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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Le « Trotsky » de Robert Service recensé par Louis Hamelin: une rectification nécessaire.” Montréal, le 16 avril 2012. Le journal LE DEVOIR de Montréal a refusé de publier cet article. [Texte diffusé en accès libre et gratuit à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 11 juin 2014.]

Louis Gill

Le « Trotsky » de Robert Service
recensé par Louis Hamelin :
une rectification nécessaire
.”

Montréal, le 16 avril 2012. Le journal LE DEVOIR de Montréal a refusé de publier cet article.


Dans un article intitulé « Un homme et sa fiction » paru dans le cahier « Livres » du Devoir des 28 et 29 janvier 2012, l’écrivain Louis Hamelin signe un compte-rendu d’une biographie de Léon Trotsky rédigée par l’historien britannique Robert Service, publiée en 2009. D’entrée de jeu, Hamelin étonne en présentant le livre de Service comme la première grande biographie de Trotsky due à un auteur occidental. Lorsqu’on s’aventure sur ce terrain, est-il possible d’ignorer l’existence de ces monuments que sont la biographie en trois tomes d’Isaac Deutscher (Le prophète armé, Le prophète désarmé, Le prophète hors-la-loi, Oxford University Press, 1954-1959) et l’ouvrage de mille pages de l’historien français Pierre Broué (Trotsky, Fayard, 1988), pour ne nommer que ceux-là ? Conquis d’emblée par ce qu’il désigne comme « l’érudition politique et la réflexion historique de l’universitaire anglais », axée sur « la révision critique d’un endurant mythe de la gauche », Hamelin adhère sans discernement aux thèses de Service et en fait une promotion enthousiaste, sans avoir procédé aux vérifications élémentaires.

En quelques clics de souris sur internet, il serait tombé sur un article publié en juin 2011 dans la prestigieuse American Historical Review, par l’historien Bertrand Patenaude de l’Université de Stanford en Californie, fellow de la célèbre Hoover Institution on War, Revolution and Peace de cette université, où se trouve notamment une partie des archives de Trotsky. Patenaude, lui-même auteur d’un livre sur Trotsky (Trotsky : Downfall of a Revolutionary, Harper Collins, 2009), mais qui ne se rattache ni au trotskysme ni au marxisme, décrit le livre de Service comme « une pure entreprise de dénigrement de Trotsky en tant que personnage historique et être humain ». Dans son ardeur à le faire, précise-t-il, Service « commet une multitude de distorsions des données historiques, ainsi que des erreurs de fait manifestes (Patenaude dit en avoir dénombré une cinquantaine), à un point tel que l’intégrité intellectuelle de toute l’opération est en question ». En conclusion de son article, Patenaude écrit que l’éditeur du livre, Harvard University Press, «  a donné son imprimatur à un livre qui échoue à respecter les normes minimales de la recherche historique ».

Des faits troublants indiquent d’ailleurs que la motivation de Service dans la rédaction de cette biographie, qui a été décrite dans la presse britannique comme « le deuxième assassinat de Trotsky », était plus éloignée qu’on pourrait l’imaginer de la recherche objective de la vérité historique. Lors d’un lancement du livre en octobre 2009 à Londres, Service avait déclaré : « Il y a encore de la vie dans le vieux Trotsky. Si le pic à glace ne l’a pas achevé, j’espère que mon livre le fera » (rapporté dans l’Evening Standard du 23 octobre 2009).

L’ampleur de l’imposture a amené quatorze éminents historiens des trois pays germanophones d’Europe (Allemagne, Autriche et Suisse) à adresser à l’éditeur allemand Suhrkamp en juillet 2011 une demande formelle de ne pas publier la traduction allemande alors en préparation. Invoquant le fait que Service a « violé les normes élémentaires en matière de recherche historique », ils concluent ainsi leur lettre : « Nous sommes d’avis que le livre de Service n’a pas sa place dans une maison d’édition tenue en haute estime comme la vôtre et vous prions de reconsidérer votre option ».

Il est navrant de voir Hamelin déborder sa tâche de chroniqueur qui est de rendre compte du contenu d’un livre, pour faire sienne l’entreprise de dénigrement, fondée sur la falsification, de la biographie de Service et se livrer à des conjectures dénuées de fondement, dont le passage suivant est un exemple éloquent: « Nous ne pouvons plus ignorer que, fût-il parvenu à supplanter son rival, Trotsky se serait presque certainement révélé un massacreur de populations tout aussi enthousiaste, sinon aussi monstrueux, que le Petit Père des peuples. L’ambition d’éliminer toute forme d’opposition organisée, d’éradiquer les gens par classes sociales entières et de piétiner peuples et démocratie ne l’aurait vraisemblablement pas gêné ».

Tout aussi déplorable est son attitude méprisante envers un courant de pensée qu’il réduit de manière caricaturale à ce qu’il désigne comme « les deux pelés et le tondu et demi » qui continueraient à le défendre. Quant à son allusion aux « Mohicans de la dialectique » qui continueraient aujourd’hui à soutenir « l’ubuesque régime nord-coréen », est-il nécessaire de mentionner que ce régime stalinien est aux antipodes de ce que prône le trotskysme ?

Le compte-rendu du livre de Service par Hamelin est un exemple à ne pas suivre. Au-delà des opinions personnelles des chroniqueurs, dans l’expression desquelles la réserve est toujours de mise, le lectorat du Devoir est en droit de s’attendre à une présentation objective et à un portrait fidèle des livres qui y sont recensés. Dans le cas du livre de Service, présenté par Hamelin comme le nec plus ultra en la matière, on regrette, à la lumière des faits qui viennent d’être exposés, qu’il ait été induit en erreur.

*******

J’estime donc qu’une rectification s’impose. Tel est le but de la présente mise au point que je soumets au Devoir pour publication.

[L’auteur de cet article, Louis Gill, nous informe que Le Devoir a refusé de publier cet article. JMT.]



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 1 octobre 2014 15:11
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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