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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Pierre Hamel, ACTION COLLECTIVE ET DÉMOCRATIE LOCALE.
LES MOUVEMENTS URBAINS MONTRÉALAIS
. (1991)
Présentation


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Pierre Hamel, ACTION COLLECTIVE ET DÉMOCRATIE LOCALE. LES MOUVEMENTS URBAINS MONTRÉALAIS. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 1991, 239 pp. Collection: politique et économie. [La direction des Presses de l’Université de Montréal et l’auteur nous ont conjointement accordé le 9 juin 2006 son autorisation conjointe de diffuser élec-troniquement ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]


[9]

ACTION COLLECTIVE ET DÉMOCRATIE LOCALE.
LES MOUVEMAINS URBAINS MONTRÉALAIS.

Présentation


Au cours des trois dernières décennies, l'action collective sur la scène urbaine montréalaise a été partie prenante du processus de démocratisation de la vie politique. À plusieurs égards, les revendications et les projets mis de l'avant par les acteurs des mouvements urbains ont été constitutifs des représentations sociales et des processus de médiation politique. Et cela, même si ces mouvements et leurs acteurs n'avaient pas, au début des années 1960, la légitimité qu'ils semblent avoir acquise au cours des années 1980. À l'époque de la Révolution tranquille, les mouvements urbains critiquaient l'insuffisance ou la rigidité des politiques et programmes adoptés par les pouvoirs publics. Ils formulaient aussi une critique virulente de la structure hiérarchisée du pouvoir local. Leur intégration institutionnelle plus ou moins forte au cours des années 1970 et 1980 aurait-elle émoussé leur portée subversive ? Ce n'est pas la conclusion à laquelle nous sommes parvenu au terme de notre étude.

Depuis quelques années, les mouvements urbains montréalais sont ébranlés par des doutes sur leurs conditions de survie et l'étendue de leur marge de manoeuvre. Parallèlement, ils ont redécouvert la complexité de l'action collective, ses effets, son statut en tant que processus d'apprentissage et comme vecteur de décision dans le domaine public. Cela, en faisant appel à la fois à des approches à caractère pro-actif, à un partenariat avec la multitude des acteurs socio-économiques, à des choix et à des stratégies pragmatiques, ainsi qu'à une ouverture sur les valeurs individuelles : une série de dimensions qui étaient sans doute présentes auparavant, niais que les représentations dominantes de l'action collective et du politique laissaient dans l'ombre.

C'est précisément cette complexité de l'action collective que les travaux menés depuis quelques années à l'intérieur du champ de la sociologie des mouvements sociaux tentent d'éclairer. Disons que [10] les chercheurs ont d'abord essayé de décrire les formes concrètes que prennent les mouvements sociaux dans les sociétés complexes. Ils ont ainsi eu l'occasion de mettre en lumière la critique formulée par les mouvements et leurs acteurs à l'égard de l'emprise étatique sur la vie quotidienne, ces derniers réclamant, entre autres, un élargissement de la démocratie par le biais d'une participation accrue aux décisions publiques. Les chercheurs ont également fait part des nombreuses expérimentations sociales qui prennent place dans les failles du système socio-économique - compte tenu de la nouvelle configuration qui se dessine entre la société civile et l'État - en insistant sur le rôle que joue le pluralisme culturel des communautés à l'intérieur desquelles s'inscrit l'action. Enfin, c'est la réappropriation du sens de l'action par les acteurs eux-mêmes qui a retenu l'attention des chercheurs, les mouvements accordant une importance accrue aux représentations symboliques qu'ils construisent et qui contribuent, tout autant que leurs démarches concrètes, à définir leurs pratiques.

Toutefois, c'est également dans le champ théorique qu'ont été menés les travaux des chercheurs. L'incapacité de définir une théorie fructueuse - au sens fort du terme - de l'action collective n'a pas empêché de mettre au jour un certain nombre de débats majeurs qui apparaissent aujourd'hui au coeur des défis que doivent surmonter les mouvements sociaux : comment concilier la poursuite des intérêts privés et la défense du bien public à l'intérieur d'une même démarche ? Est-il possible de réunir les exigences propres à la démocratie et à la démocratisation des processus décisionnels, d'une part, et l'efficacité - voire la créativité - des choix et des stratégies d'intervention, d'autre part ? Jusqu'à quel point les mouvements sociaux peuvent-ils accepter de construire un débat social rationnel en ce qui a trait aux décisions publiques, lorsque leurs acteurs savent pertinemment que ces décisions ne relèvent en rien d'un processus de choix rationnels ? Dans quelle mesure, enfin, les solutions mises de l'avant par les mouvements sociaux peuvent-elles contribuer à surmonter le dilemme fondamental de la démocratie libérale, à savoir la double nécessité de défendre conjointement les principes de liberté et d'égalité, contradiction qui, vraisemblablement, ne peut être surmontée qu'en pratique (Ignatieff, 1986) ?

Même s'il n'existe pas de réponse claire à toutes ces questions, elles sont désormais énoncées plus ouvertement compte tenu de la nature des contradictions inhérentes aux sociétés complexes ainsi que des défis politiques et sociaux que celles-ci doivent inscrire à l'ordre du jour : celui de l'intégration des minorités, celui de l'accroissement [11] des inégalités sociales, celui des choix de société devant la compétition accrue des marchés économiques à l'échelle internationale et celui des compromis entre les principaux groupes sociaux dans un contexte pluraliste de compromis et de négociation politique en équilibre précaire. Ces questions permettent de mieux comprendre et de mieux circonscrire la spécificité des mouvements sociaux, l'originalité du point de vue qu'ils énoncent en priorité relativement à la démocratisation du politique, la nature des choix qu'ils défendent en affirmant leur autonomie.

Un dernier élément qui mérite d'être mentionné tient au caractère contextuel de l'action collective. Même si elle obéit à certains principes généraux, l'action collective demeure fortement marquée par le contexte à l'intérieur duquel elle s'inscrit. Il n'en va pas autrement pour les mouvements urbains montréalais.

Défini dans un premier temps, au début des années 1960, autour d'enjeux relatifs au logement et à la rénovation urbaine, leur champ d'intervention s'est étendu, par la suite, à l'ensemble des conditions de vie, à la démocratisation de l'administration municipale et à une série d'enjeux sectoriels - allant des médias communautaires à la création de services communautaires d'entraide en passant par l'action dans le domaine de l'éducation des adultes - dont le rôle a été important dans les processus de production et de gestion de la ville et de ses principales composantes. Thèmes qui se sont révélés au coeur des revendications mises de l'avant par les mouvements urbains, mais qui ont accompagné, aussi, la nécessaire modernisation institutionnelle des politiques d'aménagement de même que l'émergence plus récente de la problématique du développement local. À cet égard, il apparaît très clairement que l'action des mouvements urbains a participé de très près à la construction de la scène politique montréalaise, aux représentations qui l'animaient, aux transformations institutionnelles et politiques qui l'ont bouleversée. Ce faisant, les acteurs de ces mouvements - lesquels, la plupart du temps, sont demeurés précaires, leur survie étant continuellement menacée, pour des raisons financières, institutionnelles ou politiques - ont acquis, au fil des années, une certaine légitimité que seule peut expliquer leur portée politique effective sur la scène locale montréalaise.

Il paraît donc délicat de parler de ces mouvements, que ce soit sous l'angle de leurs difficultés ou de leurs revendications, ou encore sous celui de leurs conflits ou de leurs expérimentations, sans rappeler qu'ils se sont définis par rapport à une réalité urbaine [12] particulière qui n'a cessé de se transformer. Les problèmes auxquels se trouve confrontée en ce moment l'agglomération montréalaise sont passablement différents de ceux engendrés par la vague de modernisation de la trame urbaine au début des années 1960. Et cela n'est pas sans avoir affecté non seulement la nature des revendications mises de l'avant par les mouvements sociaux, mais, également, leur forme d'action et d'organisation.

Ce livre est consacré à un acteur très souvent négligé dans les analyses économiques ou même sociologiques du développement urbain, les mouvements sociaux. Bien que cet acteur - qu'il faut se représenter au pluriel et qui n'est en rien homogène - possède des capacités d'investissement, sur le plan financier, fort limitées, il ne détient pas moins d'autres atouts qui font de lui un acteur à part entière sur la scène politique locale.

L'objectif qui est poursuivi ici est de mettre en lumière l'action collective des mouvements urbains montréalais en dégageant leur portée politique à l'égard de l'aménagement et du développement de Montréal entre le début des années 1960 et la fin des années 1980. Les matériaux à partir desquels ce livre a été construit résultent d'une recherche entreprise au début des années 1980 et dont les éléments préliminaires de problématique ont déjà été publiés (Hamel et Léonard, 1981).

En outre, ce livre a été réalisé à partir d'un principe simple, celui de la nécessité de mener de front à la fois la réflexion théorique et les études empiriques pour enrichir l'analyse. Conséquemment, on pourra lire dans les chapitres qui suivent des éléments théoriques de mise en perspective pour l'étude de l'action collective qui font appel, d'une part aux débats menés à l'intérieur de la sociologie des mouvements sociaux et, d'autre part, aux interrogations soulevées par la crise du politique. De plus, c'est le rappel d'une histoire récente qu'il a fallu produire. Cette histoire a été effectuée en reprenant les événements qui ont servi de jalons à l'action collective, à partir d'une synthèse des principales traces laissées par les revendications et les affrontements majeurs auxquels ont participé les mouvements urbains. Ces matériaux, enfin, sont ceux qui résultent de trois enquêtes spécifiques portant sur les thèmes suivants : 1˚ le financement des organisations populaires, 2˚ les questions relatives à la démocratie interne dans les organisations à l'occasion des débats engendrés, notamment par le mouvement de syndicalisation à l'intérieur d'un certain nombre de groupes à partir de la fin des années 1970 et du [13] début des années 1980, 3˚ les enjeux du développement local. Mentionnons également que ces matériaux sont complémentaires aux travaux effectués parallèlement par Jean-François Léonard (1985), qui a mis l'accent, pour sa part, sur les aspects institutionnels des rapports entre l'État et les mouvements urbains.

Le livre est subdivisé en huit chapitres et ne propose pas un cadre théorique formalisé. Cela ne veut pas dire pour autant qu'un certain nombre d'orientations et de choix théoriques ne se dégagent pas de ce qui est présenté. Ils sont toutefois énoncés avec circonspection, résultant à la fois d'un bilan des travaux que nous avons effectués antérieurement sur les mouvements urbains, d'une lecture subjective des débats théoriques actuels sur l'action collective et des interrogations sociales et politiques formulées par les acteurs des mouvements à travers leurs engagements personnels et collectifs. Dans cet esprit, ce livre invite à ouvrir la discussion sur la portée politique des mouvements urbains et sur certaines hypothèses explicatives quant à leur évolution dans le contexte montréalais. Il suggère à cet égard quelques pistes interprétatives qui confrontent les visions dominantes du politique et de la démocratie locale tout en se démarquant de certaines analyses qui proposent des visions étriquées du politique et de l'action collective.

Voici en résumé le contenu de chacun des chapitres. Le premier chapitre est avant tout un chapitre introductif. Il permet d'esquisser quelques éléments de problématique en plus de préciser la délimitation de l'objet d'étude et de présenter la stratégie de recherche.

Le deuxième chapitre porte sur le contexte politique, parce que c'est en premier lieu par rapport à ce terrain que l'on examine ici l'action des mouvements urbains. La scène politique est alors introduite par rapport aux questions fondamentales qu'elle soulève en tant qu'espace de médiation et de représentation. C'est également l'occasion de rappeler le thème de la crise du politique, en particulier sous l'angle des problèmes de légitimité auxquels se trouve confronté l'État-providence, tant d'un point de vue interne que dans ses rapports à la société civile. Ajoutons que même si ce sont les enjeux de la démocratie locale qui nous préoccupent de prime abord, ceux-ci sont toujours définis à l'intérieur d'un espace politique plus large que permet de désigner l'État local au sens où en parle Warren Magnusson (1985), c'est-à-dire l'ensemble des instances étatiques qui interviennent sur la scène locale. C'est pourquoi ce chapitre - en situant les termes de la crise politique d'un double point de vue théorique et [14] historique - nous apparaît comme un détour indispensable qui permet de dégager les éléments politiques majeurs ayant servi de système de référence aux acteurs des mouvements urbains.

Le troisième chapitre fait le point sur les débats récents à l'intérieur de la sociologie des mouvements sociaux et présente les principaux éléments à la fois de consensus et de divergence qui la caractérisent. Cette recension critique des écrits, compte tenu de nos objectifs, permet de dégager quelques principes théoriques et méthodologiques pour l'étude des mouvements urbains. Elle nous conduit aussi à préciser la perspective d'analyse qui a influencé notre démarche de recherche. Partant de l'action pour interpréter les mouvements, notre démarche participe d'un courant qui accorde une plus grande attention aux acteurs et à leurs motivations qu'aux déterminations structurelles. De ce fait, elle tient compte des représentations que produisent les acteurs ainsi que des facteurs subjectifs qui alimentent leur engagement.

Le quatrième chapitre dégage les principales caractéristiques des mouvements urbains montréalais. L'accent est mis à la fois sur les facteurs internes et sur les facteurs externes qui déterminent l'action. Précisant les grandes étapes qui ont marqué l'évolution des mouvements urbains montréalais, ce chapitre est l'occasion de présenter d'une manière synthétique la configuration des mouvements urbains en insistant sur les principaux événements qui se sont révélés des tournants pour les acteurs de ces mouvements.

Les trois chapitres suivants abordent trois enjeux majeurs autour desquels s'est vraisemblablement jouée la définition - l'identité, la survie, l'autonomie - des mouvements urbains montréalais. Il s'agit de la question du financement (chapitre 5), de la question du développement local (chapitre 6) et de la question de la démocratie interne des mouvements à partir d'un phénomène particulier, soit celui de la syndicalisation, qui s'articule de près à d'autres aspects comme le thème de l'individualisme (chapitre 7).

Le dernier chapitre reprend les éléments d'analyse qui se dégagent des chapitres précédents et propose une lecture de la portée politique des mouvements urbains sur la scène locale montréalaise. Les questions soulevées au cours des pages précédentes sont rappelées et certains éléments de réponse sont présentés. L'interprétation qui est suggérée souligne qu'en dépit de leur précarité, les mouvements urbains montréalais ont participé de près aux transformations de l'agglomération et des représentations qui les accompagnent ou les [15] précèdent. Ce faisant, les mouvements urbains et leurs acteurs ont acquis une légitimité indéniable, devenant des acteurs à part entière.

Ce livre prend la forme d'un essai. Les questions politiques y côtoient parfois les interrogations théoriques. Les éléments empiriques permettent d'alimenter et de soutenir quelques hypothèses exploratoires. Toutes les questions introduites en cours de route n'ont pas forcément trouvé de réponse satisfaisante. Nous espérons néanmoins que ces pages contribueront à éclairer les choix auxquels se trouvent confrontés quotidiennement les mouvements urbains et leurs acteurs.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 16 janvier 2013 16:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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