciliation des pays arabes et d’Israël [30] ne l’efface pas, Israël ne respectant pas les résolutions de l’ONU concernant le conflit palestinien [31] et l’aide américaine à ce pays demeurant importante [32]. 

D’autres appuis donnés par les États-Unis et l’Europe à des régimes réprimant toute opposition, et leurs changements brutaux d’al­liance, contribueront à conforter cette perception : appui à l’Égypte de Sadate et Moubarak, à la monarchie saoudienne, au régime irakien contre le Parti communiste irakien, puis à Saddam Hussein jusqu’en 1990, à la Tunisie déclarée « démocratie stable » en 2000 et, après septembre 2001, à l’Algérie rendue éligible à l’achat d’armes américaines, et au Pakistan, qualifiée de dictature jusqu’alors [33]. Les discours islamistes actuels insistent sur ces alliances des États-Unis et de l’Europe comme décisions essentiellement motivées par leurs intérêts, sans égard au coût politique et humain subi par les populations locales ; ils rappellent aussi que les pays islamiques en sont les seules victimes (Viêt-Nam, El Salvador, Guatemala).

 

Conclusion

 

La construction de l’image négative de l’islam permet de répéter deux leçons connues pour la recherche sur les relations ethniques, des leçons qui, répétons-le, ne peuvent en rien réduire la prise en compte des failles des régimes politiques des pays d’origine, en l’occurrence ici des pays islamiques. 

Première leçon : L’étude de groupes immigrés et de leurs descendants implique de connaître leur histoire et la mémoire qu’ils en développent, ainsi que les relations entre les pays d’établissement et les pays ou régions d’origine. La construction de l’image négative de l’islam montre combien la dimension internationale est une facette importante du statut et de l’expérience des émigrés des pays islamiques et de leurs descendants ; les implications de cette dimension pour eux, passées et présentes, ne peuvent pas être passées sous silence. On parle souvent actuellement des effets des mondialisations, culturelle, politique, financière et économique, mais on n’en étudie guère l’impact sur les relations ethniques, si ce n’est pour dire que les immigrés sont ravis de quitter des sociétés sous-développées, répressives, attardées et qu’ils développent de multiples identifications et réseaux, et ce, de plus, sans que la hiérarchie qu’ils établissent entre ces identités et réseaux ne soit étudiée [34]. 

Seconde leçon : Toute recherche doit connaître les paramètres idéologiques selon lesquels est constitué son objet d’étude. Souvent, dans l’histoire, les sciences sociales ont mis en cause la fausseté de faits et de discours servant la domination de certaines populations, que ce soit, par exemple, au cours des années 1960, l’absence de résistance et de vie sociale des esclaves pour expliquer les dites inaptitudes de leurs descendants ; durant les années 1970-1980, la distinction entre sphères publique et privée et la discrimination historique et systémique des minorités ; ou encore la définition d’une spécificité culturelle confucéenne du Japon et de Singapour pour expliquer leur performance économique ; ou encore le débat actuel sur les mœurs dépréciées des classes populaires et moyennes durant l’ère victorienne. Au Québec, les sciences sociales ont fait leur part pour réduire des informations et des discours sur l’efficacité des Programmes d’accès à l’égalité en emploi, la non-francisation des immigrés et l’absence de discrimination dans l’emploi et le logement. Les effets de ces mises à jour demeurent certes limités, car leurs implications ne servent pas toujours les objectifs des politiciens et des électorats. Mais il demeure essentiel de dénier toute scientificité à des discours qui ne sont que des défenses d’intérêts ou/et des socialisations apprises. 

Aussi, ne s’agit-il pas seulement de dénoncer les stigmatisations quotidiennes que peuvent connaître les immigrés, de culture islamique ou autre, pas plus qu’il ne s’agit de simplement dénoncer les discours ethnocentristes locaux et le culturalisme en voie de redevenir un paramètre de l’analyse de l’insertion des immigrés. Il s’agit de démonter la construction de l’idée d’un dit Occident qui ancre en large partie ces stigmatisations, ethnocentrismes et thèses culturalistes. Selon un commentaire de Stuart Hall [35] (Jaggi, 2001) sur la Grande-Bretagne, « Pour vraiment réaliser une société multiculturelle, il faut prendre en compte le sentiment d’aliénation d’une classe moyenne blanche et l’amener à une nouvelle conception d’elle-même, n’imaginant plus la Grande-Bretagne comme un donjon » assiégé par des non-Européens. Pour comprendre cette aliénation, non seulement il faut constituer un savoir sur les enjeux sociaux et politiques d’une acceptation de l’immigration au-delà des questions identitaires et donc faire l’économie politique de l’immigration, mais il faut aussi analyser la représentation d’une culture propre au monde dit occidental quand on parle de différence culturelle des immigrés. Il faut connaître à la fois

 

1.  le statut que détient le pays ou la région d’origine dans l’idéologie culturaliste occidentale qui fonde l’idée d’une spécificité politique et culturelle et d’une supériorité de l’Occident ;
 
2.  les contextes nationaux, historiques, sociologiques et internationaux de l’émigration et non uniquement le contexte local, « national », de l’insertion des immigrés, comme le fait généralement la sociologie des relations ethniques, au Québec et ailleurs.

 

L’immigration et sa perception n’ont jamais été des phénomènes ancrés uniquement localement et trois mises en perspective s’avèrent nécessaires : l’une sur le pays d’origine, une seconde sur le pays d’établissement, et une troisième internationale. Cette nécessité est pressante pour la sociologie des relations ethniques qui tend à adopter une perspective uniquement localiste et à considérer essentiellement les desiderata des sociétés d’établissement. 

Là ne sont que deux leçons à tirer de cette image uniforme et négative de l’islam divulguée depuis septembre 2001. Quelques autres idées ancrées qui concernent tout autant la construction de l’image négative de l’islam et qui nous conduisent plus loin des rivages du Québec, sont à réexaminer. Ce sont, par exemple, celles de la violence et de la différence entre terrorisme et guérilla. 

La violence ne peut plus être pensée comme le fait d’États utilisant la guerre comme un complément de la diplomatie selon une vieille idée occidentale (Aron, 1961 ; Huntington, 1957). Cet équilibre a été rompu avec la constitution des arsenaux nucléaires, des outils de dissuasion mais non de menace réelle [36] ; ces arsenaux ne sont pas des adjuvants de la diplomatie (Hassner, 2000). Comment également continuer à penser que l’état du monde se caractérise par une paix à l’intérieur des États et une guerre éventuellement entre des États, selon une autre vieille idée occidentale ? En septembre 2001, ce sont des civils qui ont tué des civils ; où était l’État, l’agent de la guerre ? 

Autre question : comment distinguer guérilla et terrorisme ? Comment distinguer l’IRA, l’ETA, les FARC en Colombie, les Tamil Tigers au Sri Lanka et Al Quaeda ? Tous font usage de la violence contre des civils pour atteindre leurs objectifs. Quelques distinctions sont admises pour l’heure pour spécifier Al Quaeda : discours culturaliste en miroir d’un discours occidental similaire, rappelons-le, organisation à l’échelle transnationale, techniques nouvelles d’attaque, sacrifice des militants et absence d’un projet de progrès social et politique. Mais, si implanter un califat mondial islamique semble un projet illusoire, est-il dénué de toute teneur politique ? Le caractère transnational ne paraît pas plus un argument probant mais plutôt historique, il est le fait de nombre d’organisations, légales ou non, établies durant les années 1990, dont la contestation anti-mondialisation. Quant aux nouvelles techniques d’attaque et à leur ampleur meurtrière, elles sont le propre d’autres groupes terroristes (Stern, 1999). La notion de sacrifice demeurerait-elle le seul trait particulier aux terroristes islamistes ? Il en est un autre central : la capacité de s’organiser, de s’entraîner et de se replier en des régions vastes et non contrôlées par un État (Yémen, Afghanistan, Somalie, Caucase), ce qui renvoie à la nature des États en cause.

 

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[1]    Je remercie Ali Daher pour ses commentaires et critiques d’une première version de ce texte.

[2]    Des sondages récents montrent dans la plupart des pays une assimilation de l’islam et du terrorisme (en octobre 2001, un Français sur deux, par exemple, assimilait fanatisme religieux et islam). La presse est un des agents de cette stigmatisation de l’islam. Selon l’enquête faite (janvier 2002) sur neuf journaux canadiens, réalisée par le Congrès islamique du Canada, la quatrième du genre, National Post apparaît comme le journal diffusant le plus d’informations négatives ou biaisées sur l’islam. L’étude montre aussi une croissance de la terminologie anti-islam depuis septembre 2001, 22 fois plus qu’auparavant dans National Post, 18 fois plus dans The Globe and Mail et 10 fois plus dans Toronto Star.

[3]    En dépit de toute réalité constatée par les organismes de surveillance des droits, le Maroc est dit actuellement un régime progressiste et la Tunisie respecte les droits de l’Homme.

[4]    Les régimes nazi, maoïste, cambodgien (Kmers Rouges), le Ku Klux Klan, le Parti agrarien japonais, les islamistes, dont les Talibans, et la secte Aoum Shinri Kyo au Japon. Ben Laden reproduit l’idée d’une guerre culturelle planétaire entre l’Ouest chrétien et juif et l’islam, et son organisation se nomme le Front islamique mondial de lutte contre les Croisés et les Juifs. Les orthodoxes semblent inclus au nombre des Croisés.

[5]    Selon l’expression de G.W.Bush dans son discours sur l’État de l’Union en janvier 2002.

[6]    Déclarations de Berlusconi sur la supériorité culturelle occidentale en janvier 2002, du Premier Ministre du Danemark, élu en novembre 2001, et de la chefferesse du Danish People’s Party, Pia Kjaersgaard, laquelle a déclaré lors de la campagne électorale de novembre 2001 que les Musulmans sapaient la cohésion du vrai Danemark et ses valeurs centrales ; elle a recueilli 12 % des votes. Déclaration aussi du gouvernement britannique qui parle d’aller au-delà des valeurs multiculturalistes pour parler des « vraies valeurs britanniques » (Economist, novembre 10, 2001).

[7]    Un troisième courant datant de cette période n’est plus que résiduel actuellement. Il s’agit du courant khâridjite qui existe en Oman, sur l’île Djerba et dans le Sud algérien (Mozabites). C’était un courant qui soutenait Ali, époux de la fille de Muhammad, comme successeur de ce dernier et qui fit schisme en 657. Il prônait un fort rigorisme moral et religieux, l’excommunication, sinon l’élimination physique, de tout fidèle ne respectant pas ses vues mais aussi l’égalité de tous.

[8]    Comme tout mouvement mystique, ils avancent que sous la direction d’un maître ; grâce à des exercices spirituels, on peut accéder à Dieu.

[9]    Tel que Tablighi Jamaat (parti prosélyte), le plus grand mouvement missionnaire de l'islam, fondé en Inde, en 1927, par Muhammad Ilyas. Il ressemble aux ordres mendiants chrétiens, étant composé de prêcheurs itinérants. Surnommés les Témoins de Jéhovah de l'islam, ses adeptes appliquent une méthode de prosélytisme qui consiste à entrer en contact direct avec les croyants (porte-à-porte par exemple dans un quartier), pour les induire à la pratique religieuse et à mener une vie sainte. Les objectifs de ce courant sont strictement religieux et il se tient à l’écart de tout engagement politique. Implanté en France depuis 1968, il a joué un rôle déterminant dans la réislamisation des immigrés de la première génération, puis dans celle des jeunes « beurs ».

[10]   Ismaélienne en Afrique orientale, au Pakistan et en Inde surtout, reconnaissant sept imans dont le 7e est un imam « occulté ». Le chef actuel de cette branche est l’Aga Khan. Druze, implantée surtout au Liban, descendant de la tradition fatimide égyptienne qui ne développe pas l’idée du retour d’un dernier imam occulté. Elle a à sa tête un sage. Alaouite, présente surtout en Syrie (1 million d’adeptes, soit 10 % environ de la population dont la famille de Hafez-el-assad) et qui ne développe pas plus l’idée d’un imam caché et considère Ali comme le seul successeur légitime du prophète. Elle a intégré diverses croyances du christianisme (fêtes de Noël et de Pâques). Alévie, très nombreuse en Turquie (20 % de la population), qui accorde aussi une prééminence à Ali. Zaydite qui ne reconnaît que les cinq premiers imams et contestent le choix du cinquième, lui préférant Zayd ibn Ali, un petit-fils d'Ali. Selon cette école, tout imam légitime doit être choisi par élection parmi les descendants d'Ali et ne peut être démis que sur preuve de fautes. Elle était présente au Yémen essentiellement, mais l’imamat zaydite a disparu en 1962.

[11]   Ou « wilayat al-faqih » qui désigne le gouvernement islamique exercé en absence du 12e imam, comme le pratiquent Khomeyni et ses successeurs en Iran (« wilaya » signifie autorité, gouvernement).

[12]   Du mot « sunna », soit l’ensemble des paroles et des actes du Prophète.

[13]   Hanéfite (Turquie, Égypte, Syrie, Irak, Afghanistan, Inde, Pakistan), Malékite (Maghreb, Afrique sub-saharienne), Chaféite (Indonésie, Afrique de l’Est, sud de la péninsule arabique), Hanbalite, interprétation la plus rigoriste de l’islam sunnite, implantée en Arabie saoudite où le wahhabisme né au 18e siècle en réaction à des interventions européennes est fortement représenté à la suite de l’alliance conclue par son fondateur, Mohammed Ibn Abdel Wahhab, avec le chef d’un clan tribal du Nedj, Mohammed Al Saoud, à l’origine de la monarchie saoudienne. Existe aussi l’école deobandi, fondée au 19e siècle en Inde pour lutter contre l’influence hindouiste.

[14]   Le dogme, selon lequel le Coran est parole révélée, « incréée » de Dieu, et non livre d’histoire, est invalidé par des recherches archéologiques et historiques (Chabbi, 1997 ; Ternisien, 2001). L’on admet en général que le texte du Coran a connu trois mises en forme successives après la mort de Muhammad (632-43, 644-56, 685-705).

[15]   En outre, afin de complaire à leur allié soviétique, les activistes iraniens des années 1980 se sont entraînés non pas en Afghanistan mais au Liban.

[16]   Le GIA (Algérie) a été fondé en 1992 par d’anciens combattants de la lutte contre l’Union soviétique en Afghanistan durant les années 1980. Le GIA a été annihilé par l’armée algérienne et un groupe dissident (GSPC) créé en 1998, a pris de l’importance depuis.

[17]   Et par Israël contre l’OLP dans le cas du Hamas à ses débuts.

[18]   Cela a mené à des compromis. Ben Laden a par exemple admis la légitimité de la lutte contre les dirigeants d’Afrique du Nord (Algérie, Égypte), déclarant ceux-ci des laquais de l’Occident. Cet accord s’est soldé par le ralliement du chef du Djihad égyptien (Zawahari) à Al Quaeda et au mariage d’une de ses filles avec un fils de Ben Laden.

[19]   Peut-être n'y a-t-il là qu’un effet du manque d’informations sur la composition sociologique de cette audience ou celui d’une nécessité lors du recrutement de terroristes : un attentat requiert une connaissance des codes de la société où il sera organisé et, ce faisant, un minimum d’éducation scolaire et une expérience dans cette société.

[20]   L’équipement d’un soldat américain sur le terrain coûte environ 250 000 $ actuellement.

[21]   Dans certains pays arabes, 50 % de la population a moins de 20 ans.

[22]   Le terme de fondamentalisme s’applique dans le cas du protestantisme, et celui d’intégrisme dans le cas du catholicisme.

[23]   Autant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, on note une tentative depuis quatre à cinq ans de redonner une légitimité et une place à la religion dans la sphère publique, notamment aux écoles et aux regroupements confessionnels. Une initiative de Tony Blair en décembre 2001, apparemment vouée à l’échec vu l’opposition qu’elle rencontre, vise à multiplier les écoles religieuses au nom de leur meilleure performance scolaire. En Grande-Bretagne, 7000 des 25 000 écoles sont confessionnelles et disposent de fonds publics, mais ce sont en majorité des écoles chrétiennes. Celles minoritaires, musulmanes, sikhs, hindoues, sont en pleine croissance et seulement onze sont financées par l’État depuis 1997.

[24]   Référence est davantage faite aux pays d’Amérique latine qu’à ceux d’Afrique subsaharienne à cause du niveau de développement économique des premiers et du moindre impact des conflits ethniques sur leur vie politique des deuxièmes, deux faits les rapprochant des pays islamiques.

[25]   Les régimes politiques actuels comportant des éléments de démocratie sont au premier rang : ceux de la Turquie, des émirats arabes et du Koweit. Par exemple, au Koweit, la censure de la presse a été levée en 1992, une forme de pluralisme politique est admise et les islamistes sont représentés au Parlement. Le droit de vote est par contre refusé aux femmes. Il faut néanmoins se rappeler que ce droit n’a été accordé en Occident qu’un siècle ou plus après la fondation des régimes démocratiques.

[26]   L’armée a pu par la suite devenir un agent de maintien des acquis des classes les plus favorisées, des propriétaires terriens souvent, et organiser des coups d’État contre les régimes nationalistes.

[27]   Exemple entre autres : les écrits d’un journaliste égyptien connu, écrivant dans Al Hayat, un journal libanais très diffusé et publié maintenant en Arabie Saoudite, Ali Salem, a vu et voit ses articles pro-démocratie censurés en Égypte au nom de leur menace pour la sécurité nationale.

[28]   Royaume du Hedjaz absorbé par l’Arabie saoudite, royaumes d’Irak et de Transjordanie sous mandat britannique, États de Syrie et du Liban sous protectorat français, Palestine sous administration directe britannique chargée d’y créer un « foyer national juif » (Carré, 1993, 14).

[29]   Les deux autres étant celle des six jours de 1967 et la guerre du Golfe de 1990.

[30]   La plus marquante réunion de Camp David (Carter) en 1978, et signature du traité entre l’Égypte et Israël en mars de la même année.

[31]   Résolution numéro 3236 de 1974 qui réaffirme « le droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens d’où ils ont été déplacés et déracinés et [qui] demande leur retour » ; Résolution numéro 1322 d’octobre 2000 qui « condamne les actes de violence, particulièrement le recours excessif à la force contre les Palestiniens, qui ont fait des blessés et causé des pertes de vie humaines » et qui « déplore l’acte de provocation commis le 29 septembre 2000 au Haram-al-Charif de Jérusalem [Sharon sur l’esplanade].. ».

[32]   Les États-Unis accordent la moitié de leur aide militaire et près du tiers de leur assistance économique à Israël. L’Égypte est au second rang des pays recevant une aide des États-Unis (2 milliards de dollars US par an).

[33]   En janvier 2001, G.W. Bush ne savait pas qui était le président du Pakistan (Pervez Musharraf) et a qualifié le régime pakistanais de dictature ; en octobre 2002, il l’a déclaré allié privilégié des États-Unis.

[34]   Autre exemple, l’immigration illégale produite par le resserrement des frontières depuis les années 1970-1980 fait partie des activités de mafias qui font commerce autant de personnes, d’armes, de drogue, et de blanchiment d’argent. Il y a là une sociologie de la clandestinité internationale à faire plutôt que de parler d’immigration économique déguisée.

[35]   L’un des pionniers des « cultural studies » et un des fondateurs de la revue New Left Review.

[36]   La dissuasion nucléaire vise précisément à éviter la guerre.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 26 février 2008 11:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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