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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La grève étudiante de 1978 en économie à l’UQAM : l’enjeu du pluralisme
et de la réflexion critique dans la formation universitaire en économie
.” (2014)
Introduction et contexte


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “La grève étudiante de 1978 en économie à l’UQAM : l’enjeu du pluralisme et de la réflexion critique dans la formation universitaire en économie.” Un article publié dans la revue le Bulletin d’histoire politique, volume 22, no 2, printemps 2014, p. 189-235. [Texte diffusé en accès libre et gratuit à tous dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 11 juin 2014.]

Introduction


Il y a 35 ans, en 1978, les étudiants du module d’économie de l’UQAM ont mené une grève de six semaines, du 16 février au 29 mars, dont l’objet était la reconnaissance d’un droit de regard sur le contenu et la qualité de leur formation et la défense d’un enseignement pluraliste [1]. Cette grève était l’aboutissement d’un mouvement qui a pris racine dès la création de l’UQAM, en 1969. Pourquoi revenir aujourd’hui sur cet événement qui a eu lieu il y a 35 ans ? Parce qu’il posait la question de fond de la nature de l’université, celle d’une institution qui allie indissolublement la réflexion critique à la formation et à la recherche et offre en conséquence un enseignement pluraliste. Même si la grève de 1978 n’a directement impliqué qu’un nombre restreint d’étudiants concentrés dans un seul secteur, son enjeu concernait et concerne toujours l’ensemble de l’université. Cet enjeu, il va sans dire, demeure aujourd’hui d’une brûlante actualité.

Le contexte

La grève de 1978 en économie à l’UQAM s’inscrit dans la forte mobilisation impulsée par la grève générale de mai 1968 en France qui a donné lieu, en 1969 au Québec, à la grève avec occupation dans des facultés universitaires et de nombreux cégeps, quelques mois après leur création à l’automne 1968, à la grève du quotidien La Presse de Montréal en 1971 à la suite de laquelle le président de la FTQ, Louis Laberge, parlait de la nécessité de « casser le régime », à la grève générale des 200 000 salariés des secteurs public et parapublic au printemps 1972, qui a pris une allure quasi insurrectionnelle avec la prise temporaire du pouvoir local par les syndicats dans certaines villes comme Sept-Îles à la suite de l’emprisonnement des présidents des trois grandes centrales syndicales (FTQ, CSN et CEQ), et à la première grève générale pancanadienne, le 14 octobre 1976, contre la loi C-73 de gel des salaires et des prix adoptée l’année précédente par le gouvernement libéral fédéral de Pierre-Elliott Trudeau.

Dans la seule jeune Université du Québec à Montréal, on avait connu un nombre impressionnant de grèves depuis l’ouverture de l’université en 1969 : grève d’une semaine du Syndicat des employés de soutien (SEUQAM) en avril 1971 pour la négociation d’une première convention collective; grève de deux semaines et demie du Syndicat des professeurs (SPUQ) en octobre 1971 pour la négociation d’une première convention collective; grève générale de cinq semaines du Comité d’organisation provisoire des étudiants (COPE), du 25 janvier au 2 mars 1973, pour qu’aucun étudiant ne soit expulsé ou empêché de s’inscrire à cause d’arrérages de droits de scolarité impayés et pour la reconnaissance du droit de négocier les modalités de remboursement de ces arrérages sur une base collective et non individuelle; grève de six semaines du SEUQAM en mars-avril 1976 pour le renouvellement de la convention collective; grève de quatre mois (123 jours) du SPUQ, du 17 octobre 1976 au 17 février 1977, pour le renouvellement de la convention collective. Après la grève de six semaines des étudiants de science économique en février-mars 1978, ce fut au tour des chargés de cours, dont le syndicat a été accrédité en février 1978, de recourir à une grève qui a duré près de deux mois à la session d’hiver 1979, au terme de laquelle une première convention collective a été imposée par voie d’arbitrage.

Au début de l’UQAM, et au cours de ses trente premières années d’existence, son organisation interne était fondée sur une double structure, départementale-modulaire. Le département regroupait (et regroupe toujours) un ensemble de professeurs selon leur appartenance à une discipline, alors que le module regroupait les étudiants inscrits dans un programme d’études de premier cycle (baccalauréat ou certificat). Les programmes de 2e et 3e cycles (maîtrise et doctorat) relevaient des départements. Il n’y avait pas de correspondance biunivoque entre département et module. Au cours des premières années, à une vingtaine de départements correspondaient une trentaine de modules qui commandaient leurs cours, selon leurs besoins, à divers départements. En théorie, les modules étaient autonomes face aux départements, même dans les cas où, comme en économie, le module entretenait l’essentiel de ses rapports avec un seul vis-à-vis départemental dont il commandait la quasi-totalité de ses cours.

Les départements étaient (et sont toujours) des entités dont les assemblées, ne regroupant que les professeurs membres, sont souveraines sur un ensemble de questions, comme l’embauche des professeurs, la répartition des tâches, l’évaluation et l’acquisition de la permanence, tel que stipulé dans les conventions collectives successives signées entre le SPUQ et l’UQAM. Mais les départements n’avaient officiellement aucun pouvoir direct sur la détermination des programmes de 1er cycle, qui relevaient des modules. Ils avaient par contre le pouvoir d’intervenir sur leur contenu par l’intermédiaire de leurs représentants au Conseil de module, un organisme où il était prévu qu’étudiants du module et professeurs de divers départements siègent en nombre égal (au moins 3 et au plus 6); s’ajoutaient des personnes extérieures à l’Université dont le nombre devait être inférieur ou égal au quart du nombre total de professeurs et d’étudiants. Les modules étaient regroupés au sein de familles (arts, formation des maîtres, lettres et communications, sciences, sciences économiques et administratives, sciences humaines), mais les départements étaient des entités indépendantes. Pour combler cet isolement, une structure informelle a été mise sur pied, celle du secteur, regroupant départements et modules d’un même champ d’intérêt. Après trois décennies de fonctionnement selon ces modalités, on a amorcé, en 1997-1998, un processus de liquidation des modules et de rapatriement des programmes de 1er cycle par les départements, au terme duquel secteurs et familles ont fini par être remplacés par les actuelles facultés.

Indépendamment de ces structures qui ont évolué au cours des décennies, il est important de mentionner qu’à l’UQAM, l’économie a été conçue d’entrée de jeu, non pas comme faisant partie des sciences sociales ou des sciences humaines, mais comme étant associée aux sciences administratives. C’est ainsi que, lors de la création de l’Université en 1969, non seulement l’économie a été rattachée aux sciences administratives, mais elle n’avait même pas d’existence au sein d’un département autonome. Au cours de la première année de l’université, en 1969-1970, elle a été fondue organiquement avec l’administration au sein d’un même département, le département « administration-économique ». Fort heureusement toutefois, dès l’année suivante, on mettait un terme à cette symbiose contre nature en formant deux départements distincts, d’administration et d’économie [2]. Mais le tronc commun des cours obligatoires du nouveau programme d’économie [3] n’en conservait pas moins toutes les marques de l’ancien programme.



[1] Cette grève « dormait » paisiblement dans les archives et dans les souvenirs personnels de ses acteurs, dont les miens, jusqu’à ce que, dans la foulée du printemps érable de 2012, deux étudiants, dans un intervalle de quelques semaines à l’hiver 2013, me fassent successivement part de leur intérêt pour cette grève et me demandent d’en témoigner. L’obligation face à laquelle je me suis trouvé de me replonger dans mes archives et dans ma mémoire m’a amené à me demander si je ne devais pas, en tant que témoin et acteur de ces événements, en écrire le compte rendu. Ayant toujours regretté que cette histoire riche d’enseignements n’ait pas été écrite et qu’elle était ainsi condamnée à sombrer dans l’oubli, j’ai décidé de m’y investir, avec le double objectif de préserver la mémoire des faits et de rendre hommage à leurs acteurs. Je remercie ceux et celles qui m’ont apporté leur appui dans la réalisation de cette tâche, en particulier Monique Audet et Louis Simard qui étaient étudiants en économie dans les années 1970 et qui ont participé activement aux événements qui ont marqué cette décennie.

[2] Les dénominations « économie », « économique », « science économique » et « sciences économiques » ont été tour à tour utilisées au cours des années pour désigner le département et le module. Elles sont utilisées indifféremment dans le présent texte qui ne se donne pas pour tâche de relater l’histoire de ces changements. 

[3] Ces cours étaient : Analyse micro-économique, Analyse macro-économique, Principes d’administration, Comptabilité, Méthodes quantitatives, Informatique et deux cours de Techniques d’optimisation.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 1 octobre 2014 15:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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