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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Lucien GOLDMANN, Pour une sociologie du roman. (1964)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Lucien GOLDMANN, Pour une sociologie du roman. Paris: Les Éditions Gallimard, 1964, 231 pp. Collection: “Bibliothèque des idées”. [Autorisation de Mme Annie Goldmann, épouse de l'auteur, accordée le 18 décembre 2018, de diffuser ce livre en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

Pour une sociologie du roman


Préface

[8]

[9]

Les trois premiers chapitres du présent volume ont été publiés dans le numéro 2-1963 de la Revue de l’Institut de Sociologie de Bruxelles consacré à la sociologie du roman. Parmi eux, l’étude sur le nouveau roman et la réalité sociale constitue le texte d’une intervention lors d’un colloque auquel participaient Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute, texte auquel j’ai ajouté un certain nombre de développements concernant l’œuvre de Robbe-Grillet. L’ensemble résume les résultats de deux années de recherches sur la sociologie du roman effectuées au Centre de Sociologie de la Littérature de l’Institut de Sociologie de l’Université de Bruxelles.

Le quatrième chapitre a été écrit pour la revue américaine Modern Language Notes où il sera probablement publie en même temps que le présent volume.

Dans cette préface, nous voudrions seulement prévenir une objection éventuelle concernant le décalage entre le niveau où se situe la première étude qui formule une hypothèse tout à fait générale sur la corrélation entre l’histoire de la forme romanesque et l’histoire de la vie économique dans les sociétés occidentales et celui où se situe l’étude sur les romans de Malraux qui est au contraire très concrète, mais dans laquelle nous ne dépassons que rarement l’analyse structurale interne et où la partie proprement sociologique est extrêmement réduite. Ajoutons aussi que l étude sur le nouveau roman se situe à un niveau intermédiaire entre l’extrême généralité du premier travail et l’analyse interne qui caractérise le second.

[10]

Ces différences de niveau sont réelles et résultent du fait que loin de constituer une recherche achevée, le présent volume résume seulement les résultats partiels d’une recherche en cours.

Les problèmes de sociologie de la forme romanesque apparaissent à la fois passionnants, susceptibles de renouveler tout aussi bien la sociologie de la culture que la critique littéraire, et extrêmement complexes ; de plus, ils concernent un domaine particulièrement étendu. C’est pourquoi il ne saurait être question d’avancer seulement par les efforts d’un seul chercheur ou de quelques chercheurs réunis en un ou deux centres d’études.

Nous essayerons bien entendu de continuer nos recherches tant à l’École Pratique des Hautes Études à Paris qu’au Centre de Sociologie de la Littérature de Bruxelles. Mais nous savons que dans les années à venir, nous ne saurions couvrir qu’un très petit secteur de l’immense domaine qu’il faut explorer. Aussi, sommes-nous conscient du fait que des progrès vraiment substantiels pourront être réalisés seulement le jour où la sociologie de la littérature deviendra un domaine de recherches collectives se poursuivant dans un nombre suffisamment grand d’universités et de centres de recherches de par le monde.

C’est dans cette perspective, et parce que les résultats déjà acquis, même partiels et provisoires, nous paraissent suffisamment importants pour jeter une lumière nouvelle sur le problème étudié que nous avons pris la décision de les publier avec l’espoir qu’ils pourraient soit être intégrés dans d’autres recherches en cours, ou, tout au moins, pris en considération et discutés par ceux qui les effectuent, soit susciter ici ou là des recherches orientées dans la même direction. Aussi, espérons-nous vivement que, par la suite, des publications sociologiques, venant d’ailleurs, pourront nous aider dans nos propres travaux.

En terminant cette préface, nous voudrions encore souligner une fois de plus à quel point les méthodes récentes de la critique littéraire, — structuralisme génétique, psychanalyse et même structuralisme statique avec lequel [11] nous ne sommes pas d’accord, mais dont certains résultats partiels sont incontestables, — ont enfin mis à l’ordre du jour l’exigence de constituer une science sérieuse, rigoureuse et positive de la vie de l’esprit en général et de la création culturelle en particulier.

Bien entendu, cette science en est encore à ses tout premiers débuts. Aussi disposons-nous seulement de quelques rares recherches concrètes, alors qu’au contraire, dans le monde entier, les études traditionnelles — empiristes, positivistes ou psychologiques — dominent de loin, au moins sur le plan quantitatif, la vie universitaire. Ajoutons que les quelques rares travaux scientifiques sont pour les lecteurs en général, et même pour les étudiants, d’un accès particulièrement difficile dans la mesure où ils vont à l’encontre de toute une série d’habitudes mentales solidement établies, alors que les études traditionnelles se trouvent au contraire favorisées par ces habitudes et sont par cela même aisément accessibles. C’est qu’il s’agit dans l’étude scientifique de la vie culturelle d’un bouleversement radical, semblable à ceux qui ont jadis permis la constitution des sciences positives de la nature.

Qu’est-ce qui paraissait en effet plus absurde que d’affirmer la rotation de la terre ou le principe d’inertie alors que tout le monde pouvait certifier par une expérience immédiate et incontestable que la terre ne bouge pas et que jamais une pierre qu’on jette ne continue indéfiniment sa trajectoire ? Qu’est-ce qui paraît aujourd’hui plus absurde que l’affirmation selon laquelle les véritables sujets de la création culturelle sont les groupes sociaux et non pas les individus isoles alors que c’est une expérience immédiate et en apparence incontestable que toute œuvre culturelle — littéraire, artistique ou philosophique — a un individu pour auteur ?

Mais la science s’est toujours constituée malgré les « évidences immédiates » et à l’encontre du « bon sens » établi ; et cette constitution s’est toujours heurtée aux mêmes difficultés, aux mêmes résistances et aux mêmes types d’arguments.

C’est là un fait normal et même, en dernière instance, encourageant et positif. Il prouve qu’à travers les [12] résistances et les obstacles, à l'encontre des conformismes et du confort intellectuel, le travail scientifique continue, lentement sans doute, mais néanmoins effectivement, son chemin.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 17 janvier 2019 6:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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