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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Quelques éléments d’histoire du syndicalisme professoral universitaire au Québec.” Montréal, octobre 2017, 11 pp. Ce texte est une version modifiée d’une contribution au Colloque sur le Corporatisme universitaire, organisé à l’Université du Québec à Chicoutimi par le SPPUQAC, le 7 octobre 2016. Il a été publié dans le Bulletin d’histoire politique, vo. 29, no 3, 2017, p. 245-257. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 5 décembre 2017 de diffuser cet article en accès libre à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

Louis Gill

[économiste, retraité de l’UQÀM.]
et militant du SPUQ de 1970 à 2001

Quelques éléments d’histoire
du syndicalisme professoral
universitaire au Québec
.”

Montréal, octobre 2017, 11 pp. Ce texte est une version modifiée d’une contribution au Colloque sur le Corporatisme universitaire, organisé à l’Université du Québec à Chicoutimi par le SPPUQAC, le 7 octobre 2016. Il a été publié dans le Bulletin d’histoire politique, vol. 29, no 3, 2017, p. 245-257.


Le syndicalisme professoral universitaire au Québec a pris son envol au début des années 1970 après la création de l’Université du Québec. Quatre syndicats ont lancé le bal, deux représentant l’ensemble du corps professoral de leur établissement, le Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ) et le Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières (SPUQTR), et deux associations représentant les professeurs d’une discipline spécifique, soit l’Association des ingénieurs professeurs en sciences appliquées de l’Université de Sherbrooke (AIPSA) et l’Association des professeurs de l’École polytechnique (APEP), affiliée à l’Université de Montréal.

Créé le 8 juin 1970 en tant que syndicat affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), le SPUQ a été accrédité le 25 janvier 1971, devenant au Québec et au Canada le premier syndicat de professeurs d’université affilié à une centrale syndicale, représentant les professeurs de toutes les disciplines de l’établissement [1]. L’AIPSA avait été accréditée deux mois plus tôt, le 25 novembre 1970. Le SPUQTR et l’APEP l’ont été les 8 et 18 février 1971 respectivement.

Sur les traces du SPUQ et du SPUQTR, des syndicats se sont constitués au cours des années 1970 et 1980 dans les autres constituantes de l’Université du Québec. Dans les universités qui existaient préalablement à la création de l’Université du Québec, des accréditations syndicales ont été décernées au Syndicat des professeurs de l’Université de Sherbrooke (SPPUS), le 5 février 1974, au Syndicat des professeurs de l’Université Laval (SPUL), le 31 janvier 1975, et au Syndicat général des professeurs de l’Université de Montréal (SGPUM), le 9 juillet 1975.

Dans ces universités, la syndicalisation a été l’aboutissement de ce que l’historien Jacques Rouillard désigne, dans son histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM) [2], comme le long processus d’« apprivoisement » du syndicalisme par un corps professoral universitaire a priori réfractaire à la syndicalisation, individualiste et élitiste, c’est-à-dire le long processus de passage au syndicalisme véritable à partir de l’associationnisme « de bonne foi » et du syndicat de boutique lié à l’administration.

Dans les universités anglophones, l’Association des professeurs de Bishop’s University (APBU) a été accréditée en 1975 et l’Association des professeurs de l’Université Concordia (APUC-CUFA), le 20 janvier 1981. L’Association des professeurs et bibliothécaires de l’Université McGill (APBM-MAUT) demeure aujourd’hui au Québec la seule association de professeurs d’université non accréditée.

La syndicalisation à l’UQAM
et dans les autres constituantes de l’UQ


Incluant les directeurs de département, de centre de recherche et de module ainsi que les vice-doyens, qui se trouvaient par le fait même exclus de la structure d’autorité, l’accréditation du SPUQ, obtenue en janvier 1971, a été immédiatement contestée par l’UQAM qui voulait en exclure ces catégories de professeurs pour en faire des cadres. Mais l’accréditation a été confirmée le 1er septembre 1971 par le tribunal du Travail. Jamais l’administration de l’Université n’a accepté cette défaite. Elle est revenue par la suite sans cesse à la charge pour tenter de modifier dans les faits le cours des choses. Vingt-sept ans plus tard, en mai 1998, le SPUQ parvenait à élargir cette disposition aux doyens de faculté. Mais ce gain a été de courte durée, le SPUQ l’ayant concédé lors des négociations du printemps 2009. Dans le même ordre d’idées, il faut souligner la victoire de 2014 du SPPUQAC qui a permis d’éviter la perte du statut de directeur de département membre de l’unité d’accréditation.

Un an après l’obtention de son accréditation, le 29 octobre 1971, le SPUQ signait une première convention collective, après neuf mois de négociation et deux semaines et demie de grève. Cette convention collective a servi de modèle à celles qui sont intervenues dans les autres constituantes du réseau de l’Université du Québec. Elle a également constitué une référence incontournable pour les conventions collectives des autres universités au Québec et contribué de manière décisive au mouvement de syndicalisation des professeurs du secteur universitaire. Cette première convention, le SPUQ a dû la défendre avec acharnement. Pas moins de 150 griefs ont été logés dans les deux mois qui ont suivi sa signature. Près de 800 autres griefs ont été logés par la suite au cours des 25 années suivantes. Une deuxième grève, qui a duré quatre mois, du 18 octobre 1976 au 17 février 1977, a été nécessaire pour préserver les acquis de celle de 1971 et bloquer l’implantation d’une réforme majeure destinée à faire table rase des structures démocratiques de la nouvelle université, connue comme la « Réforme Després », du nom de son instigateur, le président de l’Université du Québec, Robert Després, mis en fonction par le gouvernement libéral de Robert Bourassa pour « mettre de l’ordre » à l’UQAM.

Inutile de dire qu’il n’était pas dans les projets initiaux de la nouvelle université d’accorder permanence et sécurité d’emploi à un corps professoral qu’on aurait souhaité pouvoir gérer de la manière la plus discrétionnaire qui soit. Inutile de dire qu’il n’était pas de son intention non plus d’accorder une large autonomie aux assemblées départementales, de voir les directeurs de département puiser leur autorité de ces assemblées, ni de laisser les professeurs et les étudiants, majoritaires à la Commission des études, influencer de manière prépondérante les orientations de l’enseignement et de la recherche.

L’Université voulait plutôt étendre ses droits de gérance, instaurer de manière élitiste des catégories de professeurs, certains ayant le statut de chercheur, d’autres celui de simple donneur de cours, s’approprier les droits d’auteur sur toute production scientifique, littéraire ou artistique, accomplie par les professeurs dans l’exercice de leurs fonctions. Elle refusait aussi d’inscrire une clause de liberté académique et de non-discrimination en raison du sexe, des opinions politiques et de la religion, etc. Il faut préciser que le SPUQ avait été précédé par une association non affiliée à une centrale syndicale (l’APUQ), accréditée le 26 août 1969, qui avait échoué dans la défense de 30 professeurs dont le contrat n’avait pas été renouvelé au printemps 1970, ainsi que dans la préparation d’un projet satisfaisant de convention collective, et qui s’est effondrée lors d’une assemblée générale tenue en septembre 1970, ou ce projet avait été dévoilé.

Au sein de l’Université du Québec, sur les traces du SPUQ et du SPUQTR, les syndicats suivants ont été accrédités au cours des années suivantes pour représenter les professeurs :

  • le SPPUQAC (Chicoutimi), accrédité le 26 janvier 1972;
  • l’Association des enseignants des Services universitaires du Nord-ouest québécois (AESUNOQ), accréditée le 29 novembre 1972, devenue par la suite le SPPUQAT (Syndicat des professeurs et professeures de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue);
  • le SPPUQAR (Rimouski), accrédité le 9 février 1973;
  • le SPINRS (Institut national de la recherche scientifique), accrédité le 7 mai 1973;
  • l’APETS (École de technologie supérieure), accréditée en 1973;
  • le SPUQAH (Hull), devenu le SPUQO, accrédité le 24 juillet 1980;
  • le SPPTU (Télé-Université), accrédité le 12 juillet 1982;
  • l’APPENAP (École nationale d’administration publique), accréditée en 2003.

Le SPPUQAC a également été accrédité, le 13 octobre 1993, pour représenter les maîtres de français. De même, le SPUQ a été accrédité, le 14 avril 1998, pour représenter les maîtres de langues.

Enfin, le SPUQ n’est pas le seul syndicat, au sein de l’UQ, à avoir adhéré à une centrale syndicale. Le SPUQTR et le SPPUQAR se sont, comme le SPUQ, affiliés à la CSN, alors que le SPPUQAC, le SPINRS et le Syndicat des professeurs de la Direction des études universitaires de l’Ouest du Québec (DEUOQ) se sont affiliés à la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), ancêtre de l’actuelle Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Tous se sont cependant désaffiliés au cours des années suivantes, le SPPUQAR ayant été le dernier à le faire, en 1988 [3]. Tous se sont par ailleurs affiliés à la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), fondée en 1991. Contre toute attente, vingt-six ans plus tard, en 2014, le SPUQO a renoué avec la tendance des années 1970 et s’est affilié à la CSN, tout en maintenant, à l’instar du SPUQ, son affiliation à la FQPPU.

Le contexte historique de la syndicalisation
dans les universités dites traditionnelles


Tel que mentionné plus tôt, dans les universités qui existaient préalablement à la création de l’Université du Québec, des accréditations syndicales ont été décernées au syndicat des professeurs de l’Université de Sherbrooke en 1974, et à ceux des Universités Laval et de Montréal en 1975. Pour bien saisir le processus qui a mené à la syndicalisation dans le cas de ces universités dites traditionnelles, il est utile de rappeler quelques éléments de notre histoire.

À la fin des années 1950, le système universitaire québécois était constitué de six universités dont trois de langue française, l’Université Laval, et les Universités de Montréal et de Sherbrooke, et trois de langue anglaise, les Universités McGill, Bishop's et Sir George Williams. La division linguistique et confessionnelle, établie par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui modelait le système d'éducation à ses niveaux élémentaire, secondaire et collégial, se retrouvait également au niveau universitaire. L'appartenance confessionnelle des universités remontait à leur fondation. Les deux plus anciennes universités au Québec, l'Université McGill fondée en 1829 et l'Université Bishop's fondée en 1843, relevaient de l'Église anglicane, alors que le Collège Sir George Williams, devenu université en 1948, avait été créé par le YMCA (Young Men's Christian Association); son association avec le Collège Loyola des Jésuites a conduit à la création de l'Université Concordia en 1974.

Les universités de langue française étaient de confession catholique. L'Université Laval, émanation du Séminaire de Québec, avait été fondée par Charte royale en 1852, et l'Université de Montréal fondée en 1876 comme succursale montréalaise de l'Université Laval. L'Université de Montréal est devenue université autonome en 1920 avec deux écoles affiliées, l'École polytechnique fondée en 1873 et l'École des hautes études commerciales (HEC) fondée en 1907 par la Chambre de commerce de Montréal. L'Université de Sherbrooke a été fondée en 1954 à partir du Séminaire Saint-Charles-Borromée.

Les universités francophones catholiques étaient constituées en vertu de chartes civiles, mais aussi régies par des chartes pontificales en vertu desquelles l'évêque du diocèse était le chancelier de l'université et nommait le recteur, lui-même membre du clergé. Certaines facultés, comme la théologie et la philosophie, étaient régies selon les règles de la Sacrée congrégation des séminaires et universités du Vatican. En tout état de cause, l'emprise de l'Église qui s'étendait alors à tous les niveaux de la société québécoise, en particulier aux écoles, collèges et hôpitaux, était également manifeste dans tout le processus universitaire. Mentionnons à titre d'illustration la cérémonie de la messe du Saint-Esprit du début de l'année universitaire, au cours de laquelle les professeurs permanents devaient prêter le serment anti-modernisme et s'engager à ne pas enseigner les erreurs modernes énumérées dans le Syllabus de Pie IX.

La syndicalisation à l’Université de Montréal

À l’Université de Montréal, les premiers balbutiements de l’action associative se sont manifestés dans les années 1930, au cœur de la longue dépression qui a suivi la crise de 1929, par la formation d’un « Comité des professeurs » dont la fonction était de protester contre des suspensions successives, pendant plusieurs mois en 1932 et 1933, de la rémunération des professeurs et de les représenter à cette fin auprès du gouvernement. Il s’agissait, comme l’écrit Jacques Rouillard, d’une intervention de type communautariste, non pas dirigée contre l’administration, mais visant plutôt à l’aider à obtenir des fonds du gouvernement. Cette intervention marquait néanmoins une première action collective des professeurs, même si elle relevait d’une conscience collective se situant au niveau associatif et non encore syndical : les professeurs voulaient revendiquer et être entendus de l’Université, mais pas au prix de sacrifier l’harmonie et l’esprit communautaire qui les animaient [4]. Pour la petite histoire, l’un des instigateurs de ce « Comité des professeurs » était le célèbre botaniste auteur de Flore laurentienne, le frère Marie-Victorin.

À cette première action collective a succédé la fondation en 1945 de l’Association des professeurs de la Faculté des sciences de l’Université de Montréal, dont le secrétaire était le biologiste et futur grand vulgarisateur scientifique, Fernand Seguin. Cette association est devenue, le 12 mars 1947, la première association facultaire accréditée de professeurs d’université, vingt-trois ans avant l’AIPSA. Mais les difficultés d’une action facultaire isolée confinée aux sciences désignaient la nécessité d’une action englobant l’ensemble du corps professoral.

L’Association des professeurs de l’Université de Montréal (APUM) a ainsi vu le jour le 20 avril 1955, une association non accréditée qui était fondée sur une volonté de collaboration avec l’administration et qui a rapidement été contestée par une fraction plus radicale du corps professoral, porteuse d’un autre projet, celui d’un syndicat militant concevant son rapport avec l’administration comme un rapport de forces entre parties ayant des intérêts conflictuels et nourrissant le projet d’un regroupement des syndicats de professeurs de toutes les universités du Québec pour faire front commun face à l’État et négocier avec lui les conditions de travail des professeurs [5].

Est ainsi né le Syndicat des professeurs de l’Université de Montréal (SPUM) le 1er décembre 1966, minoritaire, mais qui visait à terme l’accréditation et prônait l’affiliation à la CSN. Parmi les protagonistes de ce projet se trouvait notamment le sociologue Guy Rocher. Fait à noter, le projet de syndicalisation des professeurs a été rejeté par les professeurs par voie de référendum en avril 1967. Face à son incapacité avérée de recruter le nombre suffisant de membres pour solliciter l’accréditation, le SPUM s’est tourné vers la formation, en association avec l’APUM, d’une organisation unique, le Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM), qui a tenu son assemblée de fondation le 1er mars 1972 et obtenu son accréditation le 9 juillet 1975.

Il faut souligner le fait que le projet du SPUM était une première forme d’action autonome visant à englober l’ensemble du corps professoral, dirigée contre l’administration identifiée comme faisant partie d’un autre camp et défendant des intérêts opposés. Il s’agissait d’une première initiative de rupture avec l’organicisme, c’est-à-dire avec cette vision de l’université conçue comme un organe ou un corps dont toutes les composantes œuvrent en harmonie en vue d’un but commun.

Créée en 1955, l’APUM a adhéré à l’Association canadienne des professeurs d’université (ACPU) de 1956 à 1975. Elle a adhéré en 1964 à l’Association des professeurs d’université de langue française du Québec (APULFQ), puis à la Fédération des associations de professeurs d’université du Québec (FAPUQ), successeure de l’APULFQ, fondée le 18 novembre 1967. Dès sa fondation, le SGPUM a décidé en assemblée générale, à la majorité des voix (80 %), d’adhérer à la FAPUQ, de préférence à la CSN et à la CEQ. Il a renoué avec l’ACPU en 1979 pour la quitter en 1988.

Comme l’explique Jacques Rouillard, longtemps réticents à l’égard de leur propre action syndicale et distants face aux salariés des autres secteurs, les professeurs de l’Université de Montréal ont également éprouvé des difficultés chroniques face à la solidarité intersyndicale universitaire, au sein de la FAPUQ d’abord (la professeure Marie-Andrée Bertrand de l’Université de Montréal, pendant un temps présidente de la FAPUQ [6], parlait de la « grippe récurrente » du SGPUM pour caractériser les continuelles remises en question de son adhésion à la fédération), puis au sein de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), à laquelle ils se sont affiliés dès sa fondation en mai 1991 et dont ils se sont désaffiliés le 18 mai 2005.

Ils en arrivaient ainsi paradoxalement en octobre 2005 à recourir au moyen syndical ultime de la grève en tournant le dos à la majorité des professeurs d’université syndiqués du Québec pour s’aligner de manière élitiste sur « le groupe de référence des grandes universités de recherche du Canada », désigné comme le G10 et constitué, avec l’UdM, des universités McGill, Laval, McMaster, Queen’s et Western, et des universités de Toronto, de Waterloo, d’Alberta et de Colombie-Britannique, épousant ainsi, comme l’écrit Rouillard, le discours de la direction de l’Université [7].

La syndicalisation à Laval et à Sherbrooke

À l’Université Laval et à l’Université de Sherbrooke, on a commencé par créer des associations désignées comme des « associations de professeurs de carrière », l’APCUL à Laval et l’APCUS à Sherbrooke. Fondée le 15 janvier 1951, l’APCUL s’est affiliée dès le départ à l’ACPU. Elle a pris le nom d’Association des professeurs de l’Université Laval (APUL) au début de 1963 et elle a été reconnue comme syndicat professionnel (ne pouvant recourir à la grève) en mai 1966. Elle a contribué à la mise au monde de la FAPUQ à laquelle elle a adhéré dès sa fondation en 1968.

À la suite d’un constat d’échec des négociations avec l’Université en 1971-1972, des membres de l’APUL ont lancé le processus de formation d’un syndicat, qui a donné lieu à la naissance du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) le 30 avril 1974 et à son accréditation le 31 janvier 1975. En conclusion d’un débat parmi les membres, il a été décidé d’exclure les directeurs de département de l’unité d’accréditation.

Un débat sur l’affiliation a également eu lieu, au terme duquel la FAPUQ, par une majorité de 78 %, a été préférée à la CSN, à la CEQ et au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), rattaché à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), qui était déjà implanté chez les employés de soutien universitaires. Contrairement à l’APUL, le SPUL n’a pas adhéré à l’ACPU, mais y a participé par l’intermédiaire de la FAPUQ [8].

Un élément déclencheur, le non-renouvellement des contrats de neuf professeurs au début de 1976, conjugué à l’impasse dans la négociation de la convention collective, a précipité le déclenchement, le 7 septembre 1976, d’une grève qui s’est terminée le 23 décembre de la même année et qui a donc duré 107 jours. Cette grève a été menée en partie simultanément avec celle du SPUQ, déclenchée le 18 octobre 1976 pour se terminer le 17 février 1977, qui a duré 122 jours. Au cours de ces deux grèves, de nombreuses actions conjointes et manifestations de solidarité ont été menées par les deux syndicats.

À Sherbrooke, l’APCUS s’est affiliée en 1964 à l’Association des professeurs d’université de langue française du Québec (APULFQ). Elle a pris, en 1967, le nom d’Association des professeurs de l’Université de Sherbrooke (APUS). En proie à « un esprit facultaire, conscient de ses particularités et jaloux de ses privilèges », comme l’expriment Andrée Désilets et Louise Brunelle-Lavoie, les biographes de ses dix premières années [9], réfractaire à la formule d’un syndicat unique, elle s’est tournée vers le projet de formation d’une fédération décentralisée qui regrouperait les différents syndicats facultaires (FSPUS). Fondée en 1972, cette fédération a été dissoute un an plus tard [10].

Six demandes d’accréditation (pour les facultés d’Administration, des Arts, de Droit, des Sciences, des Sciences de l’éducation et de Théologie) ont été déposées, auxquelles l’administration de l’Université s’est opposée avec l’appui de la Conférences des recteurs et principaux des universités du Québec (CRÉPUQ), toutes deux favorables à un syndicat unique [11]. À la suite du rejet des six demandes par le commissaire-enquêteur en 1972, le SPPUS a été fondé comme syndicat unique en avril 1973 et accrédité le 5 février 1974 pour représenter les professeurs, y inclus les directeurs de département [12]. S’appuyant sur cette décision, l’Université a déposé une requête pour la désaccréditation de l’AIPSA, qui a été rejetée par le commissaire-enquêteur en invoquant le fait que l’Université ne s’était pas opposée en 1970 à cette demande d’accréditation et qu’« on ne peut invoquer sa propre turpitude pour faire révoquer une accréditation accordée de bon droit par un enquêteur » [13].

Par voie de référendum en mars 1974, une majorité de 77 % des voix s’est exprimée en faveur d’une affiliation à la FAPUQ, de préférence à la CSN et à la CEQ, qui a donné lieu à une affiliation immédiate. Par l’intermédiaire de Mario Dumais, professeur au département de Service social et président fondateur du SPUQ en 1970, la CSN a tenté une campagne de maraudage en octobre 1975, mais sans succès [14].

En marge du mouvement de regroupement des professeurs au sein d’associations à vocation générale, s’est constituée en 1969 l’Association des médecins cliniciens enseignants du Québec (AMCEQ), qui a été accréditée en 1975 pour représenter les médecins cliniciens enseignants de l’Université Laval et en 1976 pour représenter ceux de l’Université de Montréal. Elle s’est divisée en 1990 pour former l’AMCEL (Laval) et l’AMCEM (Montréal) [15].

De la FAPUQ à la FQPPU

À partir de 1977, d’intenses débats ont été menés au sein de la FAPUQ sur sa capacité à répondre aux besoins de ses associations affiliées, voire sur le bien-fondé de son existence. Dans les rangs du SPUL notamment s’est posée la question du maintien de son adhésion à la fédération [16] et de l’orientation à lui donner : devait-elle demeurer un club d’universitaires se limitant à discuter des orientations de l’université et à offrir des services ou se transformer en une véritable fédération syndicale, option favorisée par lui ?

Le SPUL disait aussi souhaiter que la FAPUQ promeuve le développement de solidarités et d’alliances avec d’autres organismes syndicaux, y compris la création d’un front commun avec la CSN et la CEQ. Insatisfait, comme d’autres syndicats membres, des services offerts par la FAPUQ et du niveau jugé trop élevé des cotisations qu’elle exigeait, insatisfait aussi de l’orientation des débats au sein d’une fédération de plus en plus critiquée et traversée par une crise qui a donné lieu à une cascade de démissions au sein de sa direction et parmi ses conseillers, il s’en est désaffilié le 1er mai 1986 [17].

Simultanément, s’était développée depuis le début des années 1980 une instance de concertation sur les enjeux de la négociation des conventions collectives entre la FAPUQ et les syndicats professoraux qui n’en étaient pas membres, syndicats indépendants ou membres de la CSN et de la CEQ, connue comme l’Intersyndicale des professeurs des universités québécoises (IPUQ). L’intérêt porté à l’IPUQ par de nombreux syndicats a fini par lui donner à partir de 1986 le statut d’une organisation rivale et concurrente de la FAPUQ, dans laquelle le SPUL notamment s’est engagé.

Tout aussi insatisfait de la FAPUQ que le SPUL, le SGPUM a opté, lui, pour y rester, confiant de pouvoir contribuer à son redressement sous la gouverne d’un nouveau président, Marcel Fournier, sociologue de l’Université de Montréal, élu en 1986. Le SGPUM a également décidé de quitter l’IPUQ alors que celle-ci élargissait progressivement son champ d’action jusqu’à devenir, à la fin des années 1980, une authentique organisation rivale, non seulement de la FAPUQ, mais aussi de la CSN et de la CEQ, auxquelles étaient affiliés la plupart des syndicats de professeurs d’université.

Dans la perspective de surmonter cette dispersion des forces, l’IPUQ a, dès 1987, mis sur pied un comité pour faire la promotion de la création d’une nouvelle fédération. Ce comité était composé de Suzanne Tremblay du SPPUQAR, Marc Lagana du SPUQ et Denise Piché du SPUL. Quatre ans plus tard, le 16 mai 1991, grâce au solide concours de Marcel Pepin, ancien président de la CSN devenu professeur au département de relations industrielles de l’Université de Montréal, de Michel Campbell, professeur de théologie à l’Université de Montréal et président de la FAPUQ, et de Roch Denis, président du SPUQ, naissait la FQPPU, qui regroupait l’année suivante 17 des 19 syndicats de professeurs d’université. Michel Campbell en a été le premier président, de 1991 à 1993, et Roch Denis le deuxième, de 1993 à 1999. Le SPUL qui y a adhéré le 10 avril 1992 s’en est désaffilié en novembre 2004, puis s’est réaffilié à l’ACCPU en 2011. Le SGPUM a lui aussi quitté la FQPPU le 18 mai 2005, de sorte qu’aujourd’hui, les deux plus gros syndicats de professeurs d’université au Québec, le SGPUM et le SPUL, demeurent à l’extérieur de la fédération unifiée qui a été créée avec l’objectif de réaliser la concertation et la solidarité entre tous les syndicats de professeurs d’université au Québec [18].

La solidarité intersyndicale universitaire

L’histoire du syndicalisme universitaire est aussi celle du syndicalisme des employés de soutien et des chargés de cours, et de l’action militante étudiante. Cette histoire a été marquée par de nombreuses manifestations de solidarité et actions communes, locales et nationales, mais aussi par des tensions, notamment entre professeurs et chargés de cours sur fond de raréfaction des ressources et de sous-financement de l’université, dont l’une des conséquences est un recours excessif à cette main-d’œuvre précaire et sous-payée que sont les chargés de cours. Des positions radicalement opposées quant à la place que devraient occuper les chargés de cours dans la réalisation du mandat de l’université ont été exprimées dans les années 1990 par la FQPPPU et le Regroupement des chargés de cours (RCC) de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) [19].

Contre la position défendue par le RCC selon laquelle un « partage du travail » universitaire devrait être réalisé entre professeurs et chargés de cours considérés comme des « enseignants » substituables, et qu’on devrait confier principalement aux chargés de cours les tâches d’enseignement pour lesquelles ils seraient mieux qualifiés que les professeurs, alors que les professeurs devraient s’occuper principalement de recherche, la FQPPU a défendu la conception de la fonction professorale universitaire comme combinant nécessairement l’enseignement et la recherche, le but de l’université étant de faire avancer la connaissance et de la diffuser et non de se limiter à la faire avancer, ce qui serait la fonction d’un institut de recherche, ou à la diffuser, ce qui serait le cas d’un établissement de niveau collégial.

Permanence et sécurité d’emploi au sein d’un corps professoral stable étant des conditions essentielles de la liberté académique, un nombre adéquat de postes de professeurs réguliers est la garantie de la qualité de l’université, qui ne saurait reposer sur l’institutionnalisation de la précarité. Il va sans dire que dans sa situation particulière de double affiliation à la CSN et à la FQPPU, le SPUQ s’est trouvé dans la position délicate de défendre avec la FQPPU la seule conception valable de l’université.

La dénonciation par la FQPPU du grave sous-financement dont les universités sont victimes s’est également trouvée en conflit, pendant le « printemps érable » de 2012, avec la thèse alors soutenue par le mouvement étudiant selon laquelle nous aurions eu à subir non pas un sous-financement, mais un « mal-financement » de l’université, dont on pourrait en somme se débarrasser par une simple saine gestion de la précarité. Une conséquence percutante de ce « mal-financement » est le transfert de fonds des budgets de fonctionnement des universités vers leurs budgets d’investissement, aspect qui a été largement documenté par la FQPPU, notamment par les travaux de Michel Umbriaco, sans pourtant nier, il va sans dire, l’existence du sous-financement.

Sur le plan des relations entre les divers intervenants du monde universitaire, je soulignerai en terminant l’heureuse réalisation qu’a été la création de la Table de concertation des partenaires universitaires. Cette table réunit onze organisations représentant les professeurs, les chargés de cours, les employés de soutien et les étudiants, qui se sont prononcées à l’unisson à diverses reprises sur des enjeux universitaires, en particulier pendant le printemps érable de 2012. Cette table dont la composition a varié, en particulier, en raison des transformations continuelles des organisations étudiantes, était au départ constituée des organismes suivants :

  • la Fédération québécoise des professeurs et professeures d'université (FQPPU),
  • la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec (FNEEQ-CSN),
  • l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ),
  • la Fédération du personnel professionnel de l'université et de la recherche (FPPU),
  • la Fédération des professionnèles (FP-CSN),
  • la Table des syndicats universitaires (TSU-CSQ),
  • le Conseil provincial du secteur universitaire du Syndicat canadien de la fonction publique (CPSU-SCFP-FTQ),
  • la Fédération des associations étudiantes québécoises en éducation permanente (FAEUQEP),
  • le Conseil québécois des syndicats universitaires (CQSU-AFPC),
  • la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ).

Le 25 novembre 2010, la Table des partenaires universitaires a rendu public son Manifeste de l’université québécoise, sous-titré Pour une université libre, accessible, démocratique et publique.

En somme, quatre décennies après l’accréditation, au tournant des années 1970, des premiers syndicats de professeurs d’université au Québec, beaucoup de chemin a été parcouru. Dans toutes les universités, sauf McGill, d’authentiques syndicats sont désormais en mesure de négocier les conditions de travail des professeurs et d’intervenir non seulement sur ce plan, mais aussi sur l’ensemble des enjeux universitaires et la défense de la qualité de l’université. Les bases ont par ailleurs d’ores et déjà été posées pour que des interventions concertées avec les autres syndicats universitaires et les associations étudiantes soient menées. Il faut regretter cependant que le poids réel de la fédération qui est au centre de cette intervention concertée, celle des professeurs, soit actuellement diminué en raison de l’absence de deux syndicats dont l’importance est prépondérante, le SGPUM et le SPUL. Sans excès d’optimisme, souhaitons que ce handicap soit surmonté dans les meilleurs délais.



[1] Voir Louis Gill, Trente ans d’écrits syndicaux. Contribution à l’histoire du SPUQ, Montréal, Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM, 2002.

[2] Jacques Rouillard, Apprivoiser le syndicalisme en milieu universitaire. Histoire du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal, Montréal, Boréal, 2006.

[3] Voir Benoît Beaucage, Les trente ans du SPPUQAR (1973-2003). Une histoire de ténacité et de solidarité, publié par le SPPUQAR, et la brève historique, signée par Benoît Beaucage et Mélanie Gagnon, présentée sur le site internet du syndicat.

[4] Rouillard, ouvrage cité, p. 229-230.

[5] Idem, p. 72.

[6] Voir Rouillard, p. 144 et 208.

[7] Idem, p. 225.

[8] Voir Louise Pettigrew, Une histoire de solidarité syndicale. Les 25 ans du Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (1974-1999), publiée par le SPUL, 1999, p. 45. Le SPUL a été associé à l’ACPPU de 1976 à 1994 (voir le bulletin du SPUL, le spultin, vol. 22, no 1, de janvier 2011).

[9] Andrée Désilets et Louise Brunelle-Lavoie, Histoire d’un syndicat universitaire, le SPUS, 1973-1983, Sherbrooke, SPUS, 1984, p. 9.

[10] Idem, p. 12-13.

[11] Idem, p. 14.

[12] Idem, p. 22.

[13] Idem, p. 22.

[14] Idem, note 18, p. 24.

[15] Il existe aussi une association facultaire indépendante non accréditée, l’Association des professeures et professeurs de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke (APPFMUS), constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels.

[16] Sur cette question, voir Jacques Rouillard, ouvrage cité, p. 146-150, et Louise Pettigrew, ouvrage cité, p. 33-135.

[17] Pettigrew, ouvrage cité, p. 100-103.

[18] Pour les faits saillants de l’histoire des vingt premières années de la FQPPU, voir Pierre Hébert, La Fédération québécoise des professeurs et professeures d’université. Rempart de la « cité universitaire » depuis vingt ans (1991-2011), Montréal, FQPPU, 2011.

[19] Voir Louis Gill, ouvrage cité, p. 317-354.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 9 décembre 2017 5:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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