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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hubert Guindon, “Réexamen de l'évolution sociale du Québec (1960)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Hubert Guindon (1929-2002), (sociologue québécois, Université Concordia), “Réexamen de l'évolution sociale du Québec”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Marcel Rioux et Yves Martin, La société canadienne française, pp. 149-171. Montréal: Les Éditions Hurtubise HMH ltée, 1971, 404 pp. [Version française d'un article tiré de: The Canadian Journal of Economics and Political Science, XXVI, 4, November 1960, 533-551.]

Introduction

Toute tentative visant à déterminer le sens des changements sociaux qui se produisent au sein d'une société particulière me paraît, pour le moins, une entreprise hasardeuse. Toutefois, comme la sociologie, dans ses textes officiels sur la méthode, appuie ses prétentions de science sur son aptitude à prédire, elle doit, quelquefois et de quelque manière, prendre le risque de commenter les changements importants qui s'opèrent dans l'organisation sociale. Pour accomplir une tâche aussi exhaustive, l'analyste doit, me semble-t-il, considérer la société dans sa totalité historique. 

En général, les sociologues sont peu disposés à étudier une société envisagée dans sa totalité. Il leur répugne d'analyser des phénomènes sociaux sous l'angle de l'évolution dans le temps. En effet, la méthodologie qui aujourd'hui se donne pour adéquate, voire pour prestigieuse, suppose des enquêtes auprès de sujets dont les réponses peuvent être soumises à un traitement statistique. Pour cette raison, elle est de peu d'intérêt pour des études à portée historique et, bien que son utilité ne soit pas à dédaigner lorsqu'il s'agit de mesurer des changements sociaux, elle ne saurait, par elle-même, les expliquer. En outre, la préférence qu'elle accorde à des investigations fragmentaires et détaillées, en fait un outil plutôt embarrassant lorsqu'on se livre à des analyses globales. Les anthropologues, par tradition, ont coutume d'entreprendre avec succès de telles analyses dans l'étude de cultures plus ou moins élémentaires. Toutefois, lorsqu'ils ont à étudier des sociétés complexes, ils se montrent enclins à suivre les sociologues sur la voie des enquêtes minutieuses, ou encore à considérer comme acquis le principe que l'on peut reconstituer l'image globale d'une société à travers l'étude détaillée d'un moment de son histoire ou l'analyse d'une cellule sociale particulière, village ou bourgade. En choisissant la première méthode, ils renoncent à ce qui paraît avoir été l'un des objectifs traditionnels de l'anthropologie. Par le recours à la deuxième, un excès de simplification risque de leur faire manquer leur but. [1] 

Ces considérations peuvent expliquer le fait - mais peut-être ne l'expliquent-elles pas - que lorsque les sociologues parlent de l'évolution sociale, ils tiennent ordinairement un langage assez flou et que leurs commentaires, où abondent les expressions générales du genre de « changements technologiques », « effets de l'industrialisation », « retard culturel », créent des images imprécises. 

De telles considérations, toutefois, précisent le propos de cette contribution à l'étude de l'évolution sociale du Québec. Nous voulons, ici, tenter d'esquisser un tableau général des modifications qui ont affecté, depuis les origines, l'organisation sociale du Canada français. Notre panorama ne prétend pas reposer sur des données intégralement vérifiées ; il demeure simplement une analyse interprétative et cohérente de la société canadienne-française, des débuts à nos jours. 

Il arrive aux historiens d'affirmer que, pour les sociologues, le Canada français date du XIXe siècle. Il faut dire que les sociologues n'ont pas cherché, si ce n'est tout récemment [2], à entreprendre des analyses systématiques de la société canadienne-française antérieure à cette époque. Qu'ils ne l'aient pas fait ne doit pas être retenu contre eux, quoi qu'en pense un spécialiste frais émoulu des problèmes de la société canadienne-française. [3] Il est ridicule d'accuser quelqu'un de ne pas avoir entrepris un travail qu'il ne s'était pas proposé de faire. Si les auteurs concernés avaient cherché à expliquer l'émergence de la société rurale sans référence aucune au contexte antérieur de l'organisation sociale, la critique aurait sa raison d'être. Mais ni Miner, ni Hughes, pas plus que leur critique du reste, n'ont tenté d'expliquer l'émergence au XIXe siècle d'une société canadienne-française à prédominance rurale. [4] Ou encore, si le Canada français n'avait pas été, à un moment de son histoire, une société à prédominance rurale, ou si Miner et Hughes avaient prétendu que le Canada français avait toujours été une société strictement rurale, la critique serait encore justifiée. Mais tel n'est pas le cas. 

Le seul mérite d'une semblable critique est de soulever la question suivante : comment le Canada français est-il devenu une société à prédominance rurale vers la fin du XVIIIe siècle, et l'est resté tout au long du XIXe ? 

La présente étude visera, premièrement, à expliquer l'émergence de la société rurale après l'écroulement de la société commerciale féodale ; dans une deuxième partie, à décrire les rouages de l'organisation de la société rurale et, enfin, à déterminer les effets du phénomène récent de l'industrialisation de masse sur la structure sociale antérieure.


[1]     J.H. Stewart, Area Research : Theory and Practive, Ottawa, Social Science Research Council, 1950, Bulletin 63, 21-22.

[2]     Une importante exception est à noter : Léon Gérin, dont l'ouvrage Aux sources de notre histoire (Montréal, 1946) constitue une pénétrante analyse des structures sociales de la Nouvelle-France.

[3]     Philippe Garigue, Études sur le Canada français, Montréal, 1958, 8, 14, 15.

[4]     Horace Miner, St-Denis : A French-Canadian Parish, Chicago, 1939 ; Everett C. Hughes, Rencontre de deux mondes, la crise d'industrialisation du Canada français, traduit par Jean-Charles Falardeau, Éditions Lucien Parizeau, s.d.



Retour au texte de l'auteur: Hubert Guindon, sociologue québécois (1929-2002) Dernière mise à jour de cette page le vendredi 8 juin 2007 19:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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