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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

RÉTABLIR L’ORDRE. Peur, méfiance, haine des minorités culturelles et sexuelles. (2021)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Denise Helly en collaboration avec Nina Admo, Ahmed Mahdi Benmoussa, Alexandre Berlad, Richard Y. Bourhis, Brieg Capitaine, Benjamin Ducol, Aurélie Girard, Grégory Gomez del Prado, Jessy Lemire Moreau, Frédérick Nadeau, Maryse Potvin, Simon Saint-Onge et Stéphanie Tremblay, RÉTABLIR L’ORDRE. Peur, méfiance, haine des minorités culturelles et sexuelles. Chicoutimi, Québec: Les Classiques des sciences sociales, mars 2021, 338 pp. [Madame Denise Helly nous a accordé le 22 janvier 2021 son autorisation, conjointement avec celle de tous ses collaborateurs, de diffuser ce livre en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

RÉTABLIR L’ORDRE.
Peur, méfiance, haine des minorités culturelles et sexuelles.

Introduction

Les contextes de l’animosité
envers les minorités culturelles et sexuelles
 [1]

Denise Helly


Un rappel historique

Au Canada, la violence, physique et psychologique, et les refus de droits subis par les personnes issues de l’immigration et par les Autochtones sont passés sous silence par les gouvernements fédéraux jusqu'aux années 1950 (Abella et Troper 1983 ; Walker 1997 ; Backhouse 1999 ; Van Dyk 2020 ; Daschuk 2013 [2]), quand un gouvernement conservateur promulgue trois lois interdisant la discrimination [3] fondée sur  la race, l’origine ethnique et la religion dans l’emploi et le logement [4]. Le même gouvernement propose également la première législation sur les droits de la personne, le Bill of Rights (1960). Quelques années après, des contestations de l'inaction des autorités face à une multiplication d’actes antisémites et de propos anti noirs contribuent à un autre positionnement. En 1965, un gouvernement libéral (Pearson) accorde quelque attention à la violence raciale et religieuse charge un comité d’étudier sa propagation au Canada (Comité spécial de la propagande haineuse au Canada, ci-après « Comité Cohen »). En 1970, suivant les recommandations du Comité Cohen, le Code criminel canadien (ci-après Cc.crim) est modifié et trois formes de propagande haineuse, la promotion du génocide, l'incitation à la haine et la fomentation de la haine en vertu d’un attribut personnel comme la race, la couleur, la religion ou l’origine ethnique, sont déclarées des délits criminels.

Vu sa fonction uniquement de sanction, cette modification ne peut guère réduire les actes haineux interdits, alors même que des inégalités sur la base des attributs cités sont reproduites structurellement [5] et qu’en outre la provenance des flux migratoires de pays non européens à partir de 1967 alimente les courants d’opinion racistes [6]. Durant les années 1970-80, une violence hargneuse contre les Juifs et les Noirs persiste. Cependant une mutation de la définition des droits individuels est en cours au Canada (Clément et Trottier 2012).  En 1977, la Loi canadienne des droits de la personne (ci-après « LCDP ») qui protège l’égalité des chances, interdit toute atteinte à l'intégrité physique et psychologique d'une personne qui serait fondée sur l’un des critères suivants, la race, l'origine nationale ou ethnique, l’âge, la couleur, la religion et le genre [7]. Puis, en 1982, la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après « La Charte »), qui recouvre les rapports entre l’État et les personnes, interdit la discrimination selon les mêmes critères [8]. Toute atteinte à un droit et toute infraction criminelle, avec ou sans violence, qui visent une personne en raison d’un critère interdit de discrimination, sont désormais sanctionnées au criminel et au civil. Et la notion de minorité culturelle devient un mot courant du vocabulaire politique [9].

Lors de cette évolution, une attention particulière est portée à la propagande haineuse et à tout acte discriminatoire comportant un élément de haine. En effet, selon les conclusions du Comité Cohen et d’ouvrages ayant provoqué une forte polémique aux Etats-Unis [10], ils causent un préjudice disproportionné à l’individu et au groupe auquel ce dernier s’identifie ou est identifié. La notion, non juridique [11], de crime haineux se répand. Elle provient du droit international et des États-Unis où, en 1990, est adopté le Hate Crime Statistics Act. Au Canada, parlementaires, fonctionnaires, juges et Statistique Canada utilisent ou reproduisent l’expression [12], qui toutefois demeure équivoque. Elle recouvre des comportements allant du génocide et de l’homicide à des faits de moindre gravité comme le vandalisme et le crime contre les biens. La Cour suprême du Canada apporte des précisions en 1990. Elle définit la haine comme « des émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation se traduisant par des calomnies et la diffamation » et comme un mépris stigmatisant des individus et portant atteinte à la paix sociale. La Cour précise encore que les tribunaux doivent tenir compte « de la nature à la fois virulente et extrême des sentiments évoqués par ces termes » [13].

En 1995, dans une autre tentative de réduire le nombre d’actes haineux, le Code criminel est modifié. L’article 718.2(a)(i) prescrit : si la preuve est faite qu’une infraction a été motivée par un préjugé ou de la haine sur la base d’un critère illicite de discrimination, la sentence doit être aggravée. Les délits criminels comportant une dimension haineuse sont ainsi distingués des autres crimes par leur motivation. Et, avancée majeure, en 1996 la LCDP est amendée pour inclure l’orientation sexuelle comme motif interdit de discrimination.

En 1999 le gouvernement fédéral lance des recherches pour uniformiser la définition et l’enregistrement des actes haineux et décide d’un enregistrement par les services de police, des actes stigmatisant publiquement des personnes protégées de la discrimination par les Chartes et la première série de données statistiques annuelles publiée en 2006. Selon les termes du Code criminel, de la LCDP, des Chartes canadienne et québécoise et des Human rights acts, un homme blanc peut être victime d'un acte haineux en vertu par exemple de sa couleur, son origine ethnique, son genre ou son orientation sexuelle [14]. Les statistiques montrent que ce sont les non Blancs, les non Chrétiens et les LGBT+ qui sont les principales victimes d’actes haineux.

Le conflit politique

Ces gains du droit pour les minorités culturelles et sexuelles à être protégées de la discrimination et non haïes publiquement relèvent d’accords et de pactes internationaux [15] mais aussi d’une politisation des relations raciales et culturelles. Les mouvements sociaux des années 1950-1980, i.e. lutte pour les droits civils des Noirs américains, revendications féministes, mouvements écologistes, contestations nationalitaires, demandes indépendantistes, politisation des droites religieuses, ont remis en cause les lignes définissant depuis plus de deux siècles les antagonismes tels que ceux entre pauvres/nantis, peuple/État, prolétariat/bourgeoisie (Bell 1960, 1999 ; Touraine 1973 ; Fraser, Benhabib, Butler et Cornell 1995 ; Beck 2001 ; Fraser et Honneth 2003 ; Fassin et Fassin 2006).

Au fil des années 1970-1990, l’essentialisme de classes perd de son efficacité et l’occupation, la scolarité et l'âge ne sont plus mis de l’avant comme les facteurs premiers d’explication des statuts sociaux. De traits privés, personnels, de différenciation physique ou culturelle, l’ethnicité [16] sous ses diverses formes (phénotype, origine nationale, langue, socialisation), la couleur, la sexualité, la religion et le genre acquièrent une saillance particulière comme grilles d’interprétation des inégalités sociales et bases d’identités sociales. Ils deviennent des catégories pour l’intervention étatique [17] et des bases de contestation et de mobilisation pour de nouveaux droits. Ce faisant, les luttes politiques et les discours publics invoquent de plus en plus souvent des clivages binaires [18], tels que ceux entre majorité et minorités, natifs et immigrants, Chrétiens et non-Chrétiens, Blancs et non-Blancs [19], alors même que d’autres luttes renforcent ces divisions.

Depuis les années 1960 des conflits, dits ‘guerres culturelles’, concernent les systèmes de valeurs et modes de vie qui doivent prédominer au sein d’une société. Particulièrement aigues dans le monde anglo-saxon, ces ‘guerres’ montrent un fossé entre deux conceptions normatives de la famille, de la sexualité et de l’autorité, l’une d’inspiration chrétienne, l’autre moins autoritaire, plus individualiste, ouverte à la diversité des univers de sens et de pratiques, libérale (Davison Hunter 1991). R. Inglehart (1977, 1990) parle d’effacement de valeurs ‘matérialistes’ centrées sur l’égalité socio-économique et la protection de l’État providence au profit de valeurs ‘post matérialistes’ vantant la liberté de choix des individus de leur mode de vie et la pluralité culturelle.

La double dynamique des conflits sociaux autour de l’idée d’égalité et de reconnaissance [20] des groupes minoritaires et des luttes discursives sur des valeurs sociétales universelles signifie une présence  accrue des thèmes minoritaires sur les scènes publique et politique. Cette situation suscite débats et résistances (Ignazi 1992) autant de la part de certaines élites culturelles [21] que de citoyens de tout statut social. De fait, dès les années 1990, deux formes ouvertes d’hostilité aux immigrants et à des minorités culturelles, la xénophobie et l’intolérance religieuse [22], se propagent.

Des évolutions plus puissantes aggravent en effet les oppositions entre minorités et majorité, et les conflits internes aux majorités. Mondialisation des échanges (Kessle et Subramanian 2013), concurrence internationale, désindustrialisation, réduction des services publics et des programmes de redistribution des États providence, baisse des revenus pour les moins qualifiés, mobilité sociale bloquée (Laurent 2020), perte d’influence des syndicats et des partis de gauche [23] (servant plus les intérêts des classes aisées que des classes moyennes, ouvrières et rurales, déstructurées), recul de l’idéologie égalitariste (Boucher 2018), autant de changements qui creusent les inégalités socio-économiques au sein des populations nationales. Ces évolutions s’accompagnent d’un regain de discours sur la valeur de la méritocratie, de l’expertise, de l’individualisme et des solutions techniques aux problèmes sociaux, comme Michael Sandel (2020) l’a illustré. L’éloge de ces valeurs par les élites dirigeantes et des groupes de réflexion (think tank) efface les idées de solidarité et de communauté fondant des politiques de redistribution et de réduction des inégalités sociales. Elle crée également une nouvelle imagerie qui divise les citoyens en deux catégories antagoniques, celle des individus performants, cosmopolites, mobiles, ouverts au changement, et celle des perdants, bigots, attardés, révoltés, attachés à un terroir, une communauté ou un mode de vie dit révolu.

Dans ce contexte socio-économique et idéologique, la récession de 2008 et le renflouement de grandes entreprises par l’État provoquent une montée de contestations de l’ordre néo-libéral [24] et des élites qui le gèrent et qui, selon leurs critiques, n’auraient nullement rempli les trois promesses du libéralisme, i.e. progrès social, égalité et démocratie. L’influence de des courants d’idées cumulant hostilité aux élites néo-libérales (Sandel 2020 ; Perliger 2020), aux immigrants et aux minorités culturelles et sexuelles s’étend, alors même que dans des démocraties établies (Europe de l’Ouest, Canada), les opinions publiques tendent à condamner les discriminations à l’égard de ces minorités [25].

Au Canada, lors d’un sondage en 2019 [26], 54% des personnes dites noires et 53% des Autochtones déclarent avoir été discriminées en raison de leur ‘race ou de leur origine ethnique. Pareille expérience est moins souvent rapportée par les personnes d’origine sud-asiatique (38%), chinoise (36%) et par d’autres populations racisées (32%) ou blanche (12%). Par ailleurs, la plupart des Canadiens reconnaissent que les populations non blanches subissent de la discrimination souvent ou occasionnellement. Plus précisément, 77% pensaient que les Autochtones sont discriminés, 73% que tel est le cas des personnes dites noires, 75% des personnes d’origine sud-asiatique et 54% des personnes d’origine chinoise. Seulement 5% estiment qu’il n’existe aucune discrimination basée sur la ‘race’ ou l’origine ethnique au Canada.

Entre 2019 et 2020, on enregistre aussi une diminution de moitié du nombre de Canadiens estimant que la discrimination envers les personnes dites noires et celles d’origine chinoise ne constitue pas un problème au pays [27]. De fait, depuis dix ans, les Canadiens déclarent en proportion croissante qu’il est difficile pour les non-Blancs de ‘réussir’ au Canada et, en proportion décroissante, qu’il est de la responsabilité des minorités raciales et ethniques de résoudre leurs problèmes économiques et sociaux. Une majorité se montre également optimiste affirmant que de réels progrès seront faits à l’avenir pour réduire les discriminations et pense que ce sera du fait d’actions individuelles des citoyens plus que d’interventions des gouvernements [28]. Cette lecture de l’opinion publique ne saurait masquer sa face noire. Une proportion encore significative de Canadiens manifeste des attitudes discriminatoires envers les minorités, et une attitude positive ne présage pas forcément d’un comportement positif. Racisme, xénophobie, intolérance religieuse, homophobie demeurent des réalités canadiennes.

Ces réalités sont rendues plus visibles, voire amplifiées, par deux facteurs au Canada, comme dans d’autres pays : l’expansion des médias sociaux et l’adhésion de certains partis conservateurs aux thèses des courants racistes et anti-libéraux. Le Parti Réformiste, puis le Parti conservateur et la Droite chrétienne s’opposèrent dès l’adoption de la LCDP, à l’égalité des droits des minorités homosexuelles et ils questionneront sans cesse par la suite la légitimité de la législation anti-haine. Allyson M. Lunny (2019) a analysé extensivement leurs positions lors des débats aux Communes et des auditions en commission, aussi nous ne mentionnerons que certaines de ces positions.

Droites populistes et extrêmes-droites

Durant les années 2000-2010, les courants d’idées hostiles aux minorités culturelles et sexuelles gagnent donc une très forte visibilité sur les médias sociaux et sont de plus en plus souvent véhiculés par des regroupements formalisés [29]. Toutefois ces courants ont des fondements idéologiques et des objectifs politiques extrêmement différents.

Certains, forts du déclin des partis de gauche et de traditions attachées aux notions de nation culturelle et de volonté populaire, acquièrent dès les années 1980 une nouvelle influence (Beyne 1988), qu’ils consolident les décennies suivantes (Judis 2016). Ils visent une représentation parlementaire, voire le pouvoir [30]. Ils prônent des valeurs d’ordre et d’autorité et l’établissement d’institutions de contrôle social plus punitives. Selon un schème des idéologies populistes, ils veulent réduire les institutions de médiation entre les citoyens et un chef incarnant l’État et ils honnissent juges, syndicats, médias et élites néo-libérales. Ils défendent des politiques de protectionnisme, culturel, voire économique et des formes de démocratie directe [31] (référendum). Un dernier thème les rassemble, le refus de l’immigration sous forme de politiques de préférence nationale, de fermeture des frontières, d’exigence de compatibilité, voire d’assimilation, culturelle des migrants et de leurs descendants et aussi de discours hostile aux minorités d’origine immigrée. Ils veulent rétablir l’équivalence historique entre nationalité et citoyenneté [32].

On dénomme généralement ces formations politiques, droites radicales (Bell 1963 ; Betz 1994 ; Kitschelt 1995 ; Mény et Surel 2000 ; Mudde 2007 ; Akkerman et al. 2016) ou droites nationalistes populistes (Taguieff 2012; Boily 2020). Elles peuplent actuellement l’univers européen et états-unien (Rassemblement national, France ; Alternative für Deutschland, Allemagne ; Droit et Démocratie, Pologne ; UK Independence Party, U.K. ; Fidesz, Hongrie ; La Lega, Italie ; Grecs Indépendants, Grèce ; Parti pour la Liberté, Pays Bas ; Vlaams Belang, Belgique ; Démocrates suédois, Suède ; aile trumpiste du Parti Républicain) [33].

Les idéologies des droites radicales sont à distinguer des courants d’idées et regroupements en appelant à d’autres thèmes que la lutte d’un ‘peuple souverain’ contre des élites néo-libérales cosmopolites accaparant l’État. Ces courants d’idées et ces corpuscules expriment ressentiment et colère envers toute forme d’establishment et imaginent d’autres vocations et fondements pour l’État, l’institution censée, selon eux, leur accorder identité, statut, bien être et sécurité. Ils sont extrêmement hétéroclites mais on peut les distinguer par quelques traits [34] qui, certes, ne permettent pas de parler d’UNE cosmogonie d’extrême droite mais uniquement de cerner une mouvance d’idées fortement opposée au libéralisme politique et au néo-libéralisme (Slobodian 2018).

Ces courants et groupuscules s’expriment essentiellement sur la toile, hors de l’enceinte parlementaire, et sont exclus de l’arène politique institutionnelle. Ils parlent de confiscation du pouvoir politique par des castes privilégiées et aussi, et de manière prégnante, de destruction de modes de vie et de manières d’être, de déclassement social, de perte de repères culturels. Ils affichent un refus et une incompréhension des changements de mœurs, de hiérarchie sociale et de lois depuis les années 1960. Ils manifestent un mépris des savoirs savants et condamnent pour abus de pouvoir et désinformation, les agents et acteurs de l’État (hauts fonctionnaires, politiciens), les médias, les artistes, les scientifiques. Ils réfutent l’idée d’égalité et condamnent eux aussi les médiations existantes entre l’État et les citoyens, au premier chef les tribunaux et les juges qui s’attardent plus à la défense des droits individuels que de la société ou de la communauté qu’ils veulent créer. Ils expriment une nostalgie ou un désir d’univers sociaux ordonnés non pas par un ‘peuple’ souverain comme les droites populistes, mais par une filiation, un Dieu chrétien tout-puissant, un groupe blanc à la pureté raciale attestée, ou un démiurge déstructurant l’État libéral dans l cas des occultistes millénaristes, essentiellement présents aux États-Unis et des  conspirationnistes (Kay 2011 ; Zucchino 2020 ; Jackson 2020) [35].

Ces courants d’idées et corpuscules composent des univers très différenciés, ethno-nationalistes, suprémacistes, ultra-traditionnalistes/fondamentalistes chrétiens, conspirationnistes, occultistes [36] et utopistes (Marantz 2020), et leurs visions du monde peuvent se recouper [37]. Cependant, ils se particularisent par le référent fondateur de l’ordre social qu’ils veulent (r)établir, une filiation par le sang et le sol (voir F. Nadeau dans ce volume), une civilisation/race, une communauté locale autonome, des forces occultes ou encore des préceptes de l’Église primitive (voir B. Capitaine dans ce volume). Ils se distinguent aussi par le groupe ou les groupes qu’ils considèrent leur principal ennemi, les non Blancs, les athées, les chrétiens sécularisés, les immigrants, les Noirs, les Juifs, les Arabes, les Musulmans (voir R. Bourhis, et M. Potvin et S. Tremblay dans ce volume), les femmes éduquées ou les LBGT+ [38]. Ils expriment envers ce groupe ou ces groupes, une défiance, sinon une détestation [39]. Ils voient en eux les alliés et les protégés d’élites cosmopolites et les dépeignent comme des ennemis politiques à craindre, à exclure, voire à intimider physiquement dans le cas des néo-fascistes et des suprémacistes blancs.

On ne peut que constater combien les minorités autochtones canadiennes sont très peu présentes, sinon absentes, de ces univers. Elles ne semblent pas avoir acquis le statut de membres de la communauté politique.

Ces mouvements d’idées et ces corpuscules souvent peu formalisés s'estiment victimes du mépris et de l’incompréhension de leurs concitoyens. Ils se désignent comme des minorités culturelles oubliées de l’État en dépit de leur tentative de défendre les droits de figures historiques menacées de disparition : Blanc, mâle (Zuckerberg 2018), patriote, fondateur de la 'nation', chrétien ultra-traditionaliste, ‘peuple’, milicien et chef local selon l’imagerie du shériff [40]. Les suprématistes (Zucchino 2020), néo-fascistes et éco-fascistes [41] militent pour la disparition de la démocratie libérale et l'instauration d'un État blanc (White Ethnostate). Les adeptes d’une chrétienté dite originelle ou primitive invoquent un ordre social ordonné par Dieu et visent une transformation morale de la société. Les ethno nationalistes fantasment un entre soi ancré dans une filiation avec des aïeux totems, les conspirationnistes des entités locales autrefois auto administrées et la destruction d’un État central tyrannique aux mains d’une minorité invisible et toute-puissante (Deep state[42], et les occultistes inventent des sortilèges pour abattre les démons démocratiques [43].

En dépit de la diversité de leurs imaginaires politiques, ces courants d’idées et ces corpuscules [44] sont qualifiés d’extrême droite en raison de leur conception de la société comme un ensemble homogène, fonctionnant selon un moteur a historique, i.e. une race, une volonté divine, une hérédité ou des forces magiques. Ils rejettent toute notion de la société comme un ensemble complexe d’intérêts, de valeurs, de sens, en proie à des conflits incessants et pacifié par quelques institutions. Ils conçoivent la vie sociale comme une vie entre semblables solidaires. Ils redoutent l’immigration comme une menace pesant sur le partage des bienfaits de la solidarité nationale à l’image des droites populistes, et ils voient aussi et surtout en l’immigration la source d’une pluralité culturelle qui mine la valeur primordiale de leur univers (une race, une filiation ‘nationale’, un ordre divin, une appartenance locale). Contrairement aux droites populistes qui projettent un contrôle des médiations institutionnelles au profit des intérêts du ‘peuple’, ils refusent l’imposition de chartes des droits de la personne et des fondements de l’ordre social libéral, comme l’égalité. À la différence des droites radicales, ils mettent aussi en cause la primauté de l’économie qui ne doit être qu’un moyen devant servir l’ordre social qu’ils désirent. Ils rejettent le néo-libéralisme, la mondialisation culturelle et économique et ses acteurs, les États-Unis, l’Union Européenne et les organisations internationales.

Ces courants et ces regroupements montrent trois formes d’aliénation profonde. Ils refusent la modernité [45], notamment deux de ses schèmes : la science et l’égalité. Ils se situent hors de l’univers politique institutionnalisé et leur usage d’un seul médium, l’internet, faute d’accès à d’autres média, signe leur extranéité des scènes officielles de la société. Ils font preuve d’une aversion hargneuse envers des élites qui avaient promis démocratie, égalité et reconnaissance pour tous. Ils expriment ces aliénations comme des individus ignorés et méprisés pour leurs valeurs et leurs modes de vie par l’État et par une société où ils font de rares apparitions. L’idée d’élites et de minorités culturelles et sexuelles coalisées dans un projet d’élimination de leurs manières de vivre hante leur univers.

Ces courants et ces groupuscules envisagent des voies opposées pour saper les pouvoirs qui les assujettissent à leurs yeux : la violence physique et l’instauration d’institutions autoritaires et punitives dans le cas des suprémacistes blancs (Perliger 2020), la destruction  des symboles de l’État et la résistance à certaines de ses actions dans le cas des conspirationnistes, une révolution anthropologique, i.e. culturelle et morale, de la société par la divulgation de leurs thèses, dans le cas des ethno nationalistes et des chrétiens fondamentalistes  (Gagné 2020). Ces derniers veulent les uns et les autres, combattre le pouvoir des élites en formant des militants qui changeront les mentalités.

La violence verbale et physique

Si le recours à la violence physique comme outil politique ne définit pas la majorité des courants d’idées d’extrême droite dans le monde occidental (Camus et Lebourg 2010), ils diffusent tous une stigmatisation, une dépréciation, voire une violence verbale, à l’égard des minorités culturelles et/ou sexuelles, et les mots ont un effet performatif (Matsuda et al. 1993 ; Butler 1997).

La montée en visibilité de différentes idéologies d’extrême droite va de pair avec deux phénomènes. Depuis les années 2000, se multiplient sur la toile des propos insultant ou menaçant les membres de minorités culturelles et sexuelles [46] et depuis les années 2010 des élus, considérés leurs alliés. Se multiplient aussi dans les lieux publics des propos et gestes haineux envers les mêmes personnes. Au Canada, comme dans nombre d’autres pays, cette multiplication est chiffrée (annexe 1). Et l’Enquête sociale générale (ESG) de 2014 [47] ainsi que des ONGs communautaires ou militantes [48] attestent d’une plus grande ampleur des deux phénomènes que ne laissent voir les statistiques officielles (voir Aurélie Girard et Benjamin Ducol dans ce volume).

Ces actes haineux ne sont pas le fait exclusif de quelques corpuscules d’extrême droite connus, mais d’une multitude d’individus s’exprimant sur la toile et parfois rendus meurtriers par des propos et images postés sur la toile (voir R. Bourhis dans ce volume). La persistance dans le temps de ces actes et l’expression sur la toile d’une forte hostilité aux porteurs de différences de culture, de genre et de sexualité [49] constituent deux évolutions sociales dont les effets se cumulent et qui attestent de la présence au sein de la société canadienne, d’attitudes et de comportements visant la mise à l’écart, sinon l’exclusion sociale, des acteurs de ces différences (voir M. Potvin et S. Tremblay dans ce volume).

Que disent en effet les expressions de lutte entre cultures, genres, formes de sexualité ou encore entre civilisations ? Que disent les images de disparition de l’homme blanc, de remplacement des populations européennes par des foules d’immigrants, ou encore de menace sur la ‘nation’ ? Elles disent le racisme, la xénophobie, le machisme, l'intolérance religieuse. On peut subsumer ces formes de rejet en une émotion, faire de cette émotion une expression personnelle non contrôlable et refuser toute sanction (Hurd 2001 ; Al-Hakim 2010). On peut rappeler les ressorts psychiques de cette violence et décrire la haine et le mépris des autres comme une haine et un mépris de soi (Castoriadis 1978), on peut faire de cette détestation une défense agressive faisant du Blanc la victime d’attaques et le siège d’une anxiété meurtrière (Ahmed 2004).

Mais les propos haineux et les gestes haineux sont plus que la simple expression d’un affect, d’une émotion, d’une colère ou d’une aversion personnelles. Ils sont une atteinte au sentiment de sécurité et à la reconnaissance dus à chaque individu et ils sont une arme sociale. Les actes haineux infériorisent et insécurisent leurs cibles [50] et ce faisant, ils ont un effet socio-politique. La Cour suprême du Canada a résumé cet effet. Tout en considérant la haine comme une émotion extrême, elle a conclu à une volonté illégitime d’exclusion sociale par les commettants d’actes haineux et à un danger de rupture de la paix sociale (arrêts Taylor et Whatcott [51]). Les propos haineux déprécient en effet publiquement des individus et leur groupe dit de référence. Ils visent à intimider, à effrayer les victimes et à leur intimer l’ordre de se soumettre, en un mot, ils leur assignent un statut de second ordre. Et, dans leur forme la plus grave, la brutalité physique, ils leur intiment l’ordre de disparaitre de la scène publique. B. Perry (2001, 55) résume la dynamique de ces injonctions : aux yeux des auteurs d’actes haineux, leurs intérêts matériels, leur identité, leur statut social sont mis en cause par les minorités, lesquelles, selon eux, sont des sujets politiques illégitimes.

L’acte haineux participe des deux formes de racisme connues, le racisme de domination et le racisme d’annihilation, deux actes politiques de mise en assujettissement et signant la non appartenance des personnes ciblées à la communauté locale, à la société ambiante, voire à l’humanité selon l’expression de É. Balibar (2015). L’acte haineux sert le rétablissement d’un ordre considéré menacé ou violé (Black 1983). Aussi, la mise en visibilité et la sanction des actes haineux sont-elles des enjeux de justice. Toute forme de violence sociale appelle une action de l’État, de ses représentants de tout échelon et d’institutions publiques, dans le cas des actes haineux les services de police, les tribunaux et Statistique Canada.

La régulation des actes haineux

Pour sanctionner, encore faut-il connaître la réalité, en l’occurrence faciliter le processus de plaintes des victimes dont le nombre ne semble jamais refléter le nombre d’agressions et de micro-agressions subies (voir B. Ducol et A. Girard, et G. Gomez del Prado et A. Berlad dans ce volume). Pour expliquer le faible nombre de plaintes par rapport au nombre d’actes haineux mentionnés lors d’enquêtes comme l’Enquête sociale générale, et par les milieux communautaires, on peut citer la crainte de la police par les membres de minorités culturelles vu leur faible influence politique, la socialisation dans des sociétés non démocratiques dans le cas d’immigrés, le manque d'information et d'aide légale publiques et le faible activisme communautaire au sein des populations à risque. Si ces facteurs sont actifs, des failles institutionnelles rendent difficiles ou inopérants le repérage et la régulation de la haine ou du mépris extrême de membres de minorités. On peut mentionner les déficiences de services de police à enregistrer les plaintes des victimes, la non standardisation des procédés de collecte et de compilation des plaintes, l’absence d’information sur le processus et le cheminement d’une plainte, l’inexistence de données sur les commettants, une définition encore trop imprécise de la haine comme émotion extrême par la Cour suprême (Helly et al. 2018), et la difficulté de respecter les procédures requises pour qu'une plainte devienne une cause devant un tribunal (preuve de l’intention haineuse du commettant) (voir N. Admo et al. dans ce volume). Et on doit encore citer l’absence de volonté politique pour condamner publiquement les actes haineux envers les minorités culturelles et sexuelles et pour les rendre plus aisément sujets à une sanction pénale ou civile [52].

Nous tenons à préciser que deux questions centrales de l’aspect politico-légal des actes haineux ne sont pas abordées dans ce volume, car elles nécessitent en elles-mêmes de longues analyses. Ce sont la liberté d'expression et les éventuelles limites à y apporter pour respecter la dignité de chacun et maintenir la paix sociale (selon les termes de la Cour suprême) [53]. Ce sont également les débats sur les risques d’une criminalisation de toute forme publique d'humiliation d’un membre des minorités protégées, i.e. une dépolitisation des conflits sociaux et un renvoi de ceux-ci à la seule autorité des tribunaux.

BIBLIOGRAPHIE

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[1] Au Canada, ces catégories sociales se sont vu qualifier juridiquement au fil du temps, notamment par des modifications de deux documents centraux de la lutte contre les discriminations et l'expression de haine, le Code criminel canadien et la Loi canadienne des droits de la personne.

[2] Pour le traitement par les tribunaux, Walker 1997.

[3] La discrimination peut être le fait d’une institution, d’une organisation, d’un groupe ou d’un individu, être directe, indirecte ou systémique. Elle peut s’exprimer par un règlement, une pratique ou un critère d’embauche, une loi, une coutume.

[4] En 1951 le Fair Employment Practices Act sur les pratiques d’emploi équitables et le Female Employees Fair Remuneration Act sur la rémunération équitable des femmes ; en 1954, le Fair Accommodation Practices Act sur les pratiques équitables dans le logement.

[5] Un livre connu de l’époque dénonce le caractère ethnique de la stratification sociale canadienne (Porter 1965).

[6] Les critères racistes et xénophobes d'admission des immigrants sont annulés en 1962 (Immigration Regulations, Order-in-Council PC 1962-86, 1962) et une nouvelle loi d’immigration instituant une sélection des immigrants selon leur capital humain, est adoptée en 1967.

[7] Ainsi que la situation de famille, l'état de personne graciée et, en matière d'emploi, le handicap physique.

[8] La liste des raisons de discrimination interdite, dites critères illicites de discrimination, est inscrite dans les chartes des droits canadienne et québécoise et dans les Human Rights Acts. Elle évolue. En 2020 elle inclura quatorze critères (14) : couleur, race, origine ethnique ou nationale, âge, langue, religion, orientation sexuelle, état matrimonial, situation de famille, caractéristiques génétiques, état de personne graciée, déficience, genre (inclus en 2014), identité et expression de genre (incluses en 2017) URL. Voir Manirabona 2011, paragraphe 15. URL.

[9] Liav (2015, 197) propose les définitions suivantes : une majorité est une population dont les intérêts sont protégés par des lois, des privilèges acquis historiquement ou/et des pratiques économiques et culturelles. Une minorité est une population dont les membres subissent diverses formes de discrimination de la part d’une majorité, s’affichant souvent comme telle.

[10] Comité Cohen 1966 ; Bollinger 1982 ; Matsuda 1989. Pour des études ultérieures, Roberts 1995 ; Jackman 2002.

[11] Selon Austin Walters (2014, 5), « The emergence of the term ‘hate crime’ and its proliferation in both public and academic discourse is rooted in the anti-hate crime movements in the US and later in the UK and Europe [.] In the US, various social movements converged during the 1970s, including the black civil rights movement, the women’s movement, the gay and lesbian movement, and the victims’ movement, (p.3) collectively forming the modern ‘anti-hate crime movement’ (Jenness 2002, 19). The term ‘hate crime’ was favoured amongst anti-hate crime campaigners as it could be used as an umbrella term, which incorporated different types of prejudice-motivated crimes. The rapid growth of the movement during the 1980s and 1990s carried with it immense political influence (Jenness 2002 ; Jacobs & Potter 1998). The main aim of its activists was to compel legislatures to establish new laws, which protected vulnerable minority communities from violence. The combined efforts of various lobby groups resulted in legislatures throughout the US enacting new hate crime statutes, which specifically enhanced the punishment of hate-motivated offenders. In fact at the end of the 1990s the majority of US states had enacted some form of hate crime law onto their statute books, covering a multitude of different victim groups”.

[12] La Cour Suprême du Canada cite l’expression dans R.c.Keegstra 1995 CanLII 91 (CSC), [1995] 2 RCS 381, lors de sa requête de voir retiré du dossier le volume de Barbara Kulaszka. The Hate Crimes Law in Canada. Le livre, déposé par le requérant, liste des dispositions sur les « crimes haineux » telles que le par. 319(2) du Cc.crim, des dispositions du Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), de la Loi sur la Société canadienne des postes, S.C. 1980‑81-82-83, ch. 54, et de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, ch. 52. La notion sera mentionnée pour la première fois dans une loi en 2017, la Loi ontarienne sur la Journée du souvenir trans. URL.

[13] Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, (1990) RCS 892 13 décembre 1990, p. 895-896. Le Oxford English Dictionary définit la haine comme “an emotion of extreme dislike or aversion, detestation, abhorrence, hatred”.

[14] La dépréciation des femmes par la pornographie tombe sous le coup d'autres articles du Cc.crim.

[15] L’Assemblée générale des Nations Unies a voté en décembre 1948 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 1965 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et en 1966 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[16] En sociologie, la notion d’ethnicité renvoie à une différence d’origine nationale, de langue, de mode de vie, de coutumes ou de religion, par rapport à une population majoritaire. Elle date des années 1960 et désigne les Blancs non anglo-américains (italien, polonais, allemand, etc.), souvent immigrés et qu’elle oppose aux WASP, Blancs, natifs, protestants et fondateurs du pays. Elle apparaît dans le contexte des luttes pour l’égalité des Noirs et des nouveaux venus européens. H. Gans (1962, 1968) l’associe à une sous-culture de défense par des groupes dominés. Pour les théories de l’ethnicité des années 1960-70, Bernier, Elbaz et Lavigne 1978 ; pour une revue d’écrits plus récents, Poutignat et Streiff-Fénart 2015.

[17] Entre autres interventions, au Canada la politique du multiculturalisme (1971) qui, au-delà de la lutte contre les discriminations, vise un changement de mentalité de la population canadienne vis-à-vis la pluralité culturelle, et les programmes d’équité en emploi (1986), aux États-Unis les programmes d’Affirmative action (1961-1971) et la création en 1980 de catégories pan ethniques dans le recensement. Les Pays Bas, la Suède la Grande Bretagne et l’Australie ont adopté non pas des politiques mais des programmes multiculturalistes ciblant des domaines particuliers (logement par ex.).

[18] Les frontières construisant l’opposition entre un Nous et un Eux montrent une plasticité et fluctuent selon les intérêts des groupes qu’elles délimitent à une période donnée (Barth 1969).

[19] Un historien, David Roediger (1991), reprenant une expression de W.E.B. Du Bois, commentant la mutation des relations raciales, parle de moindre rendement de la rente de la blanchité. Voir sur la construction des clivages raciaux, Frankenberg 1993 ; Allen 1994 ; Ignatiev 1995 ; Brodkin 1998. Voir sur le lien entre idéologie universaliste et pensée blanche, Painter 2019; Thuram 2020.

[20] Le conflit est interprété parfois non comme la résistance d’une part des majorités culturelles aux gains de droits par des groupes minoritaires, mais comme une résistance aux demandes incessantes et immodérées de ces groupes. Tocqueville avait fait le constat du paradoxe dit de l'insatisfaction croissante, i.e. plus une situation s'améliore (droits, salaires), plus l'écart avec une situation idéale désirée (égalité réelle, disparition de la pauvreté, etc.) est ressenti comme intolérable par les bénéficiaires de l’amélioration. Sur la divulgation du paradigme de la reconnaissance et ses liens avec la fin de la Guerre froide en 1989, voir Honneth 1992; Taylor 1992; Jouannet 2012.

[21] Les gains de droits des minorités culturelles, particulièrement sous l’angle de la rupture de la solidarité sociale nationale donne encore lieu à une abondante littérature. Parmi les plus marquants et récents : Lilla 2017 ; Luce 2017 ; Goodhart 2017 ; Murray 2017 ; Zemmour 2015 ; Corbeil 2017 ; Gonzalez 2020 ; Putnam 2020. D’autres littératures dénoncent une dégénérescence des élites libérales (Fraser 2016 ; Frank 2016) ou des traditions raciste, impérialiste et nationaliste du libéralisme (Appadurai 2006 ; Mishra 2017). Pour une autre forme de critique plus sociale que culturelle : Béaud et Noiriel 2021 ; Kivisto 2021 ; Walzer et Busekist 2020.

[22] Notamment une assimilation de l’islam à des pratiques illibérales permises par un personnel religieux, des mouvements politiques et des régimes des plus rétrogrades comme les Talibans, l’État islamique ou l’Arabie saoudite. L’islamophobie est aussi justifiée par la dictature khomeyniste, l’invasion, i.e. la croissance des flux migratoires issus de pays musulmans, une piété immodérée des immigrés musulmans, et le terrorisme islamiste (Helly 2021 ; 2015 ; Helly et Dubé 2014).

[23] Hall 2008 ; Thomas 2004 ; Laville et Coraggio 2016 ; Delwit 2016. Selon P. Delwit, la sécularisation, l’urbanisation, la division internationale du travail et la montée des inégalités ont désorganisé les communautés de pensée et d’intérêt qui soutenaient les partis politiques (population catholique pour la démocratie chrétienne, populations ouvrières pour la social-démocratie, monde rural pour les partis agrariens). S’en est ensuivie la montée des gauches et droites radicales et des formations écologistes.

[24] Que l’on peut distinguer de l’ordre libéral par le refus d’interventions publiques pour atténuer les effets sociaux nocifs du marché, par une abolition des réglementations visant à réduire les effets de la concurrence et de la puissance des multinationales, par la multiplication d’accords de libre-échange, un soutien inconditionnel aux libertés individuelles, un discours sur la légitimité de la méritocratie et par l’instauration d’organismes internationaux pouvant dicter des règles de conduite aux États nationaux.

[25] Pour exemples, dans le cas français, Tiberj 2017 ; dans le cas canadien, Environnics Institute 2020

[26] Environic Institute.org. URL.

[27] Interviennent dans ce changement, d’une part les débats sur le racisme envers les ‘Noirs’ et la diffusion d’informations sur des cas de brutalité policière, d’autre part une montée d’animosité envers les ‘Chinois’ vu des rumeurs sur l’origine de la pandémie de Covid19 en Chine communiste.

[28] Environnics Institute 2020. URL.

[29] Selon Perry, entre 2013 et 2018, le nombre de tels groupes passe de 120 à plus de 200 au Canada (cité dans Carranco, Shannon et Jon Milton 2019. Canada’s new far right : A trove of private chat room messages reveals an extremist subculture, The Globe and Mail, 27 avril).

[30] En Europe, deux alignements acceptant les règles institutionnelles existantes occupent la présente scène politique. Des partis développent le thème de perdants de la mondialisation (ou de l’Union européenne) et celui d’identité nationale en péril. Ils redéfinissent la notion de peuple souverain comme majorité culturelle ayant perdu son pouvoir au profit d’élites technocratiques cosmopolites. Ils captent des électorats des droites libérales et des gauches sociales démocrates. D’autres partis tentent une autre interprétation. Ils réinventent la notion de centre politique et proposent un consensus (Mouffe 2016) sur les bénéfices de la mondialisation économique, et de l’union et de la spécificité nationales, tout en pointant les dangers de l’immigration, et ce, surtout à partir de 2006 en France, Allemagne, Autriche et aux Pays Bas. Les uns et les autres entendent les plaintes de perte de repères culturels nationaux de la part des courants de droite et d’extrême droite mais entendent peu les demandes d’égalité économique et de reconnaissance politique de ces courants (Camus et Lebourg 2014). Ils ouvrent ainsi la voie à une constellation de groupes qui expriment ressentiment et colère envers toute forme d’establishment, et un sentiment de perte de statut, que cette perte soit réelle, fantasmée ou projetée dans le futur.

[31] Pour les aspects populistes de gouvernements, voir Hall 2008.

[32] Pour parler de la crise générée par la dissociation de la nationalité et de la citoyenneté, É. Balibar (2009) crée le terme d’État national-social : « Sans la forme Nation, sans l’exploitation politique de cette forme et sa traduction institutionnelle, son incorporation dans la vie quotidienne des individus et dans le fonctionnement de toutes les institutions », le libéralisme politique n’aurait pu endiguer nombre de crises historiques, comme les luttes ouvrières et la décolonisation.

[33] Des auteurs voient dans les mouvements populistes la possible émergence de partis de gauche vu leur critique des inégalités sociales et des régimes démocratiques libéraux (Laclau et Mouffe 1985/2019).

[34] Selon les résultats préliminaires d’un projet de recherche CRSH Développement Savoir 2019-2022, intitulé « Hashtag#WhiteGenocide : Vision du monde et objets de haine des suprémacistes blancs au Canada » (430-2019-0737), directeur Brieg Capitaine, co-chercheure Denise Helly. Ont été répertoriés 44 groupes actifs entre janvier 1970 et octobre 2019, disposant d’un site web, d’une page Facebook ou d’un compte Twitter, ou présent sur Youtube. Voir article par Brieg Capitaine dans ce volume.

[35] Selon une longue tradition états-unienne (Hofstadter 1964).

[36] Quelques exemples d’organisations au Canada : Ethnonationalistes : La Fédération des Québécois de souche, Atalante, Cultural Action party of Canada, Council of European Canadians, Canadian Heritage Alliance, Canadian Nationalist Front ; Suprémacistes : Storm Front, Celtic Cross, Generation Identity, 14/88, La Meute, Légitime Défense, Soldiers of Odin ; Chrétiens fondamentalistes : Christian Heritage Party, The Erza Institute for Contemporary Christianity ; Conspirationnistes peu présents pour l’heure : QAnon.

[37] Ces groupements sont tous, à des degrés divers, conspirationnistes. Par exemple, les élites organisent le 'Grand Remplacement' selon les ethno-nationalistes, les minorités menacent la race blanche selon les suprémacistes.

[38] Pour le cas français, Froio 2017.

[39] La Meute au Québec a, par exemple, un seul ennemi à abattre, l’islam.

[40] Dans le cas de conspirationnistes opposés à tout État central.

[41] Ils proposent des solutions génocidaires pour résoudre la 'crise' écologique (Disinformation and blame : how America's far right is capitalizing on coronavirus, The Guardian, 19 mars 2020).

[42] Ce courant d’idées valorise les États-Unis comme terre de la liberté individuelle. Il s’est manifesté au Québec au travers d’une opposition aux mesures de précaution contre le COVID19 qu’il conçoit comme un complot international pour bloquer la réélection de D. Trump (Montpetit 2020). La pandémie, selon une autre version suite à la publicisation du programme du Forum Mondial, RESET (réforme du capitalisme), aurait été créée pour abolir la propriété privée et les libertés et D. Trump serait le grand bouclier contre ce complot. Ce courant peut réclamer des purges, des procès pour traitrise, voire des exécutions des élites du Deep State.

[43] Asprem, 2020. Des partisans du Parti démocrate recourent à des sortilèges pour vaincre les démons trumpiens (Lyons 2019).

[44] Sur la fragilité organisationnelle de ce type de regroupement canadien, voir Perry et Scrivens 2016.

[45] Un trait mis en évidence dès les années 1960 (Bell 1964). Le terme ‘modernité’ est entendu comme philosophie des Lumières.

[46] Adamczik, Gruenewald, Chermak et Freilich 2014 ; Schils et Laffineur 2014 ; Potvin 2017. Perry et Scrivens (2016) décrivent le rôle de corpuscules d’extrême droite dans la commission de crimes haineux durant les années 2000, notamment par des Skin Heads et des suprémacistes blancs. Scrivens et Amarasingam (2020) analysent le contenu des pages Facebook des corpuscules d’extrême droite au Canada.

[47] La plus récente ESG sur la victimisation a eu lieu du 15 avril 2019 au 31 mars 2020 et les résultats seront disponibles en 2021.

[48] Par ex. au Canada, Anti Hate network en Alberta, National Council of Canadian Muslims, Canadian Council of Muslim Women ; aux États-Unis Centre for Countering Digital Hate.

[49] L’identité et l’expression de genre sont incluses comme critères illicites de discrimination dans la LCDP en 2017.

[50] Des travaux précurseurs du Comité Cohen (1966), de Bollinger (1982) et de Matsuda (1989) jusqu’à ceux de Altemeyer (1996) et Waldron (2012), l’effet négatif des crimes haineux sur les victimes et le climat social a été largement documenté et analysé pour justifier l’institutionnalisation de l’acte haineux en catégorie légale (Jenness et Broad 1997 ; Jenness et Grattet 2001). Pour une autre littérature, les effets des actes haineux sont fictifs et leur sanction légale le produit de pressions indues de groupes particuliers (Jacobs et Potter 1998 ; Jacobs et Henry 1996). Pour une sociologie de cette opposition de vues, voir Roach 1999.

[51] Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 RCS 892, 1990 CanLII 26 (CSC)

[52] Une possibilité que l’abolition de l’article 13 de la LCDP a réduit considérablement.

[53] Un texte de Lili Dao et de D. Helly traite de cet aspect au Canada et aux États-Unis depuis le début du XXème siècle ; il sera disponible courant 2021.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 26 mars 2021 8:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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