Introduction
L'appartenance à un milieu socio‑économique particulier est un déterminant majeur dans le devenir des individus quant à leur santé. On le sait depuis longtemps : les plus pauvres meurent plus tôt (Wilkinson, 1992 ; Wilkins, 1990), sont plus malades, ils ont de moins bonnes habitudes de santé et vivent dans des conditions sanitaires plus détériorées. Les inégalités face à la santé et à la maladie constituent l'un des plus grands problèmes de notre système de soins et de services, et leur persistance, malgré l'accès universel aux soins, sera l'un des principaux défis des prochaines années (Evans, 1994).
Lorsqu'on parle de la pauvreté, on la présente souvent selon les lieux géographiques, les régions ou les secteurs de pauvreté. On parlera aussi de groupes socio‑professionnels ou culturels. On est moins porté à lui attribuer un sexe, et pourtant, si l'on considère chacun de ces sous‑groupes, on se rend compte que parmi les défavorisés il y a des « plus défavorisés » et que, parmi eux, on retrouve plus souvent des femmes. Dans chaque catégorie socio‑économique étudiée, les femmes sont généralement plus pauvres (ou moins riches) que les hommes, elles ont des salaires plus bas, elles ont moins accès à l'emploi et à la syndicalisation, elles ont moins de sources de revenus.
Le Conseil national du bien‑être social, dans son rapport sur le Profil de la pauvreté 1993 (1995), signale que le taux de pauvreté est en augmentation dans toutes les provinces du Canada. Au Québec, il est de 21% (45% chez les personnes seules et 18% pour les familles). Par ordre d'importance, ce sont d'abord les mères seules (prévalence de 60%), les femmes seules âgées de 65 ans et plus (47%) et les femmes seules âgées de moins de 65 ans (38%) qui arrivent aux premiers rangs des indices canadiens de pauvreté. Depuis 1980, le rapport entre les taux de pauvreté des hommes et des femmes varie entre 1,46 et 1,33 et ce sont ces trois groupes de femmes qui contribuent à maintenir les écarts entre les taux masculins et féminins. Le rapport ajoute : « Dans les familles plus jeunes comprenant époux et épouses, il faut souligner le rôle que jouent les femmes lorsqu'il s'agit de préserver leur famille de la pauvreté. Même si elles gagnent moins en moyenne que les hommes et même si elles se heurtent à un certain nombre d'obstacles qui les empêchent de participer équitablement à la population active rémunérée, leur contribution est essentielle au maintien de faibles taux de pauvreté. » (p. 74)
Dans les enquêtes, on attribue habituellement aux femmes mariées qui restent à la maison le niveau de revenu du conjoint, et pourtant, bon nombre d'entre elles n'ont pas accès directement à l'argent du ménage, elles ne sont pas propriétaires de la maison familiale, n'ont pas de régime de retraite et, parfois, même pas de compte bancaire. Dans l'analyse de l'enquête sociale et de santé, les niveaux socio-économiques ont été calculés à partir des revenus personnels et de ceux des ménages, et même dans ces derniers, les femmes restent significativement* plus pauvres que les hommes. On peut penser que c'est surtout à cause des niveaux de revenus des femmes seules, particulièrement des plus âgées, et des chefs de familles monoparentales.
|