RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Louise Guyon, “La santé physique” (1996)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Louise Guyon, “La santé physique”. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Louise Guyon, DERRIÈRE LES APPARENCES. Santé et conditions de vie des femmes. Chapitre 3, pp. 37-66. Avec la collaboration de Claire Robitaille, May Clarkson et Claudette Lavallée. Québec : Ministère de la Santé et des Services sociaux, novembre 1996, 384 pp. [Autorisation accordée par l'éditeur du Québec le 17 octobre 2006.]

Introduction 

 

Avec l'état de santé, on aborde un champ d'analyse plus complexe puisque les définitions de la santé et de la maladie sont culturellement déterminées, en ce sens qu'elles varient selon la culture et le milieu social d'où elles émanent. Elles varient aussi dans le temps, influencées par les courants sociaux et les idéologies qui les sous‑tendent (Friedson, 1984; Conrad, 1995). Entre ces deux pôles (santé et maladie), s'installe une zone nébuleuse qui variera en étendue et en direction selon les individus, les groupes ou les époques. Ce qui est vu comme pathologique chez certains sera perçu comme faisant partie de l'ordre des choses chez d'autres. L'exemple le plus récent, et peut‑être le plus spectaculaire pour le propos de ce livre, est l'inclusion du syndrome prémenstruel (SPM) dans la liste des problèmes de santé mentale du DSM IV*. Écarté de justesse lors de la version précédente[1] de ce traité international des diagnostics (DSM III‑R), le SPM est désormais considéré comme une pathologie arrêtée (Vines, 1993)[2]. 4 Et pourtant, un grand nombre de femmes qui vivent ces symptômes seraient étonnées, et même indignées, d'apprendre qu'elles sont «atteintes d'une maladie mentale». Il en est de même pour d'autres phénomènes qui, au cours des ans, sont passés de « phénomènes sociaux ou moraux» à des catégories de pathologies d'ordre physique ou psychologique, par exemple: l'alcoolisme, l'homosexualité et même certains états associés au vieillissement. 

Bref, la santé comporte à la fois des éléments objectifs et subjectifs qu'il n'est pas toujours facile de départager. Les données dont il sera fait mention dans les pages qui suivent n'échappent pas à l'arbitraire, d'autant plus qu'elles sont basées majoritairement sur les aspects quantitatifs de la santé: présence de symptômes ou de limitations d'activité, consultations de professionnels de la santé ou encore comportements préventifs. Au moment de les interpréter, il importe de se rappeler qu'elles sont la résultante, à un moment donné, d'un ensemble d'événements démographiques, sociaux et personnels qui ont modelé de façons diverses le destin des générations de femmes qui constituent le sujet de cette étude. 

Il est bon de rappeler également que les sources de données comportent toutes leurs avantages et leurs aléas et que l'analyse qui en est faite doit nécessairement en tenir compte. Ainsi, les données tirées des fichiers de dispensation de soins et services (assurance-maladie, assurance-hospitalisation), ainsi que d'un fichier tel que celui des tumeurs, sont basées sur des diagnostics médicaux ne rejoignant que les personnes qui ont fait appel au système de santé. De plus, ce sont avant tout des fichiers administratifs, donc très avares de renseignements sur les clientèles. Les données venant d'enquêtes de santé rejoignent pour leur part l'ensemble de la population et permettent d'établir les interactions entre les déterminants et l'état de santé des personnes.[3] Toutefois, dans ces enquêtes, la définition de la santé et de la maladie est basée sur la perception des individus plutôt que sur un diagnostic professionnel. 

Avant l'entrée en scène des enquêtes de santé, ce qu'on a pu dire sur la santé des femmes au Québec provenait presque exclusivement d'études faites à partir de fichiers de dispensation de soins et services. On a beaucoup insisté sur le fait que les femmes semblaient surreprésentées pour ce qui est de la participation aux régimes de l'État (actes médicaux, hospitalisation, chirurgie, médicaments, etc.). De là à déclarer que les femmes étaient plus malades ou plus fragiles que les hommes, il n'y avait qu'un pas... qui a été franchi parfois. Toutefois, si l'on tient compte des effets de l'âge et si l'on retranche de ces statistiques les activités reliées à la reproduction, les différences s'amenuisent considérablement. Dans le cas de l'hospitalisation, ce redressement aboutit même à constater une sur‑représentation masculine dans certains cas (problèmes graves de santé mentale, par exemple). Enfin, rappelons que ces statistiques ne distinguent pas les problèmes plus lourds des plus légers et ne font pas toujours la part de la demande émanant des patients et patientes et de celle suscitée par les dispensateurs de soins. 

Ces constatations, mises en parallèle avec un taux de survie supérieur à celui des hommes, ont donné lieu à tout un débat qui reste très actuel aujourd'hui. Comment concilier cette apparente contradiction entre un meilleur taux de survie et un moins bon état de santé chez les femmes ? Il a été relativement facile de rejeter l'hypothèse d'une plus grande fragilité de la constitution féminine, l'augmentation obstinée de l'espérance de vie des femmes enlevant tout espoir aux tenants de cette théorie. Les écrits des analystes américaines et européennes ont proposé un faisceau d'explications: la plus grande sensibilisation des femmes à leur corps (attribuable à leur fonction de reproductrices), les liens qu'elles établissent avec les professionnels de la santé (pour elles et leurs proches), de même qu'une plus grande propension à se mettre dans la situation de « patientes » (propension encouragée, sinon engendrée, par la socialisation dès la petite enfance), semblent contribuer à accroître leur présence dans les cabinets de médecins et, de là, sur les tables d'opération. Car, si la demande venant des femmes explique une bonne partie des différences observées, la réponse obtenue des soignants vient achever le casse‑tête. On a pu démontrer que la perception qu'ont les professionnels de leurs patientes était différente de celle qu'ils avaient de leurs patients (Broverman et Broverman, 1970; Renaud et al., 1979). On peut donc raisonnablement supposer que les statistiques de consommation reflètent aussi ces perceptions et que la sur‑représentation des femmes dans certains types d'actes médicaux est également le reflet de cette discrimination (Guyon, Simard et Nadeau, 1981). 

Les études de la dernière décennie ont attiré l'attention sur le fait que les femmes présentaient des taux plus élevés de problèmes de santé mineurs. Pour Gijsbers van Wijk et al. (1991), la perception plus sensible qu'ont les femmes des symptômes physiques pouvait expliquer les différences observées entre les hommes et les femmes à cet égard. Par ailleurs, Popay et al. (1993) suggèrent que cette prévalence de problèmes de santé mineurs serait à l'origine des taux plus élevés de problèmes affectifs chez les femmes. Mais la question reste entière sur l'origine de cette morbidité chez les femmes. Sans apporter des réponses à toutes ces questions, les enquêtes de santé offrent des éléments nouveaux en permettant de comparer la situation actuelle avec celles de 1978 et de 1987, et en indiquant les tendances qui se confirment et celles qui s'amplifient. Et, plus intéressant encore, elle. permettent de vérifier si les Québécoises ont des comportements particuliers. Enfin, l'ajout d'outils de mesure propres à la santé psychologique et à l'environnement social des personnes aide à préciser les différences observées sur les plans des problèmes de santé et du recours aux professionnels.


[1] À cause. particulièrement. d'un manque de consensus sur la nature de ses symptômes.

[2] Les personnes intéressées à poursuivre leurs recherches sur ces aspects pourront consulter la revue Social Science and Medicine, 41 (6), 1995

[3] Le mot interaction implique ici que ces liens se font des déterminants vers l’état de santé et vice‑versa.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 juillet 2007 8:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref