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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Serge Côté, Camil Girard, Patrice Leblanc et Jacques Kurtness, “De la «Réserve» à la «Cité». Migration interne et dynamique culturelle chez les jeunes des premières nations au Québec (Canada). Innus, Atikamekw et Algonquins.” Texte présenté par Camil Girard dans le cadre du colloque “Hacia una política de inclusión social para los pueblos indígenas : diversidad con igualidad y justicia social,” Centro Cultural Universitario de Tlatelolto, México, Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM). Escuela Nacional de Trabajo social, México, 11, 12, 13 mars 2015. Texte publié dans la revue Anales de Anthropología, vol. 49, no 2, juillet 2015, pp. 175-205. [Autorisation formelle accordée conjointement par Camil Girard, historien à l’Université du Québec à Chicoutimi le 9 septembre 2019 de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[175]

Serge Côté, Camil Girard
Patrice Leblanc et Jacques Kurtness


De la «Réserve» à la «Cité».
Migration interne et dynamique culturelle
chez les jeunes des premières nations
au Québec (Canada).
Innus, Atikamekw et Algonquins.”


Texte présenté par Camil Girard dans le cadre du colloque “Hacia una política de inclusión social para los pueblos indígenas : diversidad con igualidad y justicia social,” Centro Cultural Universitario de Tlatelolto, México, Universidad Nacional Autónoma de México (UNAM).  Escuela Nacional de Trabajo social, México, 11, 12, 13 mars 2015. Texte publié dans la revue Anales de Anthropología, vol. 49, no 2, juillet 2015, pp. 175-205.

Résumé / Abstract [175]
Introduction [176]
Culture et identité : peuples autochtones et dynamique culturelle [177]
La mobilité, attrait pour le milieu d’accueil mais attachement au milieu d’origine : quelques réflexions sur la construction de l’identité à partir des données qualitatives [181]
Le milieu d’origine des jeunes autochtones et la dynamique de construction de l’identité [183]
L’identité autochtone en reconstruction [184]
Des jeunes qui se déplacent : l’éclairage des données quantitatives sur la construction de l’identité [185]
Le départ du foyer familial et la première migration [186]
Les motifs associés à la première migration [187]
Le contexte entourant la première migration [189]
Les liens et les rapports avec le milieu d’origine [190]
Les liens et les rapports avec la famille d’origine [192]
L’implication des jeunes [193]
Aspirations et valeurs [194]
Langues [196]
Conclusion [196]
Notes [200]
Les auteurs


Résumé

L’article présente d’abord quelques jalons théoriques sur les rapports de la culture et des dynamiques interculturelles dans le processus de construction identitaire. Par la suite, les auteurs y traitent de la question de la migration interne des jeunes autochtones du Québec à partir de deux recherches sur le terrain, à savoir un corpus d’entrevues réalisées auprès d’une trentaine de jeunes Innus, Attikamekw et Algonquins (volet qualitatif) et un sondage mené auprès d’un peu plus d’une centaine de jeunes des trois mêmes nations (volet quantitatif) à partir d’un questionnaire qui a été aussi appliqué aux jeunes Québécois. La construction identitaire des jeunes autochtones est liée à leurs rapports au territoire et à leur mobilité. Ces jeunes font face au défi de construire leur identité dans une modernité qu'ils assument et désirent, mais aussi dans un contexte d’affirmation, de tension et d'ambivalence qui est particulier aux valeurs de leur culture d'origine. Leur situation pourrait être caractérisée comme un nouveau nomadisme qui met en jeu un va-et-vient entre les territoires d’origine et d’accueil, entre les valeurs de la communauté de provenance et la société ambiante, entre la langue maternelle et la langue de la majorité.

Abstract

The article first presents some theoretical avenues seeking to analyse the impact of culture and intercultural dynamics on the process of identity building. The authors thereafter [176] deal with the issue of internal migrations of Aboriginal youth in Québec using data from two field studies, i.e. a set of interviews of some thirty young Innus, Atikamekw and Algonquins (qualitative approach) and a survey of a little more than a hundred young people from these three nations done with a questionnaire that was also filled by young Quebecers (quantitative approach). Identity building among Aboriginal youth has to do with their mobility and their relationship to the land. These young people cope with the challenge of building their identity in a modernity they want and have to come to terms with, but also in a context of collective affirmation, conflict, and ambivalence that is distinctive of their community’s culture. Their situation could be termed as a new nomadism characterized by a movement of going back and forth between a native place and a host place, between the values of the community and those of the neighbouring society, between the mother tongue and the language of the majority.

Introduction

Cet article porte sur la migration interne et le processus de construction identitaire des jeunes autochtones du Québec. Souvent partagés entre leur culture première et la culture québécoise (d’origine européenne), tiraillés entre des valeurs traditionnelles et d’autres plus modernes, les repères dont les jeunes autochtones ont besoin ne sont pas faciles à trouver dans ces départs qui remettent en question les acquis du milieu d’origine et en particulier la vie dans les réserves. Dans cette quête d’identité, tant individuelle que collective, l’affirmation des peuples autochtones s'appuie sur une certaine réappropriation du territoire ancestral et sur la prise en charge, par des gouvernements autochtones, des destinées des populations en cause qui vivent des changements importants.

À cet égard, les négociations politiques qui ont mené à la signature l’Approche commune du 31 mars 2004 n’ont peut-être pas suffisamment tenu compte de ce que les jeunes ont à dire sur l’avenir des peuples autochtones. Dans les rapports au territoire qu’ils tissent sur fond de colonisation et de mondialisation, les jeunes autochtones du Québec cherchent à sortir de la réserve pour critiquer celle-ci, certes, mais surtout pour tenter de réinventer à la fois les territoires traditionnels et surtout à prendre leur place dans les villes où ils revendiquent une reconnaissance pour les peuples autochtones.

Au Québec [1], mais aussi ailleurs dans d’autres sociétés, cette construction identitaire est imbriquée dans un processus d’affirmation des peuples autochtones en opposition aux politiques d’extinction développées par les gouvernements, Loi [177] des Indiens (1876), perte de droits fondamentaux, création des réserves, tutelle fédérale, pensionnats, pauvreté systémique (Commission royale sur les peuples autochtones du Canada, 1995; Gill, 1995).

L’analyse présentée ici s’inscrit dans le prolongement des enquêtes menées par le Groupe de recherche sur la migration des jeunes au Québec [2]. Poser le problème de la migration dans les sociétés contemporaines, y incluant les peuples autochtones, conduit à un questionnement sur la construction identitaire dans des dynamiques d’échanges interculturels (Commission royale sur les peuples autochtones du Canada, 1995, vol. 4, chapitre 7- migration et urbanisation; Girard et Ntetu, 2006 et 2009 ; Girard, 1997b, Girard, Garneau et Fréchette, 2004 ; questions interculturelles : Girard, Gagné, 1995 ; Girard, 1997a; Turgeon, Delâge et Ouellet, 1996; Espagne, Werner, 1988). Après avoir posé quelques jalons théoriques sur les rapports de la culture et des dynamiques interculturelles dans le processus de construction identitaire, nous présenterons un portrait de la mobilité des jeunes autochtones du Québec, puis une analyse de quelques éléments de leur identité à partir d’un corpus d’entrevues réalisées auprès d’une trentaine de jeunes Innus, Atikamekw et Algonquins (volet qualitatif) et d’un sondage mené auprès d’un peu plus d’une centaine de jeunes des trois mêmes nations (volet quantitatif) à partir d’un questionnaire qui a été aussi adressé aux Québécois.

Culture et identité :
peuples autochtones et dynamique culturelle


La culture – ou l'ensemble des faits de civilisation – ne peut être cernée qu'en vertu de traits spécifiques à chaque groupe humain (Girard, 1997b ; Retschtzki, 1989 ; Selim, 1986 ; Kurtness, 1983). Dès son plus jeune âge, chaque individu fait l'apprentissage de d’éléments culturels (langue, religion, mode de vie, etc.) qui l'associent à son groupe. L'humain accapare ainsi un ensemble d'éléments qui lui permettront de s'insérer dans une certaine collectivité culturelle. En adoptant [178] une manière d'être, les humains font à la fois des apprentissages spécifiques à leur condition humaine et à leur culture dans laquelle ils se construisent en quelque sorte une identité dans un milieu et autour de diverses influences (Akoun et Ansart, 1999 : culture, p. 125 ss ; identité, 263-264. Bonte et Izard, 1991, culture, 188 ss ;  Boaz, 116 ss).

Les rapports interculturels que chaque culture vit dans un cadre plus ou moins ouvert, peuvent déboucher, à terme, sur un phénomène d’acculturation et de déterritorialisation des identités et des appartenances, surtout lorsqu’une culture majoritaire s’impose. L’acculturation a d’abord une dimension de contrainte : celle de la domination d’une culture sur une autre. Cependant, si ce concept est porteur d’un décloisonnement inégal entre les cultures, il s’inscrit aussi dans un processus d’échanges et de transferts complexes qui marquent toutes les cultures, même celles qui affirment avoir « conquis ou découvert » les peuples autochtones des Amériques (Girard, Gagné, 1995, 3-15 ; Todorov, 1982, p. 72 ; Axtell, 1982, p. 246, 274). Dans ce contexte, lorsque le volume des emprunts et le rythme des novations s'accentuent, semblant dès lors bouleverser en profondeur les sociétés d'origine, on peut définir l'acculturation comme l'ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l'un et l'autre groupe (Clapier-Valladon et Mannoni, 1991, p. 541; Sélim, 1986, p. 99). Ainsi considérée, « l'acculturation apparaît soit comme une superposition d'éléments culturels qui sont intégrés, soit comme une dépossession; elle s'inscrit tout autant comme facteur d'assimilation d'éléments étrangers à sa culture que comme une rupture véritable. » (Girard, 1997a ; Girard, 1997b, p. 231 ; Maffesoli, 1997 : 75-76).

Les cultures autochtones, tout comme les autres cultures, sont influencées par le métissage et des processus de transferts culturels (Clapier-Valladon et Mannoni, 1991). Devant les innovations et les progrès qui se multiplient à un rythme de plus en plus rapide, les cultures perdent leur système de référence et en viennent à ne plus assimiler les changements. Ce phénomène, que nous appellerons à l'instar du spécialiste Jean Poirier (1991) la « dysculturation » affecte en profondeur mais de manière inégale les sociétés, et en particulier certaines cultures, dont celles des peuples autochtones. Dans cette perspective, les individus et les groupes sont appelés à construire leur identité dans ces rapports incessants d’échanges liés à la culture d’origine et aux rapports de proximité avec d’autres cultures (interculturalité), jouant soit à se replier sur sa culture ou à intégrer des éléments nouveaux à celle-ci (Girard, 1997b). Cela est d’autant plus vrai dans les mouvements migratoires internes qui favorisent une distanciation du milieu [179] d’origine chez les jeunes migrants et une réflexion sur leur identité et leur culture d’origine.

Alors que l’idéologie de la globalisation semble inviter à s’intégrer à tout prix, l’insertion citoyenne dans les sociétés contemporaines ne peut se faire au détriment d’un questionnement profond des cultures et dans leur dynamique de rapports - intra, inter ou trans - culturels. Cependant, il est souvent difficile pour un individu qui s’identifie à un peuple minoritaire, exclu, de trouver place à une affirmation positive de son identité à partir d'une culture première mal reconnue dans l’espace public (Eveno, 2003; Roy, 2002; Darou, Kurtness et Hum, 2000 ; Girard, 1997b; Collin, 1994; Roy, 1993 ; Larose, 1989; sur le Mexique, Bartolomé, 2006 ; Lartigue, Quesnel, 2003 ; Yanes, 2006). Dans cette quête d'identité individuelle et collective, dans les crises de l’adolescence et de la jeunesse que vivent les jeunes adultes des Premières Nations au Québec ou ailleurs, la reconnaissance et l'affirmation des peuples autochtones s'appuient sur une construction identitaire qui se déroule dans une tension, voire une certaine marginalité ou exclusion qui invite à de nouvelles études sur la jeunesse dans les cultures minoritaires (Erikson, 1972. 162 ss ; Marcia, 1966, Jaccoud, 1995; Xiberras 1993; Castel, 1994; Parazelli, 2002; Pérez Islas et Valdez González, 2003 et 2004).

Cette recherche sur la migration des jeunes donne la possibilité d’examiner la construction identitaire autour de la mobilité et des rapports au territoire qui se manifestent dans des groupes culturels marginaux. À la faveur des déplacements, migrations, installations, retours, etc., qu’ils entreprennent et qu’ils multiplient souvent, ils semblent chercher à suivre les traces de leurs ancêtres qui parcouraient de vastes étendues et se déplaçaient sur des distances impressionnantes, tout en se projetant dans leur projet de vie qui se passe souvent dans la ville, où tout est à re-construire mais à distance de son milieu d’origine. On peut ainsi parler d’un nouveau nomadisme au sens où les jeunes autochtones explorent une nouvelle mobilité soit dans les villes de proximité ou les métropoles et où, successivement, ils découvrent de multiples espaces et des contextes d’habitation, des vies de quartiers, des cadres variés de relations amicales et familiales, de circonstances diversifiées d’acquisition de compétences et des lieux pluriels d’exercice d’une occupation ou d’une profession.

[180]

CARTE 1

nationsnb6X92007

[181]

La mobilité, attrait pour le milieu d’accueil
mais attachement au milieu d’origine :
quelques réflexions sur la construction de l’identité
à partir des données qualitatives
 [3]

Le volet qualitatif présenté ici permet de dégager certaines particularités concernant les jeunes des Premières Nations. Les propos retenus permettent de nuancer et de préciser comment les jeunes autochtones ont des traits distinctifs même s’ils s’inscrivent dans des mouvements typiques des autres jeunes qui ont participé à nos enquêtes : affirmation de soi, proximité et distance du milieu d’origine, valeurs portées à l’éducation, au travail et à la famille.

Les jeunes autochtones quittent généralement leur milieu d'origine pour poursuivre des études ou pour travailler (Cousineau-Mollen, 2001 ; Croteau, 1991). Tous estiment que l'éducation est un moyen pour s'accomplir. Plusieurs voient aussi dans leur réussite scolaire, une fierté pour toute leur famille. Sous ce rapport, les filles semblent plus déterminées que les garçons à compléter leurs projets d'étude. Le départ coïncide avec le désir de prendre une distance d’avec le milieu d’origine quitte à revenir sous certaines conditions. C’est l’occasion pour les jeunes de prendre une distance à la fois de leur famille immédiate, mais aussi d’un milieu de vie perçu comme contraignant.

Néanmoins, si le départ est perçu comme nécessaire, il n'en demeure pas moins que l'intégration dans les milieux d'accueil n'est pas facile. Quitter la réserve ou une petite ville pour aller vivre dans une grande ville, c'est, à la limite, comme aller vivre dans un pays étranger:

C'est comme si tu t'en vas d'un pays que tu connais puis tu t'en vas dans un pays étranger. C'est la même chose, c'est deux mondes... (INN-07, homme, 31 ans, étudiant, maîtrise)

Je voulais surtout partir de [petite ville] puis je suis déménagée à Hull vers la fin de l’été puis j’ai fréquenté le cégep là pendant toute la session de l’automne. Puis j’ai déménagé dans une petite chambre. […] Quand tu viens de l’Abitibi puis que tu arrives en ville comme ça puis qu’il y a des voitures qui passent vite puis qu’il y a du monde partout, mais moi, je n’étais pas vraiment préparée à ça. (ALG-02, femme, 28 ans, travailleuse, cégep)

[182]

Dans le milieu d’accueil, les besoins sont souvent plus pressants pour les jeunes mères. L'entraide des amies permet de le dépanner. Cependant, c'est autour de divers organismes que les femmes trouvent les moyens de s'en sortir. Les centres d'amitié autochtones et les garderies sont privilégiés par les jeunes mères autochtones qui vivent un stress considérable. La recherche de petits emplois rémunérés permet de combler un budget de famille souvent insuffisant.

Oui, je me suis mis (sic) dans des organismes autochtones là [à Montréal]. Comme Terres en Vues [….] C’est une entreprise, je pourrais dire autochtone mais il n’y en a pas beaucoup là mais… […] Oui, j’allais au centre d’amitié aussi. Je faisais partie de comités de jeunes là. (ALG-05, femme, 23 ans, travailleuse, secondaire)

Lors de ces départs, les jeunes découvrent à la fois leurs limites mais aussi leurs possibilités. En cela, les jeunes migrants de toutes les cultures se ressemblent. Ils se découvrent à distance de leur milieu d'origine. Le fait d’être laissé à soi-même dans un nouveau milieu permet à chacun de découvrir ses limites mais aussi des forces jusque-là ignorées. En cela, l'expérience du départ est jugée comme positive.

J'ai découvert en dedans de moi que j'étais quelqu'un de débrouillard. Si j'aurais (sic) resté à [nom de la réserve], c'est sûr que là-bas, je sais pas ce que je serais devenu si j'aurais (sic) resté là-bas. Ici, je me suis découvert, le monde m'ont découvert. […] Quand je suis retourné là-bas [milieu d’origine], j'ai travaillé là-bas, les gens ont commencé à me connaître. (ATT-05, homme, 23 ans, travailleur, cégep)

Les jeunes ont un regard assez critique sur leur communauté d'origine tout en découvrant, une fois partis, que leur milieu de vie leur manque. Avec l'arrivée des enfants, les possibilités de retour sont envisagées. La remémoration des lieux et des temps où toute la famille se retrouvait contribue à reconstruire une image plus positive du milieu d'origine. Le retour peut ainsi être envisagé.

C'est sûr que j'aimerais ça travailler pour les autochtones, faire quelque chose pour les enfants. Je sais pas, montrer c'est quoi la culture, y a pas assez de choses qu'on voit pour les enfants, comme le mien. Le mien, y s'en vient. Ça me manque beaucoup les makushan (n.a. repas et fête traditionnels) […] C'est pas icitte je pense que j'vas le trouver… (ATT-02, femme, 21 ans, travailleuse, cégep)

Pour d'autres, le départ reste difficile à assumer. À mesure que l'on vieillit, que la famille se crée et que l'insertion professionnelle s’accomplit en dehors de sa communauté, certains constats s'imposent au jeune adulte qui doit faire certains deuils.

[183]

C'est une partie de moi que j'avais laissée là-bas. Sauf qu'aujourd'hui, je garde ça comme des beaux souvenirs. Je prends ça positif. Je m'ennuie... oui je m’ennuie. Quand je vais là, je fais mon possible pour faire le tour, de voir... toute la gang avant de partir. (ATT-13, homme 33 ans, travailleur, baccalauréat)

En définitive, si le départ s’inscrit dans une volonté d’améliorer sa condition par les études, le travail et le contact avec ses pairs, il reste qu’un choc culturel est vécu par les jeunes autochtones. Ce choc incite le jeune à remettre en question les valeurs de sa culture d’origine tout en jetant un regard critique sur sa culture d’accueil.

Le milieu d’origine des jeunes autochtones
et la dynamique de construction de l’identité


Dans la famille autochtone, la famille élargie, plus particulièrement, les grands-parents jouent un rôle important. Les jeunes adultes interviewés ont parlé davantage des rapports qu'ils avaient eus avec leurs grands-parents plutôt qu'avec leurs parents dans leur milieu d'origine. Les grands-parents interviennent dans l'éducation des jeunes, du moins durant l'enfance. La famille élargie aux parents, grands-parents, frères, sœurs, oncles, tantes, cousins et cousines, constitue le noyau des liens communautaires du jeune autochtone.

Nous autres, c’était plus collectivité… avec mes frères, mes sœurs. On jouait plus ensemble puis avec d’autres enfants aussi de la communauté surtout l’été quand on retournait après les écoles.  (n.a. : Les jeunes de Kitcisakik sont scolarisés à Val-d’Or où ils demeurent dans des foyers durant l’année scolaire). (ALG-10, femme, 29 ans, étudiante, cégep).

Certains problèmes ont été soulevés eu égard à l'exiguïté des maisons et à un certain manque d'intimité.

Je restais chez ma grand-mère. À côté de chez nous, il y avait deux de mes oncles. En face de chez nous, il y avait une tante. [...] Dans le village, on était situés proches, proches… Chez ma grand-mère, il y avait deux de mes tantes qui restaient là, c'était vraiment serré. On était vraiment proches, ce qui se passait sous un toit se passait aussi sous l'autre toit parce qu'on finissait tout le temps par se promener d'une place à l'autre. (INN-04, femme, 23 ans, travailleuse, secondaire)

On se plaint parfois que dans le milieu d'origine, il n'y « a rien à faire ». Cependant, la plupart des interlocuteurs ont affirmé avoir leur réseau d'amis autochtones.

[184]

Certaines activités organisées localement ont pour but de se réapproprier des éléments de sa culture traditionnelle. Les souvenirs les plus marquants concernaient les makushan (fêtes et repas traditionnels), les danses, les prières, les rites de passage auxquels les membres de la communauté sont associés. D'autres activités comme les Jeux autochtones qui regroupent les jeunes de différentes nations autochtones sont perçues comme des temps privilégiés pour élargir les réseaux d'amitié en milieu autochtone.

Ça, les Jeux, ça a commencé en 90. […] C'est des communautés de partout, c'est des rassemblements. […] C'est les Jeux du Québec pour les jeunes. On avait mille jeunes qui arrivaient à Pointe-Bleue, ça fait que là, tu en connaissais, tu te faisais des chums à travers, à tous les soirs il y avait des partys. Ah! ça, c'était spécial! Là, ça fait deux ans qu'il y en a pas pis je suis ben déçue. (INN-04, femme, 23 ans, travailleuse, secondaire).

Même si les jeunes fréquentent peu le territoire ancestral, ils estiment que ces territoires permettent de perpétuer leur culture traditionnelle. Lieux mythiques où les pratiques traditionnelles peuvent se continuer autour des familles. Ce sont des lieux, loin des réserves, qui permettent un ressourcement. Les jeunes adultes désirent assurer une certaine transmission des valeurs traditionnelles à leurs enfants. Il est évident que les jeunes autochtones fréquentent peu ces territoires, cependant, ils y sont fortement attachés.

Malgré cet attachement à leur culture, les jeunes restent ouverts au changement. Ils désirent poursuivre des études afin d'occuper des emplois si possible dans leur milieu d'origine. Cependant, pour retourner dans les communautés, les jeunes croient qu'il faut y trouver une certaine qualité de vie. Parmi les points négatifs soulevés, la rareté des emplois vient en premier lieu, mais aussi les problèmes de consommation de drogue et d’alcool. Pour les femmes, la qualité déficiente de l'enseignement dans les écoles de certaines communautés pose problème.

Les jeunes accordent une grande importance à leur milieu d’origine qu’ils considèrent comme le lieu premier de construction de leur identité. Les valeurs associées à la famille, à la communauté, au territoire et à la nature, sont au centre des préoccupations des jeunes qui estiment que la transmission de ces valeurs apparaît bien difficile pour les générations à venir.

L’identité autochtone en reconstruction

Les jeunes sont fiers de leur identité et de leur appartenance à leur culture d'origine autochtone. Plusieurs estiment d’ailleurs important de transmettre à leurs propres enfants cette culture. Par exemple, ce jeune Algonquin de 25 ans [185] (travailleur, secondaire) nous explique, au sujet de sa toute jeune fille (2 ans), qu’il « veut qu’elle apprenne avant tout ma langue, ma langue à moi [l’algonquin] ».

Outre les questions des langues ancestrales et des pratiques traditionnelles dont la transmission reste fragile, ce sont les liens avec les membres de la famille qui manquent le plus aux jeunes qui quittent leur milieu. Ainsi, s'ils pouvaient y trouver des conditions favorables à leur vie, les jeunes adultes retourneraient dans leur communauté pour se rapprocher des êtres qui leur sont chers. 

La fierté d’être autochtone ne fait pas de doute parmi les témoignages recueillis. Par leur langue, leur rapport à la nature et à leurs territoires, par leur statut et leur appartenance à des nations autochtones, ils se considèrent avant tout comme les membres de cultures distinctes. Dans ce contexte, les jeunes autochtones du Québec s’identifient d’abord à leur nation d’origine avant de signifier leur appartenance au Québec ou au Canada.

Des jeunes qui se déplacent :
l’éclairage des données quantitatives
sur la construction de l’identité


Les jeunes constituent une population mobile. Sur ce plan, les jeunes des Premières Nations du groupe centre et les jeunes régionaux du croissant péri-nordique du Québec se ressemblent (LeBlanc, Girard, Côté, Potvin, 2003). Arrivés à l’adolescence et à l’âge adulte, ils sont nombreux à quitter la localité où ils ont grandi pour s’installer dans une autre localité de leur région d’origine ou pour se diriger vers une autre région [4]. En effet, au moment du sondage de 2004-2005, pas moins de 50 % des jeunes autochtones interrogés ne vivaient pas dans leur municipalité d’origine (somme des migrants intra-régionaux et des migrants interrégionaux), ce qui était aussi le cas de pas moins de 58% des jeunes des trois régions retenues (tableau 1). Il est donc intéressant de suivre le parcours de ces [186] jeunes et de comparer les réactions de ces deux populations différentes. Une autre donnée du sondage illustre la mobilité qui conduit les jeunes à sortir de leur région d’origine : on constate, en effet, qu’une proportion de 24% des jeunes des Premières Nations du groupe centre et de 28% des jeunes régionaux du croissant périnordique vivaient dans les milieux urbains de Québec et de Montréal au moment du sondage de 2004 (voir aussi Environics 2010 – Canada ; Hohban 2009 sur Montréal). Ces installations en milieu métropolitain ne sont pas toutes définitives et on trouve plusieurs cas de réinstallation dans les communautés d’origine. Ce cas de figure de la migration de retour concerne environ un cinquième des jeunes présents dans l’échantillon (tableau 1) : ces jeunes avaient antérieurement effectué une migration dans une autre région – métropolitaine ou non -, mais se trouvaient au moment du sondage installés dans leur région d’origine.

Tableau 1. Comparaison des profils de migration des jeunes des Premières Nations
du groupe centre et des jeunes des régions de la Côte-Nord (CN),
du Saguenay—Lac-Saint-Jean (SLSJ) et de l’Abitibi-Témiscamingue (AT), 2004

PROFIL DE MIGRATION

JEUNES PÉRINORDIQUES

Jeunes des
Premières Nations
(groupe centre)

Jeunes des régions
CN / SLSJ / AT

%

%

Non-migrants

30

25

Migrants intrarégionaux

16

14

Migrants interrégionaux

34

44

Migrants interrégionaux
de retour

20

17

Total

100

100

N = 1 093
La différence entre les deux groupes de jeunes n’est pas significative au plan statistique.
Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes CN


Ce ne sont pas tous les jeunes qui sont candidats à la migration. Environ un jeune sur quatre n’a jamais quitté, même temporairement, la localité où il a grandi pour s’installer ailleurs. Les raisons qui expliquent la décision de ne pas migrer sont multiples, mais pour chacune d’entre elles il n’existe pas de différence significative entre les deux populations de jeunes. Les principales raisons invoquées par les jeunes sont la qualité de vie (mentionnée par 87% des jeunes non migrants), le désir de vivre près de sa famille et de ses amis (82%) et la proximité avec la nature (76%).

Le départ du foyer familial
et la première migration


La majorité des jeunes ont eu l’occasion de quitter leur localité d’origine, certains pour se rendre dans d’autres localités de la même région (migration intrarégionale) [187] et certains pour aller s’installer dans d’autres régions (migration interrégionale). La première migration coïncide assez souvent avec le départ du domicile des parents. Le sondage fournit l’âge de la décohabitation d’avec les parents. L’âge moyen est de 19 ans, mais il est sensiblement plus faible chez les jeunes des Premières Nations (17 ans et 4 mois) que chez les jeunes régionaux (19 ans et 4 mois). Cet écart de deux ans, significatif au plan statistique, est important et il peut s’expliquer en partie par le fait que les jeunes autochtones, pour poursuivre leurs études, doivent s’éloigner assez tôt de leurs parents, car l’offre scolaire est plus limitée en milieu autochtone qu’elle ne l’est dans le reste de la population. La réussite scolaire des jeunes autochtones passe beaucoup par les séjours à l’extérieur de leur communauté. Un autre facteur qui contribue à un départ plus hâtif des jeunes autochtones du milieu familial est la formation des couples qui intervient relativement tôt dans la vie des jeunes. Les lieux d’habitation sont parfois densément occupés dans les collectivités autochtones et les jeunes ont hâte de prendre leur distance.

Les motifs associés à la première migration

La décohabitation peut s’effectuer sans donner lieu à une migration certes, mais il n’en reste pas moins que les deux phénomènes sont souvent associés. Si l’on considère les principaux motifs associés à la première migration (ces motifs pouvant s’additionner et n’étant donc pas mutuellement exclusifs), on trouve la volonté d’améliorer ses perspectives d’avenir (énoncé choisi par 74% des jeunes) et l’impératif des études (69%). Ces deux motifs, qui recueillent une forte adhésion chez les répondants, appartiennent autant aux jeunes des Premières Nations qu’aux jeunes régionaux. Deux motifs présentant des scores élevés sont davantage choisis par les jeunes autochtones : il s’agit du projet de vivre sa vie et de la recherche d’une bonne qualité de vie (tableau 2). Dans les deux cas, les jeunes des Premières Nations semblent plus avides de se réaliser par le canal de la migration que les autres jeunes.

Certains autres motifs représentent bien le sentiment des jeunes des Premières Nations sur la migration. Sans qu’il ne s’agisse de motifs recueillant des scores très élevés, ce sont des éléments à propos desquels le contraste entre les jeunes des deux populations est particulièrement marqué. Ces motifs concernent le fait de migrer en suivant les conseils des parents et des professeurs, de quitter sa localité d’origine en raison de problèmes familiaux et de sortir de son milieu pour éviter de se sentir victime de discrimination (tableau 2). Il semble donc qu’une partie [188] des jeunes autochtones soient invités par les adultes qui comptent dans leur vie à envisager la migration comme voie de réalisation personnelle.

Tableau 2.
Importance de certains motifs justifiant la première migration
selon la population d’appartenance des jeunes, 2004

Motifs associés à la première
migration des jeunes

Jeunes des Premières Nations
(groupe centre)

Jeunes des régions CN / SLSJ / AT

%

%

Vivre sa vie

Proportion des jeunes qui avancent ce motif

86

72

Probabilité du chi-carré = 0,047
N = 764

Avoir une bonne qualité de vie

Proportion des jeunes qui avancent ce motif

81

48

Probabilité du chi-carré = 0,000
N = 764

Suivre les conseils des parents et des professeurs

Proportion des jeunes  qui avancent ce motif

30

11

Probabilité du chi-carré = 0,003
N = 763

À cause de problèmes familiaux

Proportion des jeunes qui avancent ce motif

25

5

Probabilité du chi-carré = 0,000
N = 764

Pour éviter de se sentir victime
de discrimination

Proportion des jeunes qui avancent ce motif

19

1

Probabilité du chi-carré = 0,000
N = 763

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes

Par ailleurs, la présence de problèmes familiaux apparaît comme un facteur qui pousse le jeune à se distancier de son milieu. Enfin, une impression subjective de discrimination est nourrie par la perception que le milieu d’origine est source d’exactions et d’injustices. Cette croyance alimente la propension à migrer chez les jeunes autochtones. C’est comme si la migration leur offrait une bouffée d’air frais pour leur permettre de mieux s’accomplir. Ces réponses traduisent, d’une part, un sentiment que le départ est un tremplin pour améliorer sa situation dans [189] la vie et, d’autre part, un besoin d’affirmation plus grand des jeunes autochtones par rapport à leur milieu d’origine. S’éloigner de son milieu est vu comme un geste salutaire par plusieurs.

Une série d’affirmations portant sur la première migration ont été soumises aux jeunes afin de mieux explorer leur état d’esprit à ce moment crucial de leur vie. Dans quelques cas, le degré d’appui accordé aux affirmations ne diffère pas vraiment chez les jeunes des Premières Nations et chez les jeunes régionaux. Il s’agit par exemple des affirmations à l’effet que la migration s’expliquait par le fait que le programme d’études choisi ne se donnait pas dans le milieu d’origine (57% des jeunes se disant beaucoup ou assez d’accord) ou encore par l’aspiration à un autre style de vie (50%). Dans d’autres cas, les opinions des jeunes des Premières Nations tranchent avec celles des jeunes régionaux. Par exemple, trois affirmations faisant partie du sondage recueillent un niveau d’appui systématiquement plus fort chez les jeunes autochtones que chez les jeunes régionaux : migrer parce que l’on a d’autres ambitions que les gens de son milieu d’origine (66% contre 33%), migrer parce que l’on trouve son milieu trop contrôlant (29% contre 9%) et, enfin, migrer parce que tout le monde est au courant de sa vie (29 % contre 7 %). Ces résultats montrent que les jeunes autochtones sentent une pression quelque peu étouffante provenant de l’intérieur de leur milieu et la migration devient un moyen d’échapper aux contraintes qu’ils y perçoivent.

Le contexte entourant la première migration

Le sondage a cherché à cerner certains éléments du contexte entourant la première migration des jeunes. En particulier, il a été possible de connaître le niveau des établissements fréquentés par ceux qui se sont déplacés pour poursuivre leurs études. Chez les jeunes des Premières Nations, il s’agissait surtout de fréquenter des établissements secondaires (35%) et collégiaux (65%), alors que les jeunes régionaux se sont principalement déplacés pour suivre des études collégiales (55%) et universitaires (37%). L’état des ressources éducatives dans les communautés autochtones pousse les jeunes à partir de leur localité plus tôt (âge moyen 17 ans et 8 mois) que les jeunes régionaux (âge moyen de 19 ans et 2 mois), ce qui représente une différence non négligeable (et significative au plan statistique) d’un an et demi.

La situation financière au moment de la première migration a été perçue de façon plus positive par les jeunes régionaux (62% la jugeant bonne) que par les jeunes des Premières Nations (47%). Les principales sources de revenus au moment de la première migration laissent paraître des différences importantes [190] entre les deux populations (graphique 1). Les jeunes autochtones ont proportionnellement plus recours aux paiements de transfert (assurance-emploi, sécurité du revenu et allocations familiales) et aux prêts et bourses, tandis que les sources comme le soutien des parents, les revenus de travail et les économies accumulées concernent, en proportion, davantage de jeunes régionaux.

Graphique 1.

Répartition en pourcentage des sources de revenu lors de
la première migration selon la population d’appartenance des jeunes, 2004


N.B. : Les sources de revenus sont cumulables et ne représentent pas des catégories mutuellement exclusives.   N = 761

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes

Pour conclure cette partie sur le contexte de la migration, il y a beaucoup de ressemblances dans le processus migratoire des jeunes, qu’ils soient autochtones ou non. Plusieurs doivent s’éloigner de leur milieu pour les études. Cependant, les jeunes autochtones connaissent une situation financière moins avantageuse que les autres jeunes.

Les liens et les rapports
avec le milieu d’origine


La perception que les jeunes ont de leur milieu d’origine peut conditionner leur mobilité tant dans la volonté de quitter le milieu d’origine que celle d’y revenir. D’une façon générale, on constate à la lecture du tableau 3 que les jeunes des [191] Premières Nations ont une perception plus négative de leur milieu d’origine que les jeunes des régions.

La différence la plus notable – plus de 30 points de pourcentage séparant les deux groupes – concerne l’intérêt pour le devenir du milieu d’origine. Si près de trois jeunes sur quatre des régions (73%) se disent intéressés par l’avenir de leur milieu d’origine, c’est moins d’un jeune sur deux des Premières Nations (42%) qui dit la même chose. Les jeunes des Premières Nations estiment aussi plus fortement que les décideurs ne bougent pas assez vite. De plus, un peu moins d’un jeune autochtone sur trois (30%) affirme que les gens de leur milieu d’origine n’ont pas le sens de l’entraide. Bien que ce ne soit pas une majorité des jeunes des Premières Nations qui disent cela, c’est quand même 17% de plus qui le font comparativement aux jeunes des régions (13%).

Tableau 3.
Opinion sur le milieu d’origine selon la population
d’appartenance des jeunes, 2004

Concernant le milieu d’origine

Jeunes des
Premières Nations
(groupe centre)

Jeunes des régions CN / SLSJ / AT

%

%

Intérêt pour ce qu’il va devenir

Proportion des jeunes qui se disent très ou assez intéressés

42

73

Probabilité du chi-carré = 0,002
N = 443

Les décideurs ne bougent pas assez vite

Proportion des jeunes qui sont en accord avec l’affirmation

76

63

Probabilité du chi-carré = 0,046
N = 1 038

Les gens n’ont pas le sens de l’entraide

Proportion des jeunes qui sont en accord avec l’affirmation

30

13

Probabilité du chi-carré = 0,003
N = 1 082

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes

Cette perception plus négative du milieu d’origine par les jeunes des Premières Nations est sans doute à mettre en lien avec les conditions de vie plus difficiles qu’ils y connaissent. Déjà nous avons vu que la première migration était motivée par la recherche d’une meilleure qualité de vie.

[192]

Les liens et les rapports
avec la famille d’origine


Parmi les jeunes des Premières Nations interrogés, 22% résident en permanence chez leurs parents (tableau 4), alors que, chez les jeunes des régions, ce pourcentage est de 15%. Le peu de logements en milieu autochtone explique cette situation en partie. Il est en effet plus facile pour les jeunes des régions de se trouver un logement qui leur est propre lorsqu’ils décident de demeurer dans leur milieu d’origine ou de revenir y vivre après un épisode migratoire. À l’inverse, la qualité moindre des logements, la situation de surpeuplement des logements et  la promiscuité avec les parents expliquent aussi sans doute que les problèmes familiaux soient reliés plus fortement avec les raisons de la  migration chez les jeunes des Premières Nations lorsqu’on les compare avec les jeunes des régions.

Tableau 4.

Liens et rapports avec la famille d’origine
selon la population d’appartenance des jeunes, 2004

Jeunes des Premières Nations
(groupe centre)

Jeunes
des régions CN / SLSJ / AT

%

%

Réside en permanence chez ses parents

Proportion de réponses positives

22

15

Probabilité du chi-carré = 0,144
N = 1 093

A présentement de la parenté dans la ville où il demeure

Proportion de réponses positives

86

72

Probabilité du chi-carré = 0,02
N = 1 092

S’est établi au lieu actuel à la suite de problèmes familiaux

Proportion des jeunes
qui sont en accord avec l’affirmation

14

4

Probabilité du chi-carré = 0,028
N = 762

Dans les premiers temps, avait de la parenté au lieu actuel de résidence

Proportion des jeunes
qui sont en accord avec l’affirmation

75

57

Probabilité du chi-carré = 0,028
N = 762

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes


[193]

La famille demeure toutefois importante dans la vie des jeunes. D’une façon générale, 73% déclarent avoir de la parenté dans la ville où ils demeurent et 59% disent avoir eu de la parenté dans les premiers temps au lieu actuel de résidence. Ce sont les jeunes autochtones du groupe centre de notre enquête qui entretiennent davantage ces liens familiaux. Ainsi, bien que les relations avec la famille proche semblent plus difficiles pour les jeunes autochtones et expliquent leur départ du foyer familial, la parenté reste toutefois plus présente dans leur vie que dans celle des jeunes des régions.

L’implication des jeunes

Nous avons vu que les jeunes des Premières Nations estimaient plus fortement que les jeunes des régions qu’il n’y avait pas de place pour eux dans leur milieu d’origine. Toutefois, c’est près des deux tiers des jeunes autochtones (63%) qui disent prendre très souvent ou assez souvent des responsabilités dans leur milieu, tandis qu’ils ne sont que 47% à le faire parmi les jeunes des régions. Cette question portant sur les responsabilités visait le milieu de vie des jeunes : pour certains, il pouvait s’agir du milieu d’origine et, pour d’autres, du milieu d’accueil. Si l’on examine les domaines d’implication des jeunes (graphique 2), cette implication est la plus élevée dans les domaines du social, des loisirs, des sports et de la culture et ce tant pour les jeunes des Premières Nations que pour les jeunes des régions.

Graphique 2.

Participation active à la réalisation de projets
selon la population d’appartenance des jeunes, 2004

C:\Users\Beauregard\Desktop\Graphique2.jpg

Probabilité du chi-carré varie entre 0,001 et 0,05; N varie entre 1 090 et 1 092 (selon les domaines d’implication)

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes

[194]

Dans tous les domaines, les jeunes autochtones sont toujours plus fortement impliqués que les jeunes des régions. Lorsque l’on compare les deux populations, on remarque que des écarts particulièrement importants se retrouvent dans les domaines du tourisme (39% contre 14%), de la culture (51% contre 28%) et de la politique (20% contre 10%). Cela nous semble refléter les enjeux identitaires auxquels sont confrontés les jeunes des Premières Nations. La préservation de leur culture, la valorisation de leur mode et de leur milieu de vie ainsi que les revendications politiques imprègnent fortement leur quotidien.

Aspirations et valeurs

Selon les résultats consignés au tableau 5, le départ du foyer familial et la première migration sont, chez les jeunes des Premières Nations, plus motivés par la volonté d’améliorer leurs conditions de vie (73%) et par la perspective d’une augmentation de leurs chances dans la vie (85%) que ce n’est le cas chez les jeunes des régions (scores inférieurs de 30 et de 20 points de pourcentage). Dans le même ordre d’idées, il y a aussi un désir d’échapper à la routine du quotidien (65% contre 35%) et une volonté de changement (41% contre 18%) qui se manifestent avec plus de force chez les jeunes autochtones.

D’autres constats (tableau 5) sont dignes de mention, notamment que les jeunes des Premières Nations sont plus enclins que les jeunes des régions à affirmer leur indépendance (57% contre 39%) et à accepter de vivre une certaine solitude (31% contre 18%). Il est certain que la migration comporte pour les jeunes autochtones un certain éloignement par rapport à leur famille élargie. Cela converge avec l’affirmation de leur autonomie et avec la volonté de se distancier de leur milieu d’origine. Cela correspond aussi à une insatisfaction par rapport à la vie actuelle et à une aspiration à un avenir meilleur.

Nous sommes ici en présence des caractéristiques psychologiques et sociales de personnes qui ont vécu le passage d’un style de vie plus traditionnel à un style de vie plus moderne où les traits dominants liés à l’affirmation de soi, à l’indépendance de pensée par rapport à son milieu et la confiance en soi sont des caractéristiques de base (Kurtness, 2007).

[195]

Tableau 5.

Aspects des aspirations et valeurs des jeunes
selon la population d’appartenance des jeunes, 2004

Jeunes des Premières Nations
(groupe centre)

Jeunes des régions CN / SLSJ / AT

%

%

Avoir une bonne qualité de vie comme raison du départ du foyer familial

Oui

73

43

Probabilité du chi-carré = 0,000
N = 973

Augmenter ses chances dans la vie comme motif de la première migration

Proportion des jeunes qui ont dit « beaucoup et assez »

85

65

Probabilité du chi-carré = 0,011
N = 763

Sortir de la routine comme motif de la première migration

Proportion des jeunes
qui sont en accord avec l’affirmation

65

35

Probabilité du chi-carré = 0,001
N = 762

Choix entre stabilité et changement comme valeur personnelle qui l’emporte sur l’autre

Proportion des jeunes qui choisissent le changement

41

18

Probabilité du chi-carré = 0,001
N = 1 089

Choix entre « vivre avec les autres » et « vivre de façon indépendante » comme valeur

Proportion des jeunes qui ont dit « vivre de façon indépendante »

57

39

Probabilité du chi-carré = 0,026
N = 1 090

Choix entre  « s’impliquer dans son entourage » et « vivre en solitaire » comme valeur

Proportion des jeunes qui ont dit « vivre en solitaire »

31

18

Probabilité du chi-carré=0,051)
N = 1 089

Source : Sondage du Groupe de recherche sur la migration des jeunes

[196]

Langues

La langue est souvent considérée comme un marqueur identitaire. Pour les jeunes autochtones, qui n’ont pas tous grandi dans une réserve et dont un certain pourcentage n’a pas non plus le statut d’Indien inscrit (voir Annexe méthodologique), la langue ancestrale a parfois été reléguée au second plan ou même perdue. Néanmoins, 31% des jeunes interrogés ont une langue autochtone comme langue maternelle et 6% l’utilisent comme langue principale à l’extérieur de la maison. Par comparaison, les jeunes des régions ont le français comme langue maternelle dans une proportion de 98% et utilisent principalement cette langue en dehors de la maison dans une proportion de 96%. En ce qui concerne les conjoints des jeunes des Premières Nations, leur langue est le français dans 60% des cas et une langue autochtone dans 14 % des cas. Pour les jeunes des régions, la langue du conjoint est le français dans 96% des cas. La continuité linguistique est donc plus grande pour les jeunes régionaux que pour les jeunes autochtones qui doivent composer avec d’autres langues pour mener leurs rapports avec la société ambiante.

Au terme de l’examen des résultats du volet quantitatif de notre enquête, nous pouvons affirmer que, à beaucoup d’égards, les jeunes autochtones et les jeunes régionaux ont des réactions identiques et que, par conséquent, le processus de la construction identitaire n’est pas, à la base, radicalement différent dans les deux populations. Ceci dit, la comparaison entre les deux échantillons a permis de dégager certains traits par lesquels les jeunes autochtones se singularisent. Ces particularités colorent fortement leur construction identitaire. Il suffit de rappeler les points suivants : la précocité des expériences, notamment la mise en couple ; la volonté d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis un milieu porteur de contraintes et perçu comme étouffant sous certains aspects ; la forte sensibilité aux dimensions symboliques de l’héritage reçu des générations antérieures se traduisant par une implication conséquente dans des domaines tels que la culture, la politique et le tourisme ; l’importance prépondérante des relations familiales dont les jeunes cherchent à se distancier, mais qui occupent en même temps un espace affectif important dans leur vie et structurent de façon consistante leurs rapports avec les autres ; l’obligation de composer avec plusieurs langues au quotidien.

Conclusion

Par l’analyse de deux corpus de données - qualitatives et quantitatives - portant sur la migration des jeunes autochtones au Québec, ce texte visait à cerner le processus de la construction identitaire chez ces jeunes à travers les dynamiques [197] de l’échange interculturel qu’implique le fait de se déplacer dans l’espace. Si le matériel qualitatif a surtout permis de mettre en lumière le discours des jeunes autochtones quant à leur mobilité et aux impacts que cette dernière a sur leur vie et leur construction identitaire, les résultats du sondage de 2004-2005 ont, quant à eux, fait voir des ressemblances et des différences entre ces autochtones et les jeunes des régions du croissant péri-nordique du Québec.

Le phénomène de la migration des jeunes adultes autochtones est apparu plus récemment au Québec (années 1980) que dans l’ouest du Canada (depuis les années 1960-1970). Dans l’Ouest canadien, ils en sont à une troisième génération à vivre en ville, alors qu’au Québec, les autochtones en sont aux premières générations. Aussi, cet état de fait explique que les liens familiaux et avec les communautés d’origine demeurent très structurants pour une majorité d’entre eux ; on peut observer cette situation dans les villes en périphérie ou à proximité des communautés, spécialement celles qui ont le statut de « réserves ». On constate une différence avec ce qui a été observé dans l’Ouest : là-bas les autochtones migrent principalement dans les grands centres urbains, tandis qu’au Québec, mais cela reste à documenter de façon plus méticuleuse, la population autochtone urbaine qui migre va demeurer la plupart du temps dans les régions et villes moyennes limitrophes où elle a les avantages de la ville (qualité de vie) sans les inconvénients de la « réserve » (promiscuité, violence, insécurité, népotisme, pauvreté, désintégration sociale, etc.) ou de la grande ville (isolement, perte de réseaux, exclusion sociale).

Par ailleurs, si nous considérons la croissance démographique galopante des jeunes des Premières Nations (le double de la population canadienne en moyenne), l’application de la loi C-31 qui permet un recouvrement du statut autochtone pour les femmes ayant épousé des « Blancs » ainsi que les dispositions de l’arrêt McIvor (9 avril 2009, Cour d’appel de la Colombie-Britannique) qui permet un recouvrement de statut pour les proches (par exemple, les cousins et cousines), sans oublier l’attrait des services que peuvent offrir les villes ou les centres métropolitains, nous pouvons prédire, sur la base de l’expérience de l’Ouest canadien notamment, qu’il y aura une accélération de la mobilité et de la migration des jeunes dans les années à venir. Les communautés autochtones où la qualité de vie laisse le plus à désirer pourraient être davantage touchées par ce phénomène. Les questions identitaires pourraient s’y poser de façon plus accentuée.

En ce qui a trait à leur processus de construction identitaire, les jeunes autochtones présentent des différences notables par rapport aux jeunes Québécois. Leur défi est de construire leur identité dans une modernité qu'ils assument et désirent, mais aussi dans un contexte d’affirmation, de tension et d'ambivalence [198] qui est particulier aux valeurs de leur culture d'origine. Leur situation pourrait être caractérisée comme un nouveau nomadisme qui met en jeu un va-et-vient entre les territoires d’origine et d’accueil, entre les valeurs de la communauté de provenance et la société ambiante, entre la langue maternelle et la langue de la majorité « blanche ». À distance de leur milieu d’origine et dans la ville impersonnelle, les jeunes autochtones peuvent se permettre de repenser leur société d’origine. Les individus font l’expérience d’une transculturation où ils cherchent à intégrer des valeurs contemporaines sans renoncer à leurs propres valeurs. Aux deux extrémités du spectre, on peut observer des postures qui véhiculent leur lot de difficultés : à un extrême, certains se tournent vers une sorte d'idéal traditionnel, alors qu’à l’autre extrême, plusieurs optent résolument pour la modernité et essaient de prendre appui sur des valeurs sociales et économiques typiques de la société québécoise. Malgré toutes ces difficultés, la circulation dans l’espace, dans les cultures et dans les réalités sociales différentes éveille les capacités de traduction et de réinterprétation des enjeux culturels qui permettent aux individus d’intégrer le nouveau tout en conservant le meilleur de l’ancien.

Les données de notre enquête qualitative nous permettent de voir que les rapports que les jeunes autochtones entretiennent avec leurs parents, et donc leur culture première, semblent être médiatisés par les liens privilégiés qui sont entretenus avec les grands-parents, les tantes ou les oncles. Sous ce rapport, les anciens viennent jouer un rôle important dans le transfert intergénérationnel, particulièrement dans la transmission des valeurs aux jeunes. C’est à travers cette filiation avec ceux qui les ont précédés que les jeunes cherchent à rétablir les ponts avec leur milieu d’origine. Les jeunes que nous avons rencontrés se distinguent des générations autochtones qui les ont précédés puisqu’ils cherchent à reconstruire leur identité à partir d'un territoire beaucoup plus large que le territoire traditionnel qui est généralement associé à la réserve et aux territoires de chasse et de pêche (Girard, 1997a; Girard, 2003; Girard, Bourassa et Tremblay, 2003; Girard, Garneau et Fréchette, 2003). Parce qu’ils sont soumis à des repères d’identification qui sont en mutation (réseaux sociaux, cultures, langues, modèles de valeurs et de comportements différents), un nouveau rapport au territoire « autochtone » constitue un enjeu important pour le maintien de l’identité des nations autochtones au Québec. Chez les jeunes que nous avons étudiés se manifeste toujours la nécessité de maintenir une identité d’origine et cela malgré la fragilité d’une reconstruction qui se fera autour de fragments identitaires et dans une certaine marginalité (ici la ville). Il s’ensuit sans doute des problèmes d’insertion sociale et culturelle (Girard, 1997a; 1997b) qui auront pour effet d’accroître les tensions et le stress. Peut-être faut-il le voir comme un passage obligé.

[199]

À cet égard, les travaux de Oehmichen Bazán (2003) sur les peuples autochtones de la ville de Mexico ainsi que ceux de Lartigue, Quesnel (2003) ou de Bartolomé (2006) sur l’identité mériteraient d’être mieux connus en dehors du Mexique. Ces contributions autour d’une réalité autochtone complexe et différente qui implique une importante population autochtone qui vit dans les villes, apportent des éléments significatifs sur le plan tant empirique que théorique sur les peuples autochtones actuels (dynamiques migratoires, ville et lieu d’accueil, rapports centre-périphérie, dynamiques culturelles et identité, poids démographiques différents, etc.).

D’autres recherches sur les modes d’organisation des peuples autochtones dans la ville mériteraient une plus grande attention. Même s’il n’y a pas de politiques publiques officielles sur les questions autochtones, soulignons de manière sommaire et non exhaustive quelques organismes qui favorisent l’insertion des autochtones dans la ville… Dans certaines universités québécoises se retrouvent des associations étudiantes et des centres autochtones parmi lesquels on peut nommer le Centre Nikanite à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), les programmes offerts aux étudiants des Premiers Peuples à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), ou le Centre interuniversitaire de recherche sur les Peuples autochtones (CIÉRA) à l’Université Laval. Les Centres d’amitiés autochtones favorisent aussi l’accueil des jeunes dans les villes. Au Québec, 10 Centres d’amitié autochtones implantés dans les villes sont présentement en développement. L’Alliance autochtone du Québec (AAQ) qui regroupe des Indiens hors réserve et sans statut s’occupe d’habitation en milieu urbain et de développement économique pour les autochtones sans statuts ou les métis issus des Premières Nations. Des Conseils de développement économiques existent aussi sur le plan national et souvent à l’échelle locale. Enfin, des régimes de bénéfices autochtones se mettent en place pour la gestion des régimes de retraite et ou d’assurances collectives pour les Premières Nations. 

Les jeunes autochtones qui ont participé à notre étude font le pari de construire leur identité au confluent de divers espaces transitionnels empruntant à la fois à la modernité et à la tradition, aux milieux naturel, rural et urbain. Tout se passe comme si ces jeunes qui s’identifient aux nations autochtones utilisaient tous les territoires où se déploie leur expérience comme espaces de jeu pour reconstruire leur identité d’origine, retisser des liens affectifs avec leurs proches et leur culture première. Ils le font, dans plusieurs cas, à partir de nouvelles valeurs souvent marquées par la vie urbaine.

On assiste donc à une inévitable mise en rapport, souvent critique, du dedans et du dehors concernant les territoires, les univers culturels, les habitudes, les valeurs. Les jeunes autochtones essaient de tirer le meilleur parti des tensions qu’ils vivent au quotidien. Il est évident que la situation actuelle de développement économique des communautés autochtones laisse peu d'espoir aux jeunes. Plusieurs envisagent ainsi leur avenir en dehors de leur communauté d’origine [200] tout en cherchant à concilier et à perpétuer les valeurs de leur culture autochtone dans la ville. Cela pose des défis pour les États-Nations et pour les peuples autochtones tant du Québec que du Canada ou des Amériques.

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Notices biographiques

Serge Côté est professeur à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ses recherches portent principalement sur la migration des jeunes, les processus d’échange et d’innovation dans les systèmes productifs régionaux, la décentralisation, le régionalisme, la gouvernance territoriale. Il a fait paraître des articles dans les périodiques Acadiensis, Le Géographe canadien, Interventions économiques, Recherches sociographiques, Revue canadienne des sciences régionales, Revue de l'Université de Moncton. Il a coordonné, seul ou avec des collègues, la publication de plusieurs ouvrages publiés au GRIDEQ. En 2000, sous sa direction et celle de Mario Carrier, est paru aux Presses de l’Université du Québec l’ouvrage Gouvernance et territoires ruraux : éléments d'un débat sur la responsabilité du développement.

Courriel : serge_cote@uqar.ca

Camil Girard, docteur en histoire (Sorbonne, 1982), professeur-chercheur associé à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il anime le Groupe de recherche sur l’histoire (1982 - GRH-UQAC), est chercheur invité à l’Institut national de recherche scientifique (INRS-Culture et Société) Équipe Migration des Jeunes. Il fait partie de l’Observatoire Jeunes et Société auprès du même institut. Il est professeur régulier au Centre interuniversitaire d’études et de recherche sur les Autochtones (CIÉRA, Université Laval). Il fait partie du réseau GITPA (Groupe international de travail sur les Peuples autochtones). Ses champs d’intérêt sont : l’Histoire régionale, les dynamiques culturelles comparées - Jeunes et migration, Peuples autochtones / alliances et autonomie  – perspective comparée internationale (Mexique, Brésil).

Pour plus d'information sur l'auteur et sur les diverses contributions du GRH-UQAC, voir le site : http://www.uqac.uquebec.ca/dsh/grh

Courriel: Camil_Girard@uqac.ca

Patrice LeBlanc, détenteur d’un doctorat en sociologie, est professeur au département des Sciences du développement humain et social de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et directeur de la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités. Ses travaux de recherches portent principalement sur le développement des villages ruraux québécois et canadiens, sur la migration interne des jeunes Québécois (notamment ruraux et autochtones) ainsi que sur les entreprises d’économie sociale et les coopératives comme modèles de développement des territoires.

Courriel : patrice.leblanc@uqat.ca

Jacques Kurtness est psychologue. Il a œuvré pendant vingt ans comme professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il a exercé, principalement pour le compte des communautés innues, des responsabilités de haut niveau dans diverses équipes qui ont mené des négociations avec les Gouvernements du Canada et du Québec. Il a agi comme conseiller dans plusieurs dossiers au sein de sa communauté de Mashteuiatsh ainsi qu’auprès de la Commission Royale sur les Peuples autochtones. Ses recherches portent sur les thèmes de l’acculturation, de l’éducation en milieu autochtone et du changement chez les populations autochtones.

Courriel : kurtness.jacques@cgocable.ca



[1] Depuis 1985, le gouvernement du Québec a reconnu officiellement le statut des Premières Nations et des Inuits sur son territoire. La Constitution du Canada a reconnu en 1982 les peuples autochtones sur le territoire canadien.

[2] Il s’agit d’une recherche menée par le Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ), sous la direction de Madeleine Gauthier. Il regroupe des professeurs du réseau des Universités du Québec, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université d’Ottawa. L'étude a été financée par le FODAR (Université du Québec), le Fonds FCAR, les CRD, les CRCD, Emploi-Québec, le Secrétariat à la jeunesse, le ministère des Régions et le ministère de la Solidarité sociale du gouvernement du Québec ainsi que par le CRSH (Alliance Recherche universités-communautés). L'UQAC a contribué à cette recherche via son comité de liaison institutionnel (CLI) et son comité de perfectionnement long. Un merci s à Gervais Tremblay, Carl Brisson, géographe, UQAC, Christiane Grenon, Edith Gagné (prof. Cégep Saint-Félicien) Anne Cazin, UQAT, Lise Gill (Mashteuiatsh) ; Véronique Petiquay, étudiante atikamek et Stéphane Savard, Innu, pour leur participation dans la cueillette des témoignages auprès des jeunes de leur communauté.

[3] Dans ce volet qualitatif, l’expérience des jeunes des Premières Nations a été recueillie sur le terrain au moyen d’entrevues semi-dirigées. Ces témoignages ont été recueillis en 2001 et 2002 auprès de 33 jeunes adultes d'origine autochtone âgés de 18 à 34 ans. Un peu plus de la moitié de ces jeunes vivaient dans leur communauté d'origine à l’âge de 15 ans, les autres demeurant à ce même âge dans des villes proches de leur communauté, La Tuque, Sept-Îles, ou Val-d’Or par exemple. Parmi les jeunes interviewés, 13 s'identifiaient à la nation atikamek, 9 à la nation innue et 11 à la nation algonquine; 15 jeunes étaient de sexe masculin et 18 de sexe féminin.

[4] Dans ce volet quantitatif, les données proviennent d’un sondage réalisé en 2004-2005 par le GRMJ. Une comparaison entre jeunes autochtones et jeunes Québécois fournit une toile fond qui permet de saisir certaines particularités des jeunes autochtones. L’échantillon des jeunes autochtones est composé de 112 personnes se déclarant appartenir aux nations de ce qu’il est convenu d’appeler le « groupe centre » des autochtones au Québec (24 Atikamekw, 34 Algonquins et 54 Innus). Les quatre cinquièmes de ces personnes sont des Indiens inscrits. Un peu moins de la moitié de ces personnes résidaient dans une réserve au moment du sondage. Les jeunes régionaux, qui servent de base de comparaison avec les jeunes autochtones dans cette partie de l’article, composent un échantillon de 981 jeunes originaires de trois des régions de ce qu’il est convenu d’appeler le « croissant périnordique » du Québec (271 jeunes de la Côte-Nord, 344 jeunes du Saguenay‑Lac-Saint-Jean et 366 jeunes de l’Abitibi-Témiscamingue). Le corpus d’ensemble comprend donc 1 093 jeunes. Des explications plus détaillées sur la méthodologie de ce sondage sont données dans Gauthier, LeBlanc, Côté, Deschenaux, Girard, Laflamme, Magnan et Molgat (2006).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 12 septembre 2019 9:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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