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Collection « Les sciences sociales contemporaines »


“Politique linguistique.
Feu vert à l'anglais dans la formation sur mesure (2004)
Louis Gill, économiste
Professeur retraité de l'Université du Québec à Montréal

gill.louis@uqam.ca


«Politique linguistique. Feu vert à l'anglais dans la formation sur mesure », Un article publié dans le SPUQ-Info, no 238, septembre 2004, pp. 10-11. [Autorisation accordée par l'auteur le 4 janvier 2005 de diffuser ce texte.]

Alea jacta est ! La politique linguistique que l'UQAM a adoptée en avril dernier donne le feu vert à l'usage d'autres langues que le français dans les cours de formation sur mesure. On se souviendra que cela était l'une des recommandations du controversé Rapport Bélanger « sur l'intégration des étudiants allophones et la langue d'enseignement », rendu public en 2002, qui avait alors fait l'objet de vives discussions. Fort heureusement, la politique linguistique adoptée tourne le dos à l'esprit de ce rapport et rejette l'essentiel de ses recommandations, dont celle qui prévoyait que 10 % des cours de premier cycle soient dispensés dans une autre langue. Mais, alors que dans des versions antérieures du projet débattu, elle prévoyait que les cours de formation sur mesure seraient donnés en français et que l'UQAM négocierait des ententes de réciprocité avec des universités anglophones lorsque des demandes de cours en anglais lui seraient adressées, la version définitive n'a pas retenu cette disposition.

Elle stipule dans un premier temps que l'UQAM offre ses cours de formation sur mesure en français, ce qui ne veut pas dire qu'elle les dispense nécessairement en français, pour rendre immédiatement sans effet ce principe déjà ambigu en stipulant que « lorsque des demandes de formation dans une autre langue que le français lui sont adressées…, elle négocie des ententes, selon les cas (avec qui ?), en vue de répondre aux besoins exprimés ». On comprendra qu'en supprimant toute référence à la négociation d'ententes de réciprocité avec des universités anglophones dans les cas de demandes de formation en anglais, l'UQAM se donne le feu vert pour donner elle-même ces cours en anglais.

« Prendre position » en faveur de la concurrence ?

On en serait venu à abandonner cette disposition en considérant qu'on se « tirerait dans le pied » si on agissait autrement, les autres universités francophones ne se gênant pas, elles, pour donner des cours de formation sur mesure en anglais. Voilà une lamentable démission face à la responsabilité de l'UQAM en tant qu'université francophone. Voilà aussi ce qu'on pourrait appeler, pour reprendre le thème de l'actuelle campagne de financement de l'UQAM, une « prise de position » en faveur de la concurrence entre universités pour la conquête des lucratifs contrats de formation sur mesure réclamés par la grande entreprise comme celui de Bombardier perdu en 2001 aux mains de l'Université de Sherbrooke, et cela à l'heure d'un remarquable tournant de l'UQAM vers le monde des affaires au cœur de sa campagne de financement. Pourtant, le recteur n'a-t-il pas exprimé publiquement lors de la course au rectorat en 2001 son regret de voir les universités « se livrer concurrence sur le terrain d'un enjeu national aussi critique et sensible que celui de la langue » ?

Il est déplorable que l'UQAM ait choisi la voie dans laquelle elle avait été, sous le veto du SPUQ, contrainte de ne pas s'engager en 2001 lorsqu'elle avait décliné le contrat de Bombardier qui, plus de vingt ans après l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française, ne s'était toujours pas conformé aux exigences du français au travail et dont elle aurait implicitement cautionné le mépris de la Charte en acceptant sa demande de former des cadres en anglais. Sur cette lancée et en s'en tenant fermement au seul usage du français pour les cours qu'elle dispense, elle était des mieux disposées pour intervenir auprès du gouvernement, non pas pour lui demander un simple avis « sur l'interprétation à donner à la politique linguistique québécoise » en matière d'enseignement universitaire sur mesure, comme le proposait la première version du projet de politique linguistique soumise par la direction en septembre 2003, mais pour réclamer de lui qu'il prenne des mesures énergiques pour enrayer l'actuelle dérive des universités francophones dans l'usage de l'anglais comme langue d'enseignement, qu'il réaffirme à cet effet les mandats respectifs donnés par la société québécoise aux universités francophones et anglophones et édicte des règles communes s'appliquant à toutes les universités dans le respect de leurs compétences linguistiques.

S'affirmer par la mollesse ?

La renonciation de l'administration de l'UQAM à sa responsabilité à cet égard n'est pas sans lien avec son refus d'exprimer sans ambiguïté dans la politique linguistique que l'Université entend tout mettre en œuvre pour que le français soit véritablement la langue d'un établissement « s'affirmant comme université francophone ». On lit en effet dans les clauses de la politique intitulées « Objectifs », « Énoncé de principes » et « Emploi du français », que l'Université entend promouvoir l'emploi du français et en améliorer la qualité, qu'elle valorise l'usage d'une langue de qualité, et qu'elle prône l'emploi du français…

L'usage timide des verbes promouvoir, valoriser et prôner ne peut que semer des doutes quant à l'aptitude de cette politique linguistique à véritablement affirmer le caractère francophone de l'UQAM. Si on peut établir une gradation dans la mollesse, le mot prôner est sans doute le pire des trois, sa signification, selon le dictionnaire, étant : « vanter, recommander vivement avec insistance ». Quelle édifiante vigueur dans l'affirmation du français! N'aurait-on pas été en droit de s'attendre à ce qu'on utilise, par exemple, les expressions garantir, avoir pour objectif prioritaire de et se porter garante de, au lieu des verbes promouvoir, valoriser et prôner ? Or, ces propositions, amenées par le SPUQ et acheminées à l'administration par les membres professoraux du comité de la Commission des études chargé de réviser le projet de politique, n'ont pas été retenues. Même réticences à l'égard de la proposition syndicale relative à la langue du site Internet de l'UQAM et des sites qu'il héberge. Même si des améliorations ont été apportées en cours de route, le texte de la politique demeure en deçà de l'énoncé des règles édictées par le SIRP et le SITEL quant à la langue d'usage du site de l'UQAM.

Enfin, une politique qui entend promouvoir l'emploi du français et en améliorer la qualité se doit au minimum de respecter ce principe pour ce qui est de sa propre rédaction. En dépit d'une nette amélioration grâce aux nombreuses corrections proposées, en particulier par le SPUQ, plusieurs formulations malheureuses subsistent qu'il serait inapproprié d'énumérer ici, parmi lesquelles l'obstination à conserver l'expression « site Web » qui est un anglicisme, en lieu et place de « site Internet » qui est l'expression correcte en français. Ces corrections devraient être apportées à la politique qui devrait être soumise à une révision linguistique rigoureuse avant d'être rendue publique.

Pour ce qui est des questions de fond soulevées dans cet article, il faut souhaiter que le débat se poursuive, même si l'accouchement de la politique a été le résultat d'un processus laborieux. Il faut, à mon avis, absolument et le plus rapidement possible, corriger le tir sur la question des cours de formation sur mesure. La défense de l'université francophone est un enjeu qui déborde l'UQAM, mais je suis convaincu que l'UQAM peut et doit jouer un rôle d'initiative majeur dans cette défense.


Fin


Revenir au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste, professeur retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 février 2007 19:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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