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Collection « Les sciences sociales contemporaines »


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, Michaëlle Jean et le poste de gouverneur général. Une question qui interpelle tous les républicains au Canada”, L’Action nationale, vol. XCV, numéros 9 et 10, décembre 2005, pp. 36-38. Des extraits de cet article ont été publiés dans La Presse, édition du 27 septembre 2005, p. A 25. [Avec l'autorisation de l'auteur accordée le 24 janvier 2006.]
“Michaëlle Jean et le poste de gouverneur général.
Une question qui interpelle tous les républicains au Canada.”

par Louis Gill, économiste, département de sciences économiques, UQAM.
décembre 2005.

Le débat relatif à la nomination de Michaëlle Jean au poste de gouverneur général est apparu jusqu'à maintenant comme un débat se déroulant essentiellement entre souverainistes et fédéralistes. Pourtant cette question interpelle tous les républicains du Canada, qu'il soient du Québec ou des autres provinces, qu'ils soient francophones ou anglophones, nés au Canada ou d'origine étrangère. Pour s'en convaincre, rappelons d'abord quelques faits historiques. 

On oublie trop souvent que le mouvement des patriotes de 1837-1838 n'avait rien d'un mouvement exclusif au Québec d'alors, qu'on appelait le Bas-Canada. La révolution démocratique et nationale de 1837-1838 a au contraire été un mouvement simultané mené de manière indépendante mais en solidarité par la population anglophone du Haut-Canada et la population francophone du Bas-Canada. Les revendications des révolutionnaires anglophones comme celles des révolutionnaires francophones étaient la fin de l'allégeance à la Grande-Bretagne, l'instauration de la République, la reconnaissance des droits et libertés de tous les citoyens, l'abolition des discriminations à l'égard des autochtones, la rupture des liens entre l'Église et l'État, l'expropriation des terres dites de la Couronne, du clergé et des spéculateurs privés, l'élection de délégués du peuple à une Assemblée constituante afin d'élaborer démocratiquement une constitution. Ces aspirations des deux peuples ont été écrasées par l'Empire britannique qui leur a imposé trente ans plus tard, en 1867, la structure constitutive de l'État fédéral canadien consignée dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB), loi adoptée par le Parlement de Londres sans consultation de la population et qui ne faisait droit à aucune des aspirations démocratiques du mouvement de 1837-1838.

Ceux qui ont été appelés les « Pères de la Confédération » et qui agissaient au nom de l'Empire ne laissaient aucun doute quant à la nature du projet. Pour John MacDonald, il fallait qu'il soit adopté par le Parlement britannique sans créer d'écho au sein d'une population qui apprendrait vite à s'y faire, une fois adopté sans possibilité de recours. Pour Georges-Étienne Cartier, le principe monarchique devait être le principal caractère de la fédération, à l'inverse du principe démocratique implanté aux États-Unis affranchis de la Couronne britannique, où régnait désormais ce qu'il appelait avec crainte et mépris « le pouvoir de la populace ». Ce principe monarchique, il va sans dire, s'incarne toujours aujourd'hui au plus haut niveau dans la personne du chef d'État, qui est non pas un Canadien ou une Canadienne, mais le roi ou la reine d'Angleterre. Il est difficile d'imaginer qu'une telle aberration ne constitue pas un affront pour tous les républicains canadiens, c'est-à-dire pour tous les héritiers, anglophones et francophones, du mouvement démocratique de 1837-1838, et non pour les seuls souverainistes du Québec. On comprend donc que la fonction de gouverneur général, tout insignifiante qu'elle soit en tant qu'elle se résume à un futile rôle de figuration, de caution et d'exécution béate de décisions prises ailleurs, demeure la plus éclatante expression d'une révolution démocratique anticoloniale inachevée et de la soumission des Canadiens à un roi ou à une reine, d'un pays étranger par surcroît. 

Ce fait est d'autant plus frappant lorsqu'on constate que celle qui vient d'accepter le poste de gouverneur général est originaire d'un pays dont l'immense gloire est d'avoir renversé en 1804 le joug colonial français et de s'être constitué en République indépendante. Le peuple haïtien est en effet le premier peuple noir à avoir conquis son indépendance nationale, en même temps qu'il abolissait l'esclavage. C'est en prenant constamment appui sur cette victoire historique qu'il a réussi à survivre comme État indépendant face aux convoitises impérialistes et à maintenir la flamme de l'aspiration démocratique à travers deux siècles de lutte contre des régimes dictatoriaux. N'est-il pas paradoxal de voir aujourd'hui une représentante du peuple haïtien monter aux barricades pour soutenir l'institution réactionnaire que son peuple a si courageusement renversée il y a deux cents ans ? N'est-il pas tout aussi étonnant de voir des Haïtiens héritiers de cette glorieuse lutte d'émancipation nationale et sociale considérer comme un honneur qu'une de leurs compatriotes soit appelée à porter le flambeau de la monarchie et de la soumission nationale qui, chez eux, font désormais partie de la préhistoire ?


Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 février 2007 19:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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