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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill (1985), Sur « Le socialisme sans Marx » d'Alec Nove . Contribution rédigée à l'occasion du séjour d'Alec Nove à l'UQAM en tant que professeur invité pour la session d'automne 1985. Montréal: Département des sciences économiques, UQAM, le 9 août 1985, Cahier No. 8518D. [Autorisation accordée le 10 janvier 2003 ]. Louis Gill est professeur régulier au département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal. Préliminaires Dans un livre publié en 1983, intitulé The Economics of Feasible Socialism [1] et dont la version française parue la même année porte le titre Le socialisme sans Marx [2], Alex Nove, soviétologue réputé [3] de l'Université de Glasgow, expose ses vues sur ce qu'il appelle le «socialisme réalisable ». Dans la recherche d'un tel « socialisme réalisable », argumente-t-il, l'apport théorique de Marx n'est d'aucune utilité ; il constitue plutôt un obstacle. Le « socialisme réalisable » que décrit Nove sera fondé sur la coexistence du plan et du marché, de l'entreprise étatique, coopérative et privée. Il y aura prédominance de la propriété étatique, sociale et coopérative et absence de propriété privée des grands moyens de production. Les grandes décisions d'investissement seront prises centralement. Par contre on privilégiera les décisions sectorielles chaque fois que cela sera possible et on encouragera le fonctionnement des unités à petite échelle, la direction de ces unités étant responsable devant le personnel. On visera à déterminer la production et la répartition des biens et services par voie de contrats négociés entre les parties concernées. Cela signifie l'existence d'un marché concurrentiel dont les règles et les limites seront fixées par l'État. Certains secteurs (éducation, santé, etc.) seront gérés en dehors des normes marchandes. Le calcul économique et les critères de rentabilité subsisteront ailleurs dans l'économie. Les travailleurs devraient être libres de choisir la nature de leur emploi. Les inégalités sociales vues comme indispensables « pour susciter l'effort nécessaire d'homme libres », subsisteront. L'échelle des rémunérations sera influencée par l'offre et la demande. La distinction entre gouvernants et gouvernés subsistera dans un contexte où les abus de pouvoir devront être balisés et on recourra au maximum aux consultations démocratiques. Tel est brièvement esquissé l'essentiel du contenu du « socialisme réalisable » que définit Nove. Il faut insister sur le fait, précisément parce que Nove lui-même le souligne à plusieurs reprises, que la société qu'il décrit et définit comme le «socialisme réalisable » est accrochée à un horizon temporel, « l'horizon de vie d'un enfant déjà conçu ». Elle doit être « concevable » dans les limites de cet horizon et en conséquence, dit-il, elle « ne doit pas reposer sur des hypothèses extrêmes, utopiques ou outrées ». De telles hypothèses seraient précisément, selon Nove, celles qu'on retrouve chez Marx qui, en définitive, « n'avait pas grand chose à dire de l'économie du socialisme ». [4] « Le peu qu'il en a dit », ajoute Nove, était « soit hors de propos soit directement fallacieux » [5] Ses enseignements en conséquence ne sont d'aucune utilité pour l'étude d'un socialisme réalisable. Dans les faits ils constituent plutôt un obstacle en raison des illusions romantiques et idéalistes qu'ils entretiennent. Marx, dit-il, a parlé d'une société sans classe, sans État, supposant l'abondance, où le marché a fait place à la production et à la répartition planifiées par les producteurs librement associés, où la valeur a fait place au calcul direct du temps de travail, d'où la monnaie a disparu de même que les autres catégories marchandes, où le gouvernement des hommes a fait place à l'administration des choses. Or, explique Nove, toutes ces présomptions, fruit de « l'imagination romantique de Marx », relèvent de l'utopie et de la chimère. Luvre de Marx, dit-il, ne comporte aucune suggestion sur la manière dont la société socialiste pourrait organiser son fonctionnement de manière rationnelle. En conséquence, l'héritage de Marx ne permet d'aucune manière d'aborder les problèmes réels du socialisme « du fait qu'il exclut la possibilité même de l'existence de ces problèmes ».[6] « La pensée de Marx, conclut Nove, est devenue un obstacle aux analyses de l'économique de n'importe quelle sorte de socialisme réalisable ». [7] Notes: [1] A. Nove, The Economics of Feasible Socialism, Allen & Unwin, Londres, 1983. [2] A. Nove, Le socialisme sans Marx, Economica, Paris, 1983. [3] Nove a publié plusieurs ouvrages dont The Soviet Economy, Allen & Unwin, Londres, 1961 (traduit en français et publié par Economica, Paris, 1981) ; An Economic History of the USSR, Allen Lane, Penguin Press, Londres, 1969; The Soviet Econonic System, Allen & Unwin, Londres 1977. Il a été rédacteur en chef de la revue Soviet Studies des années 1960 à 1982. Il a dirigé l'Institut d'études soviétiques et est-européennes de l'Université de Glasgow. [4] A. Nove, op. cit., p. 15. [5] Ibidem. [6] Idem, p. 74. [7] Idem, p. 75.
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