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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Camil Girard, “Histoire et régions, Canada/Québec. Du métropolitanisme au régionalisme.” In : Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 77, n° 289, 4e trimestre 1990. Le fait français et le Canada (2e partie) pp. 125-147. [Autorisation formelle accordée conjointement par Camil Girard, historien à l’Université du Québec à Chicoutimi le 13 août 2017 de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[125]

Camil Girard
(historien, Université du Québec à Chicoutimi)

Histoire et régions, Canada/Québec.
Du métropolitanisme au régionalisme
.” *

In : Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 77, n° 289, 4e trimestre 1990. Le fait français et le Canada (2e partie) pp. 125-147.

Introduction [125]
LES RÉGIONS CANADIENNES [126]
HISTOIRE ET « RÉGIONS QUÉBÉCOISES » [133]
LE CAS DE LA MAURICIE [139]
LE CAS DU SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN [141]
Conclusion [145]
Résumé / Summary [147]


Introduction

La notion de région naturelle / région fonctionnelle peut s'appliquer à une conception pan-canadienne aussi bien qu'à une conception provinciale du développement. Depuis le XIXe siècle, le Québec, comme d'autres provinces d'ailleurs, a pu renforcer sa socio-économie en s'appuyant sur les ressources de son arrière-pays. Par sa stratégie, cette province peut consolider le développement de régions déjà peuplées, pensons au Bas-Saint-Laurent, à la Gaspésie, à la Mauricie ou à l'Outaouais. La seconde approche a consisté à ouvrir davantage les territoires plus nordiques à la colonisation. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, l'Abitibi ou Chibougamau-Chapais sont de ceux-là. La stratégie québécoise s'inscrit donc dans une volonté d'améliorer la position politique de cette province soit dans la Confédération, soit comme lieu d'affirmation de la nation canadienne française. Cependant, ce qui est peut-être plus fondamental, c'est que la notion de région, selon qu'on se place d'un point de vue de la macro ou de la micro-analyse, favorise une ré-interprétation de l'histoire canadienne et québécoise. Considérant l'étendue du Canada, il devient essentiel de redécouvrir la multiplicité régionale qui constitue en quelque sorte un trait de la réalité canadienne.

[126]

Pour comprendre comment la notion d'espace régional sert de cadre à l'analyse de l'histoire du Canada, nous analysons, dans cet article, l'évolution du courant historique identifié à la « Staple Theory ». Dans cette approche d'histoire économique, les grandes régions naturelles apparaissent comme lieux de production des ressources à partir desquels les produits sont répartis sur les marchés nationaux ou internationaux. Dans une seconde partie, nous montrons comment l'historiographie québécoise s'inscrit dans le prolongement de l'historiographie canadienne, môme si elle s'en distingue. Deux cas font l'objet d'une analyse plus détaillée, la Mauricie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ces deux exemples permettent de montrer brièvement comment s'articulent, sur le continent, les rapports entre les périphéries et leurs centres d'influence.

LES RÉGIONS CANADIENNES

C'est autour de la « Staple Theory » que l'histoire canadienne a pu montrer les liens dynamiques qui se sont tissés entre l'homme et son environnement [1]. Pour Harold Innis, le Canada serait, en quelque sorte, le produit de sa géographie et le développement de son économie résulterait de la mise en valeur de ressources naturelles. Celle interprétation fait voir l'évolution de l'histoire économique canadienne dans une perspective d'affirmation d'un capitalisme marchand qui cherche à élargir son aire d'influence. Dans ce contexte colonial, marchés et capitaux étrangers ont une importance considérable dans le devenir du Canada. En se spécialisant dans la transformation des ressources naturelles qui servent d'abord aux pays plus développés, les bases de l'économie canadienne sont jetées et laissent leur empreinte même lorsque l'industrie devient le principal facteur de croissance économique. Le Canada intègre son arrière-pays en s'appuyant sur ses pôles urbains, Québec, Montréal et Toronto. L'organisation du réseau de communication s'inscrit dans ce mouvement global. La [127] canalisation du Saint-Laurent permet d'élargir le commerce vers l'intérieur jusqu'aux Grands Lacs alors que la construction du Canadien Pacifique rattache l'ouest du pays. Ces projets nationaux visent à intégrer les régions naturelles aux régions administratives canadiennes nouvellement créées [2].

Les premiers contacts des Européens avec le Canada se font autour de zones naturelles bien identifiées [3]. Les îles et les côtes atlantiques, ainsi que l'entrée du golfe Saint-Laurent, ont d'abord attiré les pêcheurs de morue et de baleine, puis les grands découvreurs. La vallée intérieure du fleuve et les Grands Lacs deviendront par la suite les zones principales d'occupation humaine et d'organisation du commerce des fourrures qui domine l'économie jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Ces grands axes commerciaux qui s'organisent à partir de la côte atlantique pour se prolonger, par la suite, vers l'intérieur des terres, se réorganisent pendant le XIXe siècle dans un mouvement qui s'accentue simultanément vers le nord, autour de l'industrie forestière, et vers l'ouest autour de l'agriculture. Avec la Confédération, se juxtaposent aux régions naturelles des unités administratives, les provinces, lesquelles constituent la base des régions fonctionnelles canadiennes. Par régions fonctionnelles nous entendons ici un groupe de régions administratives qui peuvent avoir suffisamment de traits communs pour être appréhendées dans leur ensemble. C'est autour des grandes régions naturelles du Canada que se sont constituées les provinces, puis les cinq grandes régions du Canada contemporain : les provinces atlantiques, les provinces centrales, formées du Québec et de l'Ontario, les Prairies et la Colombie britannique. Enfin, le Nord canadien recouvre à la fois des territoires à statut non provincial et l'extrémité nordique de la plupart des provinces. Il faut aussi convenir que tout l'ensemble canadien reste une grande région climatique nordique et que la plupart des provinces ont un climat plus froid où le peuplement trouve ses limites (cf. carte : Régions naturelles et régions fonctionnelles canadiennes).

C'est à partir des régions « naturelles » que le Canada organise son système de régions « fonctionnelles », ces dernières recoupant diverses réalités politiques et administratives, économiques, sociales ou culturelles. En se donnant un système de gouvernement fédéral/provincial qui détermine à la fois les frontières physiques et le champ d'intervention de chaque niveau de gouvernement, les Canadiens confirment leur volonté de renforcer leur socio-économie

[128]


[129]

autour de centres métropolitains qui intègrent mieux les régions naturelles les unes aux autres. Dans une optique nationale, le gouvernement fédéral s'occupera davantage d'intégration des régions politiques à l'ensemble canadien et à l'économie internationale alors que les provinces prendront plutôt l'initiative d'élargir leur propre arrière-pays pour renforcer leur position sur l'échiquier national à partir de leurs micro-régions. La création du système politique canadien tient, par conséquent, à cette ambivalence d'intégration et de différentiation des rapports économiques et sociaux, dans la mesure où la région apparaît comme le produit d'une spatialisation de l'ensemble de ces rapports [4]. Considérant la dynamique nationale/provinciale qui prévaut au Canada, il devient possible d'établir que les notions de région naturelle / région fonctionnelle peuvent se comprendre dans un rapport « métropoles / arrière-pays ». Dans un tel contexte d'analyse, la création de l'État canadien apparaît comme l'intégration inter-régionale, au plan national, d'intérêts économiques et sociaux complexes et diversifiés.

Dans l'historiographie canadienne, la « Staple Theory » constitue un premier modèle qui tente d'intégrer la dynamique spatiale canadienne dans une perspective historique de longue durée. Le postulat central du modèle insiste sur la géographie canadienne comme facteur d'intégration globale, laquelle passe par la mise en valeur de ressources autour des métropoles qui contrôlent le capital et s'affirment par rapport à leur arrière-pays [5].

Parmi les nombreuses recherches menées au Canada depuis les premiers travaux de Innis et de Creighton [6], trois courants semblent se dégager autour de la « Staple Theory ». Une première approche tente de saisir le développement dans un processus continu de croissance, lequel est ralenti principalement par des élites réfractaires ou lentes à s'ajuster aux changements. Un second courant insiste plutôt sur les effets négatifs d'une sur-spécialisation autour de quelques produits naturels et des inégalités qu'entraîne un tel phénomène. Enfin, un troisième situe l'analyse autour de la structuration d'un capitalisme mondial dans lequel le Canada se positionne comme le prolongement d'une économie coloniale caractérisée par le sous-développement (ou le mal-développement) structurel de son économie.

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Quelle que soit l'approche cependant, elle se fonde sur un dénominateur commun : les régions naturelles apparaissent comme les véritables fondements de la structuration de l'espace, d'où la perception que les régions fonctionnelles ne sont que l'extension, sur un plan plus complexe, de cette première réalité profonde que constitue la géographique canadienne. Pour importante qu'elle soit, la théorie des « Staple Products » continue de voir la géographie comme un facteur structurel de l'histoire canadienne. Il ne serait pas exagéré de croire que les historiens traditionnels ont privilégié une histoire tournée vers le centre plutôt qu'une histoire qui, partant des périphéries, montrerait les rapports qui lient l'arrière-pays au centre. L'histoire traditionnelle aurait été celle du Saint-Laurent et de sa vallée, alors que la nouvelle histoire sera celle des affluents, avec leurs productions respectives et leurs rapports avec les zones métropolitaines.

Le premier courant d'analyse, qui peut être identifié à l'approche libérale, montre comment se structure une économie en progrès constant à partir d'un produit principal. L'accumulation que permet la mise en valeur d'une ressource doit en quelque sorte assurer un démarrage économique et une croissance soutenue [7]. C'est à partir de métropoles que s'organise l'empire commercial et agricole canadien. L'intégration de l'arrière-pays ou des régions est perçue dans une perspective de forte centralisation politique et administrative. Cette histoire en est une de structuration d'économie métropolitaine et de formation de classe sociale en découlant. Sous ce dernier rapport, les historiens canadiens ont eu tendance à blâmer les agriculteurs ou les marchands pour expliquer les difficultés économiques qui touchaient le Québec au XIXe siècle. Parmi eux, Donald Creighton et Fernand Ouellet estiment que la pauvreté de l'agriculture québécoise est la conséquence de pratiques agricoles périmées. Dans une perspective révisionniste, Tom Naylor soutient plutôt que les marchands ont retardé l'industrialisation de la province par leur attitude anti-industrielle. Comme conséquence, les Québécois ont dû choisir entre la pratique d'une agriculture de subsistance ou l'émigration vers les États-Unis. Au mieux, ils se tournent vers l'industrie textile, un secteur peu productif, môme s'il est créateur d'emplois.

Le second courant, plus étroitement associé à l'esprit des travaux de Innis, insiste plutôt sur le fait que la structuration d'une économie autour de la dynamique métropole / arrière-pays reste une histoire des facteurs de localisation industrielle en Amérique [8]. Dans cette approche néo-libérale, la gestion des [131] ressources publiques par les gouvernements, soit par la vente des droits d'exploitation ou la taxation, s'inscrit dans un mode de structuration des économies autour de secteurs spécialisés. Les rapports entre l'État et le capital industriel, qu'il soit local ou étranger, confirment le rôle déterminant joué par les pouvoirs politiques et industriels dans la structuration des économies locales. S'agissant d'étudier l'échange dans une perspective dynamique, Innis découvre les effets de l'économie sur les cultures.

Le troisième courant vient remettre en question les deux approches précédentes jugées trop libérales. Ce sont les travaux de Tom Naylor qui relancent le débat sur la théorie de la « Staple Production ». Dans un effort d'analyse qui se veut plus à gauche, il soutient que la classe capitaliste canadienne n'a pu transformer le capital marchand en capital industriel, d'où un sous-développement chronique de l'économie. Pour Naylor, l'expansion de grandes industries centrées sur les ressources naturelles empêche une saine diversification. Tous les surplus servent habituellement de paiement pour les investissements étrangers. S'il y a réinvestissement, c'est pour renforcer à nouveau le même secteur de production. Le Canada se serait ainsi enfermé dans le ghetto des « Staple Products ». Sa situation se perpétue grâce à la nature même de la classe capitaliste qui émerge et se reproduit autour de commerces principaux qui satisfont les besoins des métropoles. Ce courant d'analyse cherche à fournir une synthèse des rapports entre l'État et le Capital dans la constitution d'une économie canadienne dépendante [9]. Selon cette interprétation, les systèmes politique et économique mis en place au Canada servent à perpétuer les modes de domination du capital et de la structure sociale. Ainsi, les gouvernements eux-mêmes apparaissent comme les servants d'une économie axée sur quelques productions. Pour Naylor, la Confédération et la politique nationale reflètent un État à l'image de la classe capitaliste marchande dont il est issu. Pour bâtir son réseau de communication autour de quelques produits, Naylor estime que le Canada a dû absorber une part importante de son capital domestique et financier, ce qui a considérablement nui à la formation d'un capital industriel au pays. Même sur un plan régional, les Provinces maritimes n'ont pu véritablement organiser leur industrie, car les surplus qu'elles dégageaient ont servi à [132] financer les projets du Canada central et de l'Ouest [10]. Au Québec, l'industrialisation est sous contrôle anglophone, ce qui constitue un autre aspect particulier pour cette province. Cette dernière approche considère les facteurs de dépendance ou de mal-développement comme inhérents au mode de fonctionnement capitaliste.

Par ses travaux, Naylor adapte la « Staple Theory » au phénomène d'industrialisation qui touche le Canada dans la période post-confédérative. Il parvient, croyons-nous, à mieux cerner les éléments qui lient l'État, le capital et les classes sociales dans l'histoire canadienne. Il élargit le modèle pour tenter de cerner les grands facteurs de l'histoire canadienne, à savoir l'histoire d'une gestion libérale des ressources, d'une forme d'accumulation de capital et de formation de classe dans un contexte qui place les rapports d'inégalités des forces de production comme élément central dans la réflexion. S'agissant de caractériser la période 1867-1914, Naylor résume ainsi sa pensée :

First, it was a colony, politically and economically. In terms of commercial pattcrns it was a staple-extracting hinterland oriented toward serving metropolitan markets from which, in turn, it received finished goods. In such a structure, any economic advance in the Hinterland accrues to the benefit of the metropole and perpetuates the established division of labour... Canada's commercial and financial System grew up geared to the international movement of staples, rather than to abetting sccondary processing for domestic market... Canada's social structure and therefore the proclivities of its entrepreneurial class, rcflected and reinforced its innate colonialism. The political and economic elite were men associated with the staple trades, with the international flow of commodities and of the capital that complemcntcd the commodity movements... A second trait of the economy of the period, in part derivate from the first, was that it had only begun to make the difficult transition from the mercantile agrarian base to an industrial one. Wealth was accumulated in commercial activitics and tended to remain locked up in commerce. Commercial capital resisted the transformation into industrial capital except under specific conditions in certain industries, in favour of remaining invested in traditional staple-oriented activities[11]

Ne serait-il pas juste de croire que la « Staple Theory » analyse l'histoire canadienne dans une perspective globale d'intégration spatiale étroitement liée à l'intervention du capital et de l'État, le tout dans un souci d'appréhender les rapports sociaux canadiens ? Comme l'affirme Claude Fohlen, ce modèle de structuration de l'économie canadienne que l'on identifie à la « Staple Theory » [133] a montré que l'économie du pays est étroitement liée à l'exploitation de quelques ressources naturelles indispensables aux pays plus développés. En cela, on a pu montrer tout le côté « colonial » du développement du Canada, ce qui a permis d'établir certains parallèles avec les pays sous-développés. En plus de constituer un cadre pour appréhender la formation de la nation canadienne, cette approche fait ressortir l'originalité de la structuration de cette nation nord-américaine par rapport à l'Europe et aux États-Unis [12].

Dans la plupart des courants d'analyse qui précèdent, que de malheurs a-t-on attribué aux agriculteurs ou aux marchands dont une mentalité réfractaire aurait empêché un développement plus harmonieux ! Comment peut-on espérer que les agriculteurs québécois réussissent alors que ceux du nord-est des États-Unis, qui avaient pourtant de bien meilleures terres, ont échoué ? C'est avec tout autant de scepticisme que la croissance industrielle du Québec aurait souffert d'une attitude anti-industrielle et pro-commerciale des marchands. Comment les capitalistes du Québec auraient-ils pu créer suffisamment d'emplois industriels pour absorber les surplus de la population agricole quand les capitalistes du nord-est américain, avec de bien meilleures opportunités et une croissance moindre de la population, ont, malgré tout, échoué ? De la môme manière que Ouellet définit des critères d'efficacité trop élevés pour l'agriculteur, ainsi en est-il chez Naylor, dont la thèse exige des qualités surhumaines d'entrepreneurship de la part des marchands. Le XIXe siècle québécois se structure bien au-delà des capacités limitées, voire même exclusives, des marchands et des agriculteurs dans la socio-économie [13].

HISTOIRE
ET « RÉGIONS QUÉBÉCOISES »


Les critiques ont dénoncé la « Staple », parce que cette approche pouvait difficilement rendre compte de l'évolution d'économies et de sociétés très complexes [14]. Pourtant, la vitalité des recherches récentes permet un certain renouvellement de l'analyse. Il faut voir le dynamisme des recherches sur les [134] micro-régions québécoises comme un autre facteur qui favorise, croyons-nous, une redécouverte de la « Staple ». Lorsque la nouvelle histoire traite de la périphérie et de son intégration aux économies provinciales et nationales, cela permet de situer la production dans un contexte élargi aux zones éloignées d'occupation où le développement est plus fragile. Cette démarche offre la possibilité d'appréhender une histoire économique à partir des lieux où s'organise véritablement la production plutôt qu'une histoire qui s'appuie sur les centres de distribution et de consommation. Sur le plan géographique, quelle belle redécouverte que celle des principaux affluents du Saint-Laurent, le Saguenay, le Saint-Maurice ou l'Outaouais, qui apparaissent comme autant d'artères vitales le long desquelles les économies régionales s'organisent ! Là encore, la géographie des affluents facilitera la compréhension de phénomènes qui débouchent finalement sur des grands axes de l'économie atlantique auquel se rattache le Saint-Laurent [15].

Il faut souligner aussi que, par son caractère francophone, le Québec subit l'influence des courants contemporains de l'historiographie française. Le lecteur pourra relire avec intérêt l'article d'Alfred Dubuc sur l'influence de l'École des Annales au Québec (Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 33, n° 3, décembre 1979, pp. 357-386). Pour l'objet qui concerne plus spécifiquement notre propos, précisons que le pionnier de l'histoire régionale au Québec a été Raoul Blanchard, cet éminent géographe français qui œuvra pendant plusieurs années au Québec. Il fut le premier à dresser un premier inventaire historique et géographique des micro-régions du Québec [16]. Les travaux diriges par Esdras Minville aux Hautes Études commerciales ont permis d'inscrire les régions québécoises dans un contexte d'économie politique auquel aucune étude ne nous avait véritablement préparés auparavant [17]. Tant chez Blanchard que chez Minville, la micro-région prend une importance considérable dans l'organisation spatiale et dans la structuration de l'économie québécoise. On ne voit pas dans ces ouvrages de liens précis avec les travaux d'Innis, encore qu'il faille bien reconnaître, surtout chez Minville, une forte préoccupation pour l'étude des secteurs clés et leur impact sur des économies marginales.

[135]

Au Québec, les tenants de la « Staple Theory » sont le plus souvent identifies à l'École laurentienne [18]. L'œuvre de Ouellet s'inscrit dans ce courant de l'école libérale qui voit la croissance comme indissociable du développement. Il attribue un rôle déterminant aux élites locales dans le type d'économie qui se constitue au Canada [19]. Quant aux travaux d'Albert Faucher, un ancien élève de Innis, il développe la réflexion sur les facteurs continentaux dans lesquels s'inscrit l'histoire économique du Québec [20]. Faucher voit un déplacement de l'activité, partant des ports de la côte atlantique vers l'intérieur des terres où se trouvent les matières premières et où s'organisent les marchés. Voilà une histoire de la localisation industrielle où le Québec s'inscrit dans une perspective non pas exclusivement nationale, mais continentale et internationale. Il revient à Jean Hamelin et à Yves Roby, dans leur introduction à l'histoire économique du Québec dans la seconde moitié du XIXe siècle, d'avoir posé, pour le Québec, les premières notions de structuration de l'économie autour d'un concept cher à Innis, celui du rapport entre le centre et l'arrière-pays [21]. Même s'ils privilégient l'analyse autour des centres urbains que sont Québec et Montréal, Hamelin et Roby sont amenés, lorsqu'ils étudient la production forestière, les pêcheries ou l'industrie minière, à découvrir le rôle de l'arrière-pays québécois dans la structuration de l'espace.

Toutefois, c'est Normand Séguin qui a véritablement lancé le débat sur l'histoire du développement régional au Québec. Avec la mise en place du réseau des universités du Québec à la fin des années 1960, il devenait possible de mener des enquêtes systématiques sur certaines régions québécoises. Tout en s'appuyant fortement sur la notion spatiale, Séguin dépasse ce cadre pour déboucher sur une articulation des rapports inégaux qui s'établissent entre les centres urbains et les périphéries.

À travers son étude sur le village d'Hébertville au lac Saint-Jean, Séguin montre comment se structure le développement dans une nouvelle région de peuplement au cours du XIXe siècle [22]. Il s'inspire, dans son enquête, des [136] modèles élaborés par Gunder Frank (développement et sous-développement) et Samir Amin (développement inégal), lesquels portent sur les pays en voie de développement. Alfred Dubuc avait fait une première tentative pour adapter ces modèles au Québec [23]. Pour Séguin, l'agro-foresterie s'inscrit dans une phase pré-capitaliste de colonisation. Sur un plan économique, la coexistence de deux secteurs d'activité, l'un moderne et dynamique, l'autre traditionnel et stationnaire, ont un effet de mal-développement à la périphérie des territoires exploitables. Le secteur dynamique serait le bois, le secteur traditionnel, l'agriculture [24].

La critique n'a pas manqué de rappeler à l'auteur son parti-pris pour les modèles empruntés aux pays pauvres, tout en l'accusant de trop simplifier la réalité pour confirmer ses postulats. Toutefois, on a trop facilement oublié dans ces débats que Séguin voulait définir un nouveau cadre d'analyse susceptible de mieux rendre compte de l'organisation du capitalisme aux marges des zones habitables et exploitables. Il s'éloignait par là des modèles d'économie libérale et anti-nationalistes si chers à Ouellet. Il s'opposait aussi aux modèles trop culturels qui, sans renoncer à l'économie, plaçaient celle-ci dans l'ombre de l'analyse. Son étude tentait, en quelque sorte, de saisir l'articulation d'une périphérie à un centre, en l'occurrence ici le lac Saint-Jean et Québec. Et même si l'essentiel de son analyse porte sur l'économie, Séguin accorde aux facteurs sociaux une grande importance lorsqu'il montre comment le contrôle institutionnel et la propriété foncière sont des formes significatives de l'affirmation du pouvoir des élites sur la communauté [25]. Séguin reste très critique envers les élites locales, mais on ne sent pas chez lui ce dédain qui l'inciterait à leur attribuer tous les malheurs.

L'auteur a nuancé sa thèse initiale dans ses travaux ultérieurs, reconnaissant à juste litre que l'agriculture et la foret ont pu avoir des effets positifs l'un sur l'autre, surtout dans une phase initiale de développement [26]. Il n'en demeure pas moins que la parution de La Conquête du sol a permis de mieux intégrer, autour de concepts globaux, un grand nombre d'études sur les régions du [137] Québec, en particulier au Saguenay-Lac-Saint-Jean [27], en Mauricie [28], dans le Bas Saint-Laurent-Gaspésie [29] et en Abitibi-Témiscamingue [30] (cf. carte : Les régions périphériques. Québec).

Certains travaux sur la population [31] et sur l'exploitation de la forêt publique [32] ont montré récemment l'importance d'élargir l'analyse autour de

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plusieurs micro-régions comparables, ce qui permet d'entrer dans l'univers des dynamiques régionales [33]. C'est dans cet effort d'élargissement des perspectives que l'Institut québécois de recherche sur la culture (I.Q.R.C.) poursuit son projet de synthèse sur les régions qui ont le plus contribué au développement de la province. Ce chantier vise à faire le point sur l'ensemble des connaissances, tout en ouvrant la voie à de nouvelles enquêtes sur l'histoire sociale et économique des zones marginales de peuplement [34].

LE CAS DE LA MAURICIE

Dans ses travaux récents, Séguin et ses collaborateurs de l'université du Québec à Trois-Rivières ont tenté de mieux établir la nature des rapports qui lient l'économie des régions aux sociétés et à la culture matérielle. Forêt et société en Mauricie s'inscrit dans le prolongement des recherches menées par l'auteur depuis plus d'une quinzaine d'années [35]. Avec son collaborateur René Hardy, Séguin dresse une véritable histoire de l'activité forestière en Mauricie, laquelle débouche sur une vision élargie au Québec. D'abord les auteurs étudient le rôle de l'État qui, par sa politique de gestion de l'espace forestier, favorise la création de monopoles. Dans l'exploitation forestière, bien peu de place est laissée à l'initiative de petits exploitants autonomes. Les concessions forestières sont rapidement accaparées par quelques grands exploitants : les Baptist, George Benson Hall, Price et quelques autres. Il faut souligner ici que la Mauricie diffère du Saguenay-Lac-Saint-Jean où Price apprend, malgré la présence de plusieurs intervenants, à perpétuer son contrôle sur la forêt [140] saguenayenne jusqu'au début du XXe siècle [36]. À travers l'histoire de l'implantation du réseau de communication régionale, incluant les grandes voies d'accès et l'organisation des routes intérieures, on redécouvre le rôle des gouvernements dans la mise en place des infrastructures : glissoires, estacades, barrages, routes, voies ferrées ou ports. Malgré les efforts consentis, le problème des communications reste de taille en région, et cela jusqu'en 1930. Les déplacements par eau et par train dominent encore le paysage mauricien, même si les premiers camions et automobiles font leur apparition sur des routes plus ou moins bien entretenues pendant toute l'année.

L'ouvrage de Séguin/Hardy accomplit une sorte de virage écologique lorsqu'il se penche sur les modifications subies par le couvert végétal de la région pendant la période étudiée, soit 1850-1930. L'homme a d'abord dévasté la forêt de ses pins pour ensuite exploiter le sapin et l'épinette à la fin du siècle. Les feux de forêt et les maladies des arbres ont ainsi contribué à modifier le paysage. Les auteurs font voir que l'impact de tels phénomènes n'a pas reçu jusqu'ici l'attention suffisante des chercheurs.

Dans une section qui traite des conditions de vie dans le secteur forestier, les auteurs parlent de la gestion et de la taille des chantiers, de la main-d'œuvre et des salaires payés, des conditions de travail en forêt, du logement, de l'hygiène et de l'alimentation. Le tableau est sombre et montre l'inégalité des forces en présence. Sur un plan historiographique, les auteurs montrent leurs préoccupations pour la culture, mais pas n'importe laquelle, celle qui prend appui sur le matériel, le vécu et débouche sur les rapports de production.

Hardy et Séguin nous aident à mieux comprendre comment une économie dominée par l'exploitation forestière en vient à intégrer l'économie rurale à l'économie de marché. Dans l'étude plus générale du rapport forêt-agriculture, le primat du secteur forestier prévaut comme facteur d'industrialisation et d'urbanisation de l'espace rural, cet espace étant tantôt favorisé, tantôt défavorisé dans une économie urbaine en expansion. Par rapport à la thèse initiale défendue par Séguin dans La Conquête du sol, il y a là un changement important. Les auteurs analysent comment l'exploitation forestière a modifié le rapport urbain-rural. Si l'exploitant forestier du XIXe siècle a d'abord dû prendre appui sur l'agglomération urbaine pour se projeter dans l'arrière-pays, au XXe siècle, quand l'économie du bois complète sa structuration autour de l'industrie des pâtes et du papier, la ville se définit désormais comme le centre de la transformation industrielle, laissant aux villages et aux campagnes les fonctions du travail en forêt.

[141]

Cette histoire économique et sociale, empreinte d'anthropologie dans ce sens qu'elle se préoccupe des acteurs souvent oubliés du système, permet de cerner jusqu'à quel point les activités humaines liées à la forêt ont contribué à structurer le nouvel espace régional de la Mauricie. Les auteurs ont le mérite d'essayer d'intégrer développement économique et structuration spatiale en se préoccupant des modes d'existence qui modifient les comportements, les attitudes et la mentalité. C'est une histoire de l'impact de l'industrialisation et de l'urbanisation sur le monde rural québécois à partir du XIXe siècle. Une foule d'intervenants, des représentants du capital, des concessionnaires, des petits entrepreneurs de sciage, des hommes politiques, des travailleurs saisonniers en forêt contribuent à bâtir et à unifier l'arrière-pays autour de l'axe naturel de la rivière Saint-Maurice. La montée des activités forestières incite les masses paysannes à s'intégrer lentement à une économie de marché et au travail collectif et organisé autour du salariat, de la productivité et des profits : « Point de rupture donc entre le travail de la terre et celui de la forêt, mais une sorte de prolongement dans un environnement différent. Ces activités et la logique de leur déroulement constituaient en soi des facteurs de transformation de la société régionale dans la mesure où ils influençaient d'une manière directe la croissance et l'étalement de la population, et contribuaient à modifier les genres de vie, les habitudes, les comportements et même les représentations mentales » (p. 205). En conclusion, inéluctablement, la ville impose ses valeurs au monde rural.

Par ses travaux, l'équipe de l'université du Québec à Trois-Rivières jette les bases d'une histoire économique (agriculture, forêt, industries), sociale (conditions de vie, démographie, structures professionnelles, pouvoirs municipaux et religieux) et culturelle de la Mauricie (pratique des métiers, structures quotidiennes, information, croyances). Seuls les secteurs du commerce, de la finance et des mouvements coopératifs n'ont pas encore reçu toute l'attention qu'une histoire approfondie de l'économie doit considérer.

LE CAS DU
SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN


Des recherches récentes sur l'histoire du Saguenay-Lac Saint-Jean viennent jeter un nouvel éclairage sur le rôle qu'ont joué les États et les capitalistes dans la manière de gérer des espaces périphériques québécois [37]. En créant un premier monopole des fourrures au Saguenay en 1652, l'État français délimite [142] un Domaine réservé à l'avantage du Roi et dont l'activité principale sera limitée à l'exploitation des fourrures. Pour donner suite à cette politique, la France bâtit un système de postes de traite semblables à ceux de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Comme gestionnaire en droit du territoire, l'État reste un partenaire avoué des marchands ou des locataires auxquels il afferme un monopole dans le Domaine du Roy au Saguenay. Avec Tadoussac et Chicoutimi qui deviennent les pivots de l'organisation du commerce local, les locataires du droit d'exploitation des ressources s'appuient sur les pourvoyeurs montagnais (Ilnout) [38] et non pas sur les coureurs de bois pour approvisionner leurs postes. Jusqu'en 1842, le Saguenay continue d'être un territoire réservé au commerce des fourrures. Pour protéger ce monopole saguenayen, l'État empêche tout peuplement. Les postes de traite continuent d'opérer grâce à l'activité traditionnelle de chasse pratiquée par les autochtones avec qui l'on se livre au troc de marchandises. D'ailleurs, si les Amérindiens tirent initialement quelques avantages matériels de leur contact avec les Blancs, ils en viennent à subir les effets d'une acculturation qui les marginalise au point qu'ils ne sont plus que quelques centaines au début du XIXe siècle.

La coupe forestière viendra remplacer la chasse comme principale activité économique à partir des années 1842, alors que le gouvernement, pour répondre aux pressions des marchands et de la population, ouvre la porte à la propriété privée. Il faut cependant préciser que, pour donner suite aux pressions, le gouvernement laissera venir un premier groupe de colons (les Vingt-et-Un) dès 1838. Ces agents inavoués du marchand de bois William Priée amorcent l'occupation du territoire par la coupe des vastes pinières. À compter de cette époque, les gouvernements en viennent à gérer le territoire autour des utilisations spécifiques qu'on en fait. Ainsi se définissent des aires de peuplement, des zones de forêt publique qui sont affermées sous forme de concessions forestières, des territoires de chasse ou de pêche, des réserves amérindiennes, des secteurs miniers. Même les lacs, les rivières et les chutes d'eau deviennent des ressources gérées aux fins d'une exploitation surtout forestière (navigation, flottage du bois, aménagement des barrages) [39]. En cela, chaque niveau de gouvernement, fédéral ou provincial, est appelé à préciser ses pouvoirs suite au partage survenu dans la Constitution de 1867.

Si Price parvient, pendant le XIXe siècle, à créer et à maintenir son monopole sur la forêt régionale, c'est en s'appuyant sur un régime de concession forestière qui laisse beaucoup de place au marché. De génération en génération, [143] les Price sauront s'ajuster aux changements. Apres avoir dévasté les pinières au cours des trente premières années de coupe (1838-1870), les fils Price se tournent vers des essences moins recherchées, en l'occurrence le sapin et l'épinette. Dans une industrie qui se limite au bois de sciage, ces essences sont moins payantes. Toutefois, dans le virage technologique qui s'amorce à la fin du siècle, alors que l'industrie canadienne se tourne vers la transformation du bois en pâte et papier, le sapin et l'épinette qui poussent en climat nordique sont recherchés. Un francophone, J.-E.-A. Dubuc, prendra l'initiative dès 1896 en jetant les bases de la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi. Price ne sera pas en reste, puisqu'il achète une petite usine à Jonquière dès 1901. Il réorganise la compagnie familiale en 1904 pour élargir son accès au capital. En 1909, il ouvre une usine de papier dans une nouvelle ville-usine, Kénogami. La concurrence entre Dubuc et Price sera sans merci. Price sera cependant le plus fort. Son territoire de coupe reste beaucoup plus vaste, sa capacité de trouver des fonds pour financer ses activités est plus agressive. Enfin, son effort pour diversifier sa production et ses marchés lui permettra de mieux résister aux ajustements de l'après-guerre [40].

Au XXe siècle, les producteurs d'aluminium américains entrent en scène. L'Alcan s'implante en région et aménage de vastes barrages hydro-électriques pour approvisionner ses nouvelles usines à Arvida. Par l'activité économique qu'elle suscite, l'Alcan vient remplacer le monopole de Price qui, de son côté, a dû apprendre à composer avec plusieurs intervenants. En gardant la haute main sur l'énergie hydro-électrique pour approvisionner ses usines d'aluminium en région, Alcan continue de maintenir un monopole important sur cette ressource naturelle. Lors de la nationalisation de l'électricité en 1962, les compagnies qui produisaient pour leurs propres besoins ont pu garder la propriété de leurs installations. Le gouvernement québécois, dans son projet de nationalisation de l'électricité, laisse ainsi aux entreprises qui produisent de l'électricité pour leurs propres fins la propriété de leurs réseaux. Pour une région comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, cela perpétue une forme de gestion des ressources typique à la périphérie québécoise. En cela, on peut dire que, depuis les premiers contacts avec le Saguenay, il y a une continuité dans le mode de gestion des ressources qu'on afferme à un locataire. Dans toutes les sphères de leurs activités, les régions doivent rapporter, elles aussi, un profit tant à l'État qu'aux capitalistes. Cette approche pose le problème constant de l'exploitation et du développement, de la centralisation et de la décentralisation appliqués aux marges des territoires d'exploitation.

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En ouvrant le Saguenay à la population blanche au début des années 1840, le gouvernement du Canada vient répondre à de multiples pressions [41]. D'une part, la forêt locale attire l'attention de William Price. D'autre part, la population de Charlevoix cherche de nouveaux territoires à mettre en valeur. Soutenu par une élite cléricale qui défend les valeurs nationales autour de la colonisation agricole, le déplacement de la population s'organise à partir des régions voisines des nouveaux espaces à occuper. Le mouvement de migration s'articule autour de familles ou de communautés [42]. Parmi les caractéristiques des populations qui viennent occuper le nouveau territoire, il faut souligner la jeunesse relative des nouveaux arrivants. Le contexte de colonisation ne semble pas attirer les personnes plus âgées. Cette migration sélective favorise la mobilité. On se déplace plus facilement, du moins tant qu'il y a des terres disponibles. Cette jeune population en âge de procréer maintient un fort taux de natalité au Québec. D'ailleurs, la région, qui regroupe aujourd'hui quelque 280 000 habitants, a servi de tremplin à la colonisation d'autres régions, la Côte-Nord et Chibougamau-Chapais, voire même Québec et Montréal. Il semble, surtout dans les premières décennies de colonisation, alors qu'il y a très peu d'institutions, que la nouvelle société qui prend place ait tendance à redéfinir ses valeurs culturelles sur des assises traditionnelles comme la famille, la religion ou l'agriculture d'autosuffisance [43].

S'il importe d'analyser la dynamique interne qui anime les populations régionales des Québécois au XIXe siècle, il ne faut pas oublier que la stratégie des Canadiens français, pour originale qu'elle soit, s'inscrit tout de même dans un mouvement global qui touche tout le Canada d'alors. Renforcer l'économie ou la nation autour d'un élargissement de l'arrière-pays, qu'il s'agisse des micro-régions ou de la création de nouvelles provinces, voilà qui rejoint les intérêts des élites canadiennes. Pour sa part, le Canada anglais peut tirer avantage d'une forte immigration anglo-saxonne pour atteindre ses objectifs. Au Canada français, la situation est bien différente puisque la population a tendance à émigrer aux États-Unis. De plus, l'immigration francophone n'est pas assez vigoureuse pour combler les sorties. Pour espérer ouvrir de nouveaux territoires, le Québec s'appuie sur une forte natalité de la population qui est jeune et mobile. [145] En ouvrant de nouveaux territoires au peuplement, les gouvernements encouragent une colonisation de proche en proche. Pour mettre en valeur ces nouveaux territoires, il n'en demeure pas moins que les arrivants sont bien adaptés au climat et à la nature ambiante, puisqu'ils viennent de zones limitrophes. En cela, la stratégie québécoise de peuplement est originale et parvient à diminuer quelque peu les effets négatifs de l'émigration vers les États-Unis et la faible immigration.

CONCLUSION

L'historiographie des régions québécoises s'inspire des grands courants de l'histoire contemporaine et en particulier celle d'influence française [44]. Les genres se multiplient autour d'une histoire qui débouche de plus en plus sur les grands ensembles sociaux, économiques et culturels [45]. Au contact des autres disciplines, qu'il s'agisse de la géographie, de l'anthropologie, de la sociologie, de la démographie ou de l'économie, l'histoire régionale peut mieux s'inscrire dans les courants globaux d'analyse. Cependant, pour espérer déboucher sur de vastes synthèses sur les régions, lesquelles essaieront d'intégrer le social, le culturel et môme l'écologie à l'économie, il faudra nécessairement reconsidérer certains concepts chers à la « Staple Theory ». Parmi les thèmes que cette histoire doit privilégier, retenons les rapports entre l'homme et la nature, les contacts entre diverses cultures, l'importance des transports et des communications dans ces vastes espaces de la nordicité américaine, les rapports que l'État établit dans un contexte de mise en valeur des ressources naturelles, le rôle des capitaux, de la technologie et des marchés dans l'économie qui se développe, sans oublier les conséquences de la structuration d'industrie autour de quelques produits, ce qui nuit à une saine diversification des économies régionales.

S'agissant des études sur les régions du Québec, en particulier pour les régions dont il est question dans le présent article, il faut reconnaître que là aussi la problématique des « Staple Products » ne suffit plus, car l'historiographie actuelle cherche à déboucher sur une histoire globale de la socio-économique, voire môme de la culture. En cela, l'histoire régionale apparaît de plus en plus comme une histoire de l'État et du Capital et de ses rapports avec le social, le [146] tout dans un contexte de grande liberté économique. Car, lorsqu'ils décident d'exploiter la périphérie, les capitalistes exigent que l'État favorise la constitution de monopole, cela afin de contrecarrer les obstacles du marché. Quant à l'État qui gère l'espace en affermant les ressources naturelles en retour de rentes, il favorise, surtout en phase de démarrage, cette constitution de monopoles. Lorsque les entreprises consolident leur emprise sur le territoire, les stratégies des États se complexifient et procèdent par des mouvements d'avance et de recul pour s'ajuster aux nouvelles contingences. Pour ce qui est des populations, sans nier l'originalité de certaines expériences, il reste que les régionaux sont condamnés à un marché fort restreint qui limite la mobilité sociale. Les élites demeurent au service des pouvoirs en place. Dans une société peu diversifiée, cela a des conséquences qui ne sont pas très heureuses. En résumé, la périphérie tend à se développer autour d'extrêmes. L'économie s'organise à partir de quelques produits naturels de base. Une exploitation massive des ressources risque d'avoir un fort impact sur un environnement fragile. S'il y a profit, ils sont considérables. S'il y a des pertes, elles risquent de mener droit à la faillite. S'il y a place à la concurrence, celle-ci reste sous influence des pouvoirs en place, qui, somme toute, laissent une forte marge de manœuvre aux investisseurs. Quant aux opportunités qui s'offrent aux populations dont la croissance est très rapide, elles sont rares, ce qui oblige bon nombre de jeunes à s'exiler. En somme, la région est porteuse d'un développement fragile et les tendances à l'inégalité y sont marquées par une forte industrialisation qui reste peu diversifiée. Enfin, lorsque, étudiées dans leur dynamique périphérie / centre, les micro-régions québécoises apparaissent comme des pourvoyeuses d'hommes et de ressources naturelles pour les centres qui s'inscrivent dans leur prolongement.

Même si l'histoire régionale québécoise n'emprunte pas toujours un vocabulaire spécifique à la « Staple », il faut convenir que l'étude des régions périphériques, celles qui se situent à la marge des grands centres de production et de consommation, s'inscrit dans le prolongement et le renouvellement des travaux des tenants de l'école laurentienne, encore qu'il ne faille pas oublier l'influence de l'historiographie française sur les courants d'analyse qui prévalent surtout au Québec. Les vastes enquêtes portant sur l'économie, sur la population et les travaux de synthèse illustrent cette situation ambiguë pour certains, enrichissante pour d'autres, d'un Québec qui se situe au confluent des influences nord-américaine et française en Amérique du Nord. En fait, l'historiographie canadienne et québécoise atteint une certaine maturité. Si le modèle trop économique articulé initialement par Innis se prête mal à la mode actuelle toute tournée vers l'histoire sociale, il faut convenir que les travaux de ce pionnier ont permis de jeter les bases pour mieux comprendre le développement régional canadien.

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RESUMÉ

L'histoire canadienne, une histoire de régions. Pour comprendre l'évolution du Canada, il faut pouvoir saisir que la nation se construit à la fois à partir d'une géographie et contre celle-ci. Les grandes régions naturelles ont, semble-t-il, laissé place à des régions administratives (les provinces) qui elles-mêmes se positionnent dans le système national par rapport à des regroupements plus vastes (provinces atlantiques, provinces centrales, etc.), tout en prenant appui sur les territoires provinciaux qui se découpent en micro-régions. L'historiographie canadienne et québécoise reflète celte réalité complexe d'une nation qui, bien au-delà des réalités bi-nationales, se structure autour de forces centrifuges et centripètes qui prennent véritablement leur sens dans les réalités régionales (ex. le Saguenay-Lac-Saint-Jean).

SUMMARY

To understand the evolution of Canada, it is necessary to grasp that the nation is built both because and in spite of its geography. The vast natural regions have given way to become administrative territories (i.e. provinces) which in turn position themselves into larger alliances (the Atlantic provinces, the Central provinces, The Prairie or the North), all the while taking support from provincial districts which are divided into micro-regions. Canadian and Québécois historiography reflect the complexity of a nation which, beyond the bicultural reality, is influenced by both centrifugal and centripetal forces as may be clearly seen at the regional level (ex. Saguenay-Lac-Saint-Jean).



* Camil Girard enseigne à l'Université du Québec à Chicoutimi. Il a une maîtrise de l'University of Western Ontario (U.W.O.) et un doctorat de l'Université de Paris I. Il vient de publier un important ouvrage sur l'histoire régionale : Camil Girard et Normand Perron, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (I.Q.R.C.), 1989. Il est aussi l'auteur de Question d'Empire, Le Times de Londres et le Canada. 1908-1922, Jonquière, Québec, Les Éditions Sagamie/Québec, 1988.

L'auteur tient à remercier les professeurs Jacques Portes (Lille III), Jean-François Moreau (U.Q.A.C.) et Jacques Ouellet (G.R.II.) pour leurs commentaires et suggestions dans la préparation de cet article.

[1] H.A. Innis, The Fur Trade, An Introduction to Canadian Economic History, Toronto, The University of Toronto Press, 1956 ; The Cod Fisheries : The History of an International Economy, Toronto, 1954 ; Essays in Canadian Economic History, Toronto, The University of Toronto Press, 1979 ; W.T. EASTERBROOK, M.H. WATKINS, Approaches to Canadian Economic History, Toronto, Macmillan of Canada, 1979 ; G.E. BRITNELL a tenté de voir comment le modèle canadien pouvait trouver quelque application autant pour étudier le centre que la périphérie : « Under-developed Countries in the World Economy », The Canadian Journal of Economics and Political Science, vol. XXIII, n° 4, nov. 1957, pp. 453-466 ; les provinces atlantiques canadiennes trouvent certaines applications aux problèmes de développement qui les touchent depuis la Confédération, voir S.A. SaundErs, The Economic History of the Maritime Provinces, New Brunswick, Acadiensis Press (University of New Brunswick), 1984 (public d’abord en 1939) ; T.W. Atcheson, David FRANK, James D. FROST, Industrialization and Underdevelopment in the Maritimes, 1880-1930, Toronto, Garamond Press, 1985.

[2] H.A. INNIS, A History of the Canadian Pacific Railway, Toronto, 1923 ; Empire and Communications, Oxford, 1950.

[3] William WESTFALL., « On the Concept of Region in Canadian History and Literature », Journal of Canadian Sludies / Revue d'études canadiennes, édition spéciale sur le régionalisme, vol. 15, n° 2 (été 1980), pp. 3-13 ; R. Cole Harkis, « Regionalism and the Canadian Archi-pelago », in J.M. BUMSTED, Inlerpreting Canada's Past, vol. II : After Confederation, Toronto, Oxford University Press, 1986, pp. 453-471 ; R. Douglas Francis et Donald B. Sith, Readings in Canadian History, analyse sur le « Regionalism », deuxième édition, Toronto, H.R.W., 1986, pp. 592-631.

[4] Lizette Jalbert, « La question régionale comme enjeu politique », in Gérard Boismenu et al., Espace régional et nation : Pour un nouveau débat sur le Québec, Montréal, Boréal Express, 1983, p. 94.

[5] Ibid., Westfall, p. 8 ; Boismenu et al.. Espace régional et nation..., p. 42.

[6] Pour une analyse approfondie des principaux tenants de la Staple au Canada anglais, voir l'ouvrage de Carl Berger, The Writing of Canadian History ; aspects of English-Canadian historical writing : 1900 to 1970 ; pour une analyse mieux adaptée aux réalités régionales canadiennes, Carl Berger (sous la direction), Contemporary approaches to Canadian History, Toronto, Copp Clark Pitman Ltd, 260 p. ; voir aussi O.F.G. SlTWELL et N.R.M. SEIFRIED, The Regional Structure of the Canadian Economy, Toronto, Methuen, 1984 ; J. Lewis Robinson, Concepts and Themes in the Regional Geography of Canada, Vancouver, Talonbooks, 1984.

[7] S'inspirant des travaux de Mackintosh, « Economie Factors in Canadian History », Canadian Historical Review, vol. 4, march 1923, voir en particulier les travaux de Gordon W. BERTRAM, « EconomiC Growth and Canadian Industry, 1870-1915 : The Staple Model and the Take-Off Hypothesis », Canadian Journal of Economics and Political Science, vol. XXIX, n° 2, may 1963, pp. 162-184 ; Craig BROWN et Ramsay COOK, Canada 1896-1921. A Nation Transformed.

[8] Voir en particulier les travaux de V.C. VERNON, The National Policy and the Wheat Economy, Toronto, University of Toronto Press,  1957 ; Alfred DUBUC, « Développement économique et politique de développement : Canada 1900-1940 », in (Collectif), Économie québécoise, Montréal, Les Presses de l'Université du Québec, 1969, pp. 175-218 ; J.H. DALES, Hydroelectricity and Industrial Development : Québec, 1898-1940, Cambridge, Harvard Universily Press, 1957 ; voir l'étude de H.V. NELLES sur la gestion provinciale des ressources naturelles en Ontario, The Politics of development ; Forest, Mines, Hydro-electric Power in Ontario, 1849-1941, Toronto, Macmillan of Canada, 1975.

[9] Tom Naylor, The History of Canadian Business, 1867-1914, 2 vol., Toronto, 1975 ; voir aussi Gary TREPLE (ed.), Capitalism and the National Question in Canada, Toronto, The University of Toronto Press, 1975 ; Mel Watkins, « The Staple Theory Revisited », in Bruce IIodgins et Robert Page (eds), Canadian History since Confederation, 2e édition, Georgetown, Ontario, pp. 573-589.

[10] Parmi les travaux qui s'inspirent de l'approche de Innis et qui mettent l'accent sur les inégalités engendrées dans les régions marginales par opposition aux régions centrales autour desquelles s'articule le système économique canadien depuis la Confédération, voir S.A. Saunders, The Economic History of the Maritime Provinces, University of New Brunswick, Acadiensis Press, 1984 ; T.W. Atcheson, « The National Policy and the Industrialization of the Maritimes, 1880-1910 », in T.W. ATCHESON, David Frank et James D. FROST, Industrialization and Underdevelopment in the Maritimes, 1880-1930, Toronto, Ontario, Garamond Press, 1985 ; voir aussi l'article de G. BritneLL, « Underdeveloped Countries in the World Economy », Canadian Journal of Economics and Political Science, XXVIII,  1957, pp. 453-466.

[11] Ibid., Naylor, vol. 1, pp. 3-4.

[12] Claude FOILEN, L'Amérique anglo-saxonne de 1815 à nos jours, Paris, Presses universitaires de France, 1969, p. 175 ; voir aussi J.M.S. Careless, « Fronticrism, Metropolitanism and Canadian History », The Canadian Historical Review, vol. 35, 1954, pp. 1-24.

[13] John McCaLLUM, Unequal Beginnings. Agricultural and Economic Development in Quebec and Ontario until 1870, Toronto, The University of Toronto Press, pp. 121-122 ; Tom Naylor, The History of Canadian Business, 1867-1914, 2 vol., Toronto, 1975 ; voir aussi Gary TEEPLE (éd.), Capitalism and the National Question in Canada, Toronto, The University of Toronto Press, 1975 ; Mel Watkins, « The Staple Theory Revisited », in Bruce Hodgins et Robert Page (eds), Canadian History since Confederation, 2e édition, Georgetown, Ontario, pp. 573-589.

[14] Ibid., FOILEN.

[15] France NORMAND, La navigation intérieure au dernier quart du XIXe siècle, Québec, Université Laval, communication présentée lors du Congres de la Société historique du Canada, juin 1989, 26 p. ; Serge COURVILLE, Jean-Claude ROBERT et Normand SÉGUIN, L'axe laurentien au XIXe siècle (1815-1880), Québec, Université Laval, Congrès de la Société historique du Canada, juin 1989, 15 p.

[16] Raoul BLANCHARD, L'Est du Canada français, 2 vol., Montréal, Beauchemin, 1935 ; Le Centre du Canada français, Montréal, Beauchemin, 1948 ; La Mauricie, Trois-Rivières, Éd. du Bien public, 1950 ; L'Ouest du Canada français : les pays de l'Ottawa. L'Abitibi-Témiscamingue, Montréal, Beauchemin, 1954 ; Le Canada français, Province de Québec, étude géographique, Paris, Arthème Fayard, 1960.

[17] Esdras MINVILLE (éd.), Notre milieu, Montréal, Fides et École des Hautes Études commerciales (H.E.C.), 1942 ; L'Agriculture, Montréal, Fides et H.E.C., 1943 ; La Forêt, Montréal, Fides et H.E.C., 1944.

[18] Serge Gagnon, « Historiographie canadienne ou les fondements de la conscience nationale », in André Beaulieu, Guide d'histoire du Canada, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1969, p. 18.

[19] Fernand OUELLET, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850, Montréal, Fides, 1971,   2 vol.

[20] Albert Faucher, Québec en Amérique. Essai sur les caractères économiques de la Laurentie, Montréal, Fides, 1973 ; Albert Faucher et Maurice Lamontagne, « L'histoire du développement industriel au Québec », in Marcel RIOUX et Yves Martin, La société canadienne-française, Montréal, Hurtubise H.M.H., 1971, pp. 265-278 ; Albert Faucher, « Problématique des richesses naturelles », Journal of Canadian Studies / Revue d'études canadiennes. Université Trent, Peterborough, vol. 12, n° 5, 1977, pp. 106-110.

[21] Jean HAMELIN et Yves Roby, Histoire économique du Québec, 1851-1896, Montréal, Fides, 1971,   pp. 207-259.

[22] Normand Séguin, La Conquête du sol au XIXe siècle, Montréal, Boréal Express, 1977 ; pour un survol historiographique, Camil GIRARD, « Développement et régions périphériques au Québec », Acadiensis, vol. XVI, n° 1, automne  1986, pp. 165-173 ; pour une vue critique du volume de Séguin, voir Fernand Ouellet, « Séguin, La Conquête du sol au XIXe siècle, 1977 », Histoire sociale, vol. X, n° 20, 1977, pp. 439-447 ; Gérard BOUCHARD, « Introduction à l'étude de la société saguenayenne aux XIXe et XXe siècles », R.H.A.F., vol. XXXI, n° 1, 1977, pp. 3-27.

[23] A. G. Frank, Le développement du sous-développement, Paris, Maspero, 1969 ; Samir Amin, Le développement inégal, Paris, Les Éditions de Minuit, 1974 ; Alfred Dubuc, « Le développement du sous-développement » et « Recul de Montréal ou sous-développement du Québec », Le Devoir, 2 et 3 mars 1973.

[24] Guy GAUDREAU, « Le rapport agriculture-forêt au Québec », R.H.A.F., vol. 33, n° 1, pp. 67-78.

[25] Normand SÉGUIN, La Conquête du sol au XIXe siècle, Montréal, Boréal Express, 1977, pp. 251-253.

[26] Normand SÉGUIN (sous la direction). Agriculture et colonisation au Québec, Montréal, Boréal Express, 1980 ; René Hardy et Normand Séguin, Forêt et société en Mauricie, Boréal Express, Musée national de l'Homme, 1984.

[27] Camil GIRARD et Normand PERRON, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (I.Q.R.C.), 1989 ; Camil GIRARD (sous la direction), Le Saguenay-Lac-Saint-Jean en 1850. Le Rapport spécial de Jacques Crémazie, Jonquière, Les Éditions Sagamie/Québec, 1988 ; Camil Girard, « Histoire et région. L'industrie forestière du Nord-Est québécois. 1850-1930 », Histoire sociale / Social History (Université d'Ottawa), vol. XXII, n° 43, mai 1989, pp. 121-143. Sur la démographie, voir Christian Pouyez, Yolande Lavoie et al., Les Saguenayens, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1983, 1019 p. Parmi les travaux en cours qui portent sur l'histoire économique à partir des sources villageoises, voir Camil Girard, « La dynamique de l'échange en milieu rural », A.C.F.A.S / Saguenayensia, vol. 27, n° 4, oct.-déc. 1985, pp. 132-137 ; Camil Girard, « Industrialisation et urbanisation en milieu rural (réflexion pour un changement de perspective) », in Camil Girard et Normand PERRON (eds), Gens de parole... Récits de vie de Laterrière, Groupe de recherche sur l'histoire (G.R.IL), Saguenay-Lac-Saint-Jean, Saguenayensia, vol. 28, n° 4, oct.-déc.   1986, pp. 127-130.

[28] Publications du Groupe de recherche sur la Mauricie, Cahier I : René ARDY et al., La Mauricie et les Bois-Francs, chronologie. 1850-1950 ; cahier 2 : Normand SÉGUIN et al., L'agriculture en Mauricie, dossier statistique, 1850-1950 ; cahier 3 : Jean Roy et al., Les populations municipales et paroissiales de la Mauricie, dossier statistique, 1850-1971 ; cahier 4 : René Hardy el al.. L'exploitation forestière en Mauricie, dossier statistique, 1850-1930 ; cahier 5 : Louise Verrault-Roy, Répertoire cartographique de la Mauricie, 1800-1950 ; cahier 6 : Pierre LANTHIER et Alain GAMELIN, L'industrialisation de la Mauricie, dossier statistique et chronologique, 1870-1975.

[29] Bruno JEAN et Danielle Lafontaine, Région, régionalisme et développement régional, le cas de l'Est du Québec, Rimouski, Cahier du Grideq, 1984 ; Bruno Jean, Agriculture et développement dans l'Est du Québec, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1985 ; Paul LAROCQUE, Pêche et coopération au Québec, Montréal, Éditions du Jour, 1978 ; Serge CÔTÉ, « La pénétration du capitalisme dans l'est du Québec », in Bruno Jean et Danielle Lafontaine, Région, régionalisme..., pp. 29-54 ; Serge Côté, Benoît LÉVESQUE, Juan-Luis KLEIN et al., Industrie manufacturière et développement inégal des régions du Québec, résultats préliminaires et problématique de recherche, Rimouski, Grideq, 1982 ; Jean SAINTONGE, Les interrelations entre l'industrie des pâtes et papiers et du sciage et le développement de l'Est du Québec 1950-1980, Rimouski, Grideq, 1982.

[30] Benoît BEAUDRY GOURD, Angliers et le remorqueur T.E. Drapeur, collège de Rouyn, Cahiers du département d'histoire et de géographie, 1983 ; Le Klondyke de Rouyn et les Dumoulon, Collège de Rouyn, Cahiers du département d'histoire et de géographie, 1982 ; « La colonisation du Clay Belts du Nord-Ouest québécois et du Nord-Est ontarien », R.H.A.F., vol. 27, n° 2, 1973, pp. 235-256 ; Bibliographie de l'Abitibi-Témiscamingue, Rouyn, Université du Québec, 1973 ; Supplément, 1975 ; Deuxième supplément, 1977 ; « Les journaux de l'Abitibi-Témiscamingue 1920-1950 », in De l'AbitibTémincaming, 5, Rouyn, Collège du Nord-Ouest, 1979, pp. 21-79 ; Juan-Luis Klein, Orlando Pena, « Impacts régionaux d'une multinationale canadienne : le cas de Noranda Mines », in Bruno Jean et Danielle Lafontaine, Région, régionalisme..., pp. 95-135.

[31] Christian Pouyez, Yolande Lavoie et al.. Les Saguenayens, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1983, 1019 p.

[32] Camil Girard, « Histoire et région. L'industrie forestière du Nord-Est québécois, 1850-1930 », Histoire sociale / Social History (Université d'Ottawa), à paraître dans le numéro du printemps 1989 ; Guy Gaudreau, L'exploitation des forêts publiques au Québec (1842-1905) : cadre juridique, mode d'appropriation et évolution des récoltes, thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1986 ; Guy Gaudreau, L'exploitation des forêts publiques au Québec, 1842-1905, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (I.R.C.), 1986, 126 p. Les problèmes de sous-enregistrement sont aussi soulevés dans l'article de J.I. Little, « Public Policy and Private Interest in the Lumber Industry of the Eastern Townships : the Case of C.S. Clark and Company, 1854-1881 », Histoire  sociale, vol. XIX, n° 37, mai  1986, pp. 9-38.

[33] Camil Girard, « Développement et régions périphériques au Québec », Acadiensis, vol. XVI, n° 1, automne 1986, pp. 165-173.

[34] Chantier sur les histoires régionales, Fernand Harvey, « La question régionale au Québec », Revue d'études canadiennes. Université Trent, Peterborough, vol. 15, été 1980, pp. 74-88 ; Jules Bélanger, Marc Desjardins et Yves Frenette, Histoire de la Gaspésie, Québec, I.Q.R.C./ Boréal Express, 1981 ; Guy GAUDREAU, L'exploitation des forêts publiques au Québec, 1842-1905, Québec, I.Q.R.C, 1986 ; Antonio Lechasseur, Jacques Lemay (coll.), Municipalités et paroisses du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des lies de la Madeleine. Population et limites territoriales, Québec, I.Q.R.C, 1987 ; Camil Girard et Jean-Michel Tremblay, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean (S.L.S.J.), dossier statistique préliminaire, Chicoutimi, I.Q.R.C et Groupe de recherche sur l'histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean (G.R.H.), Chicoutimi, 1987 (document interne) ; Camil GIRARD (dir.), Le Saguenay-Lac-Saint-Jean en 1850. Le rapport spécial de Jacques Crémazie, Jonquière, Les Éditions Sagamie/Québec, 1988 ; Camil Girard, Normand PERRON, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec, I.Q.R.C, 1989, 665 p. ; Serge Laurin, Histoire des Laurentides,  1989.

[35] Normand Séguin, Forêt et société en Mauricie, Boréal Express, Musée national de l'Homme, 1984.

[36] Camil Girard, « Histoire et région. L'industrie forestière du Nord-Est québécois, 1850-1930 », Histoire sociale / Social History (Université d’Ottawa), à paraître dans le numéro du printemps 1989.

[37] Voir en particulier les chapitres qui traitent d'histoire économique dans notre ouvrage : Camil GIRARD et Normand Perron, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture (I.Q.R.C.), 1989.

[38] Les Montagnais s'identifient eux-mêmes aux Ilnout ou Inou, lequel terme signifie « peuple parfait ». Voir John R. SWANTON, The Indian Tribes of North America, Washington, Smithsonian Institution, 1952, p. 582 (bulletin n° 14) ; Le manuel des Indiens du Canada, Ottawa, Imprimeur du Roi, 1915, pp. 365-366.

[39] Guy Lord (sous la direction). Le droit québécois de l'eau, Québec, Centre de recherche en droit public, Université de Montréal, Ministère des Richesses naturelles, 1977, 1049 p.

[40] Camil Girard, « Histoire et région. L'industrie forestière du Nord-Est québécois, 1850-1930 », Histoire sociale / Social History (Université d'Ottawa), à paraître dans le numéro du printemps  1989.

[41] Camil Girard, « L'ouverture du Saguenay à la colonisation », in Camil Girard (sous la direction), Le Saguenay-Lac-Saint-Jean en 1850. Le rapport spécial de Jacques Crémazie, Jonquière, Les Éditions Sagamie/Québec, 1988, pp. 9-21.

[42] Voir sur ce sujet les travaux de Christian Pouyez, Yolande Lavoie et al., Les Saguenayens, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1983, 1019 p. ; Gérard Bouchard, « L'étude des structures familiales pré-industrielles. Pour un renversement des perspectives », Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. XXVIII, oct.-déc. 1981, pp. 546-571 ; Christian POUYEZ, Raymond Roy et Gérard Bouchard, « La mobilité géographique en milieu rural, Le Saguenay, 1852-1861 », Histoire  sociale / Social History, vol. XIV, n° 27, mai   1981, pp. 123-155.

[43] Gérard Bouchard, « La dynamique communautaire et l'évolution des sociétés rurales québécoises aux XIXe et XXe siècles. Construction d'un modèle », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 40, n° 1, été  1986, pp. 51-71.

[44] Alfred Dubuc, « L'influence de l'école des Annales au Québec », R.H.A.F., vol. 33, n° 3, déc. 1979,   pp. 357-386.

[45] Collectif, « Situation de la recherche 1962-1984 », Recherches sociographiques, XXVI, 1-2, 1985 ; Carl BERGER, Contemporary approaches to Canadian History, Toronto, Copp Clark Pitman,  1987.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 25 octobre 2017 16:21
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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