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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “La nécessité d’une Charte de la laïcité. Les enseignements du passé.” Un article publié dans le journal LA PRESSE, Montréal, édition du 20 mars 2014. [Texte diffusé en accès libre et gratuit à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 11 juin 2014.]

Louis Gill

La nécessité d’une Charte de la laïcité.
Les enseignements du passé
.”

Un article publié dans le journal LA PRESSE, Montréal, édition du 20 mars 2014.


L’opinion publique a été troublée l’automne dernier par cette demande d’un étudiant de l’Université York de Toronto d’être exempté, au nom de ses croyances religieuses, d’activités d’enseignement où il aurait été en contact avec des étudiantes. On sait que l’administration de l’Université avait accepté de lui accorder cet accommodement déraisonnable, mais que le professeur qui dispensait le cours a refusé d’obtempérer et que l’étudiant a docilement accepté de se conformer. Cet événement peut apparaître comme un cas d’exception sans conséquences. Détrompons-nous. Nous avons connu un cas du même genre, mais d’une envergure considérablement plus large au Québec il n’y a pas si longtemps.

Au cours de l’année universitaire 1999-2000, ce n’est pas un étudiant isolé mais une communauté entière, la communauté juive hassidique de Montréal qui, par l’intermédiaire du Torah and Vocational Institute of Montreal (TAV), a demandé et obtenu de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) que des programmes universitaires complets lui soient dispensés sur une base de discrimination non seulement religieuse, mais également sexuelle et linguistique.

En l’absence de dispositions légales qui l’en auraient empêchée, comme une Charte de la laïcité, la haute administration de l’UQAM, sans aucune consultation de la communauté universitaire, ni de la Commission des études qui est pourtant l’ultime autorité en matière d’enseignement et de recherche, avait en effet unilatéralement signé un contrat avec le TAV. En vertu de ce contrat, des cours étaient dispensés à des étudiants et étudiantes hassidiques en vase clos et en anglais, femmes d’un côté, hommes de l’autre, tant pour les enseignants (non hassidiques) que pour les étudiants. Le TAV avait également souhaité imposer un code vestimentaire qui aurait interdit aux enseignantes le port du pantalon. Tout cela dans une université publique qui était officiellement laïque et francophone et qui exhibait fièrement son engagement envers l’égalité des hommes et des femmes.

Dès qu’il a été averti de la signature de cette entente entre l’UQAM et le TAV, au début de la session d’automne, le Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM (SPUQ) a entrepris une bataille à finir pour en obtenir la résiliation. Celle-ci a été décidée au mois d’avril suivant à la suite d’une recommandation en ce sens de la Commission des études. Le TAV a alors engagé une bataille juridique contre l’UQAM, l’accusant de discrimination et d’intolérance, et demandé une injonction, qui lui a été refusée, pour obtenir le maintien du contrat.

Le temps passe, les dérives persistent

Contre tout bon sens, la haute administration de l’UQAM avait soutenu qu’en adaptant son enseignement aux besoins spécifiques d’une confession religieuse, elle faisait preuve d’avant-gardisme et que la voie de l’enseignement ghettoïsé était, pour les femmes juives hassidiques, celle de la sortie de leur isolement ! On constate que si le temps passe, les mêmes dérives de jugement persistent. On entend en effet aujourd’hui des propos analogues pour ce qui est du port du voile islamique qui, loin d’être un symbole de l’infériorisation des femmes, serait plutôt la voie de leur intégration dans la société, stimulerait leur émancipation et serait un gage de leur abandon volontaire futur de ce voile.

Avec la même attitude que celle qui les motive à proférer des accusations de racisme, de xénophobie et d’islamophobie à l’endroit des opposants au port de signes religieux ostensibles dans les services publics, les « inclusivistes » d’aujourd’hui auraient-ils alors accusé d’antisémitisme les opposants au contrat TAV-UQAM qu’étaient le SPUQ et la vaste majorité des professeurs de l’UQAM ? Ceux-ci, il faut le préciser, avaient massivement refusé d’endosser l’initiative rétrograde de leurs administrateurs et avaient reçu de très nombreux appuis de professeurs d’autres universités et de la population en général, dans une situation où la sensibilité de la question juive ne pouvait pas servir de prétexte à l’inaction dans la défense de la neutralité religieuse de l’université. Pas plus que ne le devrait aujourd’hui la nouvelle question délicate de l’heure, celle de l’islam.

Un argument qui m’agace au plus haut point revient continuellement depuis que le débat sur le projet de Charte a été lancé : ce projet serait inutile parce qu’il voudrait régler des problèmes imaginaires, qui ne se seraient jamais posés ou qui ne se posent pas actuellement. Or, le problème du contrat TAV-UQAM d’il y a quinze ans rappelé dans cet article était fort réel, tout comme celui qui s’est posé récemment à l’Université York. Il ne laisse aucun doute quant au besoin d’une Charte de la laïcité. Par ailleurs, d’où vient cette prétention selon laquelle il ne faudrait agir qu’en réaction à un événement survenu et pour éviter qu’il se reproduise ? Une société responsable est une société qui a le courage d’affirmer ses principes, qui prévoit et qui ne se limite pas à réagir. Vivement une charte de la laïcité !



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 1 octobre 2014 15:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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