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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly, “Diaspora : un enjeu politique, un symbole, un concept ? Diaspora: a political issue, a symbol, a concept ?” Un article publié dans la revue Espace populations sociétés, no 1, 2006, pp. 17-31. [Autorisation formelle accordée le 20 février 2008 par l’auteure de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Denise Helly

Anthropologue, chercheure, INRS urbanisation - culture - société 

Diaspora: un enjeu politique, un symbole, un concept?
Diaspora: a political issue, a symbol, a concept ?
 

Un article publié dans la revue Espace populations sociétés, no 1, 2006, pp. 17-31.

 

Table des matières 
 
Résumé / Abstract
 
Introduction
 
Diaspora, nation-État, exil et perte
Diaspora, dispersion et liens à un pays d'origine
Diaspora, réinvention et hybridité: la contestation de la modernité
Diaspora et mobilité : les réseaux transnationaux
Diaspora, communauté et multipolarité
Diaspora: conjurer le déni d'existence
Moments et segments diasporiques
Diaspora et ressources
 
Conclusion
 
RÉFÉRENCES

 

Résumé / Abstract

 

Résumé : Le terme 'diaspora' est en vogue depuis une vingtaine d'années, certes plus dans la littérature anglophone que francophone. Mais le sens de ce mot n’a cessé d'osciller dans l'histoire, aussi si une diaspora est une réalité sociologique, faut-il repérer les paramètres et les processus qui la définissent. Cet article traite des trois versions qui en sont divulguées à la faveur des questionnements sur le statut des minorités culturelles et de la mondialisation des échanges depuis les années 1980. Il veut montrer combien l'idée de diaspora ne serait être confondue avec les idées de migration prolétaire et de réseau transnational et rappeler ses fondements primordiaux, l'exposition d'une population au risque de violence, d'expulsion et une institutionnalisation communautaire polycéphale, au-delà de frontières nationales, conjurant la menace de dispersion, sinon d'annihilation, en créant des liens.

 

Abstract : The word 'diaspora' has been fashionable for the last twenty years, particularly in the Anglophone literature. But, as in history, the meaning of the word appeared diverse. This article describes the definitions of the diaspora since the 1980's. It discards the confusion between diaspora and transnationalism easily induced by the economic globalisation and the easiness of communications. It also aims at discarding the confusion between diaspora and forced labour migrations reminding two primordial features of a diaspora in the modern ages: the risk for a population to be exposed to violence and expulsion, its ability to keep at bay the threat by maintaining a community organization through time and boundaries.

Mots clés : Diaspora, nationalisme, réseaux transnationaux, transferts monétaires, migrations prolétaires.

Diaspora, nationalism, transnational networks, Black Diaspora, remittances, Labour Diaspora 

 

Introduction

 

Le sens du mot diaspora [1] a changé au fil des siècles et si l'on retient les significations les plus couramment admises, quatre grandes périodes sont repérables: la Haute Antiquité, époque durant laquelle le mot détient divers sens, le Moyen Âge et la Renaissance, le 19è siècle et le 20è siècle jusqu’aux années 1970 et la période des années 1980 à maintenant. Durant l'Antiquité le terme 'diaspora' décrit la colonisation de l'Asie mineure et de la Méditerranée par des populations grecques (800-600 avant J.C.); il renvoie aux idées d'expansion commerciale et de conquête et détient une connotation positive. Puis utilisé pour la première fois par des Juifs lors d'une traduction grecque de la Bible [2] au 3è siècle avant J.C, il acquiert une teneur négative, celle de punition divine, de déracinement forcé et de souffrance (Cohen, 1997: 118-119). Il réfère à l'exil des élites juives à Babylone à la suite de la destruction de Jérusalem et de son Temple en 586 B.C. L'installation des Juifs hors de Palestine devenue libre au fil des siècles, il vient à signifier leur dispersion dans le monde gréco-romain et non plus leur exil; il réacquiert une charge positive (Paul, 1981; Lenoir-Achdjian, 2001). La destruction par les Romains de la Judée et du second Temple en 70 réactive le sens de dispersion et de perte d'un centre culturel historique mais ce sens s'érode au fil des siècles. Au Moyen Âge l'anti-judaïsme chrétien se développe en Europe et les Juifs subissent intolérance et expulsion alors qu'en pays musulman ils jouissent de reconnaissance et statut, puis la Renaissance signifie une amélioration de leur sort en Europe du Nord (Chaliand et Rageau, 1991: 15-35).

 

Diaspora, nation-État, exil et perte

 

Une autre période s'amorce au 19ème siècle avec l'établissement des États nations. Le mot diaspora redevient synonyme de déplacement de population, d'exil forcé et de perte et il soulève deux questions. 

Durant les années 1830 les puissances de l'heure adoptent le principe des Nationalités qui affirme le droit des minorités nationales à un État. L'idée que la forme normale d'existence d'un groupe linguistique ou/et culturel soit l'État est répandue. Des penseurs sionistes comparent les populations en exil à des créatures malades et décrivent la diaspora juive comme un mode pathologique d'existence. D'autres penseurs proposent des modes permettant de protéger des minorités culturelles sans territoire contigu d'établissement et ne pouvant prétendre à un État (Marienstras, 1989: 121-123), le fédéralisme personnel (Karl Renner, 1899) et l'autonomie culturelle nationale (Otto Bauer, 1907 [3]). La seconde question concerne l'allégeance politique et culturelle des membres des diasporas soupçonnés de ne développer de loyauté qu'à l'égard de leur propre communauté et non de la nation et de la société au sein desquelles ils vivent [4]. La dispersion géographique de la diaspora juive est pointée pour la qualifier d'a-nationale, d’anti-nationale. 

La prégnance du nationalisme assigne une valeur négative à la dispersion d'une population, car cette dispersion contredit le précepte de l'assimilation entre une ethnie, un territoire et un système politique, comme le précepte d'une loyauté première à un État et non à une communauté ou un groupe. L’expression « ennemi de l’intérieur » pour désigner les diasporas, minorités et opposants politiques est inventée au 19ème siècle et durant les années 1870-1880 les catholiques et les judaïques français sont accusés d’infidélité à la France parce qu’ils obéissent à des instances non nationales (Papauté, rabbinats et diaspora). Les membres de minorités sont dépréciés et discriminés dans nombre de pays européens (Tsiganes), expulsés par les régimes nationalistes autocratiques (Juifs en Russie et Europe centrale[5] ; Arméniens de l'Empire ottoman[6]), déplacés par des accords internationaux (Grecs [7]), ou assassinés (génocide des Pontiques entre 1919 et 1923 [8], des Arméniens et des Assyriens en 1915 [9] ; Holocauste). 

En vertu de la dynamique induite par le nationalisme, à partir des années 1950, lors de la création de la Chine communiste et de l’accentuation des conflits coloniaux en Asie du Sud Est (Indonésie, Malaisie), on parle de diaspora chinoise, soit d'une population supposée sans allégeance nationale locale, liée par des réseaux économiques puissants et développant une allégeance à la nouvelle Chine communiste [10]. Le terme de cinquième colonne est également utilisé. 

Cette perception des membres des diasporas comme d’éléments nationaux peu sûrs est renforcée par leur rôle dans la vie politique et économique de leurs régions d’origine. Les Grecs émigrés financent en partie le mouvement d’indépendance de la Grèce durant les années 1830; les Hua Qiao [11] participent activement à l’instauration de la République chinoise de 1911; des Juifs européens émigrent en Palestine au 19è siècle et soutiennent la création de l’État d'Israël. 

La définition de diaspora comme dispersion de populations indifférentes aux frontières des Empires, États, nations et aux cultures et religions majoritaires demeure usuelle et peu questionnée jusqu’aux années 1960. Elle implique une distinction claire entre diasporas et flux migratoires engendrés par le développement capitaliste et la création de nouveaux États en Europe centrale et du Sud au 19è siècle et dans le Tiers monde au 20è siècle. Les émigrations polonaise, russe, irlandaise, scandinave, allemande, italienne et portugaise ne sont nullement envisagées comme des diasporas mais comme des émigrations de dépossédés et d'opprimés ne développant aucun sens d’une unité et d’une solidarité au travers des frontières. 

Cette distinction s'estompe en contexte nord-américain du fait de mutations des rapports entre cultures minoritaires et majoritaires, entre groupes européens et non européens (Helly, 2000, 2001, 2002) sous la poussée de revendications par des groupes racialisés (révolte dans les ghettos noirs et réclamation de l'égalité de leurs droits par les élites noires durant les années 1950-70; violence de groupes amérindiens, 1974 ; contestation de minorités asiatiques). Le terme diaspora par la traversée des frontières, la victimisation, la volonté de durer et la solidarité qu'il évoque, en vient à incarner le destin de non Européens transplantés ou émigrés en Occident. Trois versions du terme vont être avancées à partir des années 1980.

 

Diaspora, dispersion
et liens à un pays d'origine

 

À partir des années 1970-80 le mot diaspora se voit doté du simple sens de population vivant hors d'un centre originel (homeland) (Tölölyan, 1996: 13-15). Selon des auteurs de ce changement sémantique (Sheffer, 1986 : 3 ; Esman, 1986; Connor, 1986), les minorités d'ascendance immigrée qui développent de forts liens avec un pays d'origine sont les diasporas de l’ère moderne et l'on peut parler de diasporas mexicaine, philippine, serbe, kosovar, croate, haïtienne, polonaise, japonaise, ukrainienne, sikh, turque, basque, finlandaise, coréenne ou islamique [12]. Une publication, la revue Diaspora, fait la fortune de cette acception durant les années 1980 au point qu'un de ses directeurs, Khachig Tölölyan (1996: 8), pointe le danger de la dissolution totale du terme, un mot qui en est venu à “"parler" tout seul” ironise Stéphane Dufoix quelques années plus tard (2003: 123). 

Assimilé à l'émigration d'un centre d'origine fortement investi, le mot diaspora est vidé de toute signification sociologique propre et réintégré dans les discours sur la nation. De fait, à partir des années 1990 quand la facilité des communications porte les migrants et leurs descendants à multiplier les liens avec leur pays d’origine, nombre de gouvernements font appel à leur ‘patriotisme’ afin de mobiliser leurs votes, ressources financières et expertises. Par exemple, en janvier 2003 une organisation de descendants d'émigrés grecs, sise à Chicago, Alexander the Great Foundation, propose de faire sculpter l'effigie du roi sur le flanc du Mont Kerdyllion (Macédoine) pour réaffirmer son appartenance grecque. L'opération au coût de 45 millions de dollars met le gouvernement grec dans l'embarras, les Américains d'origine grecque forment un groupe de pression puissant à Washington. En 1974 ils ont fait pression sur le gouvernement américain à propos de la question chypriote et en 1992 à propos de la Macédoine. Autres cas de figure, lors de la chute de l'Union Soviétique des Arméniens de la diaspora [13] se mobilisent en faveur de l’indépendance de l’Arménie et des Ukrainiens, Baltes et Polonais en faveur de la reconstruction de l'État du pays d’origine de leurs ancêtres. En 1991, lors de la guerre dans l'ex-Yougoslavie des Croates émigrés rallient les rangs de l'armée croate, d'autres lèvent 30 millions de dollars et exercent des pressions sur le gouvernement allemand et sur l'Union Européenne pour obtenir la reconnaissance de l’État créé en 1992. Douze des 120 sièges au Parlement croate sont alloués aux émigrés et, en 1999, lors d’une visite en Afrique du Sud, le Président Franjo Tudjman demande aux Croates émigrés, aussi nombreux que les Croates vivant en Croatie, de rentrer reconstruire « leur pays ». 

Quant aux transferts monétaires des immigrés, ils sont d'une telle importance depuis une quinzaine d'années qu'ils hypothèquent des négociations sur le contrôle des flux migratoires et font partie des débats sur le développement des pays du Sud et l'exode des cerveaux vers le Nord. Leur croissance dans le cadre de la mondialisation économique est expliquée par les théories de la migration sur les calculs de risques réalisés par les familles de migrants (Stark, 1991 ; Stark et al, 1986) et sur les réseaux et filières de migration (Gurak et Caces, 1992). Estimés à quelque 150 à 200 milliards par an, ils constituent jusqu'à 5% des revenus de certains États (Congressional Budget Office, 2005 ; Pérouse de Montclos, 2005) et en 2002 ils représentaient 22.8% du produit national brut de la Jordanie, 13.8% du Liban, 9.7% du Maroc et 5% de la RPC [14] et une part élevée des mouvements de capital vers certains pays : 66% au Maroc, 51% en Égypte et Tunisie, 30 % au Nigeria (Migration Policy Issues, 2003 : 2). En 2002, les Latino-américains et les Antillais émigrés transférèrent 32 milliards de dollars américains et en 2003 38 milliards, dont 31 milliards provenant des États Unis. La même année le Mexique recevait 13.2 milliards de transferts d'émigrés [15], le Brésil 5.2 milliards, la Dominique 2.3 milliards et l'Amérique latine seulement 29 milliards d'investissements par des entreprises ou pays étrangers (Caribbean Business, mars 2004). Des États 'produisent' littéralement des émigrés qui viennent accroître leurs revenus, comme celui des Philippines qui encourage la formation d'infirmières pour le marché du travail nord-américain. 

Cependant ces transferts sont autant le fait de membres de groupes ethniques que de membres de diasporas.Dans ces conditions nommer diasporique tout flux migratoire maintenant des liens avec un pays d'origine n’ajoute rien à la sociologie des diasporas et la question des conditions de leur constitution demeure ouverte.

 

Diaspora, réinvention et hybridité:
la contestation de la modernité

 

Durant les années 1960-70 une autre acception du terme diaspora, issue des African Studies, met l'accent sur la victimisation des Africains déportés dans les Amériques et leur reconfiguration et invention d'identités et de cultures hybrides, métisses, plurielles. Se représenter soi-même en diaspora prend le pas sur faire diaspora, c'est-à-dire organiser la dispersion d’individus disséminés. Une diaspora devient essentiellement une représentation, un discours, une revendication et non à la fois une représentation et une forme vivante d'organisation et de culture communautaires auxquelles adhèrent de multiples catégories sociales et non simplement quelques activistes. Néanmoins, cette acception du terme diaspora demeure centrale dans la dénonciation d'une face sinistre de la modernité. 

Dès leur émancipation les Noirs des États Unis montrent un intérêt pour l'Afrique et leurs racines. L'African Civilization Society est fondée en 1858 aux États-Unis, une république pour les descendants d'esclaves (Libéria) à la fin du 19è siècle et l'Association universelle de la race nègre et la Ligue des communautés africaines en 1914 (Pérouse de Montclos, 2003). Puis, durant les années 1930 l'idée de retour à la terre dont les Africains ont été arrachés par la force, est réarticulée par des mouvements invoquant l'idée de Babylone noire. Le mouvement rastafari né en Jamaïque, articulé par Marcus Garvey, un activiste jamaïcain, et largement dérivé de l'Ancien Testament prône un retour en Afrique pour en finir avec l'oppression des Noirs en Amérique. À la suite du couronnement du Prince (Ras)Tafari comme l'empereur Hailé Sélassié en novembre 1930, celui-ci est considéré comme le Messie et l'Éthiopie comme la terre promise [16]. Melville Herskovits (1938) contribue sa part à cette revalorisation de l'Afrique et de la culture des descendants d'esclaves. 

L'indépendance des colonies européennes, la lutte pour les droits civils des Noirs aux États-Unis et le mouvement rastafari sont des facteurs de la réémergence d'une conscience panafricaine des Noirs antillais et états-unisiens durant les années 1960-70. On utilise les termes de Black Diaspora (Shepperson, 1966) et de diaspora africaine (Ziegler, 1971, in Dufoix, 2004 : 7-8) et une correspondance est faite entre diaspora juive et dispersion forcée des esclaves africains dans les Amériques. Ce retour du Sud, soit les revendications de descendants d'esclaves comme d’immigrés non européens en terre blanche, induit une transformation de l’idée de diaspora et soutient le succès des études dites post-coloniales. 

La colonisation n'est pas uniquement une domination politique et économique mais aussi une domination psychique et intellectuelle; elle détruit ou défigure le passé des colonisés, passé qu'ils doivent recomposer pour accéder à l'histoire et à la reconnaissance sociale. Frantz Fanon pointa la recherche passionnée d'identité par les sujets post-coloniaux espérant découvrir au-delà de leur mémoire de dénigrement, de mépris de soi, de misère quotidienne une époque heureuse et splendide qui les réhabiliterait à leurs yeux (Hall, 1990 : 223). Dans le cas des Noirs des Amériques, une lutte entre deux définitions de l'origine oppose une Afrique idéalisée, mère de toutes les civilisations à préserver en des enclaves et une Afrique qui fait des Noirs états-unisiens les égaux des émigrés en les ancrant à un lieu d'origine. 

La recherche identitaire n'est en rien aisée. Les Africains asservis et leurs descendants composaient et composent encore une population fort diverse, dispersée au sein de sociétés différentes et leur mémoire de régions d'origine en Afrique, de la traite négrière, de l'esclavage et de affranchissement est multiple. De plus, si tout passé est à redécouvrir et à réinterpréter, l'absence de traces matérielles, écrites, rend la redécouverte difficile et le passé doit être réinventé et imaginé à partir de traces. L'idée de diaspora vient signifier cette trace de mémoires de dispersion, de séparation, d'assujettissement, de mépris subi, de perte d'identité, de transplantation. La diaspora devient cette mémoire commune et aussi, facette positive construite par les victimes, ces créativité, réinvention, métissage et hybridation culturelle qu'incarne au premier rang le monde antillais (Hall, 1990 ; Chivallon, 2004). Léopold Senghor et Aimé Césaire parlaient de négritude et d'hybridité entre mondes africain, américain et européen. Paul Gilroy (1993) parle de l'esclavage dans le Nouveau Monde comme d'une expérience de dispersion violente et d'invention culturelle (Chivallon, 2002), d'une expérience diasporique (Black Atlantic). Quant à Seymour Drescher (1999), il compare le trafic négrier occidental à l'Holocauste et crée le terme de Black Holocaust. 

Cette définition de la diaspora s'insère dans les luttes politiques sur le statut des minorités et la responsabilité des majorités culturelles et de l'État à leur égard. Les années 1970-90 sont des années de revendications de groupes s'affirmant des victimes historiques de la nation ou de l'État et pour ce faire s'identifiant à des diasporas. Mais la revendication de l'égalité des droits des individus ne suffisant pas à fonder des demandes de discrimination positive et de reconnaissance symbolique, il faut démontrer une victimisation passée que, selon le sens commun, toute diaspora a subie. Le terme de diaspora dans une acception d'exclusion et d'exil forcé devient une qualification utile à des revendications et une surenchère survient entre groupes victimes. 

Selon cette seconde acception, la première diaspora moderne serait apparue en Amérique latine où pour la première fois la notion de pureté européenne et d'exclusion des autres 'races' a été affirmée. La diaspora serait un produit de l'expansion européenne débutant au 15è siècle par l'annihilation ou le déplacement de populations amérindiennes (Anderson, 1998) et se poursuivant par la mise en esclavage de millions d'Africains, l'assujettissement de milliers d'Asiatiques et l'expulsion ou l'extermination de minorités sous la poussée de nationalismes. Le terme diaspora participe dès lors du retour sur lui-même du discours de la modernité et du progrès et de la mise à jour de ses failles. Le propos apparaît politiquement légitime mais il n'apporte guère d'éclaircissement sociologique sur la notion de diaspora, si ce n'est de répéter un fait connu. Les diasporas participent d'une réalité contredisant la logique de l'État moderne et en sont souvent les victimes. Le terme diaspora participe aussi selon cette critique de la modernité, du débat sur la définition de la culture (Hall, 1990).

 

Diaspora et mobilité :
les réseaux transnationaux

 

La troisième signification assignée au terme diaspora est positive et associée aux idées de cosmopolitisme et de contestation de l'homogénéité culturelle des États modernes. Les diasporiques et les migrants sont présentés comme des passeurs emblématiques des frontières nationales et Wang Gung-wu avance par exemple (1997 : 16) : « l’intérêt actuellement porté à l’idée de diaspora nous rappelle combien peu profondes sont les racines du nationalisme en comparaison de la longue histoire des diasporas ». 

Cette acception met l'accent non tant sur l'exil d'un lieu originel et les liens avec ce lieu que sur la multiplicité des liens tissés entre des communautés issues de la dispersion d'une population. Depuis les années 1980 une réactivation de l’imagerie cosmopolite associée au terme diaspora s'alimente à la réduction de sens des référents territoriaux et nationaux et à la diffusion d’une double dissociation. La première délie identité culturelle, pratiques économiques et système politique qui se conjuguaient pour fonder une nation depuis le 19è siècle. La seconde délie citoyenneté et droits. Le discours des puissances occidentales sur les droits des minorités raciales et culturelles, l’octroi par les pays de l'OCDE des droits civils et sociaux aux non citoyens et les débats sur l’échec des politiques d’assimilation des immigrés sapent la légitimité et l’efficacité idéologique des notions de nation et de citoyenneté (Helly, 2005). En sus, durant les années 1990 l’accélé­ration de la globalisation des marchés et des communications et l’extension de l’idéologie des droits de l’Homme qui veut ignorer les frontières, convoient une valorisation de la mobilité géographique et culturelle. 

De ces évolutions nombre d’émigrés et leurs descendants participent d’espaces où les frontières étatiques ont perdu de leur importance et ils développent des appartenances sociétales doubles ou à des communautés transnationales. De très nombreuses études documentent l’existence de réseaux immigrés transnationaux et la multiplication d’identités multiples, transnationales (Heisler, 1986 ; Glick et al., 1992 ; Basch et al., 1994 ; Blanc et al., 1995; Kearney, 1995 ; Jones-Correa, 1998 ; Portes, 1996, 1999 ; Glick, 1999 ; Hannerz, 1996 ; Vertovec, 1999; Vertovec et Cohen, 1999 ; Helly et van Schendel, 2001 ; Allievi et Nielsen, 2003; Cesari, 2004). 

Face à ces processus des auteurs parlent de transnation, de nation délocalisée, de déterritorialisation, d'identités démultipliées (Appadurai, 1991 : 191-196 ; 1996 : 172) ou encore de transmigrants (Basch et al., 1995 : 48). Ils veulent voir dans les émigrés des acteurs emblématiques de la mise en cause des frontières, de l’autorité étatique et des identités nationales unipolaires. 

Ces trois interprétations du terme diaspora oblitèrent son éventuelle valeur épistémologique. Aussi, faut-il préciser les traits de la forme diasporique.

 

Diaspora, communauté et multipolarité

 

La forme diasporique a été souvent redéfinie ces dernières années. Robert Fossaert (1989) parle d'une "chaîne de colonies sans mère patrie" (164), une mère patrie "racornie" et idéalisée (165). Il distingue les diasporas issues d'enclaves de marchands étrangers sises au carrefour de routes commerciales et les diasporas issues des réserves industrielles européennes et asiatiques créées par le capitalisme et émigrées vers les Amériques. Dans la version assimilant diaspora et liens avec un pays d'origine, Gabriel Scheffer (1993) retient trois traits: revendication d'identité ethnique, forte densité des liens communautaires transnationaux ; contacts avec un territoire d'origine. Dans une version plus proche de l'archétype juif, William Safran (1990) avance cinq traits: dispersion d'un homeland vers plusieurs régions ; mémoire collective de centre d'origine, relations avec celui-ci, volonté d'y retourner et sens d'une responsabilité d'en assurer la reproduction; relation malaisée avec la société de résidence. Robin Cohen (1997 : 140-141) en ajoute deux, dispersion volontaire et relations entre les diverses communautés dispersées. Et Kachig Tölölyan (1996 : 16-17) définit les diasporas dites historiques selon six critères: dispersion forcée, unité culturelle, mémoire collective (texte, histoire), maintien de frontières communautaires, liens entre divers pôles d'établissement et lien avec un centre historique d'origine. 

Dans la version de la rupture de la modernité par l'annihilation ou la dispersion des Autochtones des Amériques et l'esclavage d'Africains, la diaspora n'est pas un état, un ensemble de traits empiriques, un type de communauté ethnique mais une représentation de la dispersion. La représentation d'être en marge d'ensembles culturels stables, en constante hybridation et en mouvement faute de centre. Les diasporas modernes sont selon cette thèse les histoires de passeurs de frontières ostracisés, de gens sans histoire. 

Ces trois définitions de la diaspora offrent deux choix. 

Soit, à l'image des deux premières, on retient une forme particulière d'organisation et les notions de communauté multipolaire et d'absence d'une centralité culturelle, institutionnelle, territoriale caractérisent une diaspora. Des liens au-delà des frontières entre plusieurs noyaux d'implantation historique, des institutions et des réseaux commerciaux, matrimoniaux, religieux multinationaux et des formes culturelles métisses sont opposés à l'unicité de l'État nation. Chantal Benayoun (1998) parle de démultiplicateur de la relation aux autres pour désigner cette forme d'organisation sociale de la dispersion et Amitav Gosh (1989) de groupes aux multiples centres, ne recherchant nullement des racines en un lieu spécifique et un retour à ce lieu mais plutôt réinventant une culture similaire en de multiples lieux [17]. 

Une question se pose cependant : comment apparaît cette forme d’organisation? On explique la dispersion en distinguant les populations fuyant le malheur, maltraitées, expulsées ou menacées de disparition, celles fuyant la misère et la destitution et celles suivant ou créant des routes du commerce. Ce faisant, on assimile exils forcés, stratégies de survie et stratégies d'enrichissement et de mobilité sociale. On trace des routes de la dispersion et on désigne les groupes qui les suivront mais on n'explique nullement pourquoi des populations organisent leur dispersion en communauté multinationale. Cette option quelque peu déterministe dessine des cases où placer des populations mais elle ne précise pas la raison de leur mode spécifique d'organisation sociale. 

Soit, selon une option plus constructiviste on constate les causes structurelles des trois formes de dispersion de populations et on s'attache aux formes et sens que ces dernières accordent à leur dispersion. Toutes les populations dispersées ne se considèrent pas liées en une communauté et ne créent pas d'institutions les regroupant au-delà de multiples frontières étatiques. Elles montrent des rapports distincts à l'idée de communauté car, comme écrivit Clifford (1994 :10), il existe une constellation de modes d’adaptation et de réponses au déplacement de populations. Aussi faut-il pour le moins distinguer migrants et diasporiques.

 

Diaspora: conjurer le déni d'existence

 

Des populations migrant à la recherche de meilleures conditions de vie, sous pression de la misère ou d'une répression politique, montrent une plus ou moins forte propension à maintenir des liens avec une région d'origine et ce lieu est réel. Par contre, dans le cas de populations dispersées par la violence, ce lieu peut être réel, symbolique ou imaginé. Dans ce dernier cas il n'est nullement ancré dans l'histoire et dans un territoire, il est une référence identitaire. Ces deux conceptions peuvent coexister au sein d'une même population. Des Juifs canadiens de troisième et quatrième générations voient en Israël un patrimoine ancestral, l'État canadien étant leur État (Olazabal, 1999, 2006). D’autres, anti-sionistes, refusent toute banalisation d'Israël en État et pensent que la consolidation de la ‘terre d’origine’, soit la création de l'État israélien, a signé la fin de la diaspora juive. Suite à l'échec de leur tentative de contribuer à une construction démocratique de l'État arménien après 1991 des groupes européens et américains d'ascendance arménienne refusent cet État et face au constat de leur différence culturelle et politique insurmontable avec les Arméniens d'Arménie [18], ils inventent une Arménie originaire. L'État arménien n'est plus à leurs yeux qu'un ultime rempart face à un éventuel danger d'assimilation (Ritter, 2005). Enfin, autre cas, le lieu d’origine peut être absent. Les Tsiganes ont construit une organisation communautaire par-delà les frontières mais nullement un discours sur un centre d'origine. 

Historiquement les diasporas "classiques" n’ont pas toujours développé le mythe d'une terre d’origine incarnée par un pays précis, pas plus que l’image d’un retour à ce pays. Les Juifs de l’Antiquité et de la Méditerranée aux 11-13è siècles n’avaient nullement l’idée de provenir d’un seul pays mais plutôt de provenir de diverses régions (Babylone, Palestine, Égypte, Andalousie); ils ne se représentaient pas comme des exilés d'un centre historique (Clifford, 1994 : 305 ; Goitein, 1993). Un lieu d'origine, réel ou imaginaire, n'est pas un fondement de la forme diasporique. Cette forme se particularise plutôt par l’idée d’une communauté existant en dehors de toute référence à un centre et à un territoire et prenant des formes multiples, rivales mais non contradictoires et cette inadéquation aux formes d'organisation hiérarchisée et centralisée fonderaient une méfiance de l'État de la part des membres de diasporas selon Boyarin et Boyarin (1993). Une diaspora se présente comme un faisceau de réseaux, d'organisations, d'institutions reliant des communautés établies dans divers pays et ce caractère polycéphale la fonde. Il incarne et perpétue sa vocation, conjurer la dispersion, voire l'annihilation, en créant des liens. 

Cependant des auteurs reproduisent la logique nationaliste et voient en une diaspora un peuple dont la conscience identitaire ne peut pas se passer de la référence à une terre d’origine réelle et perdue. Il est même parfois dit que les Juifs européens ou américains ne formèrent diaspora que durant les périodes où ils montrèrent un attachement à la Russie, le pays de provenance de nombre d’entre eux, soit principalement durant la Révolution bolchevique. Selon cette affirmation, les Tibétains vivant en Inde et en Occident et les Palestiniens dispersés dans les mondes arabe et occidental constituent des diasporas mais non les Tsiganes faute d'État et de territoire historiques attestés (Bruneau, 1995 : 12). Pourtant, si les Tsiganes n'ont pas construit de discours sur un centre d'origine, ils furent déportés d'un territoire d'implantation, la vallée de l'Indus, vers la Basse Mésopotamie, puis chassés vers l'Anatolie et les Balkans et au 16è siècle certains déportés par les puissances coloniales vers les colonies américaines [19] (Thernstrom, Orlov et Handlin, 1980 : 441). 

La mémoire d’un malheur est souvent présentée comme un trait fondateur d’une diaspora car la dispersion de populations juive, arménienne et chinoise releva d'évènements menaçant la vie des personnes: expulsions de Babylone, pogroms en Russie au 19è siècle, Holocauste; déportation et génocide des Arméniens; déstructuration économique et sociale des provinces du Guangdong et du Fujian à la fin du 19è siècle, guerres civiles et régime communiste dans le cas des Chinois. 

La mémoire diasporique n’est pas seulement celle d'un malheur passé mais celle d’une expérience partagée de mise à l’écart et d’assignation à la marge, à la différence, voire à l’anormalité et l'inhumanité. En ces temps de louanges de la mobilité et de l'hybridation par des milieux universitaires et intellectuels, la marge est embellie de sa distance à un centre, un État, une norme majoritaire. Mais les majorités culturelles demeurent et la marge véhicule toujours un danger potentiel. La forme diasporique est une forme d'organisation communautaire qui assure d'une existence sociale au-delà de la permanence de la menace de dispersion, d'expulsion, de déni. 

Corollairement une diaspora ne peut subsister qu'à deux conditions : 1. Que demeure la potentialité d'une menace sous forme d'attaque physique, de non reconnaissance sociale et de discriminations, les mémoires ne perdurant que si elles servent une action présente. 2. que des fractions des populations dispersées veuillent perpétuer cette résistance au déni et disposent des ressources culturelles et économiques pour le faire. Ces deux conditions, potentialité de la menace et volonté et capacité d'y faire face sont sources de controverses comme en attestent les présents débats en Europe sur un éventuel nouvel antisémitisme arabe, le refus de personnes d'origine juive de voir diaspora juive et malheur sans cesse associés [20], l’idée de la Seconde Intifada comme risque mortel pesant sur Israël ou encore le nombre de Nord Américains d'ascendance juive, arménienne, africaine' ou chinoise refusant de se dire Juifs, Arméniens, Africains ou Chinois de la diaspora et s’affirmant citoyens américains ou membres de groupes ethniques américains.

 

Moments et segments diasporiques

 

Vu ces deux conditions d'existence d'une diaspora, celle-ci n'est pas une entité sociologique pérenne ou recouvrant l'ensemble d'une population de même origine. L'histoire d'une population dispersée contre son gré peut n'être diasporique qu'un temps et des fractions significatives de cette population peuvent refuser le fait diasporique. 

William Safran (1991 : 83-85) cite le cas des exilés polonais qui de 1830, date d'une insurrection, à 1944 ne cessèrent de militer pour le rétablissement d'un État polonais et créèrent des institutions à cette fin. Il les oppose aux Polonais émigrant aux États Unis à partir des années 1880 pour s'y établir définitivement. Le cas des Chinois émigrés est encore plus exemplaire. Des années 1880 aux années 1950 les Hua Qiao fondent des organisations les opposant par-delà les frontières sur la réforme politique de l'Empire et de la République (McKeown, 1999 : 322). Ils forment diaspora durant un temps. Le destin de ces milliers de Cantonais fuyant les invasions étrangères et la misère au 19è siècle, puis les guerres civiles et l'instauration d'un régime communiste est effacé par l'émigration de classes moyennes de HongKong vers les Amériques et l'Asie du Sud Est. Pour exemple, depuis les années 1950-60 [21], la population nord-américaine d'ascendance chinoise comprend des classes moyennes et des professionnels moins exposés au racisme et la fraction qui pointe la permanence de l'hostilité envers les Asiatiques et veut maintenir la mémoire de l'exil forcé et de la discrimination par les États des États-Unis et du Canada ne s'est manifestée que durant les années 1980 lors de demandes de réparation et de reconnaissance d'autres groupes ethniques. Cette population ne développe pas de solidarité avec les émigrés de la RPC ou les Chinois d'Asie du Sud. Ainsi, des Canadiens et Américains d’origine chinoise ont réagi très négativement à l’arrivée d'adolescents du Fujian débarquant clandestinement sur la côte ouest canadienne et ont souhaité leur expulsion rapide. Pourtant le racisme anti-asiatique demeure (Li, 2003) et se montre comme lors de l'arrivée durant les années 1990 d'une vague de Chinois fortunés de HongKong déplaçant des classes moyennes européennes de leurs quartiers (Toronto, Calgary, Vancouver au Canada). De même les personnes d'origine chinoise établies hors de HongKong, Taiwan et de la RPC disposent de réseaux commerciaux transnationaux étendus, complexes et puissants mais ne développent aucune conception d'une communauté de sort ou de culture et ne disposent pas d'une ou plusieurs institutions actives les liant à travers l'Europe, l'Asie du Sud Est, l'Australie et les Amériques. Elles se comportent comme des émigrés liés à un pays d'origine; débattent de sa démocratisation, y investissent et parfois vont y vivre. Un succès financier en Asie du Sud Est, une réussite sociale et un statut de minorité modèle [22] en Amérique du Nord et la nouvelle puissance économique de la RPC expliquent ce reflux de la mémoire du racisme anti-asiatique et l'absence de lien diasporique. Selon Ian Buruma (1999) une évolution pourrait raviver ce lien :

 

when speaking of a Chinese diaspora, we think of two or three or more Chinas, RPC, Taiwan, Hong Kong as well as people living outside these places and who don’t all think of themselves as Chinese or develop political and cultural loyalties to a Chinese world. But the Internet may change that: One might argue that China, as an imagined political community in which all Chinese can take part, only exists in cyberspace. There, for the first time, Taiwanese, mainland Chinese, Hong Kong Chinese and Overseas Chinese read the same papers, follow the same debates and talk about politics. The Internet is a forum of worldwide Chinese public opinion, and two events seem to stand out as common symbols for the Chinese: the Nanjing Massacre by the Japanese army in 1937; the Tian An Men events of May 1989.

 

Diaspora et ressources

 

Vu les ressources monétaires, culturelles, organisationnelles et intellectuelles nécessaires pour construire le faisceau d'institutions nationales et transnationales qui caractérisent une diaspora, l'expérience diasporique ne peut pas être une émigration de la misère. Il n’existe pas de Labour Diasporas (Cohen, 1997 : 129) mais des courants d’émigration pauvre qui, au fil du temps et à la suite de la mobilité sociale de certains de leurs membres construisent une conscience et une organisation diasporiques. Armstrong (1976) parle de diasporas prolétaires à propos des émigrations polonaise, irlandaise, portugaise, espagnole ou italienne et explique comment ces courants migratoires développèrent leurs propres réseaux religieux, culturels et sociopolitiques. Mais il omet de dire que ces réseaux demeurèrent nationaux et que ces émigrés ne développèrent pas l’idée de l’unicité d’une tradition ou d'un sort dont ils auraient été porteurs à travers les frontières de leurs patries d’adoption. Ces populations, dont la ‘diaspora irlandaise’ si souvent citée vu le caractère catastrophique de la famine en Irlande entre 1845 et 1848, montrent une acceptation de la logique unilinéaire nationale et tentent par intérêt économique ou identitaire de jouer un rôle dans la vie de leur pays d’origine. 

On ne peut que remarquer qu'historiquement, les diasporas juive, arménienne et hellénique ont connu de longues périodes fastes et contribué à des développements culturels d'importance : spécialisation occupationnelle souvent lucrative et valorisée, inclusion dans les élites politiques et culturelles, statut de passeurs de frontières utiles à la circulation de produits et d'idées. Mais des limitations de droits en raison de leur distance culturelle, linguistique, religieuse marquaient leur statut à la marge des populations majoritaires. 

L'expérience des diasporas historiques ne fut pas seulement exil forcé, mémoire du malheur, perte et victimisation. Les Juifs de Babylone créèrent de nouvelles traditions [23] et si le retour des Juifs à Jérusalem et la reconstruction du Temple (515 B.C.) s'accompagnèrent de manifestations de fondamentalisme religieux et de bigoterie, les communautés juives d'Alexandrie, Antioche, Damas et ailleurs en Asie Mineure devinrent des centres de culture. Après la destruction du Second Temple, Babylone demeura le centre de la vie et de la pensée juive et l'exil babylonien fut une période d’énergie créative (Cohen, 1997: 120-121). 

Les Arméniens formèrent une communauté différenciée au sein de l’Empire turc depuis le 11è siècle [24]. Ils étaient banquiers, artisans, bureaucrates et certains conseillers des Sultans, et ils possédaient des terres, la majorité étant des paysans. Jusqu'aux purges de l'ensemble des élites soviétiques durant les années 1930, les Juifs en URSS étaient surreprésentés dans les ordres professionnels (Nathan, 2001) et composaient l’épine dorsale de la bureaucratie soviétique vu leur fréquente adhésion aux préceptes révolutionnaires (Slezkine, 2004). Et, exemple actuel, les Palestiniens de toutes confession, quasi invisibles en Amérique latine, y intègrent les plus hauts rangs de la hiérarchie politique [25].

 

Conclusion

 

Les traits d’une diaspora sont au nombre de quatre : la mémoire et la conscience d’une condition sociale incertaine, instable, précaire, sinon dangereuse, et la volonté de conjurer ce sort; la transmission organisée et parfois la réinvention de cette mémoire collective par des élites (écoles, journaux, associations, institutions religieuses et autres); la multiplicité de foyers d’expression culturelle, décentrés; et des moyens économiques et culturels pour maintenir un réseau multinational de liens entre ces foyers. Autant de traits pointés pour définir les diasporas historiques et que la prise en considération d'autres populations dispersées par la violence, travailleurs chinois et indiens déplacés vers les colonies européennes, émigrés miséreux irlandais, italiens, scandinaves, allemands, descendants d'Africains esclaves, n'invalide en rien. Ces cas montrent au contraire comment une construction diasporique peut ne durer qu’un temps ou ne jamais apparaître par manque de ressources pour créer un réseau d'institutions dans le cas des coolies chinois et indiens déplacés au 19è siècle, par recouvrement en Amérique du Nord des immigrations européennes pauvres par des institutions et hiérarchies religieuses nationales, ou encore par indifférence ou refus de mémoire de la majorité des Noirs américains qui préfèrent une mobilisation religieuse ou politique nationale pour avancer leur statut au sein de la société américaine. 

Si cette acception de la diaspora comme réplique organisée à la dispersion forcée et au risque de déni d'existence et comme forme communautaire nécessitant des ressources matérielles et culturelles, détient quelque validité, les conditions socio-historiques de dispersion brutale de populations ne peuvent être oubliées. Dans l'histoire les diasporas proviennent des zones de rivalité entre des puissances, Asie Mineure, Caucase et Moyen Orient (Grecs, Juifs, Arméniens [26], Assyriens, Parsis) et Inde, Asie du Sud Est et Chine du Sud (Chinois, Indiens). Elles sont nées de l’expansion de ces puissances, de la multiplication des voies et zones d’échanges entre elles, de leur affrontement et de leur déclin. On pense aux conquêtes ou déclins des Empires assyrien, perse, romain, arabo-musulman (du Moyen Orient à l’Espagne) pour les Juifs, aux Empires ottoman et russe pour les Arméniens et les Grecs (ère moderne) et aux Empires coloniaux du 19è siècle, espagnol, hollandais, britannique, français, pour les Africains, les Indiens et les Chinois (Amériques, Antilles, Mascareignes, Asie du Sud Est). 

Depuis un demi-siècle, notamment comme conséquence de la Guerre froide dans le Tiers Monde, épurations ethniques, déplacements forcés de population, destruction de territoires et génocides sont des réalités constantes. En sus, depuis les années 1980 la multiplication des échanges, la facilité des communications et la violence de conflits ethniques et nationalitaires sembleraient induire la formation de nouvelles diasporas et la mondialisation financière, économique et culturelle en réduisant le rôle et la souveraineté des États et en tribalisant les sociétés démocratiques favoriserait la formation de diasporas pour certains (Barber, 1996). De fait les cas potentiels de formation de diaspora sont légion mais les cas actualisés rares. 

Nombre de populations ayant subi une dispersion massive et violente n'ont pas créé de diaspora. Il suffit de penser aux Tartares de la Volga et de la Crimée, aux Khmers, aux Hmong et Vietnamiens (3 millions), aux Afghans (plus de 6 millions de réfugiés), aux Bosniaques (1.520.000 réfugiés dont 700.000 en Europe), aux Tutsis du Rwanda (800.000 assassinés, 1 million de réfugiés), aux Kosovars (400.000 réfugiés) (Ogata, 2005) ou encore aux Kurdes. Toutes présentent un trait, l'absence des ressources nécessaires à la constitution d'une diaspora alors qu’un flux migratoire confirme l'importance des ressources autant matérielles qu'humaines pour devenir diasporique, celui des Sikhs militant pour la création d'un Khalistan. Ils disposent d'amples moyens financiers et intellectuels pour reconstruire une mémoire d'expulsion et étendre des réseaux.

 

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DENISE HELLY

Professeur titulaire

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE

3465 rue Durocher

MONTRÉAL, QUÉ.

CANADA H2X 2C6



[1] Nous remercions Annick Lenoir-Achdjian et Ignace Olazabal de leurs commentaires.

[2] Les Juifs vivant dans le monde gréco-romain parlent et lisent la lingua franca de l'époque, le grec, les Juifs de la diaspora mésopotamienne l'araméen.

[3] Bauer refuse toute autonomie aux Juifs car, selon lui, ils ne constituent pas une nation.

[4] À la différence de la période révolutionnaire de 1789 quand des Juifs diffusent dans les communautés juives d’Europe, les idées d’universalisme et d’égalité des droits des individus et de tout Juif dans son pays d’implantation.

[5] Neuf millions de Juifs vivent dans 12 pays européens au début du 20ème siècle, les deux tiers parlent yiddish. Suite à des pogroms dans le sud de la Russie durant les années 1880, ils commencent à émigrer en Amérique du Nord.

[6] Au 19è siècle des Arméniens de l'Empire contestent leur oppression politique et se rebellent. En 1894-1896 et 1909 ils sont dépossédés de leurs biens et forcés à l'exil ou assassinés, les deux tiers du 1.75 million d’entre eux vivant en Anatolie sont déportés en Syrie et Palestine. En 1914 4 millions vivent sur le territoire de la Turquie actuelle et en Russie, en 1915 1.2 million est assassiné sur ordre ou avec la complicité des autorités ottomanes, comme 500.000 Assyriens, Chaldéens et Syriaques. Présentement 3.5 millions Arméniens vivent en Arménie, 4 à 5 millions hors d'Arménie dont 1.5 million dans des territoires de l'ex-URSS, 1 million aux États Unis et d'autres en Syrie, Égypte, Turquie, Iran, Géorgie, France (0.4 million), Australie, Argentine et au Liban, Canada et Brésil.

[7] Les échanges de populations musulmanes et chrétiennes inscrits dans le Traité de Lausanne de 1923 permettent l’hellénisation de la moitié nord de la Grèce actuelle. Ils concernent 1.200.000 Chrétiens établis dans les villes de Pondo, Smyrne, Cappadoce et de Constantinople, dont nombre d’origine grecque.

[8] Chassés à plusieurs reprises dont lors des guerres russo-turques aux 18è et 19è siècles, nombre des Grecs des provinces ottomanes de la Mer noire (Pont-Euxin), dits Pontiques, sont massacrés entre 1919 et 1923 et expulsés du territoire turc en 1923 (Traité de Lausanne). Sur 500 000, plus de 250 000 sont exterminés ou meurent lors de leur emprisonnement ou de leur déportation à travers l'Anatolie (le nombre de 350.000 morts est avancé par les associations qui revendiquent la reconnaissance internationale de ce génocide depuis 1988).

[9] Le gouvernement turc ne reconnaît pas le génocide arménien. Depuis avril 2005 il permet l'examen des archives ottomanes concernant ce dossier.

[10] La diaspora chinoise représente 30 millions de personnes, étant exclus Taiwan (22 millions) et HongKong (6 millions).

[11] Qiao (émigré temporaire) désigne dans le traité de Nankin (1858) le domicile temporaire des officiels chinois à l’étranger (Wang Gung-wu, 1981). L’émigration des sujets chinois demeure punie de mort jusqu’en 1893.

[12] Saint-Blancat (1997). Elle suppose une communauté mondiale de musulmans, la oumma, laquelle n'est pas une réalité sociologique mais une idée, notamment de fondamentalistes qui évoquent une communauté du temps du Prophète réunissant tous les musulmans (Roy, 1996).

[13] En 1918, une République arménienne est fondée, deux ans plus tard elle est absorbée par l'Union Soviétique.

[14] De 1979 à 1993 les investissements par des Chinois émigrés s'élevèrent à 220 milliards de dollars sur un total de 270 milliards de dollars d’investissements étrangers en RPC. Ils provenaient de HongKong, Macao, Taiwan et Singapour.

[15] Pour tout dollar envoyé par un canal officiel par un ressortissant résidant à l'étranger, le gouvernement mexicain ajoute 3 dollars. Les fonds obtenus servent à consolider ou à créer l'infrastructure des régions d'origine (routes, écoles).

[16] Le mouvement regroupe actuellement environ 1 million d'adeptes.

[17] "Groups multi-centered and not so much oriented to roots in a specific place and a desire for return as around the ability to recreate a culture in diverse locations".

[18] Actuellement 3 millions de personnes d'origine arménienne vivent en Arménie et le double en dehors de l'Arménie.

[19] Par la Grande Bretagne vers La Barbade et la Jamaïque à partir de 1544, puis la Virginie, la Géorgie et l'Australie; par l'Espagne vers ses Antilles à partir de 1580, par le Portugal vers le Brésil et l'Angola à partir de 1591, par la France vers la Louisiane à partir de 1600, par les Pays Bas vers le New Jersey à partir de 1650 et par l’Allemagne vers la Pennsylvanie à partir de 1758.

[20] La Shoah demeure taboue en Israël jusqu'au procès d’Eichman pour devenir mémoire nationale officielle.

[21] L'idée d'une culture chinoise les réunissant leur était étrangère et la fermeture de la Chine maoïste la rendit inopérante. Taiwan et HongKong deviendront des centres de création culturelle plus actifs et innovateurs que la Chine continentale

[22] Par la réussite professionnelle, la performance scolaire et l'invisibilité sociale et politique.

[23] Des groupes de discussion autour de ‘Prophètes’ devinrent des synagogues, les Juifs adoptèrent le calendrier babylonien et l'alphabet araméen et la Torah fut codifiée à Babylone (Cohen, 1997: 119).

[24] L'église apostolique arménienne, créée en 301, est reconnue par le régime ottoman et détient le statut de millet, une forme d'autonomie L'Arménie demeure sous domination turque jusqu'à la Première guerre mondiale.

[25] En 2003, au Salvador, les deux principaux candidats à l'élection présidentielle sont d'origine palestinienne, des descendants de familles venues de Bethléem. L'Argentine eut un président d'origine arabe, Carlos Menem, issu d'une famille chiite libanaise et converti au catholicisme, religion obligatoire pour accéder à ce poste, l'Équateur deux (Jamil Mauhad, Abdulla Bucaram), le Honduras un (Carlos Roberto Flores Facussé) et le Guatemala un (Elias Serrano), sans compter les dizaines de ministres, de parlementaires et de gouverneurs au Brésil et au Chili. En ligne: www.suffrage.universel, Diaspora palestinienne, 19 mars 2003.

[26] Arméniens chrétiens, dont l’installation en Crimée pour les premiers au 18è siècle et en Ukraine pour les seconds au 19è siècle, est encouragée par Catherine II, puis par le tsar de Russie. Ils détiennent un statut d’autonomie culturelle, disposant de leurs propres églises, écoles et codes de justice.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 25 février 2008 10:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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