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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Vers un nouveau conflit des générations. Profils sociaux et religieux de 20-35 ans. (1992)
Quatrième de couverture


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Jacques Grand’Maison, Vers un nouveau conflit des générations. Profils sociaux et religieux de 20-35 ans. Montréal: Les Éditions Fides, 1992, 399 pp. Collection: Cahiers d’études pastorales, no 11. RECHERCHE-ACTION, Deuxième dossier. Une édition numérique réalisée conjointement 1) pour la révision du texte, par Gemma Paquet, bénévole, professeure de soins infirmiers retraitée du Cégep de Chicoutimi, et, 2) pour la mise en page, par Claudia Riverin, bénévole, étudiante en analyses biomédicales au Cégep de Chicoutimi.

[9]

Vers un nouveau conflit des générations.
Profils sociaux et religieux  de 20-35 ans
.

Recherche-action. Deuxième dossier

INTRODUCTION


À 20, 25 ans, on sait qu'on a encore un sacré bout de chemin à faire. Si tout est bloqué, s'il n'y a pas d'espoir, on se décourage au trognon du plus profond de soi. Ce dont nous avons le plus besoin, c'est une force d'espérance pour retrouver le goût de relever des gros défis. C'est pas vrai qu'on est une génération démissionnaire. On a au fond de nous-mêmes de l'idéal. Cet idéal est plus vivant que vous ne le croyez. Ils sont rares les jeunes qui n'ont pas le goût du défi. Si la société brise cette force-là en nous, ça sera la tragédie la plus grave, le pire échec. On ne fait rien sans espoir, surtout quand on est jeune...

Se pourrait-il que le monde des adultes ait une mentalité sidatique du « plus rien à faire »? Se pourrait-il que ce soit le climat actuel? Alors ne vous surprenez pas que des jeunes se gèlent dans toutes sortes de drogues, ou qu'ils fuient dans l'extraterrestre parce qu'on a tué l'espoir dans la vie réelle, parce que le monde adulte ne pense qu'à sa retraite...

Votre retraite, c'est-y le seul avenir qui vous intéresse? Nous autres, notre avenir continue bien après vous. Qu'est-ce qui va nous rester? Qu'est-ce qui va nous arriver? Quelle sorte de monde allez-vous nous remettre dans les mains? Y pensez-vous vraiment à ça? Qu'est-ce que vous faites collectivement au delà de vos droits acquis, de votre retraite à assurer? Vous êtes de moins en moins ici avec nous, et de plus en plus en Floride. Pour moi, c'est le seul message clair que je reçois de vous autres, et je le trouve triste et accablant. (Pierre, 26 ans)

On aura beau dire que cette charge à fond de train est injuste, exagérée ; on aura beau dire que bien des adultes eux aussi ont à se dépatouiller dans des conditions très difficiles et qu'ils font leur gros possible ; on aura beau dire que les jeunes « ont à gagner leurs épaulettes [10] comme nous on l'a fait », il ne faudrait pas qu'un plaidoyer d'autodéfense serve d'alibi pour ne pas s'arrêter très sérieusement à ce diagnostic typique d'un jeune d'aujourd'hui, à la part de vérité qu'il porte.

Les jeunes incarnent l'avenir au présent. Nos attitudes face à l'avenir se révèlent avant tout dans nos rapports avec les générations qui nous suivent. Dans quelle mesure la génération d'une certaine prospérité ne pense et n'agit qu'en fonction d'elle-même comme si elle était la seule de l'histoire? Ses lourds endettements renvoyés aux générations futures sont le signe le plus manifeste de sa vraie mentalité.

Voilà le message le plus percutant que nous tirons de notre longue écoute de jeunes de 20-35 ans, hommes et femmes, de divers milieux sociaux, dans le cadre d'une recherche qui se poursuit depuis quatre ans auprès de la population de six régions au nord de Montréal, recherche échantillonnée selon les variables classiques d'âge, de milieu social, de sexe, de scolarisation.

Dans une recherche qualitative (récits de vie, entrevues en profondeur) nous avons tenté de dégager les tendances culturelles, sociales et religieuses les plus déterminantes. Nous pensons que les sondages ne peuvent atteindre les expériences les plus profondes des gens, surtout cette gestation intérieure, ces bouillons de culture et de conscience qui restent encore souterrains, invisibles à un regard de surface. Ce ne sont pas les « moyennes statistiques » qui peuvent en rendre compte. On ne peut penser traverser une rivière avec le seul repère d'une moyenne de profondeur d'un mètre.

Dans notre rapport général nous ferons état de notre méthodologie et des outils que nous avons utilisés. Le premier rapport de recherche, intitulé Le drame spirituel des adolescents *, en fournit déjà quelques indicateurs. Nous n'avons pas voulu alourdir ce rapport de recherche destiné à un plus large public. Rapport conçu comme un dossier de travail à poursuivre avec des groupes de jeunes et d'intervenants auprès d'eux.

L'équipe de recherche qui a produit ce dossier est constituée de membres appartenant à divers secteurs d'intervention sociale, éducationnelle, communautaire ou pastorale. Certains membres sont du groupe d'âge des 20-35 ans.

[11] Nous sommes des chrétiens soucieux de vivre notre foi, de la repenser, de la mettre en acte sur le terrain le plus vital des défis humains les plus cruciaux, comme nous y incite l'évangile lui-même. En celui-ci, ce ne sont pas d'abord les différences religieuses qui démarquent les êtres aux yeux de Dieu, mais l'humanité ou l'inhumanité que l'on a de nos attitudes et comportements les plus importants.

Face aux durs et énormes seuils critiques de tous ordres auxquels nous sommes tous parvenus, il y a ce rendez-vous capital d'un nouveau vivre ensemble avec des différences plus marquées, et aussi d'un agir ensemble pour débloquer les culs-de-sac actuels qui nous concernent tous. Nos inquiétudes et nos espoirs sur l'avenir du christianisme d'ici passent par notre participation à cette tâche commune de chercher les solutions les plus humaines et les plus justes aux graves problèmes qui se sont accumulés, au point de nous amener à une société bloquée et à un nombre grandissant de gens éjectés du système social et économique.

C'est du dedans de ce drame à la fois matériel et spirituel que nous essayons de discerner les dynamismes déjà à l'oeuvre, les forces de rebondissement possibles et aussi les apports originaux des chrétiens sur ce terrain commun où nous sommes en coude à coude avec tous les êtres humains de bonne volonté qui veulent mobiliser le meilleur d'eux-mêmes pour bâtir un avenir possible.

Personne n'a le monopole de la vérité, de la seule juste et bonne réponse, pas plus nous, chrétiens, que ceux qui se définissent différemment.

En suivant à la trace les itinéraires difficiles mais passionnants de gens de divers horizons, nous avons fait le pari de renverser notre façon habituelle de penser et d'agir, de nous laisser enseigner par les autres, en risquant de devenir « autres » avec ceux qui le sont devenus après avoir pris une distance de leur héritage religieux chrétien. Pari aussi de chercher avec les autres le terrain où nous partageons la même humanité en quête d'espérance. C'est ici que retentit à nouveau le formidable appel du jeune cité plus haut qu'on pourrait résumer ainsi :

Une quête commune, personnelle et collective d'espérance qui fait vivre, aimer, lutter, foncer envers et contre tout, fût-ce pour défoncer des situations bloquées, mais surtout pour ouvrir des chemins d'avenir possible.

[12] Voilà la ligne de l'écoute, du regard et de la main qui a guidé cette recherche dont nous vous livrons ici les premiers résultats. Avec le secret espoir de vivre ces merveilleuses complicités qui se nouent parfois entre des êtres très différents, étonnés de partager les mêmes questions de fond, les mêmes cris, les mêmes scandales, les mêmes horizons. N'est-ce pas ce même rendez-vous d'appel que nous avons entendu de la bouche de Pierre à qui nous avons donné la première parole dans ce dossier? Pour nous chrétiens, c'est d'abord à travers des êtres comme lui que Dieu nous fait signe, que l'Esprit nous entraîne et nous invite à sortir de nos sentiers battus et rebattus, pour risquer avec les autres de nouvelles solidarités d'espérance libérante et entreprenante, que bien des jeunes souhaitent, d'ailleurs, tout en tenant à y inscrire leurs propres touches.

Bien sûr, il y aura toujours des conflits d'intérêts, d'idéologies, de générations, il y aura de plus en plus de diversité des mentalités, des cultures, des croyances, des politiques. Mais comment saurons-nous bien les vivre et les assumer si nous perdons de vue notre commune humanité et le fait incontournable que nous vivons ces différences, ces tensions dans la même cité, dans les grandes institutions de service que nous fréquentons tous, dans plusieurs enjeux de société qui nous concernent tous sans exception? C'est peut-être là que se situe le principal enjeu qui précède, accompagne et dépasse tous les autres.

Ce dossier cible les 20-35 ans. Il a été précédé par un premier qui portait sur Le drame spirituel des adolescents. Il sera suivi de deux autres : les 35-50 ans et les 50 ans et plus, puis enfin d'un rapport général.

Au début de ce projet nous avions comme objectif de repérer les grandes orientations culturelles et religieuses actuelles, les divers profils qui s'y modulent, pour inspirer un renouvellement de nos pratiques pastorales et chrétiennes. Mais en cours de route, devant la richesse des données recueillies, des indicateurs précieux qu'elles fournissaient, nous avons jugé que nous n'avions pas le droit de garder ces résultats de recherche qui devraient appartenir à tout le monde. À cela s'ajoutait le fait que nous avions travaillé en fonction d'un meilleur service au milieu. Nous sommes d'une Église qui ne veut pas régenter qui que ce soit, qui veut s'inscrire dans les forces vives de milieux lourdement frappés par les multiples crises actuelles et appelés à des solidarités fécondes pour trouver ensemble des réponses pertinentes, des initiatives qui redonnent élan et espoir.

[13] Bien sûr, nous sommes aussi soucieux d'un judicieux renouvellement des pratiques chrétiennes et pastorales capables d'apports qualitatifs au milieu, capables de faire de l'Église un lieu d'inspiration, d'engagement, de ressourcement, de soutiens communautaires, d'approfondissement de la foi, de partage spirituel, de célébration. Là aussi nos interviewés nous ont fourni des indicateurs précieux. En allant chercher les tendances les plus profondes susceptibles de longue foulée, nous voulions dépasser une pure gestion des problèmes immédiats, et préparer dès maintenant un avenir avec ceux qui déjà le conjuguent au présent, à savoir la génération montante. C'est à elle que nous donnons la parole dans ce dossier.

Nous vous présentons d'abord douze figures-types de jeunes de la vingtaine et du début de la trentaine qui marquent déjà la diversité de ce groupe d'âge.

Cette première typologie nous fait entrer concrètement dans une seconde approche où nous essayons de situer le monde des 20-35 ans dans la société actuelle.

Puis nous retournons à leurs propres expériences pour en saisir les orientations culturelles, sociales et religieuses.

De celles-ci nous dégageons les tendances majeures. Nous avons découvert que ce groupe d'âge est un des révélateurs privilégiés de ce qui arrive dans l'ensemble de la société. On découvrira comment s'amorce un conflit de générations peut-être sans précédent. C'est là, à tout le moins, une hypothèse à explorer.

Soucieux de l'importance de profondes ressources morales et spirituelles pour faire face aux énormes défis actuels, nous prospectons dans une autre partie du dossier les enjeux et les chemins de foi et d'espérance. Encore ici, les jeunes eux-mêmes nous ont livré de précieux indicateurs.

Enfin nous abordons les questions que les jeunes posent à l'Église, et les voies de renouvellement de celle-ci.

La conclusion est consacrée aux pistes d'avenir, toujours en relation étroite avec les perspectives qui nous viennent des jeunes eux-mêmes.

Avis au lecteur

Nous livrons les résultats de cette recherche avec un certain vertige. On a beau brouiller les pistes pour assurer l'anonymat le plus strict, il reste que nous faisons part d'itinéraires, aussi bien de conscience [14] que de vie. À chaque fois, nous sortions de nos entrevues habités par un profond respect de la personne qui avait accepté de se révéler avec une telle confiance. Nous accomplissions une démarche où la neutralité, l'objectivité et la distance professionnelles n'étaient pas faciles à tenir, tellement l'intersubjectivité entrait continuellement en ligne de compte, entre l'interviewé et l'intervieweur.

Dans la rédaction de ce rapport nous tentons de maintenir cette vigilance toujours en état d'alerte. Les montages, les découpages pour fin de compréhension font toujours violence au réel, surtout quand il s'agit de l'expérience humaine et spirituelle reçue et analysée jusque dans ses plis et replis les plus cachés. Il y a ici quelque chose de sacré qui continue de s'imposer à nous. La première transcendance se joue dans les profondeurs spirituelles d'une brûlante humanité dont les jeunes nous ont offert tant de visages attachants et d'exemplaires typés. Notre foi évangélique ajoute à ce respect, le regard d'amitié, de confiance que Dieu lui-même porte sur eux.



* Dans la même collection, Montréal, Fides, 1992.



Retour au texte de l'auteur: Jacques Grand'Maison, sociologue québécois (1931 - ) Dernière mise à jour de cette page le mercredi 5 novembre 2014 15:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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